WHITE WATERS
W/ KATELL, 1ER JUIN À 14H37

Ce devait bien faire une heure que j’étais là, à nager sans but dans cette piscine plutôt vide… si on mettait de côté le fait que je m’y trouvais, en maillot, évidemment. Personne pour me tenir compagnie, pas même quelqu’un qui passait pour se rendre au spa, ou à la salle de sport. Où étaient-ils donc tous? Remarquez, je n’allais pas non plus me plaindre de cette solitude. Ce genre de moment, de privilège, même, se faisait plutôt rare par les temps qui courent. À trente, dans une même résidence, ça n’avait même rien de surprenant de toujours croiser quelqu’un sur son chemin. Alors, plutôt que de m’apitoyer sur mon sort, je songeais à ces moments de qualité que je passais, seule avec moi-même. Ce qui me laissait amplement le temps de réfléchir à un tat de trucs… et il n’y avait pas forcément que du bons, là-dedans. Enfin, bref, ce n’était pas important. J’en étais venu à me laisser flotter dans le bassin, en étoile, mon regard fixé sur le plafond. Une partie de mon corps se trouvait bien camouflé dans l’eau, pendant que l’autre commençait à prendre froid à la surface. Nul n’était mon intention de changer de position, cependant : étrangement, je me sentais bien, ainsi. Assurément, là, si quelqu’un venait à passer dans le coin, il se questionnerait sur ce que j’étais en train de faire… mais tant pis. Ça n’avait pas grand importance, au fond.

On dit toujours qu'il ne faut pas aller dans une piscine après avoir déjeuné.. tant pis, j'allais dérober la règle. Nous étions en fin de semaine et je n'avais pas encore été nager, l'occasion pour moi d'y remédier. J'avais enfilé mon maillot de bain pas spécialement sexy, mais très pratique pour la nage. Je n'irais pas me faire bronzer avec, car après bonjour les splendides marques de bronzage, mais pour plonger il n'y avait pas mieux. J'avais ensuite traversé le salon, pour me rendre au centre de remise en forme. C'est comme ça qu'on l'appelait. Il y avait ici plusieurs petites pièces comme la salle de sport (musculation,..), le spa, la piscine et j'en passe. J'avais déjà été dans tous ces lieux plus d'une fois, j'y passais clairement beaucoup de temps même, entretenir mon corps était important à mes yeux, bien que j'en fasse pas une priorité. Je pousse donc la porte, il faisait là-encore très chaud, mais l'eau allait vite me rafraîchir. Sans me presser, je pose ma serviette de bain sur le rebord d'une chaise longue et m'approche du bord de la piscine. Je m'aperçois que je ne suis pas seule. Une fille avait certainement eu la même idée que moi. Je ne la connaissais pas, à croire que je n'avais pas encore eu l'occasion de parler avec tout le monde et de me faire un avis sur tous. Je la regarde, la dévisage. N'y voyait pas une quelconque stratégie là-dedans, j'ai tendance à toujours examiner les gens, que ce soir dans le nid d'amour ou dans ma vie en dehors. Que voulez-vous, j'ai appris à me méfier des personnes qui m'entourent. La jeune camarade me dégote un sourire quand celle-ci tombe sur mon regard. Une fois les «présentation» faîte, je plonge en douceur dans l'eau, sans éclabousser quiconque. Je reviens à la surface et me retrouve à quelques centimètres de la candidate. «avec un temps pareil, ça fait vraiment du bien.» je n'avais pas pied à cet endroit, j'avais donc un rythme de battements des jambes qui était en train de s'installer. Le surplace dans l'eau.

