Jackson

Vingt et une heure et quelque. J'étais tranquillement assis dans le salon lorsque j'eus soudainement faim. A cette heure là, je pouvais toujours espérer que quelques chips trainaient quelque part dans la cuisine. Je me levai, non sans difficulté, du canapé où j'avais posé mon cul une heure plus tôt, pour me rendre dans la cuisine. En poussant la porte de celle-ci, j'eus la surprise d'y découvrir Jackson, assis sur un tabouret haut, en train de boire ce qui semblait être du soda, ou un truc dans le genre. Il tombait très bien, le blond, car j'avais justement deux trois mots à lui dire. Il n'avait pas vu la porte s'ouvrir, ce qui me permis de faire un pas en arrière pour fermer celle-ci et ainsi sortir de la pièce. Mon entrée n'avait selon moi pas été assez "remarquable", je devais donc la recommencer en y mettant un peu plus d'énergie. Je poussai alors brusquement la porte, celle-ci venant se cogner violemment contre le mur, et entrai dans la cuisine d'un pas décidé et énergique. « HEY SALUT CONNARD ! » Je m'approchai alors de lui, lui tapant violemment dans le dos ce qui lui fis cracher ce qu'il avait dans la bouche, à savoir un liquide sur lequel je ne pouvais mettre de nom. Il avait été surprise ? Oula, il n'avait encore rien vu. L'heure des explications avait sonné, et ça n'allait pas être beau à voir.

Parait-il qu'on ne peut jamais être tranquille cinq minutes dans ce foutu château. C'était en tout cas les bruits qui couraient. Oh mais attendez, ces fameux bruits, c'était Jackson qui les avait initialement fait courir. Parce qu'il avait été l'un des premiers chanceux - ou malchanceux, disons - à avoir fait un tel constat. Car, c'était un fait : impossible d'être tranquille à un quelconque moment de la journée en ces lieux. Bon d'accord, il y avait effectivement de rares exceptions. Mais tellement rares qu'elles ne valaient même pas la peine d'être citées, en fait. Ainsi donc, il partait du principe que, qu'importe l'endroit où il serait et l'heure qu'afficherait sa montre, on allait nécessairement le déranger. Parano sur les bords ? A n'en point douter. Mais qu'importe, il n'avait pas pour autant l'impression d'être un illuminé. Mais si telle était votre opinion au sujet de Jackson, voyez un peu ce qui suivit le moment où ce dernier entra dans la cuisine, dans la simple optique de boire un soda. Le grand blond avait grimpé sur un tabouret haut, dos à la porte. Au fond de lui, il savait que ce sentiment de sérénité qu'il ressentait agréablement ne durerait point. Quelqu'un allait venir le déranger, il le sentait. Pour autant, et malgré son extrême méfiance, il ne put s'empêcher de sursauter comme un malade lorsqu'un abruti profond débarqua subitement. Merde, il n'aurait pas pensé qu'une intrusion serait si rapide. Rebord battu par ... Ruben. Oh putain. Pas lui, pitié. N'importe qui, mais pas lui. Jackson faisait des efforts, de gros efforts même, pour tenter de supporter la majorité de ses camarades. Mais avec Ruben, c'était bien impossible. Parce que le simple fait de le savoir dans la même pièce que lui avait tendance à lui donner la nausée. Comme maintenant. Visiblement non content de lui avoir fichu la trouille du siècle, Ruben se montra encore plus crétin et vint lui taper violemment dans le dos, si bien que Jackson recracha ce qu'il avait dans la bouche. Et voilà comment tâcher un comptoir et un t-shirt. Le con. « Aucune amélioration te concernant, visiblement » soupira Jackson, qui se leva pour aller chercher du sopalin. Il fallait bien que quelqu'un nettoie les conneries du singe. Quand soudain, un détail lui revint en tête. En le saluant, Ruben avait usé du mot « connard. » Et bien qu'il n'était pas habituel que Jackson se voit traiter de la sorte, il se demandait très sérieusement pourquoi Ruben s'adressait à lui de cette manière à cet instant précis. C'était louche. « En quel honneur cette insulte ? » demanda-t-il alors, sur un ton des plus neutres. Entre nous, il se fichait pas mal d'être traité de connard, surtout par Ruben. Pour autant, vu que celui-ci semblait remonté, il ne se gênerait pas pour tenter d'en savoir plus.

