◁ et du coeur à tes lèvres je deviens un casse-tête.

santiago, mardi 16 mai, minuit vingt.

Si la veille, Ariana avait préféré le confort plus spartiate du canapé à celui de son lit, elle comprenait que ce ne pouvait être une solution à long terme. Non seulement ce n’était que modérément confortable mais en plus, beaucoup de candidats n’étaient pas réglés comme elle et l’avait réveillé tout au long de la nuit. Alors même si la perspective de partager son lit avec un inconnu était dérangeante, elle savait qu’elle ne pouvait faire l’autruche éternellement et devrait tôt ou tard affronter la situation. Plus elle reculerait l’échéance, plus ce serait pire, aussi décida-t-elle d’agir en adulte et de pénétrer dans la chambre après s’être changée. Il était hors de question qu’elle dorme en tenue légère avec un autre homme dans sa couche et c’est avec un pijama tout ce qu’il y a de plus chaste qu’elle se glissa sans bruit jusqu’à son lit. A priori, personne ne dormait mais elle préférait rester prudente. Elle n’était pas couchée de son côté depuis longtemps lorsque Santiago arriva à son tour. Un ours en peluche dans les bras, Aria se redressa et l’observa approcher. Elle arborait le visage d’une proie qui voit approcher son prédateur et par la même l’heure de sa mort. Elle n’était vraiment pas à l’aise avec tout ce truc partager son lit tout ça. La jeune femme n’avait pas peur qu’il lui saute dessus, il n’avait pas fait preuve de beaucoup de réserve quant à son animosité pour elle mais c’était une question de principe. Elle n’était pas sensée dormir avec un homme, inconnu de surcroit. « Hey. » Elle lui adressa un léger sourire qu’elle eut du mal à composer. Nerveuse, elle était nerveuse et ne savait pas comment y remédier. « Tu te couches maintenant ? » Question qui se voulait badine, tout pour oublier qu’elle allait surement passer la nuit crispée au bord de son lit avec une inquiétude viscérale de le toucher.

Il est à peine minuit et je suis déjà claqué. La première journée au sein du jeu fut éprouvante. Je n’ai déjà pas beaucoup dormi la nuit précédente pour ne pas dire pas du tout et je n’ai pas arrêté de bouger durant la journée. La visite intégrale du château fut longue. Et encore, je ne me suis pas trop aventuré à l’extérieur. Quoi qu’il en soit, cette nuit, j’ai décide de rattraper les heures de sommeil manquants et de me reposer un maximum pour être en forme par la suite. Tant pis si je me fais accuser de couche-tôt par les autres candidats. J’assume. De toute façon, qui oserait s’attaquer à moi ?! Je crois avoir déjà bien assez fait part de ma personnalité aux autres. Je ne le cache pas : je pense être la star de l’émission et le caïd du jeu. Les autres n’en ont surement pas encore conscience. Quant à ce foutu Andreas qui cherche à me faire de l’ombre, ah ah, juste pitoyable ! Voilà mes pensées alors que je suis entrain de me changer pour aller au lit. C’est donc vêtu d’un unique bas de pyjama que je me rends dans la chambre qui m’a été attribuée. J’en cherche ma partenaire puisqu’il s’avère que je suis censé partager son lit. Enfin le notre. Cela ne me dérange aucunement. Ce n’est pas comme si je n’était pas habitué à finir mes nuits en compagnie d’une jolie demoiselle voir d’un beau jeune homme. Hum. Là, ce n’est pas du tout le cas. Le physique de ma partenaire m’effraye presque. Je lui en ai déjà fait part. « Oui, ça se voit pas ?! » que je ronchonne tout en m’insérant sous la couverture du lit. Question de principe, je m’empare autant que je peux de la place disponible. Puis silence absolu. Face à la demoiselle, je constate alors son ours en peluche. « T’as pas passée l’âge pour ça ? » Je roule des yeux, encore plus blasé qu’on m’ait collé une partenaire aussi bizarre.

