Citation : avec sive lundi 11 juin 03h14

Elle allait bien. Ce fut une soirée bien merdique, mais, elle allait bien. Parfaitement bien. Elle n'était pas la plus à plaindre. Elle n'allait pas se plaindre. Tout allait bien. Vraiment. Sa respiration, plus rapide que d'ordinaire, saccadée, ne voulait rien dire. Et cette désagréable sensation qui l'envahissait ? Ce n'était rien. Rien qui était impossible de dissimuler avec un air serein et un sourire. Regardez, elle avait traversé le château, avait erré dans les couloirs pendant une bonne dizaine de minutes sans attirer la moindre attention. C'était dans la poche, elle vous disait. Elle était trop douée pour cacher les choses, ses états d'esprit en premiers. Toutefois, elle avait grandement besoin de s'isoler, là, maintenant. Et pour cela, elle voyait deux solutions: les toilettes, où elle pourrait s'enfermer à clé en espérant que personne ne viendrait la déranger ou bien, la cabane en bois. La deuxième solution l'attira plus que la première, allez savoir pourquoi. Elle se dirigea donc vers la fameuse cabane, la gorge serrée, avec l'envie urgente, si ce n'est indispensable de s'enfermer quelque part le temps d'un instant. Son pas se faisait pressant et c'est presque avec frénésie qu'elle essaya d'ouvrir la porte, en vain. Pourquoi refusait-elle de s'ouvrir, cette conne ? Elle soupira, lâcha la poignée, passa une main sur son visage, qui, pour le coup, se faisait bien moins serein qu'auparavant. La porte s'ouvrit d'elle-même, l'irlandaise put ainsi apercevoir Sive qui quittait l'endroit. Mais pas le temps d'intégrer cette information, elle s'enfonça à son tour dans la cabane en bois, allant s'asseoir au sol, dans un petit coin de la pièce. Promis, elle allait bien. Sa respiration était juste un peu haletante et peut-être bien que ses yeux étaient plus humides qu'habituellement, mais ça ne voulait rien dire. Elle allait super bien.

Après le prime, j'avais eu besoin d'un moment de solitude, pour expier tous les sentiments contraires qui se mêlaient en moi, toutes les mauvaises ondes qui risquaient à tout instant de s'abattre sur les autres candidats si je ne me calmais pas. On pensait m'avoir vu en colère, sous prétexte que j'étais franche et que je ne me laissais pas faire. C'était faux. Même Loxias n'avait eu qu'un bref aperçu de ce que pouvait donner Sive dans toute sa splendeur, rongée par la haine. Je pouvais devenir une véritable tornade. Par conséquent, j'avais décidé de me calmer dans un coin. J'avais très rapidement éliminé le château tout entier, où les gens trainaient sans but et pourraient donc me sortir sans peine de ma cachette, et ensuite la plupart des extérieurs, sachant que les balades nocturnes après le prime n'étaient pas rares, beaucoup ayant besoin d'air frais pour se remettre les idées en place. A mon stade, on ne pouvait plus parler que d'un simple réglage de mon horloge. J'avais donc finalement choisi la cabane en bois en priant pour que personne ne débarque afin d'appuyer sur le gros bouton rouge. Je me posais là, et restais ainsi immobile pendant un long moment, un très long moment. Une heure, peut-être. Quand enfin, je me relevais, totalement vidée à force d'avoir trop ressenti, j'entendis la porte secouée dans tous les sens, je vis la poignée qui s'agitait. J'allais ouvrir, et une candidate fondit à l'intérieur pour s'asseoir dans un coin, exactement au même endroit que moi précédemment. Ouch. Elle n'avait pas l'air bien... C'était un euphémisme. A cinq pas d'elle, je pouvais entendre sa respiration, et pas qu'un peu. Elle n'avait même pas l'air de m'avoir vu. « Laoise ? » Je fermais la porte, inquiète, et allait m'agenouiller devant la candidate, déposant ma main sur mon genou. « Qu'est-ce qui se passe, ma belle ? » Ma voix était douce. Non, je ne la connaissais pas. Je lui servais du "ma belle" pour l'apaiser. Ça n'avait pas grande importance. Dans l'état où elle était, qui j'étais ne comptait pas.

