Laoise

Rien de tel qu'une petite balade de nuit dans le parc pour se changer un peu les idées. Disons que pas mal de personnes s'étaient données le mot dernièrement pour me prendre la tête, alors j'avais grandement besoin d'un grand bol d'air après tout ça. Mine de rien, j'étais sensible comme mec. Alors tout ceci me retournait, forcément, ou ne me laissait en tout cas pas de marbre. Je cachais bien mon jeu, hein ? De quoi, certainement, faire sourire Laoise qui avait tenté par bien des façons, la semaine dernière, de me prouver que j'avais un coeur. Justement, quand on parle du loup... La jeune femme était en train de marcher à seulement quelques mètres de moi, juste devant. Je n'étais visiblement pas le seul à affectionner ce genre d'excursions nocturnes. J'entrepris alors de me rapprocher d'elle, tout en essayant de ne pas faire entendre mes pas. Le but était de surprendre un minimum la jeune femme. De nuit en plus, j'vous dis même pas la frousse qu'elle pourrait avoir si je réussissais mon coup. Me trouvant désormais juste derrière elle, je posai brusquement mes mains sur ses deux yeux, avant d'annoncer « Mouhaha. Qui c'est ? » Soit elle reconnaissait ma voix - ce qui n'aurait rien de bien étonnant d'ailleurs -, soit elle donnait sa langue au chat. Néanmoins je la pensais capable de me démasquer. Un accent allemand, tout de même, ne passait pas franchement inaperçu.

Il n'était tout de même pas dans mes habitudes de me faufiler derrière les demoiselles dans la forêt, de nuit, pour au final poser mes mains sur les yeux de celles-ci. D'ailleurs, je n'aurais rien entrepris si la demoiselle qui se trouvait à quelques mètres devant moi n'avait pas été Laoise. Celle-là, je la connaissais quand même suffisamment pour me permettre ce genre de choses. Bon, je savais pertinemment qu'il ne lui faudrait pas bien longtemps pour me confondre, mais peut-être allait-elle jouer le jeu... Alors, qui était ce grand bonhomme qui venait de l'aveugler ? « Oh, euh, attends, je ne suis pas sûre... » Hum, à l'entente de sa voix, il m'avait semblé être d'ors et déjà démasqué. Elle n'était probablement pas dupe et sans doute mon accent me trahissait quelque peu. « Serais-tu le grand méchant loup de la forêt ? » Heuuu... cette voix de fillette, c'était quoi au juste ? Attendez, c'était bien Laoise dont je cachais les yeux, là, hein ? Je me mis à pouffer de rire, tandis qu'elle retira aussitôt mes mains pour, au final, se tourner vers moi. « Tu crains, t'as même pas réussi à me faire peur. » Mouais... Et quel avait été ce sursaut, alors, tout à l'heure ? « C'toi qui crains. Tssss. J'aurais du t'étrangler et dissimuler ton corps derrière un buisson. Non, mieux, t'éventrer à même le sol et entreprendre une danse folklorique allemande autour de ton cadavre. » Oui heu, peut-être pas en fait. Je n'étais quand même de ce genre là moi, et préférais encore laisser ce genre d'actes barbares au grand black, vous savez, le psychopathe. « Je... plaisante, bien entendu. » Des fois qu'elle n'eut pris mes paroles au sérieux... Les femmes, on peut parfois tout leur faire gober. Surtout le pire. « Avoues que t'es quand même vaaaaachement contente d'me voir. » J'affichai un grand sourire, montrant toutes mes belles dents. Bien sur qu'elle était ravie de me trouver ici, vu qu'elle ne pouvait plus se passer de moi. Je l'avais envoutée, voilà tout. Impossible de luter contre ça.

