finnick, quatorze juin deux mille douze.

Le mot pour décrire ce qui m’habite en ce moment, c’est l’ennui. Cet espère de fléau dont je me passerai bien, en plus de tout le reste. Résultat, je me suis installée sur l’une des banquettes de velours, mon dos trouvant refuge contre le mur, mes jambes étendus de tout leur long sur le banc, portable installée sur mes genoux, que je regarde distraitement. Quoi de mieux pour passer le temps que de faire une revue de tous les blogs, de la première jusqu’à la dernière page, et en ordre alphabétique, les amis. Je dois en être rendu à Finnick quand j’étends des bruits de pas dans la pièce. Léger coup d’œil pour constater que la personne dont je scrute la page est la même que celle qui sillonne cette pièce. Drôle de coïncidence quand même. Non, en fait, je m’en fiche un peu. J’hausse les épaules avant de retourner à ma lecture, ne m’attendant pas à ce que le candidat s’attarde. Les gens sont souvent de passage dans le coin, de toute façon. Ou n’y reste pas bien longtemps. Peu importe.

La semaine était déjà bien entamée et là, après mon repas de midi, je m’ennuyais. J’avais parlé avec des gens, j’avais observé les comportements des autres dans la cuisine, pour leurs secrets et puis finalement j’avais décidé d’aller dans la salle informatique pour voir si y’avait un truc de neuf quelque part. Quand j’y entre, je remarque Anabel assise devant un pc, je m’approche de la jeune femme et m’installe à ses cotés, je sais qu’elle traverse surement une période difficile dans le jeu et dans sa vie, a cause de son secret mais de Ezequiel aussi. « T’es pas seule. » Je fais, les yeux braqué sur son profil, jusqu'à ce qu’elle daigne tourner la tête vers moi, je vais même jusqu'à passer mes doigts dans sa chevelure, distraitement. « Et puis Ezequiel, il ne te touchera plus sans qu’on le fasse sortir pour de bon. » J’ajoute, ce mec ne touchera plus personne, j’en fais une affaire personnelle maintenant qu’il a Tweedy entre ses griffes.

Est-ce que je suis surprise lorsqu’il vient s’installer à mes côtés. Non, du tout. Je m’attendais à cette éventualité, même si dans ma tête, elle avait environ 10% d’être la bonne. Il faudrait peut-être que je revois mes calculs de statistiques à la hausse, la prochaine fois… Une erreur, ça passe, mais pas une seconde, oh non. « T’es pas seule. » Je sens son regard braqué sur moi, sur ma silhouette, mon visage de profil, qui pointe droit devant lui, comme mon regard, qui ne quitte pas l’écran des yeux, même si j’ai depuis un moment cessé de voir ce qui y est écrit. Les larmes embrouillent ma vision. Sale traitresse. Je détourne un peu la tête vers lui, afin de cacher mon émotion, mais le geste délicat de Finnick dans mes cheveux m’empêche de totalement esquiver son regard. Je ne veux pas l’offusquer non plus, alors qu’il se montre gentil, et compréhensif avec moi. « Et puis Ezéquiel, il ne te touchera plus sans qu’on le fasse sortir pour de bon. » Ça, par contre, j’en doutais. Sa nomination, la semaine dernière, ne l’avait pas empêché de me terrasser dans le jacuzzi. Heureusement que Keelan était arrivée au bon moment. La prochaine fois… la prochaine fois serait la fois de trop. Rien n’arrêtait la bête quand elle était lancée contre sa proie. « Ils aiment trop le spectacle… il ne sortira jamais de ce château. » Pas avant d'avoir eu ma peau. ‘Ils’ faisait bien sûr allusion aux téléspectateurs qui avaient choisi de le sauver, au profit de Sochanna, ou bien Elise. Une décision dont il ne mesurait pas l'ampleur.