Bon, déjà il ne dormait pas nu ce qui était un léger soulagement. Si elle avait accès à trop de peau nue elle n’aurait probablement pas pu le supporter. Et surement pas parce qu’elle n’aurait pas pu résister à sauter sur lui, mais parce que ça aurait pu porter à confusion. Santiago ne l’intéressait absolument pas et vu le peu d’intérêt qu’il lui portait, c’était réciproque. Pensée qui fut ponctuée d’une réponse charmante du jeune homme. Elle lui lança un sourire désolé et haussa les épaules. « Tu aurai pu aller faire autre chose entre-temps. » elle ne se laisserait pas défaire par son mauvais caractère. S’il ne voulait pas être sympathique avec elle, c’était son choix mais elle le traiterait avec respect malgré tout. Allongée sur le dos, elle observait le plafond en serrant son ours contre elle, laissant le silence s’installer. Jusqu’à ce qu’il se tourne vers elle. Un léger sourire éclaira son visage alors qu’elle tourna elle aussi sur le côté pour lui faire face. « Je l’ai gardé depuis que je suis petite, ça me rappelle la maison. » C’était une façon qu’elle avait d’amener son petit chez elle douillé jusqu’ici. Si ça la faisait passer pour une enfant alors soit, elle n’en avait que faire. « Pourquoi tu as lancé ce verre à la figure d’Andreas hier soir ? » Elle avait du mal à croire que c’était seulement pour la défendre, on ne pouvait pas dire qu’il était lui-même très sympathique avec elle. Pour préciser un peu sa question, elle ajouta en se mordillant la lèvre. « Et tu es aussi sympa avec tout le monde où j’ai droit à un traitement de faveur ? » Ce qui ne faisait pas seulement référence au lancer de verre mais plutôt aux remarques désobligeantes qu’il avait eues envers elle.

Minuit passé et me voilà enfouie sous la couverture. Je dois ainsi partager mon lit avec Ariana, la nana aux gros sourcils. Berk. Mais pas la foi de la virer. Je me contenterai de sa présence. « Je vois. Si ça te permet de te bien dormir alors pourquoi pas. » Je suis là sincère. Ce qui peut paraitre étrange mais je comprends tout à fait. Qui n’a pas d’objet servant à rappeler son chez-soi ou des souvenirs joyeux après tout ?! Bon, moi je ne me trimballe pas avec une Lamborghini miniature, mais je pourrai tout à fait. Bref. La jeune femme a décidée de faire causette. Si j’aurai préféré l’ignorer, je me vois obliger de lui répondre sous peine de me faire harceler durant ma recherche du sommeil. « Pour lui faire ravaler sa fierté. Il l’avait bien mérité. » Véridique. Je me mets alors à bailler. J’ai terriblement envie de dormir. Mais ma partenaire en a décidée autrement. Soupire. « Pas de traitement de faveur. Je suis comme je suis et c’est tout. Tu en as fini avec tes questions maintenant ? » Manière de dire que je suis fatigué. Mais je me vois mal foutre un vent à la candidate pour autant. Elle pourrait recommencer à me questionner que je lui répondrai. Limite en dormant.

Étonnement, sa deuxième remarque sur son ours en peluche détonna clairement de la première. Sa maison devait lui manquer aussi. Ce qui semblait logique, la maison devrait manquer à tout le monde tandis qu’ils étaient ici, coupés de leurs proches et obligés de partager sa vie avec des gens que l’on n’appréciait pas. Enfin pour lui du moins puisqu’elle appréciait tous les candidats avec qui elle avait eu l’occasion de discuter pour le moment. « Ta maison te manque aussi ? » Elle s’imaginait que leurs lieux de résidence détonnaient de toutes les façons possibles mais pouvait aussi bien se tromper pour ce qu’elle savait de lui. La raison pour laquelle il avait jeté son verre sur Andreas l’étonnait par ailleurs. La fierté de Santiago était aussi énorme que celle de l’allemand alors sa remarque était étrange. Mais on voit souvent le mal chez les autres et jamais chez soit. « Je ne sais pas, c’était un peu extrême quand même… » Elle n’était pas très violente. Pas du tout en réalité et aurait trouvé ça un peu trop quand bien même il l’aurait mérité. Apprendre qu’elle n’avait droit à aucun traitement de faveur ne la réjouit pas particulièrement, au contraire. S’il était désagréable avec tout le monde, sa vie devait être bien triste. « Tu ne veux pas me parler c’est ça ? Tu me détestes alors que tu ne me connais même pas. » Triste vérité mais ça ressemblait bien à la réalité. Il n’était pas sympa avec elle que parce qu’elle n’entrait pas dans la catégorie physique qu’il trouvait acceptable. Pour autant, elle se tourna de l’autre côté du lit en lui montrant son dos. Pour le moment, il avait l’excuse de vouloir dormir et elle acceptait donc de ne pas l’assommer de question jusqu’à pas d’heure, mais demain était un autre jour. « Tu comptes prendre toute la place toute la nuit ? » Elle pouvait à peine bouger dans les quelques millimètres qu’elle s’était alloués.