Mon entrée dans la cuisine n'était pas restée sans conséquences... pour le t-shirt du blond, comme pour le comptoir sur lequel celui-ci était accoudé. Il était vrai que j'avais peut-être été un peu brutal avec le jeune homme, en lui tapant avec force dans le dos après l'avoir traité de connard comme on dirait bonjour à la boulangère, un sourire hypocrite aux lèvres. Le "connard", par contre, était tout ce qu'il y avait de plus sincère. C'était ce que Jackson était à mes yeux, un misérable connard, et ce pour bien des raisons. Mais c'était une raison bien particulière qui m'avait poussé à le traiter comme tel aujourd'hui. Il nous faudrait éclaircir certaines petites choses. « Aucune amélioration te concernant, visiblement » Le pauvre garçon venait de recracher tout ce qu'il avait eut dans le bouche. Résultat, il s'était tout dégueulassé et le comptoir en prime. Beau boulot Ruben. Il avait un jour essuyé sa face de blond sur mon t-shirt Mr Bubble, alors aujourd'hui vengeance était faite. « Si tu le dis. » J'aurais pu lui balancer que je n'en avais rien à foutre, que je ne cherchais aucunement à m'améliorer, mais c'était l'exact contraire de mes réelles intentions dans ce nid. M'améliorer, devenir meilleur, c'était ce que je voulais par dessus tout. Alors bon Jackson pouvait bien penser ce qui lui plaisait, ça n'importait pas à mes yeux. « En quel honneur cette insulte ? » Nous y voilà. Je savais que monsieur chercherait à comprendre pourquoi je l'avais insulté en entrant dans la pièce. Il s'était peut-être senti offensé, allez savoir. « Vois-tu, y'a quelque chose qui me chiffonne, non, qui me reste littéralement en travers de la gorge mec. Et on va en parler ici, maintenant, tout de suite... et si possible sans perdre notre sang-froid. » Je ne promettais rien, car j'allais bientôt m'aventurer sur un sujet assez délicat. Plus délicat pour moi que pour lui, mais j'avais aussi de quoi le foutre en rogne à tout moment s'il ne se tenait pas tranquille. Je ne parlais peut être pas à grand monde dans ce nid, mais j'en avais appris des belles sur les agissements du garçon. Un agissement en particulier m'avait plus que jamais offusqué. Et c'était la raison pour laquelle nous allions devoir nous expliquer. « Pour que tu vois un peu de quoi est-ce que je cause... si je te dis piscine, fornication, Moore... Tu y vois plus clair ? » Je faisais en effet référence à sa petite partie de jambes en l'air avec Moore, dans la piscine. Cela s'était passé il y a plusieurs jours maintenant, mais je ne parvenais toujours pas à l'accepter. Comment Moore avait-elle pu se laisser "séduire" par un type dans son genre ? Ce que j'attendais de lui, maintenant, c'était qu'il me dise pourquoi il avait fait ça. Ce n'était pas le fait qu'il décide de prendre son pied dans la piscine qui m'avait horrifié, non, c'était le fait qu'il ait fait ça avec Moore. Okay, il ne savait pas à quel point je tenais à elle, encore moins à l'époque. Mais merde, quoi, y'avait des choses que je pouvais pas supporter. C'était dégueulasse, irrespectueux... Bref, je tolérais pas ça.

Une entrée fracassante. Oui, c'en était clairement une. D'ailleurs, Jackson en était encore tout essoufflé. La main portée sur le cœur, il tentait tant bien que mal de nettoyer les bêtises de son imbécile de camarade. Putain, il en avait foutu partout de son soda par sa faute. Vraiment, tout allait bien mieux dans le monde de Jackson quand Ruben n'était pas là. C'est bien simple, il ne pouvait s'empêcher de lui courir sur le haricot. Et ça n'était jamais une bonne chose d'être dans le collimateur de Jackson. Car tôt ou tard, ça se payait. Et ça se payait très cher. Ainsi donc, si Ruben l'avait précédemment traité de « connard », c'était parce qu'il lui reprochait quelque chose. Oui, mais quoi ? En fait, Jackson n'en avait rien à foutre. A force de se voir reprocher mille et une choses, il était un peu habitué vous comprenez. Mais du point de vue de Ruben, cela semblait grave, voire dramatique. Oh la la, mais de quoi s'agissait-il ? Il ne pouvait attendre de le savoir plus longtemps. Un sourire amusé étira les lèvres du grand blond suite aux paroles de son camarade. Il resta muet, dans un premier temps. Il le faisait rire, c'était un fait. Et pourtant, il n'était clairement pas aisé d'amuser Jackson. Ah ça non. « Ah, tu veux jouer aux devinettes, c'est ça ? » fit-il, constatant que son camarade était visiblement d'humour joueuse. Piscine, fornication, Moore ... Non, ça ne lui disait trop rien. « Franchement, j'ignore où tu veux en venir. Aucun de ces mots ne m'évoque quoi que ce soit. » Ou comment se foutre clairement de sa gueule. Ça, il ne s'en lasserait jamais. Plus sérieusement, si Ruben n'avait rien de mieux à faire que de jouer à ce petit jeu, c'était désolant. Après quelques instants, Jackson croisa les bras sur son torse et planta son regard dans celui de son camarade, tout en restant infiniment détendu. Ça n'était pas comme si il avait quoi que ce soit à se reprocher, de toute manière. « Ce suspense va me tuer. Pitié, crache le morceau. » On ne pouvait faire plus ironique, pour le coup. Mais c'est surtout qu'il n'en avait tout simplement rien à foutre de Ruben et de ses états d'âme. Voilà.