Il fallait justement que je me plaigne – intérieurement parlant – de ma solitude pour que quelqu’un rapplique. C’est idiot, parce que l’avoir su plus tôt, je me serais mise à y songer bien avant maintenant. Remarquez, ça n’y aurait surement rien changé, mais voilà, il fallait que je me fasse cette réflexion. La jeune femme, qui n’était nulle autre que Katell – ce qui j’appris quand nous nous présentâmes rapidement l’une à l’autre, dès que je remarquais sa présence près de la piscine. J’en avais d’ailleurs profiter pour changer de position, reprenant celle qui convenait plus à un nageur… faire l’étoile, c’était bien, mais pour discuter, ça se passait de commentaires. C’est dans un plongeon presque parfait que la jeune femme pénétra dans l’eau, pour en ressortir quelques mètres plus loin, à proximité de ma personne, en fait. « Avec un temps pareil, ça fait vraiment du bien. » me fit-elle la remarque, et je ne pouvais qu’acquiescer. La chaleur s’était mit de la partie, j’aimais vraiment profiter de l’extérieur quand je le pouvais… mais avec cette humidité qui s’ajoutait, je préférais encore rester dans le château, profitant de l’eau sans risquer le coup de chaleur, ou les coups de soleil. « Je serai resté chez ma cousine que nous serions en train de mourir de chaleur sur le sofa, probablement amorphe à cause de cette température. » Un léger rire s’échappe de ma bouche. « Je crois bien que je vais y passer l’après-midi. » Une heure était déjà passé, quelques unes de plus, ça ne risquait pas d’être bien difficile. Bon, je risquais par contre d’avoir l’air d’un raisin sec en sortant de la piscine ce soir, ma peau complètement ratatinée par le contact de l’eau. Tant pis.

Ma passion avec l'eau est venue très vite. Disons depuis que j'ai eu l'âge de nager de mes propres bras. Et puis, j'imagine que le fait que j'aille à la mer tous les étés et qu'étant petite j'avais une piscine dans la maison familiale ça y joue. J'ai d'ailleurs fait durant le collège de la natation synchronisée. Je me donnais en spectacle avec d'autres élèves et nous montions des chorégraphies dans l'eau. Ça me permettait d'être dans l'eau tout en créant des mouvements. J'étais comme dans mon univers. Il est donc évident qu'à chaque fois que je me retrouve dans l'eau je prends mon pied. C'est un véritable bonheur, vraiment. Bon, aujourd'hui j'étais venue ici plus pour une séance sportive qu'autre chose. Effectivement sinon j'aurais choisi le lac, à l'extérieur. «Je serai resté chez ma cousine que nous serions en train de mourir de chaleur sur le sofa, probablement amorphe à cause de cette température.» j'arque un sourcil. J'avoue ne pas trop comprendre le rapport ou bien même la venue de sa phrase, sa réflexion. Comme pour l'excuser, j'imagine qu'elle a pensé à voix haute tout simplement... enfin admettons. Avant de lui répondre quoi que ce soit, je m'approche du bord et me dispose ventre face au bord de la piscine. J'étais installée afin de commencer quelques battements de jambe, ça faisait partie du premier exercice sportif. «dans ce cas j'imagine que tu es mieux ici, dans une piscine bleue azur à vingt-huit degrés.» j'avais haussé le ton histoire qu'elle m'entende. J'étais restée très sobre et je n'avais pas exprimé un quelconque ressenti. Je garde ce ton monotone et je rajoute : «t'habite chez ta cousine?» question aux premiers abords anodines, mais stratégie oblige, je suis toujours à la recherche des secrets et le moindre indice est à prendre en compte. Et puis c'est avant tout elle qui avait commencé à me parler de cette fameuse cousine et du salon et de la chaleur et je ne sais plus trop quoi. Dans le fond j'aurais peut-être préféré me retrouver toute seule..