Alors comme ça, elle n'avait pas eu peur ? Permettez moi d'en douter tout de même, car il m'avait bel et bien semblé que la demoiselle venait de sursauter. En effet, à peine avais-je posé mes mains sur ses yeux qu'elle effectua un bond sur place. Qu'elle ne dise pas après ça ne pas avoir été effrayée sur le moment. Après tout, il était tard, la forêt demeurait un lieu sombre et inquiétant... elle aurait très bien pu se retrouver confrontée à l'attaque d'un tueur en série vivant secrètement dans ses bois depuis de nombreuses années, ou bien à celle d'un... grand méchant loup, comme elle le disait elle même. Heureusement ça n'avait été que moi. Enfin heureusement... disons qu'elle aurait pu tombé sur bien pire. Mais bon, entre nous, moi aussi j'aurais pu lui affliger les pires atrocités. « Tss, de toute façon, t'aurais jamais pu me tuer, t'as pas assez de force, ça me paraît évident. » Ah oui vraiment ? Vraiment, c'était la grosse blague de la soirée ça. Moi, n'avoir pas assez de force pour trucider une brindille dans son genre ? Laissez-moi rire. Je décidais de prendre un air outré et de laisser passer cette remarque... pour l'instant. À quoi bon faire du mal à une demoiselle qui, de toute évidence, était absolument ravie de me voir ?... « Bien sûr que oui. Je n'aurais pas pu rêver d'une meilleure compagnie. » J'en étais sur. Et c'était parfaitement réciproque, bien entendu. Elle continua de marcher, et bien sur je la suivis. Seulement, quelque chose me trottait encore et toujours dans la tête. Ses paroles de tout à l'heure, en l'occurrence. « Mouais. Y'a... quand même quelque chose qui m'chagrine. Tu dis que je n'ai... pas assez de force, hmm ? » Cela restait encore à prouver, et figurez-vous que j'allais le faire, là, tout de suite. « Nous allons voir ça alors... » Là, j'entrepris de me déplacer rapidement vers elle et de la soulever par derrière, la portant à bout de bras, en déployant de grands efforts mais sans plus. Comme je vous le disais, elle était maigre comme un clou. J'aurais même pu l'envoyer valser jusqu'à l'autre bout de cette forêt mais je décidais quand même de m'abstenir. Laoise toujours dans les bras, j'affichai alors un sourire satisfait. « J'peux te tuer tout de suite, s'il te parait toujours évident que je n'ai pas assez de force. » L'animal qui sommeillait en moi ne demandait qu'à sortir et à faire de la jeune femme sa nouvelle victime. Car oui, il y en avait eu d'autres avant. J'étais un dangereux prédateur, après tout.

Donc, un grand gaillard comme moi, un mètre quatre-vingt seize au compteur, n'avait pas assez de force ? Mais elle avait fumé quoi, la gazelle ? Car en plus d'être vraiment très grand, j'étais aussi... vraiment très baraqué. Non sérieux, elle n'aurait vraiment pas du affirmer une telle énormité de la sorte. Parce que du coup, ma riposte ne tarda pas à être exprimée. Et pas par la parole, cette fois, non. Pourquoi parler quand on peut agir et surprendre encore d'avantage ? Non content d'avoir effrayé la demoiselle quelques instants plus tôt, je décidai d'en remettre une couche en la soulevant sans que celle-ci ne s'y attende. Désormais elle se trouvait dans mes bras - alors, quelque chose à ajouter peut-être ? « Tu n'as toujours pas assez de force. » Mais bordel, que me fallait-il faire pour lui prouver le contraire ? Soulever un pont, arracher un tronc d'arbre ? « Tu m'aimes trop pour vouloir me faire du mal. Tu as beau avoir la force physique si ton petit cœur, lui, ne suit pas le mouvement, tu ne pourras jamais arriver à tes fins. » Donc, si je traduisais les paroles de la jeune femme, j'étais incapable de lui faire le moindre mal car je m'étais déjà trop attaché à elle ? Oui, mais voilà, elle semblait omettre un détail qui avait tout de même son importance : je ne m'attachais à personne, moi. Personne. Alors au pire je tolérais sa compagnie, tout au plus. « Ce qu'il ne faut pas entendre, vraiment. » Et comme si ça ne suffisait pas, elle décida de poursuivre histoire de tenter, par tous les moyens et pour la seconde fois, de me prouver qu'elle avait raison. « Donc au final, tu as beau être baraqué, cela ne fait pas de toi un type qui a la force de tuer quelqu'un d'autre. » Je n'avais en effet pas l'intention de tuer qui que ce soit, mais que ce soit bien clair, j'en étais parfaitement capable. « Oh et si tu profites de la situation pour avoir les mains baladeuses, j'te les coupe. » Ah carrément. « Moi c'est la langue que j'vais te couper. » À ces mots, je décidai de poser la demoiselle à terre. Je n'allais pas cacher que, désormais, j'étais quelque peu en rogne. Oui, ça me faisait éperdument chier qu'on tente à chaque fois de me faire passer pour celui que je n'étais pas. Laoise était adorable,... seulement elle avait, comme les autres, le don de m'énerver parfois. « Et t'en fais pas, hein, je toucherai plus le moindre d'tes cheveux. 'Toute façon, ça m'réussit pas forcément d'me montrer tactile ici. » Ce jeu me faisait découvrir pas mal de choses, et les râteaux en faisaient partie. Je mis finalement mes mains dans mes poches, avant de ne tourner la tête sur le côté. On pourrait croire que je la fuyais du regard... et c'était bien vrai.