Jackson avait semble-t-il une fois encore décidé de me faire sortir de mes gonds. Je crois bien qu'il était le seul, en ces lieux, à véritablement avoir le don de me pousser à bout. Il fallait dire aussi qu'il était particulièrement agaçant, que ce soit dans sa façon de parler, ou dans sa façon de se comporter. J'ignorais si il se comportait comme ça avec les autres candidats aussi, j'espérais pour eux que non. « Ah, tu veux jouer aux devinettes, c'est ça ? » La stupidité de Jackson ne tarda pas à refaire surface. J'avais souhaité avoir une conversation claire avec lui, concernant quelque chose qui m'avait fait chier, mais c'était tout simplement impossible de parler avec lui sans qu'il n'en fasse des tonnes, et sans qu'il ne joue aux gamins attardés. « Heu j'y tiens pas forcément en fait. J'ai pas envie de rire, non plus. » La situation ne s'y prêtait pas, selon moi. Il n'y avait rien de drôle là dedans, même si Jackson semblait beaucoup s'amuser. De toute manière dès qu'on essayait d'être sérieux avec lui, il jouait au con. « Franchement, j'ignore où tu veux en venir. Aucun de ces mots ne m'évoque quoi que ce soit. » C'était pourtant très équivoque. Il se foutait de ma gueule, voilà tout. C'était ce qu'il semblait faire de mieux. A force je savais comment le prendre, comment saisir chacune de ses phrases. Je n'en étais pas moins exaspéré avec le temps, mais disons que j'avais déjà moins envie de le frapper. « Sans déconner ! Aucun de ses mots ne te dit quelque chose, vraiment aucun ? Moi c'que j'en dis c'est que tu prends plaisir à te foutre de moi. Pourtant je t'assure que je suis on ne peut plus sérieux. Je ne suis pas là pour plaisanter, loin de là. » Ah il voulait jouer, hein ? Dommage, moi je n'en avais pas la moindre envie. Passer pour un con, ça allait bien deux minutes, mais j'avais une crédibilité à préserver moi dans tout ça. Au risque de passer pour le mec hyper jaloux, je ne lâchais pas l'affaire. « Ce suspense va me tuer. Pitié, crache le morceau. » Il voulait que je crache le morceau ? Que je lui dise haut, fort et clairement ce que je lui reprochais, là, tout de suite ? Dans ce cas, je passais à l'attaque. « Tu t'es comporté comme un idiot sans nom ! T'avais rien d'autre à foutre que de t'envoyer en l'air dans la piscine ? Qui plus est avec Moore ? Tu crois qu'elle a besoin de ça sérieux ? ARRÊTE DE PENSER AVEC TA BITE ET RÉFLÉCHIS DEUX SECONDES ! MERDE ! » C'est pas que je craignais qu'il lui ait refilé une MST ou un truc dans le genre, mais surtout que je ne voulais pas que Moore se fasse avoir par un type comme lui. Bien sur elle faisait ce qu'elle voulait, mais ça me rendait malade qu'elle puisse forniquer avec un type comme Jackson, pendant que de mon côté je ramais pour exister à ses yeux. On ne jouait pas dans la même cour, visiblement. « Je te conseille quand même de ne pas me mettre hors de moi. Pas aujourd'hui Jacko. Ou alors on peut parler de Gabi si tu veux. Y'a matière à en parler, tu sais... Alors ? On ouvre le dossier Gabi ? » Je le cherchais, oui, sans doute. Mais ça crevait les yeux, Jackson était raide dingue de la belle rousse. Autant que j'étais raide dingue de Moore. La différence reposait dans le fait que contrairement à moi, il ne l'avouerait jamais directement à Gabrielle. Il avait pas les couilles pour ça.

