Vous étiez-vous déjà réveillé avec une envie irrépressible de se dépenser d’une manière… Comment dire… Enfantine ? C’était mon cas aujourd’hui, la veille j’avais passé ma journée entière à broyer du noir après le départ de Lukas et j’avais trouvé un moyen de rigoler et de ne plus me prendre la tête pendant quelques heures. Je n’avais jamais été fan de la gymnastique et de l’acrosport en général pourtant j’étais très bon dans ce domaine, j’avais une souplesse quasiment parfaite même si je ne m’aventurais plus à faire le grand écart depuis ma dernière année de lycée. Bref, je m’étais réveillé plus tôt que d’habitude je m’étais donc préparé un putain de petit déjeuner pour qu’il me tienne au ventre toute la journée, de simples tartines beurrées accompagnées de deux fruits, d’un café et d’un bon verre de jus d’orange. Je n’avais de ce fait très peu de nourriture grasse ingérée. Prêt pour réaliser mon délire du jour je me dirigeais vers la sortie du château, il faisait excessivement chaud par rapport à la température qu’on était censé avoir à cette saison et c’était parfait. Sonny était d’ailleurs assis dans l’herbe en train de faire je ne sais quoi, je m’approchais avec un petit sourire, s’il n’était pas partant pour un truc dingue je voulais bien me faire curé. « Hey… T’étais fort en acrogym et tout au collège ? »

Quoi de mieux que de se poser un instant dans l’herbe, clope au bec et de fredonner tout ce qui nous vient en tête alors qu’un rayon de soleil berce le magnifique parc du château que nous offre la production ?! Voilà donc un bon résumé de la situation. « Roxanne, you don't have to put on the red light. Roxaaaaaaaaanne » Zut ! Ma gueule ! Je vois quelqu’un au loin se rapprocher de moi. Je me tais immédiatement et baisse la tête pour arracher de l’herbe comme si de rien n’était. Arracher de l’herbe, tout un art. Au fur et à mesure que le candidat s’approche je parviens à deviner son identité : Baptiste. Ouai, il est pas très grand le gamin et donc facilement reconnaissable. Il me pose alors une question à laquelle je ne m’attendais pas la moins du monde. Je m’étouffe presque à cause de ma clope. Il est sérieux là ? Oui, visiblement. « Je séchai toujours les cours de sport au collège. » Ma manière de répondre est froide mais pas pour autant agressive envers le blond. Simplement que ça ne me rappelle pas forcément de bons souvenirs. J’étais véritablement un cancre à cette époque là. La mauvaise qualité de l’établissement publique en étant la principale cause. « Pourquoi cette question ? » Mes sourcils s’arquent alors que mon regard se fige sur le candidat.

Je ne saurais dire d’où me venait cette subite envie de faire un peu de gymnastique surtout que j’étais loin d’être un mec qui kiffait ce genre d’activités et pourtant… Il y en a qui se levaient avec une envie de fumer alors qu’ils n’avaient jamais toucher à une seule clope de leur vie alors pourquoi pas se réveiller avec un désir intense de faire des galipettes, des roues et des trucs dans le genre ? De toute manière ma réputation n’était plus à faire dans ce château, après m’être déguisé en femme de ménage, avoir glissé des glaçons dans le décolleté d’Evey pendant notre petit cap pas cap avec Sixtine et les quelques délires un peu poussés avec Ruben et Artie je n’avais plus peur de surprendre mes camarades comme le public, c’était quasiment impossible. Bref, je me ramenais comme une fleur vers Sonny qui chantait Roxane, je n’étais pas un fan de The Police mais il fallait dire que l’interprétation semi assumée du jeune homme n’était pas désagréable. « Je séchai toujours les cours de sport au collège. » J’ai déjà connu Sonny plus agréable mais je ne lui en veux même pas, je n’ai pas l’habitude d’être susceptible après tout. « Pourquoi cette question ? » Je souris et me laisse tomber contre le sol, heureusement qu’on parle d’herbe sinon j’aurais mal au cul. « C’est simple… J’ai envie de gymnastique aujourd’hui… Tu m’accompagnes dans ma folie ? »