Oppressée. Angoissée. Elle était prise dans une tornade de sentiments, qu'elle n'arrivait pas à contrôler dans l'immédiat. D'habitude, le contrôle, elle l'avait. Toujours. Mais pas là. Là, c'était juste trop d'un coup et il était temps pour elle de laisser le contrôle de côté un instant. Voilà pourquoi la cabane en bois était jugée comme le refuge idéal. Du moins, si elle se retrouvait seule, puisqu'elle n'avait pas besoin de compagnie pour cela, pour avoir l'air soudainement pathétique et paniquée. Elle s'installa au sol, se recroquevilla et laissa sa respiration agir à son bon vouloir. Qu'elle accélère si elle voulait, qu'elle se fasse plus bruyante, que ses mains tremblent même, peu importe. Son regard était perdu dans le vide et ce n'est qu'au léger contact sur son genou qu'elle le leva vers Sive avant de le laisser vagabonder à nouveau, quelque part sur le sol. Des sons se firent entendre. Elle comprit qu'ils provenaient de Sive lorsqu'elle remarqua ses lèvres en mouvement. Elle se concentra afin de comprendre ce qu'elle lui disait. Que se passait-il ? Eh bien, rien de bien spécial, elle avait l'impression. Elle était peut-être un peu dans un état étrange, là, mais dans cinq minutes, ça lui serait passé. Juste le temps d'intégrer les évènements de la soirée. Vraiment pas de quoi fouetter un chat, en fait. « Tout va bien. » qu'elle fit en un souffle. Mais oui, bien sûr. Le pire étant qu'elle résidait extrêmement sérieuse dans ses dires. Non, vraiment, ça allait, c'était juste un surplus d'émotions qu'elle devait laisser partir et après, elle serait comme neuve. Vraiment.

Elle a l'air complètement à l'ouest, la gamine. Pour preuve : c'est tout juste si elle réagit au contact physique de ma main sur son genou, et encore moins aux mots que je prononce. Au bout d'un moment, elle finit par relever la tête. Je capte son regard vague, ses iris un peu diluées par la faiblesse. Eh merde, je suis pas très douée dans ces situations-là, moi. Enfin, pas quand je ne les connais pas bien. Je suis plus douée pour bousculer les gens. Même quand il s'agit de mes amis, pour les réconforter, généralement, je les bouscule. Ça ne plaît pas toujours, mais ma franchise prime sans cesse, et c'est alors de l'exhortation à la lucidité, à la suppression de ce qui vous pousse à l'échec et au malheur. Vous seriez étonnés de voir que ce genre d'approche marchait sûrement bien souvent beaucoup mieux que les caresses. Peut-être pas pour les réconforter sur le moment, mais après. Pourtant à cet instant, je n'ai rien de brusque. Parfois, je vois quand il faut cesser de l'être. « Tu es sûre que... tu ne veux pas me dire ce qui t'a mis dans cet état ? » Je me mords la lèvre. Je conçois parfaitement la difficulté de la chose, d'autant plus qu'elle et moi, on ne se connaît pas plus que ça. C'est même plutôt le cas de le dire. « Ou tu préfères que je te laisse ? Que j'appelle un autre candidat ? » Ah oui, non, je n'allais pas la laisser seule. Elle avait vraiment l'air déconnectée, la petite Laoise, là, et moi je ne prendrai pas la responsabilité d'avoir abandonné une âme en peine. Je serre un peu son genou sur lequel ma main était toujours déposée, dans un geste rassurant, mais aussi supposé la ramener un tant soit peu à la réalité. Qui sait.

Et elle perdait pied. Elle respirait toujours plus brusquement. Son esprit était inondé de pensées peu agréables. Elle n'aurait jamais dû participer à ce jeu. Tout simplement. Le mensonge dans lequel elle vivait était très bien, quand elle y pensait. Tout un tas de gens rêverait d'y vivre, elle en était persuadée. Elle aurait dû s'en contenter, suivre les projets que sa mère avait pour elle. Oui, c'est ce qu'elle aurait dû faire, rester, faire croire que tout allait bien et qu'elle était heureuse de sa situation. Mais non. Elle était venue ici et parfois, elle trouvait ça stupide. Les choses qu'elle faisait étaient stupides. Elle était stupide. Et voilà où elle en était. Avec son souffle qui partait en cacahuètes, avec la déception des petits camarades qui planait au-dessus de sa tête, avec la peur qui engourdissait ses membres. Elle allait le regretter, elle le savait. Elle allait avoir tant de regrets face à ce jeu et tout ce que cela allait impliquer dans sa vie. C'était bête. De vouloir ce changement, elle supposait. Bien qu'il était nécessaire. Quoique, parfois, elle se demandait si c'était réellement le cas. Si elle avait vraiment besoin d'être elle-même. Après tout, puisque la personne qu'elle était finirait forcément par attirer la déception, pourquoi ne pas rester l'illusion qu'elle reflétait ? Elle ne savait pas. Sive la questionna à nouveau. « Je vais bien. » Même discours, toujours cette même illusion du parfait. Tss. Ses yeux se bordaient petit à petit de larmes, chose qui contredisait clairement ses dires. Sa camarade voulait aller chercher un autre candidat ? Non, surtout pas. Personne ne devait la voir dans un état pareil. Elle secoua donc la tête pour la dissuader de faire une telle chose. Elle avait juste besoin d'un court instant et après, tout irait bien dans le meilleur des mondes. Juste un instant. Promis. D'ailleurs, voyez par vous-même, elle essayait déjà de reprendre le contrôle de ses émotions. C'était déjà pas mal, n'est-ce pas ?