Dans 80% des cas on a l’habitude de papoter avec son voisin la première nuit quand on dort dans un nouveau lieu. Là, ça n’y manque pas. Ariana est bien bavarde. « Oui. Enfin surtout ma Lamborghini.» Bien entendu je plaisante. Enfin à moitié. Mais si je devais choisir, j’opterai quand même pour ma villa à Nice. J’y vis depuis longtemps et y tiens fortement. Pas pour sa valeur pécuniaire mais pour sa valeur sentimentale. Je comprends véritablement le besoin de combler un manque. La conversation dérive alors sur un autre sujet qui se trouve être Andreas. « Ce n’était que de l’eau. Enfin du champagne. Si j’avais voulu être extrême, je l’aurai poussé et renverser dessus carrément la bouteille. » Je ne comprends pas très bien le fait que la jeune femme trouve mon comportement excessif alors que je ne faisais que la défendre. Du moins, en apparence. « Je ne déteste personne. Ou presque. Mais tu n’en fais pas parti. Je suis juste fatigué là. » La jeune femme s’emballe bien trop vite à mon goût et tire des conclusions trop hâtives. Elle prétend que je ne la connais pas mais en retour elle ne me connait pas non plus. Les apparences sont parfois trompeuses. En attendant, mes yeux clignotent. Je n’en peux plus. Mais la voix de la jeune femme résonne à nouveau dans mes oreilles. « Te plains pas, je suis pas gros. » Même fatigué, j’arrive à rester lucide. Pour montrer que je ne suis pas un monstre, je me décale un petit peu pour laisser plus de place à la jeune femme.

Elle ne savait pas vraiment s’il fallait rire ou pleurer de la remarque de Santiago sur sa voiture, aussi se contenta-t-elle de le regarder fixement sans rien dire. Il n’était vraiment attaché à aucun être humain ? C’était impossible, il y avait bien une personne qui devait lui manquer quelque part. Sinon, la première pensée logique serait qu’il s’est jadis attaché à quelqu’un qui est parti et qu’il préfère aujourd’hui se préserver de toute attache pour garder son cœur intact. Mais repousser les autres n’était pas une façon de vivre, seulement de survivre. L’amour est primordial dans une vie, peu importe laquelle. On a besoin d’aimer et d’être aimé pour s’accepter complètement. Et c’est un don de Dieu que de pouvoir de donner entièrement à un autre humain, sans la moindre peur, le moindre doute, le moindre remord. Quoi qu’il n’avait vraiment pas l’air d’en ressentir quant à ce qu’il avait fait à Andreas. Aria soupira doucement en se mordillant la lèvre, elle ne savait vraiment pas comment elle allait faire pour réussir à s’entendre avec lui. Elle le voulait sérieusement mais ça allait être une lutte de chaque instant. Et elle ne laisserait rien passer. « Les mots sont aussi efficaces, si ce n’est plus, pas besoin de rendre les choses physiques pour avoir le dessus. » Puisque c’était visiblement ce qu’il voulait. Bien que contente de savoir qu’il ne la détestait pas, elle haussa les épaules et préféra ne pas répondre à ça. Quoi dire de toute façon si ce n’est que s’il ne la détestait pas il donnait très facilement le change. Quoi que sa carapace se craquelle un tout petit peu lorsqu’il se déplace pour lui faire de la place. Quel gentleman … Elle n’en bougea pas pour autant mais se sentait déjà un peu mieux. « Merci. » Inutile de répondre quant au fait qu’il n’était pas gros, pas question de flatter son égo déjà bien assez conséquent. « Bonne nuit. » Puisqu’il voulait dormir alors soit.

