Keelan

Un vrai petit curieux, voilà ce que j'étais. Toujours envieux de découvrir de nouvelles choses, et ce depuis mon plus jeune âge. Un vrai casse-cou également, car nombreuses avaient été les fois où je m'étais aventuré là où je n'aurais pas dû le faire, juste pour me prouver quelque chose à moi-même, ou pour épater ces parents qui ne s'étaient jamais réellement préoccupé de moi. C'était peut-être ce qui expliquait, aujourd'hui, ce constant besoin d'attirer toute l'attention sur moi. Un besoin maladif, celui-ci. Il y avait semble-t-il, dans ce château, quelques endroits obscures et limite flippants où beaucoup craignaient de mettre un pied. Mais je n'étais pas de ceux qui prenaient leurs jambes à leur cou quand la lumière était réduite ou lorsque des bruits suspects se faisaient entendre. Les cachots, par exemple ; ils faisaient un peu partie du mythe de ce bon vieux château, et je rêvais de m'y rendre depuis mon arrivée dans cette aventure, il y a deux jours. Voilà pourquoi j'étais descendu au sous-sol, avais poussé sans grande difficulté une énorme porte en bois qui s'était présentée à moi et m'étais par la suite retrouvé dans un long couloir humide où se voulaient alignées quelques cellules parées de grilles toutes rouillées. Bizarre comme ambiance, mais j'aimais ça. J'entendis soudainement des pas derrière moi, comme si quelqu'un tentait de me prendre par surprise en arrivant à pas de loups. Je me tournai alors subitement, avant de tomber nez à nez avec un type, là, c'était quoi son nom déjà ? Oh et puis rien à foutre. « C'est les autres qui t'envoient ? Leur trip c'est quoi, enfermer celui qui leur fait de l'ombre et le laisser crever dans une cellule ? » Je savais que je n'avais pas fait très bonne impression auprès de tous, et je m'en moquais par ailleurs. « Ton regard m'fait flipper. T'es qui au fait ? » Si ça se trouve, c'était le gardien de ces cachots. Ou un candidat comme un autre. Sa tronche me laissait quand même perplexe.

La première semaine serait celle de l'exploration. Il y avait tant à découvrir dans ce château. Le domaine était immense. Ils n'avaient pas lésiné sur les moyens. Bon par contre, la déco était à chier. Vous ne croyez pas qu'ils auraient pu faire appel aux services d'un décorateur digne de ce nom ? Parce que vraiment là...C'était d'un mauvais goût terrible. Mais soit. J'allais devoir me faire à ce nouvel environnement. Pas non plus ce que j'avais eu de plus compliqué à faire dans ma vie. Je décidai de me rendre au sous-sol pour visiter un peu les lieux. Et là...quelle surprise de tomber sur des cachots ! Sérieusement ? Remarquez, c'était un château, donc après tout ça n'était pas si surprenant que ça. Mais quand même. C'était un peu glauque non ? Instantanément, cela me renvoya à des souvenirs...Certains que je préférerais oublier. Fort heureusement, un candidat me tira de mes songes. L'allemand qui avait fait grand bruit lors du prime. Le genre de mec à vouloir attirer toute la lumière pour lui. Conclusion : le genre de mec que je ne pouvais pas me piffer. « C'est les autres qui t'envoient ? Leur trip c'est quoi, enfermer celui qui leur fait de l'ombre et le laisser crever dans une cellule ? » Un sourire s'étira sur mes lèvres. « Ton regard m'fait flipper. T'es qui au fait ? » Mon regard le faisait flipper ? Tss, j'avais le plus beau regard de tous ces idiots réunis.  « Ton geôlier. Le mec qui est venu t'enfermer et te laisser crever dans une cellule. » dis je pour reprendre ses mots.  « Tu préfères laquelle ? Je te laisse le choix. » N'étais je pas adorable?