L'heure était grave, les enfants. Car Ruben semblait terriblement remonté contre Jackson qui, en toute honnêteté, n'en avait pas grand chose à foutre. Ça le faisait même doucement sourire que son camarade se montre si déterminé à lui faire avouer quelque chose qu'il savait visiblement déjà. Autant vous dire qu'il était assez compliqué pour Jackson de se retenir de rire au présent moment. Car il était comme ça, du genre à rire alors que la situation n'est pas censée s'y prêter, et à garder un visage fermé alors que tout le monde serait tenté de rire. Jackson aimait faire chier son monde, et faire le contraire de ce que faisaient les autres. Ouais, il était comme ça. Ainsi donc, une envie irrésistible de rire de cette situation le démangeait, mais il parvint à se contenir malgré tout. Tout simplement parce qu'il souhaitait voir comment les choses allaient tourner. Par contre, si tout cela devenait bel et bien ridicule - ou plus ridicule qu'à présent en tout cas - il ne pourrait se retenir bien longtemps, c'est certain. « Effectivement, je me fout de toi. Mais est-ce que je prends plaisir à le faire ... » Il marqua une pause, faisant mine de réfléchir un instant. Alors qu'en fait, la réponse était déjà toute trouvée. « ... Plutôt, oui. » Ruben venait de lui faire une belle frayeur, de tâcher son t-shirt et de lui démonter le dos, alors c'était la moindre des choses que Jackson se paye sa tête. Et puis s'il n'était pas content, il pouvait tout aussi bien se casser, personne ne le retenait ici. Mais alors que Jackson se demandait sérieusement s'il comptait au moins lui cracher le morceau avant Noël prochain, son camarade se décida à énoncer très clairement le problème. C'était donc de Moore dont il s'agissait. Ah bon ? Oh, Jackson ne s'en serait jamais douté. Ah non, jamais. « Calme-toi, c'est pas la peine de nous faire une syncope » lança Jackson, constatant l'état de Ruben. Qu'il pète un coup bon sang, il était tout rouge. « Je suis censé te dire quoi, là ? Que je regrette de m'être tapée Moore ? » Sait-on jamais que ça l'incite à virer son cul hors de cette cuisine, hein. Jackson observa un instant son camarade, qui semblait véritablement atteint par cette histoire dans la piscine. « Je te rappelle juste que je n'étais pas tout seul. J'en ai rien à foutre de ce qu'elle a pu te dire, ou ne pas te dire, en fait ... Mais tu sembles oublier qu'elle était toute aussi présente que moi dans cette piscine, et particulièrement consentante. Alors tu serais gentil de ne pas me faire passer pour je-ne-sais-quoi alors que ta copine était tout ce qu'il y a de plus partante. » Non, contrairement aux apparences, Jackson ne cherchait pas à provoquer Ruben, pour une fois. Sa seule intention était de rétablir la vérité. Parce que, soyons clairs, il n'avait abuser de personne ni profiter d'une quelconque naïveté. Soudain, Ruben eut quelques paroles qui firent arquer un sourcil à Jackson. « C'est censé être l'arme absolue, c'est ça ? » le questionna-t-il, sur un ton tout à fait neutre. « Tu fais ce que tu veux, pour ce que j'en ai à foutre ... » Tout cela était grotesque. Il se retrouvait à rendre des comptes à un parfait abruti, tout cela parce qu'il avait eu le malheur de batifoler avec une certaine Moore dans la piscine. Vraiment, c'était grotesque. Quant au reste, et bien, qu'il ouvre le dossier s'il le voulait ... On était plus à une absurdité près, hein.

