Le réveil est de plus en plus difficile, j'imagine que c'est parce que je dors toute seule maintenant, enfin c'est juste pour une semaine mais je sens la différence. Je sors de mon lit, je suis entrain de comater, j'enfile mon jean à l'envers à cause de mon état. Je grogne avant de tout remettre à l'endroit. C'est assise sur mon lit, que je commence à me dire que je risque de passer une mauvaise journée. J'étends mon bras et j'attrappe le premier vêtement qui me passe sous la main, un vieux tee-shirt des doors, il n'est pas à moi mais je ne compte pas me prendre la tête pour savoir si son propriètaire sera d'accord ou non que je l'emprunte. J'agis. Je chausse mes ballerines avant de sortir lentement de la chambre. Je passe par l'épicierie pour me chercher du café avant de continuer mon long pellerinage vers la cantine. J'y arrive enfin, après avoir navigué dans mon brouillard mental. J'apporte le café près de la machine. Je prépare tout et appuye sur le bouton indiqué, mais cela ne se met pas en route. Je commence doucement mais surement à m'exciter contre la machine. Je sens un mouvement dans mon dos et me retourne, c'est Raphaël. S'il te plait, ne m'oblige pas à te demander de l'aide, je n'en n'ai pas la force. Je lui tourne dos. Je m'aperçois que la machine n'est tout simplement pas branchée, je suis tellement ridicule ... Je soupire et pose le plat de mes mains sur le rebord de la table, la tête baissée.

Être debout à neuf heures du matin, c'était quelque chose d'assez habituel pour Raphaël. Il n'était ni un gros dormeur, ni un grand habitué des grasses matinées. Alors il lui arrivait assurément peu souvent de trainer au lit après la seconde moitié de la matinée. Et justement, en ce mercredi matin, le jeune homme avait été tiré du sommeil par des pensées assez accaparantes. Pour une fois, rien de sombre, rien de noir, rien qui implique la mort, la souffrance ou le chagrin. Des pensées plutôt réjouissantes, disons. Des pensées qu'il n'assumait pas, et qui lui vaudraient assurément de culpabiliser un tantinet en imaginant sa mère les commenter de là où elle se trouvait, mais des pensées qui étaient au moins parvenues à éveiller une certaine passion en lui. Une passion qui se trouvait en fait titillée depuis déjà quelques jours, mais qui peinait encore à s'affirmer. Désormais debout et plutôt apte à débuter la journée sans avoir besoin de passer par un état équivalent à deux heures de léthargie pour tâcher d'être efficace, le jeune homme se dirigea vers la cantine. Naturellement, et même s'il en avait davantage envie que besoin, Raphaël comptait boire un café. Sauf qu'en arrivant sur place, il fut face à une Fantine un brin désespérée, visiblement livrée à elle même face à une machine à café qui semblait peu désireuse de répondre à ses commandes. Hm, curieux. Il devait assurément y avoir une explication à cela. Mais laquelle ? Oh, visiblement, la machine n'était même pas branchée. Un sourire attendri gagna alors les lèvres de Raphaël, avant qu'il réalise que cette situation apparaissait véritablement comme désespérante aux yeux de sa camarade. Ah zut, il n'aimait pas voir les gens aller de cette manière. Lui il avait l'habitude de tout prendre très à cœur, mais il ne pensait pas qu'une machine à café pourrait mettre Fantine dans un tel état. Doucement, il brancha ladite machine puis posa un regard compréhensif sur sa camarade. « Tu sais, si on réfléchit à tout ce qui nous arrive, je crois que l'on peut dire que le matériel électroménager ne nous aime pas beaucoup » glissa-t-il, dans un sourire. Il faisait autant référence à cette machine à café qu'à la machine à laver de la semaine dernière. Deux drames, assurément. Il reprit alors la préparation de sa camarade, ne tardant pas à lui tendre ce qu'elle avait du attendre de pouvoir consommer, le tout dans une tasse. « Fais attention, c'est brulant. » Et pour se cramer présentement les doigts, oui, il en savait quelque chose.