Au fond je n'aurais peut-être pas du m'aventurer dans un endroit comme les cachots, ce soir. Mais oui j'aurais pu y rencontrer absolument n'importe qui, car c'était tout de même un lieu des plus lubugres et glauques. Un lieu qui était toutefois loin, bien loin de m'effrayer. Seulement j'aurais encore préféré ne pas tomber sur ce type, là, avec des yeux bleus à vous en crever les rétines. Il aurait pu être beau d'ailleurs... oh oui il aurait pu. Mais quelque chose avait foiré, j'ignore quand, comment, pourquoi. Dommage, quoi. Bon, qu'est ce qu'il foutait là d'ailleurs ? Et puis ces yeux, non mais ces yeux. Je ne souhaitais qu'une chose : qu'il arrête de me fixer de la sorte, car je me sentais presque menacé. Alors, qui était-il ? La réponse ne se fit pas grandement attendre, et bientôt le suspens fut levé. « Ton geôlier. Le mec qui est venu t'enfermer et te laisser crever dans une cellule. » fit alors, avant de poursuivre « Tu préfères laquelle ? Je te laisse le choix. » Oh, vraiment je n'en attendais pas tant de lui. Ainsi donc il me laissait choisir ma cellule, hmm j'avais donc tout intérêt à prendre la plus spacieuse, confortable et éclairée. Saperlipopette, elles étaient toutes semblables. Bon. « Trop aimable. Néanmoins, au vu de l'état déplorable dans lequel ces cellules ont été laissées, je vais refuser le châtiment qui est le mien, même si cela doit me coûter d'user de la force et de mes poings. Alors, qu'est-ce que tu vas faire, monsieur le geôlier au regard qui tue ? Tu maintiens ton projet ? » Si envers et malgré tout il décidait de m'enfermer, il n'allait probablement pas tarder à recevoir un bien joli poing en pleine gueule. Pourtant, je vous assure que je ne désirais pas forcément endommager encore d'avantage cette tronche qui avait déjà pris si cher. J'avais un coeur, tout de même, voilà pourquoi au lieu de directement l'agripper par le col de sa chemise je lui laissais une dernière chance. Et ici c'était bel et moi qui posait les questions et qui laissait le choix à l'autre, et non l'inverse. « Naaaaaaaaaan, tu vas être raisonnable et renoncer à ça. T'voudrais pas y laisser tes plumes. » Sauf si, vraiment, il tenait à ce que je lui refasse le portrait. Dans ce cas il n'avait qu'une réponse à donner, une seule. Bref, il n'aurait pas à me le dire deux fois.

Je le fixais de mes yeux bleus, attendant sa réponse. Des yeux de tueur apparemment. C'est vrai que j'avais un regard intense, mais quand même. « Trop aimable. Néanmoins, au vu de l'état déplorable dans lequel ces cellules ont été laissées, je vais refuser le châtiment qui est le mien, même si cela doit me coûter d'user de la force et de mes poings. Alors, qu'est-ce que tu vas faire, monsieur le geôlier au regard qui tue ? Tu maintiens ton projet ? » User de la force ? Rien que ça ? Et il croyait me faire peur avec ses menaces à deux balles ? Bien que je doutais qu'il soit sérieux. Un type comme lui, ça ne devait pas abîmer sa belle gueule n'est ce pas ? Et ses petites mimines non plus. Et puis, ce n'était pas parce qu'il faisait quelques centimètres de plus que moi, qu'il allait m’impressionner. « Naaaaaaaaaan, tu vas être raisonnable et renoncer à ça. T'voudrais pas y laisser tes plumes. » Halala. J'esquissai un sourire.  « C'est mignon de penser que tu aurais le dessus sur moi. Allez va, pour t'éviter une humiliation, je te laisse ta liberté » De toute façon, il n y avait pas de verrous à ces cellules, alors j'allais être limité si je voulais réellement l'enfermer. Et puis bon, je n'avais encore aucunes raisons pour vouloir faire une chose pareille. Même si je ne doutais pas qu'il risquait de m'exaspérer bien vite. Mais soit, laissons lui le bénéfice du doute.  « Et puis tu me fais de la peine. Je crois que tu ne survivrais pas bien longtemps dans cette cellule. » Oh non, il pleurerait sûrement sa maman au bout de quelques heures.  « J'espère que t'as conscience de la fleur que je te fais. »

