Parait-il que ces falaises étaient dangereuses. Dangereuses parce qu'elles étaient tout simplement hautes et qu'il était par conséquent particulièrement déconseillé de s'y pencher. Ainsi, l'on pourrait croire que Jackson était de ceux qui craignaient pour leur vie et évitaient au maximum de tenter le diable une fois montés là haut. Que nenni. Il aimait le danger, l'adrénaline, tout ça. Par conséquent, ça n'était pas l'altitude qui allait l'effrayer. Ah ça non. Alors perché en haut de ces majestueuses falaises, l'anglais regardait l'horizon. Une vue intéressante, selon lui. Une belle vue, tout simplement. Le vent le faisait tanguer légèrement, mais ses pieds bien ancrés aux sols lui garantissaient un excellent équilibre. Ainsi donc, pas de danger à l'horizon. A moins que quelqu'un se décide à le pousser, bien tendu. Et justement, le grand blond ne tarda pas à sentir une présence derrière lui. Il se retourna alors légèrement et dévisagea Sonny, un candidat qu'il connaissait relativement peu, pour ne pas dire pas du tout. Il reporta rapidement son attention sur la vue, restant silencieux quelques instants. Bon allez, il lui fallait dire quelque chose. Même n'importe quoi. Juste histoire de prouver qu'il pouvait se montrer moins insociable avec le temps. « Ça caille ce soir, ou c'est juste une impression ? » Roh écoutez, c'était mieux que rien. Et c'était surtout histoire d'avoir plus de temps pour trouver quelque chose d'un tant soit peu intéressant à dire. Sauf que là, maintenant, rien ne venait. Il continuait malgré tout de chercher. Si, si.

Jamais je n’aurai pensé célébrer mon anniversaire dans le jeu. Le 23 mars, j’aurai imaginé m’être fait éliminer et le fêter avec mes quelques amis à l’extérieur. Mais soit. Je ne peux qu’être ravi de passer cette fameuse journée au sein du château. Cette date compte beaucoup pour moi et pas uniquement car j’ai un an de plus. Elle est relative au recommencement. A une nouvelle vie suite à mon secret. Bref. J’ai décidé de me rendre en haut des falaises histoire de réfléchir à tout ça. J’ai besoin d’être seul et je sais que je le serai sur ses bouts rocheux. Ou pas. Jackson s’y trouve déjà, debout, face à la mer. Avec le vent soufflant assez fort, il n’a pas froid aux yeux. « T’étais pas inspiré pour trouver un sujet de conversation ou c’est juste une impression ? » Je le regarde avec un petit sourire en coin. Mon ton sarcastique n’est pas méchant. Je n’ai rien contre le blond. Simplement, j’estime qu’il aurait pu trouver un meilleur sujet de conversation que de parler de banalité comme la pluie et le beau temps. Enfin. « Mais pour répondre à ta question, ouai il caille. » J’aurai bien sacrifié mon blouson en fourrure pour le prêter au jeune homme mais il se trouve que j’ai terriblement froid moi aussi. Question de priorité.

Que penser de Sonny ? Pas grand chose. Tout simplement parce que Jackson ne le connaissait pas, ou que très peu. Ainsi donc, il était bien incapable de se faire une réelle opinion à son sujet. Mais peut être qu'aujourd'hui le lui permettrait. Car le dit jeune homme ne tarda pas à arriver jusqu'aux falaises à son tour. Alors qu'il était du genre à apprécier la solitude et à ne pas s'encombrer d'une conversation lorsqu'il n'en avait pas besoin, Jackson prit malgré tout la peine de s'adresser à son camarade. Hum, s'adresser ... Ouais, disons plutôt qu'il chercha quoi dire quelques instants avant de finalement lui sortir une phrase assez moisie. Excusez Jackson, c'est tout ce qui lui était venu sur le moment. Ainsi donc, il évoqua les températures, et plus précisément le froid de canards qui se ressentait à cet endroit sur-élevé où le vent commençait par ailleurs à souffler fort. Il ne fallut évidemment pas longtemps pour que Sonny souligne la médiocrité de l'intervention de Jackson, quoi qu'indirectement il est vrai. « Je crois que ça n'est pas qu'une impression, non » déclara alors Jackson. Parce qu'il fallait se rendre à l'évidence : cette phrase était pourrie. Même le grand blond était de cet avis, c'est vous dire. Finalement, Sonny lui confirma qu'il caillait. Sans blague. « Je me disais bien aussi ... » Au moins, il n'était pas fou ou n'avait aucun problème de thyroïde. C'était déjà ça. Quelques minutes passèrent, laissant s'installer un bref silence. Puis, Jackson se décida à reprendre la parole. Allez, cette fois-ci, il allait faire un effort. Parce qu'une intervention moisie, ça va. Mais deux, ça commencerait à faire beaucoup. « Dis-moi que tu n'es pas venu te jeter des falaises » lança-t-il alors. Hum, sans commentaire. Bon, comprenez Jackson, il estimait que si quelqu'un prenait la peine de grimper jusqu'ici puis de rester malgré le fait qu'il soit dans les parages, c'était bien pour cette raison. Dans tous les cas, Sonny était suicidaire. Eh oui.