Elle est têtue. Elle ne lâche rien. Elle reste là, le regard hagard, et moi, je suis plantée là, impuissante. Je ne sais absolument pas ce qui la met dans cet état. S'était-il passé quelque chose au prime ? C'était tout moi ça : j'étais trop préoccupée par mes propres problèmes pour regarder ce qui se passait autour de moi. Tout m'indifférait dans un jeu où les apparences dansaient. Mais la douleur, celle que j'avais en face de moi, elle, semblait réelle. Bel et bien réelle, à tel point qu'elle venait s'emparer de mon cœur à mon tour. « Laoise. Tu ne vas pas bien. » Ma voix gronde presque. C'est qu'elle répète ça sans arrêt, alors que c'est faux. Bien sûr, je sais ce qu'elle essaye de faire : elle tente de se persuader elle-même pour prendre le dessus sur ses émotions. Le truc, c'est que ça ne servirait à rien. Elle cacherait tout ça dans un petit coin, mais la maladie la rongerait irrémédiablement, petit à petit, et la douleur se ferait plus puissante encore, au final, elle l'attaquerait d'un coup, sans crier gare, à force d'avoir trop cumulé. Oui, j'étais connaisseuse. Je m'installe en tailleur et approche ma main de la sienne. « Serre, si tu veux.» Mon regard passe de sa main à ses yeux embués. Que cette scène est cruelle. « Tu sais, tu as le droit de pleurer. Ça restera entre nous. » Je ne faisais pas partie de ces gamines de dix piges allant répéter la nouvelle à toute la maison, cela était certain. Était-ce suffisant pour qu'elle se lâche ? J'avais un doute. D'autant que le conseil que je lui prodiguais, je n'étais même pas capable de le suivre moi-même. Par fierté sûrement, j'empêchais chaque larme réclamant la sortie de se frayer un chemin vers elle.

Laoise était simplement confuse. Rien de plus. Pas de quoi en faire tout un scandale, ni quoi que ce soit. Dans cinq minutes, ça lui serait passé. D'accord, elle se disait ça depuis un quart d'heure, mais là, vraiment. Vraiment, elle allait bien. Elle tâchait de contrôler sa respiration et dans quelques minutes, elle était persuadée qu'elle y arriverait. Il ne fallait pas se fier à quelques éléments trompeurs, elle se portait bien. Il était simplement question ici d'un petit moment d'égarement, c'est tout. À vrai dire, elle aurait presque pu affirmer à nouveau qu'elle allait bien, si elle n'était pas concentrée sur sa respiration, à essayer de respirer plus sereinement, d'inspirer de grandes bouffées d'air avant de les expirer, malgré les tremblements de son souffle. Sive lui proposa ensuite sa main, lui donna même l'opportunité de pleurer si l'envie y était. Elle ne savait pas si elle souhaitait verser quelques larmes, bien que ses yeux n'allaient sans doute pas pouvoir retenir tout ce liquide lacrymal plus longtemps. Il y aurait forcément un moment où une larme se ferait la malle et après cela, toutes les autres suivraient. Et cela lui serait sans doute bénéfique, de pleurer quelque peu. Sa respiration se calmait petit à petit. Ce n'était pas sans mal, mais cela fonctionnait. Là, elle attrapa la main de Sive afin de la serrer doucement dans la sienne, comme si elle avait besoin de quelque chose pour la maintenir présente ici, afin qu'elle ne craque pas davantage. Et cela l'encouragea dans son idée de se calmer, cela l'aida même, sans aucun doute. Si bien qu'au bout d'un court instant, sa respiration était quasiment revenue à la normale, laissant une sensation de fatigue s'emparer de l'esprit de l'irlandaise. Sans doute qu'elle avait eu sa part à jouer, cette fatigue. Laoise entoura ses genoux de son bras vacant, avant de poser sa tête sur ses genoux ramenés près de sa poitrine, lâchant un bref soupir, ferma les yeux. « Merci. » laissa-t-elle entendre en réalisant une petite pression sur la main de Sive. Voilà, juste ça, un « merci » pour avoir été là. C'était la moindre des choses, pas vrai ? De la remercier. Elle supposait que si.