Bon, j'ai faim, j'ai faim et j'sens bien que si je ne cuisine pas, j'suis pas prêt de manger. Ou peut être un truc infâme, un de ces plats surgelés sans saveur qu'on nous servait parfois. La production était sympa, elle nous avait filé un chef cuistot, sauf qu'il ne semblait pas d'humeur partageuse le chef cuistot, d'autant qu'il était parti maintenant. Et personne ne semblait pourvu de talents de cuisiner de ouf. Alors voilà, je me traîne dans la cuisine. J'ai envie de pâtes à la bolognaise sauf que j'vais pas me la jouer fainéant en me contentant d'ouvrir une boîte de sauce prête à l'emploi parce que c'est fade, pas forcément à mon goût, non autant faire une bonne sauce maison, nettement plus seine. Pour cela, j'ai besoin de tomates, beaucoup de tomates, du concentrés et du coulis en brique aussi, des carottes pour la sauce, et puis des herbes aromatiques. J'trouverais tout ceci au cellier alors je m'y rends. Je dépose le tout sur le plan de travail et commence à découper les légumes. La découpe des carottes et assez fastidieuse puisqu'il faut presque l'émietter, à l'oeil nu, on ne peut les distinguer. Finalement tout est découper, je peux commencer à mettre le tout dans la casserole. Une très grande casserole, mais une casserole tout de même J'assaisonne le tout, et l'étape la plus importe est lancé, le moment de goûter. Je goûte, à l'aide d'une cuillère sauf que. Y'a un hic, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose, mais quoi ? Ça m'emmerde parce que je n'arrive pas à être satisfait. Si seulement j'avais quelqu'un pour me donner son avis. Et là, comme si elle venait d'entendre mes prières, je vois Tweedy qui débarque. Que Dieu la bénisse. « Tweedy, Tweedy, Tweedy. » Je lance, mystérieux à souhait alors que je touille ma préparation qui commence à embaumer la pièce. « Je viens de t'ordonner goûteuse en chef, t'es honorée ? Bien sûr que tu es honorée. » Qui ne le serait pas à sa place ? Personne. Puis ce n'est pas pour me vanter, enfin si un peu en réalité, mais j'suis carrément doué dans mon genre. « J'ai vraiment besoin que tu me goûtes ça. » Je lui tends la cuillère, puis un éclair de génie me traverse. « Non mais attends, t'es végétarienne/lienne. Tu peux ? » Je la regarde interrogatif, j'ai jamais compris la différence entre les deux, avant de lever les yeux au ciel. « Bien sûr que tu peux. » Bah oui, si bien que je lui tends à nouveau la cuillère. « Attends, tu peux hein ? » Oui bonjour, Slavin, le barge de service, ravi de faire ta connaissance ma chère Tweedy.