La jeune femme avait tourné sa tête vers moi, elle avait les yeux remplis de larmes qui, pour l’instant, ne coulaient pas. Je l’appréciais vraiment, Anabel, elle était une des candidates avec qui je m’entendais le mieux alors la voir dans cet état m’attristait aussi. « Ils aiment trop le spectacle… il ne sortira jamais de ce château. » Je retire doucement mes doigts de ses cheveux et récupère ma main. C’est un sujet qui me fâche, ça me met en colère de savoir qu’il est encore là, qu’il pourrait agresser voir tuer l’une des candidates comme ça. Car on enverra jamais quelqu’un a temps, même si il est filmé, il suffit qu’il appuie un peu fort, qu’il torde le coup de sa victime et personne ne peut rien faire. « J’aimerais pouvoir te dire que si, il sortira, mais je crains que tu aies raison… » Je levai les yeux sur elle, la seule manière pour le faire sortir serait qu’il agresse encore quelqu’un, la production n’aurait plus le choix, mais ça voudrait dire une autre personne traumatisée. Ce gars me fichait la trouille et me donnait aussi des envies de meurtres, simples pulsions passagères que je contrôlais sans peine, pas comme lui, disons que dans mon cas ce n’était qu’une expression utilisée pour désigner une forte colère. « Pourquoi tu es venue avec un secret aussi lourd ? » je demande doucement, car tout ça n’a servit qu’a le lui rappeler, a ressasser tous ses souvenirs… La pauvre n’a même pas trente ans et a déjà vécu une vie horrible.

Je ne suis pas rassurée de savoir le fauve encore dans les parages, de savoir qu’il pourra encore s’en prendre à l’une de nous, que ce soit Swann, Laoise, moi… ou n’importe quel autres des demoiselles. Tweedy, peut-être, voir même Valentina, qui lui font presque naïvement confiance, persuadée que sous ce sombre être se cache quelqu’un de bien. Le jour où elles ouvriront les yeux, il sera peut-être trop tard… et ça me fait de la peine de songer à de telles choses. « J’aimerais pouvoir te dire que si, il sortira, mais je crains que tu aies raison… » Je sais que j’ai raison, et c’est ce qui me saoule le plus, dans toute cette histoire. Tout ce qui fait vendre à la télévision, c’est le sexe, les chicanes, et maintenant la violence. Bien plus intéressant que les gnangnans des amoureux. Et pourtant, l’amour est tellement plus beau que la violence. Facile à dire, et à faire comprendre à un être qui est dépourvu de toute émotion. C’est peine perdue. « Pourquoi tu es venu avec un secret aussi lourd ? » Ma tête se tourne vers lui, le vert de mes yeux toujours aussi luisant de ces larmes qui ne veulent toujours pas couler. « Je ne sais pas… » Sincèrement, je ne comprends pas ce qui m’a pris d’accepter de participer à l’émission avec ce secret en particulier, ce truc précis, ce sombre passage de mon existence. « Peut-être pour me faire croire que je suis passée à autre chose… » Et visiblement, là, je m’étais trompée sur toute la ligne.

Le sujet sur Ezequiel est clos, quelque part je pense qu’il vaut mieux si la jeune femme ne veut pas me voir m’emporter, comme je m’étais emporté avec Tweedy, de plus savoir mon ancienne partenaire avec lui me mettais deux fois plus sur les nerfs. Alors je lui demandai pourquoi elle était venue ici avec ce secret. « Je ne sais pas… » Fit-elle doucement. « Peut-être pour me faire croire que je suis passée à autre chose… » Je vois bien dans son regard que ce n’est pas le cas, cependant je ne vais pas lui poser plus de question sur le sujet, ça doit surement être assez terrible comme ça. Alors je hoche la tête doucement, je sachant plus vraiment quoi dire, j’étais pas doué pour ce genre de truc, consoler les gens. Alors je me lève et je lui tends la main pour qu’elle se lève aussi, ce sera plus pratique debout, quand elle se lève je la prends des bras. « Tu peux pleurer si tu veux. » je chuchote, je ne sais pas si elle voulait éviter de craquer devant la caméra ou pas, mais la voir triste m’était insupportable, en règle générale je n’aimais pas voir quand les gens avaient des problèmes et c’est pour ça que j’essayais d’occulter les miens au maximum. Et que j’essayais de l’aider là maintenant, pleurer lui ferait du bien, c’est se défouler sans avoir besoin de cris et de coups.