Je ne pense pas que Baptiste ait entendu mon petit concert en plein air. Je ne l’espère pas à vrai dire, car si je n’ai pas chanté horriblement faux, j’ai tout de même un minimum d’humilité. Quoi que je ne suis plus vraiment à ça prêt remarque. En tous les cas, sa question me surprend pas mal. Je me vois alors replongé dans mon adolescence à Bristol. Je donne une réponse abrupte mais véridique avant de m’interroger sur le pourquoi de cette question. « Je dois y voir là une proposition ?» Mes yeux s’écarquillent tandis qu’un rire franc et à la fois nerveux émane de ma bouche. Je ne pense pas que le jeune homme soit entrain de me draguer, mais en tout cas, ses propos sont affreusement maladroits. Si toutefois cela s’avère être une proposition, je la retiendrai. Car celle-là, on ne me l’avait jamais encore faite ! Ah ah ! « Non bon sérieux, tu veux jouer à saute mouton ou quoi ? » Un nouveau rire surpasse mon sarcasme. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’a le jeune homme derrière la tête et je dois avouer que cela m’inquiète un peu. Mais bon, je lui fais confiance, je suis prêt à le suivre, même dans sa folie. En attendant, je constate que ma cigarette s’est totalement consumée, je la balance donc un peu plus loin dans l’herbe avant de reposer mes yeux sur le blond.

Ma subite envie de faire de la gymnastique était loin d’être appréciée par mon camarade et je n’avais pas besoin que l’on me fasse un dessin pour le comprendre. En vérité je ne savais pas quoi faire pour justement me sentir bien, j’avais un besoin vital de faire le con, il n’y avait que de cette manière que je parvenais à me sentir mieux lorsque je n’avais pas trop le moral. Du coup, j’avais espéré pendant quelques minutes que Sonny accepterait de se joindre à moi mais à présent j’avais le doute. « Je dois y voir là une proposition ?» Son petit rire amusé et nerveux me mettait une fois de plus le doute, le fait d’être ouvertement bisexuel ne me servait pas vraiment puisque chaque petite remarque était prise à l’ambiguïté alors qu’il n’y en avait vraiment pas dans mes propos. Ce dernier ne s’était-il toujours par remis de la baffe que je lui avais mise sur les fesses quelques semaines auparavant ? « Une proposition à faire le fou oui… Pas à t’initier aux plaisirs homosexuels ! » Je préfère être clair bien que je le fasse sur le ton de l’ironie et de la plaisanterie. « Non bon sérieux, tu veux jouer à saute mouton ou quoi ? » Je ne peux retenir un petit rire parce que l’idée ne m’était vraiment pas passée par la tête, je pensais simplement à des roulades, des roues, des trucs dans le genre qui nous donnerait l’air con mais qui défoulait. « T’arrives à faire des roulades arrières ? »

Depuis le départ de Lukas j’ai constaté une baisse de moral chez Baptiste. Ça me parait normal. Les deux garçons étaient très proches. Il y avait quelque chose entre eux c’est certain. Maintenant, l’aveugle n’est pas mort, il s’est simplement fait éliminé. C’est assez déroutant dans une aventure comme celle-ci où les sentiments sont décuplés par dix, néanmoins, rien ne sert de déprimer. A la sortie, on reverra assurément Lukas. Mais Baptiste doit avoir besoin de se changer les idées. Je le conçois. Un petit rire s’échappe alors de ma bouche à la suite de la réponse du candidat. « Dans ce cas, considère moi comme partant. » Un sourire spontané se dresse sur mon visage tandis que ma main s’empare d’une nouvelle touffe d’herbe pour l’arracher. Je demande alors au candidat si son intention c’est de jouer à saute mouton d’un air sarcastique. A vrai dire, cela me parait tout à fait plausible. Le blondinet est un peu foufou dans sa tête. Il a toujours des idées farfelues. Cependant, je ne peux lui en vouloir. Ça me fait rire, tout simplement. Il me demande d’ailleurs si je serai capable d’effectuer des roulades arrières. Hum.. Je réfléchis durant quelques secondes avant de me redresser et d’effectuer ces quelques mouvements. Bon, ce n’est pas très glorieux mais le principal est que j’y sois arrivé. « Et toi, t’y arrives ? » Je m’installe à nouveau dans l’herbe fraiche tout en observant le jeune homme.