S'il était bien rare que Tweedy se fasse envoyer paitre lorsqu'elle entrait dans une pièce, il était presque aussi rare qu'elle ait l'impression de tomber absolument bien. Et pourtant, c'est bien ce qu'il venait de lui arriver lorsque la jeune femme avait pénétré dans la cuisine, où elle n'avait pas tardé à apercevoir son camarade Slavin, visiblement enthousiaste à l'idée de la voir. Oh, mais c'est qu'il la ferait presque rougir. Bon, quelques peu méfiante de nature - qui l'eut cru, hein - Tweedy préféra croire qu'un petit quelque chose se cachait derrière un tel accueil. Il y avait forcément une raison, car il était tout de même relativement peu probable que ce jeune homme soit aussi satisfait de l'entrée de Tweedy alors qu'ils n'étaient tout de même pas extrêmement proches. Mais dans un premier temps, la jeune femme laissa ses suppositions de coté et s'approcha de son camarade, un grand sourire sur les lèvres, et adoptant le même air mystérieux que Slavin. « Slavin, Slavin, Slavin » fit-elle alors, lâchant par la même occasion un petit rire, puis s'approchant encore davantage pour tâcher de voir ce qu'il faisait de beau, ou plutôt, ce qu'il préparait de bon. Car le jeune homme était visiblement en pleine élaboration d'une recette, et de ce que Tweedy pouvait voir, il s'agissait très certainement de sauce bolognaise. La nouvelle remarque de Slavin la fit rire une nouvelle fois. Ainsi donc, elle était promue goûteuse en chef ? Que d'honneurs, dites donc. « Même le prix Pulitzer ne m'honorerait pas autant » fit-elle alors, prenant un air à la fois chamboulé et très reconnaissant. Ouais bon, elle en rajoutait peut être un tout petit peu, c'est vrai, mais n'empêche qu'elle était véritablement honorée, hein. Il avait donc besoin qu'elle goute sa sauce, hm. D'accord. Ah, attendez voir, Slavin prit soudainement conscience de quelque chose. Est-ce qu'elle pouvait goûter sa sauce, sachant qu'elle avait adopté il y a quelques années un choix de régime bien particulier ? Haha, bonne question. « Je suis végétalienne, ce qui signifie que j'exclue volontairement de mon alimentation tout produit d'origine animale » expliqua-t-elle doucement, afin qu'il comprenne au moins ce qu'elle ne pouvait tout simplement pas manger. « Donc à priori, et puisque je ne discerne aucune boulette de viande dans ta préparation, je peux goûter ta sauce. Mais je te demanderais, avant de le faire, de me confirmer qu'il n'y en a véritablement pas. » Elle attrapa tout de même la cuiller, mais préféra attendre, histoire d'éviter toute mauvaise surprise une fois en bouche. Parce que la bolognaise, c'est avec ou sans viande, hein. Mais c'est tout même plus courant avec, donc ...

Tweedy s'approcha particulièrement enthousiaste visiblement, tant mieux, j'aurais eu un peu les boules de la faire fuir quand même. Elle prononça mon prénom de la même manière que je l'avais fait quelques secondes plus tôt. J'peux pas m'empêcher de laisser échapper un rire. « Non moi c'est Evan, mais tu dois confondre avec mon jumeau maléfique, on se ressemble pas mal lui et moi. » Rho ça va Tweedydy, je te taquine, ça fait quoi j'sais pas quelques heures que ma révélation avait eu lieu, c'était pas dramatique. Bref, de toute façon, j'suis trop occupé à la gratifier du titre honorable de goûteur en chef. Un titre prisé par un très grand nombre, j'espère qu'elle se sent honoré. « Le Pulitzer c'est totalement has-been tu ne perds rien. » Mais bien sûr, on y croit tous, je note néanmoins qu'elle le convoite puisqu'elle le cite, enfin c'est ce que je tire comme conclusion, après tout je me plante sûrement, c'est même carrément probable. Bref, peu après je me la joue girouette, en lui avançant et reculant la cuillère une bonne dizaine de fois au moins, tout en évitant avec classe de mettre de la sauce un peu partout. Bon alors, elle m'explique qu'elle est végétalienne. D'accord, j'inspecte ma sauce, d'un air suspect, comme si elle avait été faite par un autre que moi. Elle attrape finalement la cuillère demanda une confirmation de ma part. « Non c'est bon tu peux y aller, la viande est encore dans le réfrigérateur. » Et à priori, elle y restera, ouais, j'suis pas un rat, j'peux faire un truc végétarien, enfin lien, ouais végétalienne. Avec des aubergines, c'est super bon aussi. « Soit franche surtout, je peux tout entendre. » Et là je détourne le regard, théâtralisant un chouïa la scène, bien sûr que j'suis sérieux, bien évidemment. Non mais n'importe quoi. Mais comme j'ai l'impression qu'il manque un truc, et bien au moins, j'en aurais le coeur net.