Geôlier de mon cul, ouais. Dans ce rôle, le jeune homme se voulait aussi crédible que moi en moine tibétain. De toute manière, s'il comptait réellement me contraindre à l'enfermement dans l'une de ces cellules pour le moins exiguës et dont la propreté restait encore à prouver, il serait irrémédiablement confronté à mes poings. Je n'aimais pas forcément avoir recours à la violence car je considérais que celle-ci n'était pas une solution, seulement je ne comptais pas me laisser marcher sur les pieds par ce type. Non, y'avait pas moyen. « C'est mignon de penser que tu aurais le dessus sur moi. Allez va, pour t'éviter une humiliation, je te laisse ta liberté » Ah parce qu'en plus il pensait réellement pouvoir faire le poids face à moi ? La blague. Ma carrure, comparée à la sienne, aurait dû lui suffire pour se rendre compte qu'il n'avait juste aucune chance, et pourtant il semblait sur de lui. C'était quand même navrant, tant d'ignorance et de stupidité. « Ah non non, je ne pense pas, j'en suis certain. Et il n'est pas né celui qui parviendra à m'humilier ; prends-en note. » Ou comment lui signifier que j'avais bien trop de fierté pour reconnaitre une défaite, une déculottée ou un échec. Mais étrangement, je n'en avais encore jamais vécu. « Et puis tu me fais de la peine. Je crois que tu ne survivrais pas bien longtemps dans cette cellule. » Rooh on avait quand même vu pire, et puis celle-ci ne disposait d'aucun verrou. Autant dire que m'en échapper aurait été aussi aisé que d'y pénétrer. « J'espère que t'as conscience de la fleur que je te fais. » Qu'il arrête, un peu, j'allais bientôt me mettre à rire. Je pensais avoir l'égo le plus démesuré de tout le château, mais je commençai presque à en douter là. « Ah, vraiment, je te fais de la peine ? Et bien laisse-moi te dire que la fleur, c'est moi qui te la fait en évitant de t'encastrer dans ce présent mur, derrière moi. C'est pourtant pas l'envie qui m'en manque, hum... » Mais au fait, je parlais à qui depuis quelques minutes ? « ... c'est quoi ton nom en fait ? » Il y avait fort à parier que son nom était aussi ridicule que sa façon d'être. Ah vraiment, il était presque dommage que nos rapports aient ainsi mal débuté ; nous avions semble-t-il tous deux un caractère bien trempé, et une haute d'estime de nous-même. Autant dire que nous avions tout pour nous entendre, en principe, lui et moi.

« Ah non non, je ne pense pas, j'en suis certain. Et il n'est pas né celui qui parviendra à m'humilier ; prends-en note. » S'il en était certain alors... Probable pensait il que la carrure faisait tout. Genre il dépassait le mètre quatre vingt dix, donc forcément, monsieur était supérieur en force, en tout. Déjà, on ne pouvait pas dire qu'il soit exactement le mec le plus musclé du château. Ensuite, c'était loin de tout faire. J'en avais maté des bien plus costauds que lui.  « Hm d'accord. Tu m'excuseras, je n'ai pas de stylo sur moi, mais je pense que je m'en souviendrais » Ce type avait une telle assurance, s'en était presque effrayant. D'autant qu'il ne semblait pas avoir saisi un fait important. Je BLAGUAIS. Évidemment que mes paroles n'étaient pas à prendre au sérieux. Genre il me faisait de la peine, ou qu'il ne serait pas capable de survivre dans cette cellule ridicule sans verrous. Bon par contre, sur le fait que je lui mettais sa pâté n'importe quand, là c'était véridique. En revanche, il faudrait qu'il apprenne à se détendre. Tendu le mec. D'ailleurs, voilà qu'il parlait de m'encastrer dans le mur. Charmant.  « Voyons...Tu n'oserais pas abîmer un aussi beau visage que le mien tout de même ? » Pourquoi tant de haine ? Voilà qu'il désirait connaître mon prénom.  « J'imagine que tu devras le découvrir par toi même... » Ouais, je n'avais pas envie de lui dire. Et puis s'il ne le connaissait pas, il ne pourra pas me nominer non ? A vrai dire j'aimais juste le fait d'en savoir plus sur lui, que l'inverse.  « Andréas. » J'étais doté d'une excellente mémoire. Et puis son nom avait été prononcé plus d'une fois dans la bouche des autres candidats. Probablement qu'il verrait ça comme une flatterie d'ailleurs. N'était ce pas ce qu'il cherchait ? Qu'on parle de lui?

