laoise, douze juin deux mille douze.

Je suis assise là, sur le bord de la rambarde qui protège les passants du vide qui s’offre sous eux, alors qu’il traverse le pont. Sauf que moi, je tâte le vide. Mes pieds y pendent et se balancent, alors que mon regard est rivé vers la surface d’eau claire qui se traine dessous. Le lac, ce vaste étendu d’eau. Je me demande si elle est froide. Non pas que j’ai l’intention de m’y baigner… mais sait-on jamais, je pourrais tomber. Il faut dire que ce n’est pas très judicieux de ma part de m’être installer là, et de me pencher vers l’avant pour regarder encore plus bas, toujours plus bas. Je me sens d’ailleurs vaciller avant de me rattraper plus sèchement au rebord du parapet. Ouf, deuxième prise. À la troisième, je serai surement moins rapide, et j’en serai quitte pour une bonne chute. N’empêche, mes dernières tentatives – soldés par un échec – ne m’arrête pas, et je tente à nouveau d’apercevoir ce qui se cache sous le pont, suivant des yeux un couple de canards qui passe par là. Ils sont fascinants, ces deux-là, presque insouciants de ce qui les entoure, se baladant tout doucement au gré du courant. Ma fascination pour eux risque de me faire basculer par-dessus bord, mais je n’en ai pas tellement conscience… jusqu’à ce qu’une main se pose sur mon bras, stoppant ce qui aurait pu être une terrible chute dans le vide. Ma tête se retourne, et c’est sur le visage inquiet de Laoise qu’il s’arrête. « Hey. » Ma voix est terne, mais je consens tout de même à saluer la jeune femme. Par appréciation pour elle, malgré cette nomination dont elle m’a incombée. Mais c'est le jeu, n'est-ce pas? Et qu'un enième élément qui s'ajoute à la liste de ces choses qui me font regrettés d'être ici.

La candidate décide d’opter pour la même position que moi en s’installant à mes côtés, sur la rambarde. Elle m’offre même un bisou sur la joue. En temps normal, j’aurai souri, voir rougit de cette marque d’affection, mais aujourd’hui, y’a comme un gouffre qui avale toutes traces d’émotions sur mon visage. « Tu vas bien ? » Haussant d’épaule en guise de réponse. Je crois que la réponse est assez évidente pour que je puisse sauter cette question. « Tu m’en veux… ? Pour la nomination ? » Ma tête se tourne vers elle, et je la cherche du regard. Elle semble inquiète… je cherche les mots pour tenter de lui faire comprendre que ce n’est pas le cas. Qu’elle n’a pas à s’en faire pour ça. « J’en veux à beaucoup de gens… pour une tonne de choses, mêmes. » Mauvais départ pour tenter de rassurer la belle, mais ce n’était que le reflet de mes pensées du moment, même si, en aucun cas, elles étaient dirigées vers elle. « Mais pas à toi. Pas pour ça. » Non, je ne lui en voulais pas pour la nomination. Bon, peut-être un peu, un tantinet même, car après m’avoir un peu abandonné aux dépens d’Andreas pendant le prime, sa décision m’avait quand même blessée. Mais dans un jeu comme celui-ci, être rancunière pouvait s’avérer néfaste. On était tous confrontés à des choix difficiles, à un moment ou l’autre de notre aventure. Il fallait savoir réagir en conséquence. « À quoi bon, de toute façon. » J’appréciais assez Laoise pour être capable de mettre ça de côté, et profiter pour une dernière semaine de sa présence à mes côtés. Andreas et Ezéquiel, eut, faisant évidement partie du lot de ceux que j’éviterai volontiers. Pourquoi apporter avec moi un souvenir désagréable quand je pouvais me contenter de passer ces derniers jours en compagnie de ceux qui comptaient vraiment à mes yeux. C’est-ce qui expliquait pourquoi je tentais quand même de faire des efforts, si l’un d’eux m’adressait la parole. Ok, je n’avais pas le moral, mais ce n’était pas de leur faute. Ça me désolait, même, de les laisser sur une telle image de ma personne. Faudrait que je pense à remercier Cupidon.

