Je mets un certain temps à émerger ce matin, je ne me rends même pas compte de ce que je fais, je suis toujours dans le brouillard malgré l'heure avancée. Normalement, à onze heures du matin, je suis sensée avoir récupéré toutes mes facultés pourtant ce n'est pas le cas. Du coup, je ne me souviens ni le pourquoi du comment, mais j'atteris au bistrot, accoudée à une table ronde, une feuille blanche devant moi, à faire des signes d'infini dessus. Par ennui, j'imagine. J'écoute la musique d'époque, en fond sonore, c'est presque agréable. Je vois Candace qui s'avance dans le bistrot, mais yeux s'accrochent sur elle, je m'empare de mon style, et laisse " l'inspiration" me gagner. Autant vous dire que ce n'est pas trop cela. Je tire une chaise qui racle durement le sol, l'invitant silencieusement à s'asseoir à ma table. Bon en même temps, on est un peu que deux dans le bistrot, mais si elle veut s'asseoir à l'opposé, je ne la retiens pas, c'est pas dans mon habitude. « C'était toi, à la base. » Je lui présice au cas où elle ne se reconnait pas. Je lui fais glisser la feuille vers elle, au centre, une simple bonne femme, en baton, avec une tête ronde avec deux traits façon panneau de signalisation pour les cheveux. Pour sa bouche, un trait légèrement circulaire, mais pas trop. Je crois qu'il faut que je me rende à l'évidence, je ne suis pas très douée, même si la motivation est là, bien sûr.

Il est onze heures, je suis debout depuis trois heures déjà, la journée est bien entamée, j'ai erré, comme j'erre toujours. J'aurais dû apporter du travail avec moi, mais pas sûr que la prod m'aurait laissé entrer avec des photos de scènes de crimes sanglantes dans mes dossiers. C'est ça, les scènes de crimes sanglantes me manquent. Je n'ai pas vu de sang depuis un moment alors je déprime. La dépression c'est lorsque l'on sent notre corps nous échapper, que notre esprit vagabonde mais que quoi qu'il arrive, on arrive pas à éprouver quoi que ce soit hormis un dégoût et un désespoir intense. Je déprime voilà. Alors j'erre, la musique du bistrot attire mon attention alors que je me suis installée en terrasse, contemplant les habitants aller et venir dans le village. J'entre. J'y découvre une jeune femme, son prénom m'échappe, elle a un visage innocent et très fin. Elle était nominée la semaine dernière il me semble. J'avance, sans sourire vers elle. Le visage dépourvue de la moindre émotion sur mon visage, ni tristesse, ni joie immense. Je suis égale à moi même. Elle m'invite alors je m'installe naturellement sur la chaise laissé pour moi. Elle me montre son dessin, c'est moi. Une triste représentation des petits bons hommes qu'on retrouve sur les toilettes publiques. Je suis supposée me vexer ? Parce que la plus superficielles de filles se vexeraient non ? J'en sais rien. « Mon dieu, j'ressemble à une anorexique, je suis censé te remercie dans ce cas... » Je ne sais pas, mais les femmes ne supportent pas prendre un kilo, elles se battent toutes pour ressembler à ces mannequins filiforme qu'on voit dans les magazines. Un peu comme Fantine en somme. Ah voilà, elle s'appelle Fantine.