Coudes douloureux, sourcils froncés et mine sévère, voilà plusieurs heures que je suis penché sur ce même bouquin qui me pousse au suicide. Non, sans blague, j’suis à deux doigts de commander une corde en gaélique. Le problème, c’est que je ne sais pas dire “corde”, ni même “flingue” ou “barbiturique”, mais dès que je sais, j’passe commande et j’en fini avec cette langue toute moisie qui me pourri l’existence et me force à remettre en question mon talent inné pour l’apprentissage des langues. Je fronce le nez, frotte un peu mes coudes endoloris par le matelas et la position à plat ventre prolongée, et reprend ma lecture. « Slender Consonants ? » je m’exclame à voix haute après avoir tourné la page pour découvrir un nouveau chapitre. Non mais c’est une plaisanterie ? Non content de transformer la prononciation de chaque putain de lettre, ils en ont inventés d’autres ? C’est quoi ce Pi bizarre ? Ou ce Oméga tout carré ? C’est la bière irlandaise, ça, à force de trop en picoler, ils nous ont réinventé le grec ancien... Du coup, c’est tout naturellement que je tente le suicide en m’assommant à coup de bouquin dans le front... Cela dit, ça reste sans effet, sinon celui de faire apparaitre une Sive chargée de vêtements. Je reporte mon attention sur elle, trop content qu’elle me fournisse une excuse pour sortir de mon suicide estudiantin, et l’observe déposer la pile avant de la séparer en deux. « Loxias, y a quelque chose que tu peux faire pour moi... » Oulà, ça sent pas bon du tout, ça. Je viens de comprendre qu’en plus de me faire ma lessive, elle a repassé mon linge, et ça, dans la balance des services à rendre impérativement, ça pèse très lourd, je le sais. Du coup, je crains le pire, la construction d’une cabane dans un arbre, le meurtre d’un candidat gênant, le don d’un de mes organes, la vente de mon corps, le... « Promets-moi de ne jamais reporter ce truc. » Hein ? Mon regard fait la navette entre ses yeux et l’objet qu’elle détient entre ses mains : un super débardeur printanier à ziozio... Je réprime un sourire, et affirme avec le plus grand des sérieux : « Mallacht Dé ! Éirigh díom ! » Et là, j’suis juste trop fier, en partant du principe que je n’ai écorché aucun mot, et que ma mémoire est suffisamment fiable pour que le tout soit correct. « J’apprends le gaélique. » je l’informe en secouant le bouquin que j’ai en main. « Mais plus sérieusement, j’crois qu’il est à Jamie, ce truc, il me semble l’avoir vu dedans... Sinon, c’est à Santiago, niveau truc moche, il est l’épicentre de la déferlante qu’on se prend sur la tronche. » Et je défie quiconque de prétendre le contraire. « J’peux jouer, moi aussi ? » je demande en me redressant pour m’installer en tailleur, tout en désignant la pile de droite, ses fringues à elle, dont je suis sûr de pouvoir extraire quelques horreurs improbables. Allez, dis oui !

Oula ! Pourquoi semble-t-elle si horrifiée par mon besoin, ma soif de connaissance ? Quand je suis dans un pays, j’apprends la langue, et comme ici c’est l’anglais, bah j’apprends la langue originelle, celle qui est super compliquée et méga chiante avec ses voyelles qui s’écrivent pareil mais ne se prononcent pas pareil. Pas de quoi fouetter un chat, ni se signer en invoquant tous les Saints de l’Eglise catholique. Et qu’est-ce qu’elle entend par des choses plus utiles ? Genre, y a plus utile qu’apprendre une langue étrangère dans une émission de télé-réalité ? Genre quoi ? Allez comparez la longueur de mon zob avec Jamie ? Insérer ma langue dans la gorge de Tweedy pour m’assurer que je n’aime pas les brunes ? Tenter d’apprivoiser un écureuil ? Ha bah non, ça c’est déjà fait, autant pour moi. Mais si elle préfère qu’on joue au jeu des trucs moches, j’suis partant aussi. D’ailleurs, je repose mon manuel, et me redresse après lui avoir offert ma version des faits. Non, ce truc ne m’appartient pas -et heureusement- mais probablement est-ce à Jamie ou Santiago. Elle m’accuse de faire porter le chapeau à d’autres, et ça la fait marrer en plus ! Ok, moi aussi je me marre, en étalant le truc devant mes yeux. C’est vraiment très très laid, quand même. « A quel moment tu peux avoir envie de dépenser de l’argent pour ça ? » je m’interroge à voix haute, tandis qu’elle en fait de même concernant le mélange des affaires. « D’où l’avantage d’avoir des fringues moches... On ne te les “emprunte” pas. » Sauf dans le cas de cette horreur qui a atterrit là, je ne sais comment. Je lui demande l’autorisation de jouer, et m’arme de mon plus beau sourire lorsqu’elle m’autorise à le faire. Je fais sautiller mes fesses sur le matelas pour m’approcher de son tas sans bouger de ma position “tailleur” et commence à fouiller en faisant bien attention de n’abimer ni le pliage, ni le repassage. J’suis tellement à mon truc que je ne la vois pas récupérer mon appareil photo, ni même cadrer et appuyer sur la gachette, mitraillant ma tronche de benêt tandis que je brandis ma trouvaille, lachant un « Tadaaa ! » en même temps que le sien. Et le résultat est quasi instantané, et je lâche un rire sonore, sans cesser de brandir la culotte qui, je l’espère ne lui appartient pas. Mais pourquoi l’aurait-elle rangé dans ses affaires si tel n’était pas le cas. « J’crois qu’il vaut de l’or, ton cliché, là... » Ou au moins, une belle humiliation publique, si elle le diffuse... Mais je ne suis plus à ça près. Et puis, n'est-ce pas moi qui l'encourage à poster plus sur son blog ? Bah voilà.