Debout, en haut des falaises, face à la mer, je me rends compte que je ne connais pas du tout Jackson. Je sais de lui qu’il a un caractère bien trempé, qu’il a baisé Siomha, qu’il est très proche de Gabrielle et qu’il déteste Ruben. Voilà. Je serais incapable de décrire la vie du blond outre le jeu. Bizarrement, je l’imagine dentiste, vivant seul dans un appartement avec son chien, mordu de musculation et enchainant les conquêtes d’un soir. J’ai probablement tout faux. J’en sais rien. En tous les cas, trouver un sujet de conversation avec quelqu’un qu’on ne connait pas n’est pas chose facile. Pourtant, le jeune homme me paraît sympathique. Je vois bien qu’il faut des efforts pour converser avec moi. Bon, ce n’est toujours pas ça, mais au moins il a le don de me faire sourire. « Le jour de mes vingt-trois ans ?! Quelle tragédie ! » Je fronce faussement les sourcils alors qu’un sourire en coin se dessine sur mon visage. Je n’arrive pas à garder mon air outré bien longtemps. Parler suicide ne me dérange nullement. Je préfère prendre ça à la dérision. Je trouve cet acte pitoyable et lâche. Aucune pitié donc pour ceux qui mettent fin à leur jours ainsi. Regardez-moi, ma vie n’aura toujours été qu’un ramassis de merde dont mes années passées en prison, et je suis toujours là pour autant. Assez épanoui. Bref. Je sors de ma poche droite mon paquet de clope ainsi qu’un briquet. J’en prends une et en tends une autre vers le candidat. « Clope ? » C’est mon anniversaire alors je peux bien faire ce sacrifice. Je ne sais pas tellement si le blond acceptera mon présent. Peu importe. Suite à cela, gros blanc. Je suis obnubilé par la mer et le bruit des vagues. Il y a maintenant fort à parier que le blond brise le silence et me parle de mon secret, fraichement découvert tiens.

hj : désolé pour l'attente.

Veuillez noter que Jackson faisait là un effort conséquent. Il avait engagé la discussion avec son camarade, fraichement arrivé sur les falaises, et continuait de converser avec celui-ci. Et tout ça, sans avoir nécessairement envie de partir en courant ou de se jeter dans le vide. Tenez, en parlant de ça, Jackson avait émis l'hypothèse que si son camarade se trouvait ici en ce jour, c'était peut être pour mettre fin à ses jours. Après tout, il n'était pas exclu que d'autres suicidaires séjournent dans ce château. Ainsi, peut être que Sonny prévoyait simplement de faire le saut de l'ange en ce jour. Mais visiblement, et selon les dires de ce dernier, ça n'était aucunement le cas. Ah bon. Et même, il avança un argument choc : aujourd'hui était le jour de son anniversaire. Et attention, scoop en perspective : Sonny avait en ce jour vingt trois piges. Jackson porta immédiatement son attention sur son camarade. « Oh » fit-il. Bon allez, il pouvait bien le lui dire. Sans doute cela ne le tuerait pas, ou du moins, pas dans l'immédiat. « ... Joyeux anniversaire, alors » reprit-il. Ah bah voilà, il l'avait fait. Parce que souhaiter un joyeux anniversaire n'était pas chose courante chez lui. Sans doute parce qu'à part à son reflet dans le miroir, il était bien rare qu'il ait quelqu'un à qui s'adresser, hm. « Bon, histoire de rééquilibrer un peu les choses ... Sache que tu fais plus que ton âge. » Voilà qui était dit. Un fin sourire s'étendit alors sur les lèvres de Jackson. Habituellement, il cherchait à être particulièrement désagréable, surtout avec les gens qu'il ne connaissait pas et qui ne le connaissaient pas, histoire de leur faire une bien mauvaise première impression. Mais ici, il avait dit cela plus sur le ton de l'humour, bien que ça pouvait paraitre difficilement reconnaissable. Par la suite, Jackson se rendit compte que Sonny sortit son paquet de cigarettes, et ne tarda pas à le lui en proposer. Oh, misère. « Non, merci. J'évite de fumer » fit alors le grand blond. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il ne fumait jamais. Mais disons qu'il évitait autant que possible. Voilà, c'est ça. Par la suite, Jackson ne tarda pas à reprendre la parole, parce que le silence était parfois un peu pesant. « C'est toi qui as fait de la prison, non ? » Attendez, si il s'appelait bien Sonny, c'est que c'était probablement lui, effectivement.