J'étais encore le mieux placé pour affirmer ne m'être attaché à personne ici, depuis mon arrivée. Ni à Laoise, ni à aucun autre candidat. Non, je ne portais personne dans mon cœur - si j'en avais un, d'ailleurs -, et n'avais l'impression de ne m'être fait aucun "ami" en ces lieux. Alors bien sur il demeurait certaines personnes avec qui le courant passait mieux. Très bien, même parfois. Seulement de là à dire que je m'étais lié d'amitié avec untel ou untel, ou encore que j'appréciais trop monsieur x ou madame y pour leur faire le moindre mal... non, clairement pas. Si il y avait bien évidemment des candidats dont je tolérais encore la présence, rien ne m'empêchait de les faire dégager à la moindre occasion, ni de leur faire la crasse du siècle - autant dire qu'il ne valait mieux pas que je me retrouve, un de ces jours, premier au top des candidats de la semaine. Bonjour les nominations d'office, sinon. Et Laoise qui semblait penser que je ne pourrais pas m'en prendre à elle car je m'étais déjà trop attaché à sa personne. Ah vraiment, n'importe quoi cette demoiselle. Elle tentait sans doute de m'atteindre, de me faire réagir ou je ne sais trop quoi encore... seulement ça ne marchait pas sur moi. Dommage, hein ? D'ailleurs, elle était presque parvenue à m'énerver. J'avais donc tourné la tête pour ne plus avoir à la regarder... et bêtement elle fit de même. Un blanc s'installa. Et puis, soudain, la jeune femme reprit la parole. « On va courir tout nus dans la forêt en chantant des chansons faisant l'éloge de cette belle nature ? » Oui alors quand on n'a rien à dire, on peut aussi se taire, non ? Ouais, elle aurait surement dû pour le coup. Surtout que je nous voyais mal courir nus dans la forêt en chantant, elle et moi. Il n'y aurait rien de mieux pour faire grimper l'audimat, néanmoins. Mouais. Ou pas. Toutefois, sa remarque fut bientôt suivie d'une petite réaction de ma part - un rictus, en l'occurrence. C'était tellement... absurde. Elle était tellement absurde... « C'est pas un truc à m'dire, ça. Tu sais que j'ne rate jamais une occasion de m'désaper. » En effet, dès que je le pouvais, je faisais tomber le pantalon... et tout le reste avec. Pas exhibitionniste, non, juste fier de mon corps et pas pudique pour un sou. Si vraiment il me fallait me mettre nu, je le ferais sans soucis... mais Laoise aussi, alors. Pourquoi est-ce qu'elle serait la seule à pouvoir se rincer l'œil, hein ?