Dans le style totalement pitoyable, je suis au top aujourd'hui, j'imagine que c'est le karma, après avoir eu une plutôt bonne journée hier, il fallait contrebalancer, bien évidemment. C'est que la perspective d'une journée aussi pourrie me mettait déjà en joie. Raphaël branche la machine à café sans que j'ai besoin de le lui demander, je le regarde, avec des yeux reconnaissants. Toujours aussi silencieuse. « Tu sais, si on réfléchit à tout ce qui nous arrive, je crois que l'on peut dire que le matériel électroménager ne nous aime pas beaucoup » Il a raison, j'approuve discrètement d'un coup de tête. « Cela m'arrive toujours en ta présence, bizarrement. » Je commente en souriant légèrement, ma voix est éraillée, encore peu préparée à être utilisée dès le matin. Il continue à s'occuper de ma machine, je m'appuie contre le rebord de la table, en attendant. Il ne tarde pas à me tendre une tasse. « Fais attention, c'est brulant. » J'attrappe la tasse du bout des doigts. « Merci. » Je lui dis tout en posant la tasse sur la table. Je me poste devant un placard, l'ouvre avant de monter sur la pointe des pieds pour atteindre l'objet de ma convoitise, une deuxième tasse. Je transvase la moitié de mon café dans l'autre tasse avant de la pousser vers Raphaël. « Tu vas mieux ? » Je lui demande en m'emparant de ma boisson. J'imagine que ce n'est pas en quelques jours que le déclic va pouvoir s'opérer mais je reste pleine d'espoirs. Je porte la tasse à mes lèvres avant que le liquide brûlant n'entre en contact avec ma langue. « Tu avais raison. » Je m'exclame avant de reposer le tout pour me précipiter vers l'évier pour boire de l'eau fraîche.

Cela n'avait assurément rien de dramatique. Non vraiment, Raphaël ne trouvait pas que cette scène avait de quoi apparaitre comme un drame. D'accord, Fantine avait eu quelques soucis avec cette fichue machine à café, mais cela était pour sûr déjà oublié. En tout cas, Raphaël n'avait pas jugé utile de se moquer. Il n'en avait pas le droit. Lui aussi était parfois tellement distrait qu'il en venait à ne pas voir qu'un appareil était branché, qu'une baie-vitrée était fermée ou qu'un tapis formait une bosse. Alors vraiment, il ne se serait jamais permis de rire de sa camarade. Cette dernière avait probablement peu dormi, ou était éveillée depuis moins de temps qu'il en est nécessaire pour trouver une certaine contenance. Elle disait en tout cas, après que Raphaël ait noté le fait que cela avait tendance à leur arriver régulièrement avec le matériel électroménager - deux fois, quand même - que cela lui arrivait surtout en la compagnie du brun. Euh, et bien oui, c'est vrai. Deux fois cela lui était arrivé, et deux fois avec Raphaël. Donc oui, elle avait raison. Raphaël répondit à son petit sourire, un brin embarrassé tout de même. « Je dois porter malheur. » Oui, sans doute. Après tout, il était suffisamment lié à la mort, à n'importe quelle chose morbide pour attirer tôt ou tard le mauvais œil. Et puis bon, il est surtout connu de tous que le suisse attirait la malchance, mais surtout les ennuis. Quoi qu'il en soit, il trouva normal de s'occuper du café de sa camarade, ne tardant alors pas à lui tendre une tasse pour le moins brûlante. Il prit tout de même la peine de la prévenir. Lui, il était déjà en train de se brûler les doigts, alors il préférait qu'elle évite de boire brusquement. Ce serait con d'y laisser une langue, hm. Sa camarade se saisit alors bientôt d'une seconde tasse, allant même jusqu'à sacrifier la moitié de son café pour lui. Un sourire reconnaissant - et surtout timide - gagna alors les lèvres du suisse. Il la remercia de par ce sourire qui fut plus marqué lorsqu'elle lui donna la dite tasse, avant d'avoir à faire à une question de la part de la jeune femme. Est-ce qu'il allait mieux ? Oula, il n'était pas sûr de pouvoir en dire quelque chose. En tout cas ... « Je ... je ne crois pas aller moins bien, hm » articula-t-il alors simplement, en guise de réponse. C'était vague, mais il était encore trop tôt pour faire ce genre de bilans. Sa réponse était au passage un peu mensongère, mais il ne pouvait pas passer son temps à se morfondre s'il voulait justement aller mieux. Quelle logique de merde, n'empêche. Mais voilà que brusquement, sa camarade sembla s'être brûlée avec ce liquide terriblement chaud que contenait sa tasse, au point de se lever, s'exclamant que le suisse avait eu raison, et se précipitant vers le lavabo. Raphaël se leva alors lui aussi, constatant qu'elle buvait de l'eau pour atténuer sa sensation de brûlure. Dans un réflexe un peu con, il lui tint les cheveux, histoire d'éviter qu'elle se les mouille en se penchant. Puis finalement, il l'attrapa doucement par le bras et l'amena face à un placard. Il l'ouvrit et en sortit du sucre. Il en tendit un morceau à sa camarade, dans un fin sourire. « Neurologiquement, le sucre va atténuer la douleur que tu ressens en jouant le rôle d'un anesthésiant. Il va libérer des endorphines et stimuler ton cerceau, si bien que ça ira mieux d'ici quelques minutes. » Conscient qu'il sortait ça un peu de nul part, Raphaël passa une main dans sa nuque et poussa un doux soupire. « C'est ... c'est une chose que mon père m'avait apprise » reprit-il, dans un murmure douloureux. Il ne voulait pas parler de lui.