J’étais nominée. Oui, c’était une réalité avec laquelle je devais vivre. Et Laoise aussi, malheureusement, car elle avait été à la base même de ce revirement de situation, revirement dans lequel elle n’avait pas eu le plus beau rôle. Être le bourreau ou la victime, dans un cas comme dans l’autre, les deux en souffriraient. L’un, à cause des conséquences de son geste – ou sa décision -, et l’autre, pour sensiblement les mêmes raisons. « Je suis désolée. » Elle n’avait pas eu à s’excuser, pour ça, mais pour tout le reste aussi. Personne n’était plus responsable de son propre malheur que soi-même, n’est-ce pas ce que l’on dit? Bon, d’accord, il fallait quand même être un brin masochiste pour s’imposer une vie remplir de malheurs et de malchances, mais je commençais à croire que ce serait mon lot quotidien, désormais. Ma tête, doucement, alla se déposer sur l’épaule de ma voisine, alors que de mes lèvres s’échappe un soupir. « Tu n’y es pour rien. » me sens-je quand même le besoin de rassurer ma camarade, car je sais qu’elle doit se sentir responsable, en partie, de ce qui m’afflige… même si elle se trompe sur toute la ligne. J’aurai seulement voulu que Cupidon s’en prenne à une autre qu’à moi. Qu’il impose ce dilemme à une autre qu’elle. Je tiens beaucoup à Laoise, je suppose qu’il en ait de même pour elle… mais pourquoi tenter de mettre la pagaille dans une telle amitié, alors que tout allait très bien. Peut-être trop bien, justement. Le sadisme du chérubin n’est plus à prouver.

Elle était nominée. Ce fait, bien qu’il soit la triste cause du malheur de l’une, et de l’autre, ne pouvait plus être réfuté, et s’y attarder risquait simplement de nous faire perdre du temps. Et mon temps, à moi, s’en trouvait compter avec cette épée de Damoclès qui me pendant au dessus de la tête. Tête, qui, d’ailleurs, risquait de tomber, dimanche. Le public sauverait-il mon joli visage d’ange, où préféra-t-il garder à l’intérieur quelqu’un qui fait plus de tapage que moi? J’étais discrète, et gentille d’après tous les autres. Mais était-ce vraiment suffisant pour motiver ma présence dans ce nid, j’en doutais. Être apprécié à l’intérieur ne signifiait pas qu’il en allait de même, dehors. Ezéquiel avait bien été la proie de la haine commune, et regarder le résultat : alors qu’Elise et Sochanna retrouvait leur vie extérieur, lui continuait à se la couler douce, à l’intérieur, me terrifiant, au passage. Laoise déposa un doux baiser sur mon front. « Ça me rend triste de te voir triste. » fit-elle-même tout bas, à mon attention. Savoir qu’elle se préoccupait de moi, de la sorte, me faisait quand même un petit baume au cœur. Mais rien qui puisse vraiment effacer toute ma peine. « C’est moi la plus vieille des deux, et pourtant, c’est toi qui veille sur moi. » ne puis-je m’empêcher de constater. Et ce n’était pas la première fois. Elle avait été présente pour moi, lorsque les sévices que nous avions subit avaient été annoncés au lot des candidats. Et encore aujourd’hui, elle était encore à mes côtés. « Merci, d’être là. » Elle le méritais, après tout.

« J’aime veiller sur toi. » Et ça me plaisait que quelqu’un veille ainsi sur moi. J’avais tellement toujours l’habitude d’être celle qui veillait sur les autres, cette bonne oreille à qui on se confit, et qui ne juge jamais, qui comprend tout, mais garde aussi ces confidences pour elle. Oui, ce genre d’amie-là, c’était moi. Et semble-t-il que je venais de trouver en Laoise quelque chose qui s’y rapprochait. Quelqu’un vers qui me tourner en cas de besoin. Cette pensée, malgré mes sombres tourments, réussit moi aussi à me tirer un faible sourire. Un exploit, vu mon humeur. Mais de quoi rassurer Laoise que sous cette tristesse, la jeune femme qu’elle avait connu en début d’aventure existait toujours. Il fallait seulement qu’elle se libère de tout ce poids de désespoir. Attrapant la main vacante de la jeune femme, j’y déposais un léger bisou, puis la gardant dans la mienne, je resserrais mon étreinte sur celle-ci, sans lui faire mal, évidemment. Ma tête toujours accoudée contre son épaule, le léger sourire que j’avais sur mes lèvres disparu, et un soupire filtra de mes lèvres. « Partir d’ici, de cette aventure… sans avoir le moindre regret. Tu crois que c’est possible? » questionnais-je ma camarade. Parce que plus la semaine avançant, et plus je m’interrogeais à ce propos. À croire que cette possible fin précipité remettait beaucoup de chose en perspective.

- désolé pour cette qualité -