Oui bon, il est vrai que Tweedy venait à l'instant de se tromper de prénom. Mais comment voulez-vous vous faire à l'idée qu'un jeune homme que vous aviez l'habitude d’appeler Slavin - que ce soit oralement ou dans vos pensées - se nommait en fait Evan, hein ? Ça n'avait rien d'évident, sachez-le. Ainsi donc, Tweedy ne manqua pas de faire cette bête erreur en s'approchant de son camarade, ce que ce dernier ne manqua évidemment pas de lui faire remarquer, en la taquinant qui plus est. Ah non, c'est pas juste ça. « C'est ça, fiche-toi de moi en plus, vilain » fit-elle alors, dans un petit rire, avant d'arborer une mine faussement contrariée, allant même jusqu'à froncer doucement les sourcils. Autant dire qu'elle n'était pas très crédible en petite fille boudeuse, mais qu'importe. Elle eut de toute manière de quoi grandement sourire par la suite, puisqu'elle fut ni plus ni moins promue au rang de goûteuse en chef par son camarade, une distinction rêvée de tous, c'était certain. Elle fit alors référence au Prix Pulitzer et dut faire face à la vilaine petite critique de Slavin, euh, d'Evan. « Has-been toi même, roh » fit-elle alors, en lui tirant légèrement la langue. Age mental : approximativement six ans et demi. Plus sérieusement, il est vrai que Tweedy convoitait en quelques sortes ce prestigieux prix. Un peu normal pour quelqu'un qui avait toujours rêvé de se lancer dans le journalisme, non ? Bon, la question que tout le monde - au moins - se posait était alors la suivante : y avait-il oui ou non de la viande dans la sauce bolognaise préparée par Slavin, roh, Evan ? Peut être que non, mais peut être que oui, ainsi donc Tweedy ne pouvait pas prendre le moindre risque. Il fallait donc que son camarade coopère et lui assure qu'il n'y avait pas la moindre trace de bout de viande dans sa préparation. Parce qu'au cas où cela lui avait échappé, c'était primordiale pour Tweedy de le savoir avant de songer à gouter sa sauce. Visiblement, pas de viande à l'horizon. Excellente nouvelle. « Je te fais confiance » déclara-t-elle alors, dans un sourire faussement intrigué, avant de goûter. Parce qu'au même titre qu'il ne faut pas faire manger de porc à un musulman, il ne faut pas faire manger de viande à un végétalien. Qu'en était-il alors de cette sauce ? Elle se devait d'ailleurs d'être honnête. Et bien ... « Hum c'est, comment dire ... » Elle se devait alors de trouver les bons mots, comme si elle s'y connaissait, hm. « ... ignoble. On ne devrait pas avoir le droit de cuisiner de pareilles horreurs, voyons. J'ai bien cru que j'allais y rester lorsque mes papilles sont entrées en contact avec cette infâme substance. » Tweedy resta sérieuse un très court instant avant d'éclater de rire. Oui, ça l'amusait. « Non, elle est excellente ta sauce bolognaise, Slavin, euh Evan ... » Bon sang, ça ne rentrerait jamais.