Il est fort possible que ma pensée ait dépassé la barrière de mes lèvres, et que j’aie réfléchi tout haut, ce qui semble dérangé, d’une façon ou d’une autre, ma camarade. Je le vois par son sourcil qui s’arque dès que mes propos lui sont assimilés. Mh, vraiment, je ferais mieux de me taire, des fois. Remarquez, je ne parlais déjà pas beaucoup en temps normal, s’il fallait que je me taise à chaque fois, j’étais aussi bien de me taire à jamais, tiens. Elle s’éloigne, et je me demande un moment si elle ne va pas prendre les jambes à son cou et s’en aller, mais finalement, non. À plat ventre sur le bord du bassin, elle commence à battre des jambes. Je suppose que ça fait partie d’une sorte d’entraînement, ou d’une routine particulière. À chacun ses habitudes. « Dans ce cas j’imagine que tu es mieux ici, dans une piscine bleue azur à vingt-huit degrés. » Je m’étais rapprochée pour l’entendre, mais sa voix avait grimpé aussi d’un ton, tout en restant plutôt monotone, sans qu’aucune émotion n’en transpire. « En tout cas, ce qui est certain, c’est que je ne suis pas à plaindre. » me contentais-je de lui répondre, haussant légèrement des épaules. Restant à proximité, je continuais de faire du sur place, mais pieds s’agitant sous l’eau à l’image des siens qui battait la surface, à quelques centimètres de l’endroit ou je me trouvais. « T’habite chez ta cousine? » Ce détail m’avait effectivement échappée. « Le temps de m’habituer au pays, oui. » Bien qu’en sortant ici, je risquais fort de m’empresser à trouver un véritable chez moi, question de la laisser en paix avec son mari. Et puis, il me fallait bien me retrouver avec moi-même et faire preuve d’indépendance. Après deux mois, ça me semblait plutôt logique, même. Je n'aurai pas attendu aussi longtemps, si ça n'avait été de cette émission... Pas très bon pour les affaires, de s'acheter une maison et de partir trois mois dans une téléréalité.

«Le temps de m'habituer au pays, oui.» Elle venait de me donner une information plutôt intéressante. Décidément, cette saison il y avait très peu de candidat d'origine irlandaise. C'était quand même impensable. Enfin, je pouvais parler, je suis à la base française et même si ça fait maintenant douze ans que je suis en Irlande ce n'est pas mon pays d'origine. «ça sous-entend donc que tu n'es pas ici depuis bien longtemps?» Je suis d'une logistique assez étonnante tu ne trouves pas? D'un autre côté, je ne disais pas ça pour qu'elle me réponde «oui» mais plutôt pour qu'elle développe un peu. C'était une question comme une autre. J'étais à présent dans l'eau, elle figurait à côté de moi, j'aurais pu l'éviter, faire comme-ci elle n'était pas là, mais à quoi bon? J'avais découvert ici que la solitude à longueur de temps ne menait pas à grand-chose.. «j'entends par ici le pays et pas le nid d'amour.» petite précision qui pouvait s'avérer importante. Je n'étais pas en train de la prendre pour une moins que rien, mais ma phrase n'était pas si explicite que ça. Je marque un temps d'arrêt, laissant place à une quelconque réponse de sa part. En attendant, je reprends doucement mais sûrement mes mouvements sur le bord de la piscine. J'étais comme en apesanteur, il n'y avait pas plus confortable, je vous assure. Je repris sur un ton interrogateur. «pourquoi tu participes à l'émission? Il y a bien une raison?» J'avais mine de rien envie d'en savoir plus. Elle me paraissait toute timide et sans prise de tête. J'ai comme l'impression qu'elle attisait plus la paix que la guerre contrairement à certains autres candidats. J'appréciais cette tendresse et à la fois cette faiblesse. C'était le genre de candidate discrète mais à la fois très maman poule dans le nid d'amour. Le genre de personne qu'on ne peut pas détester parce qu'elle est toujours là quand il le faut, parce que malgré ce reculement elle a toujours les mots juste et parce que tout simplement elle est adorable. Voilà ce que je voyais en elle. Je pouvais me tromper, effectivement, mais j'avais pris pour habitude d'analyser les gens et ensuite de creuser un peu plus pour voir si j'ai effectivement raison. Mon dévolu était à présent tombé sur la jeune brune et quand j'avais une cible en tête, je changeais rarement de plan.. pas avant d'en avoir le coeur net, du moins. Je m'efforce de lui faire un sourire. Je n'étais pas ici pour l'intimider, ni même pour être gentille à vrai dire, j'étais moi-même, pas spécialement aimable, plutôt intrigante même.