I NEED SOME FINE WINE
AND YOU, YOU NEED TO BE NICER
W/ LONDON, 22 MAI À 19H36

Lire un bon livre accompagné d’une coupe d’un vin de bon cru, c’est ce que j’appelais une bonne façon de terminer la journée. Je le faisais à répétition, dans mon chez-moi, prenant place sur ma terrasse pour décompresser de la journée qui venait de s’écouler. Ici, j’avais trouvé un endroit digne d’une telle activité : la cave à vin. Il régnait dans ces lieux une ambiance qui se prêtait bien à la détente, et en plus, ce n’est clairement pas le choix qui manquait quant à ma consommation. Je dû mettre une bonne demi-heure rien que pour trouver une bouteille dont le nom ne m’était pas inconnu. Au Québec, la plupart de ces vins étaient importés et coutaient un prix de fou. J’osais à peine y toucher, même si c’était complètement stupide : ils étaient là pour être dégusté. Et pourtant, je me contentais d’un vin sans grand éclat, mais qui ferait amplement l’affaire pour ce soir. Je me servis une coupe, puis allait m’installer sur l’un des fauteuils de cuir trônait au centre de la pièce. J’humais le vin un instant, puis dégustait la première gorgée. Hm, oui, j’avais fait un bon choix. Posant le verre sur la table d’appoint à mes côtés, je récupérais mon livre et l’ouvrit à la page où j’avais abandonné ma lecture, quelques heures, ou quelques jours plus tôt, je n’avais plus trop souvenir de la dernière fois, en fait. Peut-être samedi soir. Mais bon, ce n’était pas très important. Je pensais être quitte pour une soirée assez tranquille – et en solitaire – mais ce calme fut troublé avec l’arrivée d’une jeune femme blonde, que j’accueillis , par politesse, d’un fin sourire.

Je ne suis pas de ceux qui connaissent tout du vin, qui en font une passion. Je ne suis pas de ces prétentieux qui ont un pif gros comme l’Irlande et qui passent leur temps à sentir le vin et à le remuer avant de se gargariser le font de la bouche pour décréter que ce vin est bon ou mauvais alors qu’ils n’en ont aucune idée. Mais, j’avoue aimer le vin et aimer le déguster. Ou me saouler avec, à vous de voir. Bien sérieusement, ce soir, je me suis dit qu’une coupe de vin serait la bienvenue, c’est pourquoi sans trop me poser de questions, j’avais décidé de descendre au sous-sol pour rejoindre la fameuse cave à vin. Elle était tout aussi impressionnante que celle de mon patron, dont j’avais eu la chance de visiter les quelques fois où je m’étais rendu chez lui pour coucher avec lui. Faut bien obtenir des promotions à un certain moment. Bref, je ne suis pas surprise lorsque je me rend compte que la pièce est déjà occupée, à trente-cinq, on est jamais seul par ici. Je ne répond pas à son sourire polie tout d’abord, allant me cherche un verre de vin de la bouteille qui est déjà ouvert, j’imagine que c’était celui dont la brunette c’était servit. Je m’installe en face d’elle dans un des fauteuils confortable et la regarde durant quelques instants. « Dans ta tête, tu viens de te dire: Oh la connasse qui vient me déranger dans ma lecture. » dis-je en haussant un sourcil, prenant une première gorgée de vin. Pas mal du tout. « London, pour te servir. » ajoutais-je en me présentant. Voyez, je fais des efforts de jours en jours dans mes présentations. Je suis fière de moi. « Je me la ferme, si tu veux continuer à lire... Mais je suis plus du genre à faire chier et continuer à parler. » La deuxième option me semble bien plus plausible que la première offre. Reste à voir ce que la demoiselle, elle, désire.

La femme qui vient de pénétrer dans la cave à vin me remarque – je le vois, à son regard qui louche quelques instants vers moi – mais elle se contente de passer sans trop m’accorder d’attention, même pas un sourire, rien. C’est au bar qu’elle se rend, là où j’ai laissé la bouteille que je venais d’entamer, en prévision d’une utilisation future (c'est-à-dire, dès que mon verre serait vide). Discrètement, j’hausse les épaules et laisse mon regard replonger dans ma lecture. Lorsque je les relève, la femme blonde s’est installée sur le fauteuil qui me fait face, et me reluque curieusement. « Dans ta tête, tu viens de te dire : Oh la connasse qui vient me déranger dans ma lecture. » Hm, j’ai franchement l’air d’être ce genre de personne qui s’offusque à la moindre interruption, moi? Disons qu’elle interprète tout ceci fort à sa manière, et elle est, tout compte fait, bien loin de la vérité. Je préfère conserver le silence, dans ces circonstances. « London, pour te servir. » se présente-t-elle finalement. Ça, par contre, je peux y répondre. « Anabel. » Et je ne m’encombre pas de fioriture, c’est inutile. Mon prénom suffit amplement à la tâche. « Je me la ferme, si tu veux continuer à lire… Mais je suis plus du genre à faire chier et continuer à parler. » D’un claquement sec – et involontaire, je précise – je referme le roman que j’ai entre les mains. Ma mère m’a toujours dit qu’il était malpoli de garder son nez fourrer dans un livre alors que l’on a des invités. Certes, je n’ai pas invité cette London à ma rejoindre, ici, dans la cave à vin, mais puisqu’elle est là, aussi bien apprécier sa présence et en profiter pour faire connaissance. « Tu peux continuer de parler, je n’ai aucun problème avec ça. » fit-je en souriant, en déposant sur la table le roman, au côté de ma coupe de vin dont je m’empare pour prendre une autre gorgée.