Je souris face à son tirage de langue, totalement un truc que j'aurais pu faire tiens. Pas très mature mais qui a dit que je l'étais réellement ? Pas moi en tout cas, pas tout le temps. « Estime toi heureuse, j'aurais pu bouder, pleurer, et/ou partir de là en hurlant. » Mais bien sûr, bouder, non pas maintenant plus tard peut être mais là, j'suis gentil j'accorde le droit d'erreur, et puis de toute façon c'est pas en râlant que ça va rentrer mieux n'est-ce pas ? Bah non. Au pire, si au bout d'un moment, ils se plantent toujours, je me suiciderais à coup de cacahuète. Ouais bref. Je ris face à son insulte suprême. « Douée comme tu es, tu l'auras aussi ce prix, et tu le remettra au coup du jour. Faut tout leur expliquer à ces jeunes. » Je lève les yeux au ciel, légèrement moqueur sur les bords. Elle vient bien de me traiter d'has-been, j'peux bien la traiter de jeune inculte non ? Ouais, j'trouve aussi. Le fameux sujet de la viande vint sur le tapis. Bon, j'ai bien compris que ça semble assez important pour elle, alors pour une fois, je réponds avec sérieux. J'sais pas, y'a des choses sur lesquelles faut arrêter de faire des blagues, le régime alimentaire de cette pauvre Tweedy par exemple. Déjà, qu'elle ne devait pas avoir une alimentation super variée à cause de cela, autant être sympa et surtout honnête. Enfin bon si j'avais su, peut être que... Oui parce que moi je la regarde comme si l'avenir de l'univers en dépendait et elle, me dit que ma sauce est immonde. Infâme, en vrai, mais c'est pareil. C'est horrible. Atroce, affreux, bref. C'est horrible. J'pense que j'suis devenu livide, parce que même si j'sais qu'elle est bonne, j'peux pas m'empêcher de la croire un tant soit peu. Mon dieu, mon monde s'effondre. Et si, tout le monde m'avait menti jusqu'à là, non vraiment c'est horrible. Sauf qu'évidemment, elle éclate de rire. « Oh mon dieu, comment tu as ... Comment tu as pu ? » Je fais la moue, comme un gosse à qui on a confisqué son jouet préféré. « Tu te rends pas compte, j'étais à deux doigts de me suicider avec... » J'regarde sur la table avant d'attraper le moulin à poivre. « Le moulin à poivre !! » Attention, c'est du lourd ! Et j'plaisante pas, j'suis super sérieux dans mon genre.

Comme toujours, Tweedy passait pour une jeune femme tout à fait mature, hm. D'ailleurs, on ne la prendrait pas le moins du monde pour une gamine, surtout lorsqu'elle se permettait de tirer la langue, hein. Oh non, tellement pas. La réponse de son camarade la fit alors rire comme une fillette, chose toujours aussi mature, hm. « Attends, si tu veux, on la refait ? » proposa-t-elle alors, dans un large sourire se voulant angélique. De la provocation ? Ah non, où ça ? Non non, elle ne cherchait pas du tout à le provoquer, hein. Ce n'était pas son genre, après tout. Et voilà que par la suite, Tweedy insulta très grièvement son camarade. Attendez, elle alla tout de même jusqu'à dire à celui qu'il était, attention préparez-vous, un has-been. Oui, elle avait osé. Et sans doute cela lui vaudrait-il de cramer en enfer, hein. La réponse de son camarade ne se fit alors pas attendre. Et si le début de celle-ci fit doucement sourire Tweedy, la fin lui fit froncer quelques peu les sourcils. Qu'insinuait-il par là ? Attention hein, elle pouvait être très peste quand elle s'y mettait. « Vous les vieux, vous critiquez toujours les nouvelles générations » laissa-t-elle alors échapper, sur un ton légèrement hautain. Elle était une jeune idiote, il était un vieux crouton. De bonne guerre, hm. Bon et sinon, comment était la sauce bolognaise réalisée par Slavin, euh Evan ? Et bien, sachez que cette sauce était une pure horreur. Vraiment, le gout lui donnait tout bonnement envie de s'éclater la tête contre la porte du frigo, tandis que cette texture tout à fait désagréable lui donnait des envies de meurtre sur la personne du cuisiner ici présent. Non attendez, pas de panique, tout cela était faux. Bien sûr que non, cette sauce n'était pas mauvaise. Au contraire, elle était tout bonnement délicieuse. Mais visiblement, Evan fut très affecté par cette plaisanterie de mauvais goût. Hey, il alla tout de même jusqu'à dire qu'il était sur le point de se suicider avec le moulin à poivre. Ah ouais, quand même. « Non Sla ... Evan, ne dis pas des choses pareilles. Tu es bien trop susceptible. Cette sauce n'en vaut pas la peine. Parce qu'en vrai, c'est véritablement dégueulasse en plus ... » Non mais ... non ! N'importe quoi Tweedy ! Est-ce que c'était censé lui remonter le moral, ça ?