Ce type, m'éviter une humiliation ? Non mais d'où est-ce qu'il sortait une connerie pareille, franchement ? Déjà, il n'était pas près d'avoir "le dessus sur moi", comme il le prétendait, et pour cause la comparaison était vite faite... Il ne fallait que nous voir face à face, dans cette prison rouillée, pour s'en faire une idée. Je lui avais d'ailleurs demandé de prendre bien en note le fait que personne ne serait capable de m'humilier - encore moins un type dans son genre. « Hm d'accord. Tu m'excuseras, je n'ai pas de stylo sur moi, mais je pense que je m'en souviendrais » Alors quoi, il fallait que je le lui en prête un ? Raah dommage, je n'en avais pas non plus. Si j'avais su, j'en aurais pris un avec moi avant de ne m'aventurer ici, tout à l'heure. « Une leçon pareille, ça ne s'oublie pas d'toute façon. » Car je venais de lui donner une leçon dont j'espérais réellement qu'il se souviendrait : on ne pouvait pas prétendre être le plus fort en compagnie du plus fort. Fait avéré. Et cette fleur qu'il disait me faire... à d'autres, quoi. Qu'il s'estime déjà heureux de ne pas avoir le visage enfoncé dans ce mur, ou écrasé sur ce sol usé par le temps. « Voyons...Tu n'oserais pas abîmer un aussi beau visage que le mien tout de même ? » Un si beau visage... mouais, fallait p't'être pas pousser quand même, hein. Si il était certain que le jeune homme n'avait rien d'un laideron, j'avais tout de même été amené à voir mieux. Mais pas dans ce château, vous vous en doutez. Ici, pour ne pas tomber sur un thon ou une morue, il fallait se lever tôt. « Ce que je n'oserais pas abîmer, vois-tu, ce sont mes mains. Ton visage, à la limite je m'en fous. » Mes belles et grandes menottes méritaient mieux que d'être tâchées par le sang de ce petit malin. Malin dont j'ignorais toujours le nom, d'ailleurs. « J'imagine que tu devras le découvrir par toi même... » Ma foi tôt oui tard je serais forcément amené à le connaitre. Ça n'était qu'une question de temps, puisque monsieur refusait de me le révéler. « Andréas. » Ah, il avait semble-t-il une légère avance sur moi. Il connaissait donc mon nom, mais le contraire m'aurait étonné. Qui, en ces lieux, pouvait prétendre ne pas le connaitre ? Je considérais avoir suffisamment fait parler de moi pour que tout le monde, ici, puisse mettre un nom sur ce physique irréprochable - le mien en somme. « Je vois. Et bien tu devras donc te contenter d'un surnom, alors. Ce sera... "le flingueur". » Avait-il saisi l'image, au moins ? Bah, dans le doute... « En relation avec tes yeux revolver. Et estime-toi heureux d'avoir droit à un surnom aussi flatteur - j'aurais pu trouvé bien pire mais le temps me fait cruellement défaut. » Et puis, "le flingueur", ça lui allait plutôt bien non ? Qu'il ne prenne pas la grosse tête quand même, hein.