Jackson et Moore, crac-crac boum-boum, piscine... Une image horrifique s'offrait alors à moi, une image dont je voulais à tout prix me débarrasser et vite, mais qui persistait encore et encore dans mon esprit. Allez un peu savoir quelles dégueulassités ils avaient faites dans l'eau, ces deux là... Je ne préférais même pas le savoir. Alors que j'avais remonté les bretelles de Jackson, qui ne semblait pas comprendre à quel point ça m'emmerdait de savoir qu'il avait fait de Moore une conquête de plus, celui-ci cru bon de me préciser qu'après tout, celle-ci avait été tout à fait consentante, et qu'elle avait cherché autant que lui ce qui s'était passé ce jour-là entre eux. Qu'est ce que j'en avais à foutre, que Moore le désirait autant que lui ? Honnêtement je me doutais bien qu'elle avait été consentante, qu'il n'y avait pas eu de viol ou quoi que ce soit. Mais Jackson avait selon moi profité de la faiblesse peu perceptible mais bel et bien présente de Moore. Peu de personnes savaient quelle fille elle était en réalité, j'étais l'un des seuls à qui elle s'était confiée ici. « J'en ai rien à faire. Consentante ou pas, personne ne t'as demandé d'assouvir tes pulsions. Et à titre d'info, Moore n'est pas ma copine et elle ne le sera jamais. » Jackson blablatait trop, et ne réfléchissait pas assez.

J'avais menacé Jackson de parler ouvertement de sa relation avec Gabrielle, relation qui se voulait plus qu'ambiguë et qui à mes yeux cachait bien des choses. Au moins du côté de Jackson. Ce n'était pas du chantage, pas du tout. A dire vrai j'avais de toute façon prévu d'aborder ce sujet avec lui. Si cela ne me concernait aucunement, j'avais quand même bien envie d'en savoir plus car j'appréciais Gabrielle, et également Jackson même si cela ne sautait pas aux yeux. Il n'avait pas mauvais fond ce garçon. A croire que Jackson se foutait pas mal que je parle de Gabrielle avec lui. Enfin, ça c'était ce qu'il voulait laisser paraitre. « Tu dis n'en avoir rien à foutre, permets-moi d'en douter. Ainsi donc tu n'en as rien à foutre de Gabi, c'est bien ça ? » Certes ce n'était pas ce qu'il avait prétendu. Mais le fait qu'il me dise qu'il n'en avait rien à faire que j'ouvre le dossier Gabi, pouvait porter à confusion et laisser ainsi croire qu'il s'en foutait aussi d'elle. Mais ça, nous savions tous les deux que ce n'était pas du tout le cas. Au moins en affirmant quelque chose qui n'était jamais sortie de sa bouche, j'allais assurément avoir une réaction de sa part. C'était tout ce que j'attendais.

Oui, bon sang, Jackson avait couché avec Moore. Dans la piscine. Il y a de cela presque deux semaines. Et alors ? Qu'est-ce que cela avait de si terrible ? Personne n'était mort, aux dernières nouvelles. Alors pourquoi en faire un tel drame ? Ce Ruben devait être terriblement jaloux pour réagir d'une telle manière. Ou tout simplement idiot. Roh, les deux probablement. Quoi qu'il en soit, Ruben avait bel et bien la rage et c'était Jackson qui en faisait présentement les frais. A l'entendre, cet évènement était une véritablement catastrophe. Qu'il se décoince un peu, merde. « Si, en quelques sortes, elle me l'a demandé » fit-il, l'air de rien, suite aux paroles de son camarade. Bah oui, Jackson n'aurait jamais fait ce qu'il avait fait avec Moore si cette dernière ne l'avait pas voulu elle aussi. Logique. « Quant au fait qu'elle soit ou non ta copine, je n'en sais rien. Je ne sais pas où vous en êtes tous les deux - c'est tellement compliqué vos histoires - et franchement je m'en fout pas mal. » Ça, c'était dit. Que Moore soit sa "copine" ou non, les faits étaient les mêmes, et Ruben réagissait excessivement. C'était de mode ces temps-ci.

Horreur, malheur. Ruben mettait ses menaces à exécution. Il évoquait Gabrielle. Que devait faire Jackson ? Fuir tant que son cœur le lui permettait encore ? Sans doute. Pour autant, il resta là, et bien là. Parce qu'il était mine de rien plutôt curieux d'entendre ce que son camarade avait à dire à ce sujet. Le connaissant, ce serait très probablement un flux incessant de conneries, m'enfin, si ça pouvait le divertir un minimum, c'était déjà ça. Ainsi donc, il ne fallut que quelques minutes à Ruben pour entrer directement dans le vif du sujet. Okay, il ne perdait pas de temps. Jackson posa alors son regard sur lui, histoire de prendre un air un peu intéressé. C'était mal parti, mais il ferait malgré tout un effort. Sérieusement. Dès les premières paroles de son camarade, Jackson ne put s'empêcher de pousser un soupire. Ça commençait mal, s'il déformait ses propos dès le départ. « Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Je n'en ai rien à foutre que tu veuilles évoquer le sujet, c'est tout. » Au moins, maintenant, il ferait attention à ce qu'il disait. Parce que Ruben était bien capable de comprendre tout autre chose que le sens initial de ses paroles, alors autant se méfier.