Il vaut mieux pour nous deux que nous arrêtions de parler du candidat dont la simple présence au sein du jeu me porte préjudice. Pour ne pas faire naître d’avantage de frayeur dans mon être, mais surtout pour éviter que Finnick, ici présent, s’emporte et fasse une connerie. Il est d’autant plus concerné depuis que sa partenaire, inconsciente, a décidé de faire équipe avec le noir. De quoi inquiéter n’importe qui, sauf elle. Je ne sais pas ce qui lui a traversé l’esprit… Elle était bien avec Finnick, non? Troqué l’un contre l’autre, c’est du suicide. J’espère qu’il ne sera pas trop tard, lorsqu’elle s’en rendra compte. Le silence s’est installé entre mon camarade et moi, le seul geste qu’il a à mon égard est celui d’hoché la tête en guide de compréhension. Je ne m’attendais pas à ce qu’il se lève, et je reste un peu surprise de le voir quitter sa place, puis tendre la main vers moi. Je repousse sur le côté le portable que j’ai toujours sur les jambes, puis me lève à mon tour. À peine ai-je le temps de me mettre sur pied que ses bras m’entourent, alors qu’il me colle tout contre lui, affectueusement. « Tu peux pleurer si tu veux. » me glisse-t-il simplement à l’oreille, et j’étouffe un léger sanglot. C’est difficile de laisser tomber mes barrières, de me laisser véritablement aller au chagrin qui m’assaille depuis… ce jour-là. Je n’ai jamais vraiment pleuré que deux ou trois fois, et pourtant, il en faudrait tellement plus pour évacuer tout cette tristesse qui m’habite. Ce qu’il m’offre est plus précieux que n’importe quel or. C’est un endroit où pleurer à l’abri des regards, et des caméras. Mon visage se réfugie dans le creux de son cou… c’est à ce moment que la digue lâche. Un torrent de larmes défilent sur mes joues, alors que je m’accroche à lui. Ne me laisse pas tomber maintenant, Finnick.

La jeune femme s’accroche à mon cou, elle passe ses bras autour de moi et enfouit sa tête dans le creux de mon cou, là elle est définitivement cachée des caméras et pendant que je lui offre cet exutoire, je passe une main dans son dos, des caresses douces et lentes qui ont pour but de la calmer. Je ne sais pas combien de temps on va rester comme ça mais elle peut prendre le temps qu’il lui faut, si elle doit pleurer une heure et bien qu’elle le fasse car maintenant qu’elle était occupée je ne me sentais pas le droit de la laisser tombée, elle aurait plus mal encore. Alors j’attends qu’elle se dégage, qu’elle régisse, c’est à elle de me faire comprendre qu’elle n’a plus besoin de moi comme cachette aux caméras.

Je ne sais pas combien de temps nous restons dans cette position, combien de temps je m’accroche à lui comme à une bouée de sauvetage. Tout ce que je sais, c’est que le torrent de larmes qui coulent sur mes jours fini, à un moment, par s’arrêter, ou du moins, ralentir sa course. Mes sanglots ne s’échappent plus de ma bouche, et je commence, doucement, lentement… difficile, à me calmer. À reprendre le peu de contenance qui m’habitait avant son arrivée. Mes bras qui le retenait se relâche, mais je ne bouge pas de position, je crains qu’au moindre changement, qu’il soit brusque ou minutieux, la tristesse ne m’assaille de plus belle. Je laisse donc ma tête posé contre son épaule, mon visage caché, toujours et encore, contre son cou. « Tu n’étais pas obligé de faire ça… » Je le lui chuchote, d’une petite voix fragile et chevrotante. Rien n’explique ce qui à pousser Finnick à ainsi m’ouvrir les bras au moment où j’en avais le plus besoin.

Au bout d’un long moment, je sens Anabel se calmer dans mes bras, mais elle ne bouge toujours pas, peut être qu’elle a encore besoin d’un peu de temps pour se reprendre totalement et pouvoir faire face aux caméras. Je ne sais pas, mais bon je suis encore là alors qu’elle en profite. « Tu n’étais pas obligé de faire ça… » Chuchote-t-elle, c’est vrai, je n’étais pas obligé. Je ne dis rien un petit moment puis je prends la parole. « J’ai du mal avec les gens tristes, je pouvais pas te laisser comme ça. » Je finis par dire, c’est comme ça, j’ai peut être l’air d’être hyper détaché en temps normal, en fait je déteste voir les gens dans leurs faiblesses, je m’efforce de leur redonner un peu de forces, parce que y’a toujours des connards pour s’attaquer aux gens quand ils sont vulnérables. Je n’ai peut être pas une tonne de qualité, surement pas en fait, je pense même que mon frère en a plus que moi, mais ça au moins c’est quelque chose dont je peux être fier. « Ca va mieux ? Tu peux rester là autant que tu veux, si jamais… » j’ajoute, mais son état me préoccupe, j’ai envie de savoir.