Son ours dans les bras, assise en tailleur sur le bord de son lit, Aria sirotait le café qu’elle avait monté pour elle. Elle n’avait quasiment pas dormi de la nuit, bien trop gênée par cette présence qu’elle ne connaissait pas. Et puisque leur conversation avait été avorté la veille, elle avait, une fois réveillée, préparé un petit déjeuner pour tous les deux qu’elle avait amené au lit sur un plateau. Ne sachant pas ce qu’il désirerait, elle avait fait un peu de tout, au pire il y avait bien quelqu’un qui voudrait en manger. « Bonjour. » Elle lui adressa un sourire dès que les yeux de Santiago se posèrent sur elle. Ne sachant s’il était du matin ou non, elle préféra ne pas l’abreuver de parole tout de suite. « Petit déjeuner ? » Elle désigna le plateau devant elle, un léger sourire aux lèvres, espérant qu’il ne soit pas trop de mauvaise humeur.

Les questions d’Ariana défilent assez rapidement. A peine ais-je le temps de répondre à l’une, qu’une autre arrive par la suite. Je parviens tout de même à donner à chacune des interrogations de la jeune femme une réponse. Une explication qui ne lui convient pas toujours d’après ses dires. Concernant Andreas, la candidate estime que j’aurais du recourir à la parole uniquement et non à la violence. Je ne peux m’empêcher de rire. Depuis quand jeter un verre sur quelqu’un relève d’un acte brutale ?! Visiblement, pour la jeune femme ça en est trop. Elle n’a donc jamais dû faire de bataille d’eau durant sa jeunesse. Qu’importe. Je n’ai plus la force de débattre là-dessus. Je suis tout simplement exténué si bien que mes paupières commencent à se fermer sans mon consentement. Mais la jeune femme me fait une remarque comme quoi je prends toute la place dans le lit. Je lui réponds alors que je ne suis pas bien gros tout en me décalant légèrement pour lui laisser plus de place. Puis à peine quelques secondes plus tard, me voilà endormi. Et ce, pour quelques heures. Ma nuit se veut calme et agréable. Elle me permet de récupérer des petites heures de sommeil manquantes. Au réveil, mes narines hument une odeur de café. Mes yeux s’ouvre alors et constate la présence de ma partenaire en compagnie d’un plateau remplit de bonnes choses. J’arque immédiatement un sourcil avant de me relever légèrement. « Qu’est ce qu’il te prend ? T’as mis de la mort-au-rat dans le café pour m'empoisonner ? » Je me donne alors une légère baffe sur la joue pour me rendre compte qu’il s’agit bien de la réalité.

Apparemment il n’est pas trop grognon le matin, du moins pas plus que d’habitude. En lui adressant un léger sourire, elle secoue la tête et promet qu’elle n’a rien empoisonné. « Non, et je n’ai même pas craché dedans. » Quel humour dévastateur. Mais comme il semblait vraiment se méfier vu qu’il avait du mal à croire d’être éveillé, elle préférait le rassurer autant que possible. « Personne ne t’as jamais apporté le petit déjeuner au lit ? » C’était une tradition familiale chez elle, pour les anniversaires principalement. Tous les ans, elle a droit à son petit déjeuner au lit avec tous ses mets préférés. Une belle façon de commencer sa journée. Ils avaient aussi leurs pancakes pour les moments difficiles qui étaient supposés leur remonter le moral et certains jeux destinés à leur faire parler plus en avant de leurs sentiments. Parfois, elle avait l’impression que cela faisait des années qu’elle n’avait pas vécu cela alors que c’était il y a moins de dix ans. Il était certain que cela faisait parti d’une éducation qui se transmettait de génération en génération. « C’était pour marquer le coup, pour être sympa. Il n’y a pas de raisons cachés ni rien. Juste pour te faire plaisir. » Ce n’était pas parce qu’il était désagréable avec elle qu’elle ferait de même. On ne combat pas le mal par le mal, bien au contraire, on ne ferait qu’envenimer les choses. « Sers toi, comme je ne savais pas ce que tu aimes, j’ai prit un peu de tout au grand désarroi des personnes qui se lèveront dans les minutes qui viennent. » Elle lui adressa un sourire en pensant qu’elle avait effectivement kidnappé le nutella, le beurre, la confiture, les pains au lait et le pain, bref, il ne restait plus grand-chose en bas. Aria promit de se rattraper en préparant un bon petit plat pour le déjeuner. « Tu as fait de beaux rêves ? » Une manière comme une autre d’entamer la conversation.

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