Bientôt Jackson allait faire passer Moore pour je ne sais quel type de fille. Il semblait vouloir se décharger de toute culpabilité, ne surtout pas passer pour un baiseur compulsif ce qu'il, très honnêtement, était pourtant tout à fait. Un mec dont les conquêtes ne se comptaient plus dans le nid l'était, non ? Siomha, Moore... quelle serait la prochaine à tomber dans les filets du blond ? Que faisait-il pour ainsi les attirer dans son lit ? C'était un grand mystère pour moi. « Elle te l'a demandé, elle te l'a demandé... Mouais. Excuse moi mais Moore avoir du désir pour... ça, toi, bref un grand blond dans ton genre, j'ai du mal à y croire quand même... » Loin de moi l'envie de me montrer méchant, blessant ou autre, j'exprimais juste ma façon de penser. Selon moi Moore n'avait pu avoir qu'un coup dans le nez ce jour-là, car Jackson n'était pas son type d'homme.

J'avais souhaité faire réagir le grand blond en affirmant ainsi quelque chose que lui même n'avait pas dit. Ce qu'il venait alors de me répondre me fit légèrement sourire. Pour moi, c'était bien la preuve que Jackson n'en avait pas rien à faire de Gabrielle. Ce qui le faisait chier, c'était juste que je parle d'elle avec lui. Il y avait selon moi un abcès à crever. « Donc tu avoues que tu ne t'en fous pas de Gabi. Tu lui portes donc de l'intérêt, ce qui confirme bien le fait qu'il y matière à en parler. » C'était évident que Jackson ne restait pas indifférent face aux charmes de Gabrielle. Seulement ça, il ne risquait pas de le reconnaitre de si tôt. Mais ce n'était pas grave, j'avais tout mon temps.

Décidément, Jackson allait finir par croire qu'il avait commis le péché du millénaire en couchant avec Moore. En même temps, les histoires de péchés, ça n'était clairement pas pour lui. Sinon, il y a bien longtemps qu'il aurait été persuadé d'aller tout droit en enfer. Le plus drôle dans cette histoire, c'était que Ruben semblait désormais le voir comme un séducteur sans scrupule, prêt à abuser de la naïveté de ces demoiselles pour quelques instants de plaisir. La blague. « Ça t'étonne, hein ? » fit-il, légèrement ironique. Si il cherchait à le blesser, ça serait bien vain. Ses critiques ne l'avaient jamais atteint, alors ça n'était certainement pas aujourd'hui que ça allait commencer. « N'essaye même pas, tu ne parviendras pas à me vexer. Si tu es jaloux à un tel point, fais plutôt en sorte d'être à ma place la prochaine fois. » Il hésita à ajouter que, dans le cas contraire, il ne serait absolument pas contre un renouvellement de cette expérience. Après tout, cela avait été particulièrement agréable, il n'irait jamais prétendre le contraire.

Quant au sujet "Gabrielle", que Ruben avait pris soin d'évoquer, Jackson avait comme l'impression qu'il aurait sous peu l'envie de se tirer d'ici. Le simple fait que Ruben se mêle de cette histoire lui donnait envie de lui gober les yeux. Ouais, carrément. Quant au fait qu'il semblait vouloir obtenir tel ou tel aveu croustillant de la part de Jackson ... Sans commentaire. « J'ai une question : qu'est-ce que ça peut bien te foutre ? » Jackson, ou l'art d'éluder les questions avec brio. Il était comme ça, et l'assumait. Quand il n'aimait pas une question, il n'y répondait pas. Tout simplement. Ruben le remarquerait probablement, mais il s'en fichait. Jusqu'à preuve du contraire, il était encore libre de faire ce qu'il voulait. Alors s'il ne voulait pas répondre à sa question, il n'y répondait pas. Et puis, la question qu'il venait de lui poser n'en était pas moins légitime, puisqu'il se demandait très sérieusement ce que tout cela pouvait lui faire, à Ruben.