Je n'ai pas mis les pieds dans l'église depuis ma rencontre avec Malik et j'ai un peu honte, je n'ai pas prié depuis trop longtemps. Je n'ai pas besoin d'aller à l'église pour le faire, heureusement parce que je n'irais pas souvent. Je suis catholique qui plus est, et les églises de ce type ne sont pas particulièrement en abondances à Denver. Peut être qu'il y en a, je n'en sais rien, je n'ai jamais cherché. Ca ne m'intéresse pas, de toute façon je n'ai jamais mis les pieds dans une église depuis que j'ai quitté Belfast, autant dire, une éternité. Cette église marque mon retour dans un lieu saint. Et par conséquent, particulièrement déroutant. Il fait jour, la pluie bat à tout rompre dehors, un temps parfait pour se rendre à l'église finalement. Je pousse les portes de cette bâtisse, je ne mets pas bien longtemps à reconnaître la crinière de feu de Dagga. Elle est installée sur l'un des bancs. Je m'avance vers elle. « Attention, personnification de Bateman le psychopathe en approche, fuyez lorsqu'il en est encore temps ... » J'annonce d'une voix particulièrement flippante alors que je suis derrière elle. Je ris. Oui bon, j'espère qu'elle n'était pas entrain de prier parce que j'aurais l'air bien con en attendant. « Je pensais que tu passerais la journée au cimetière, c'est le jour des défunts aujourd'hui. » Je rétorque plus sérieusement alors que je prends place à ses côtés, lui souriant affectueusement.

Je ne suis pas habituée à aller à l’église. Ma mère ne m’y a jamais amenée – forcément, c’était pas trop son délire – et puis après, quand j’ai acquis mon indépendance, je n’ai tout simplement pas osé. Ces immenses bâtisses m’attiraient pourtant. La religion, ça me fascine. J’aimerais avoir la foi, mais je n’ai pas l’impression de l’avoir. De toute façon, ça ne se choisit pas, pas vrai ? Ça nous tombe dessus, mais on ne peut pas réellement avoir une emprise sur nos croyances personnelles. Et je craignais d’avoir un esprit trop cartésien pour ces choses-là, ce que je regrettais amèrement. J’enviais les gens qui croyaient en Dieu. Je m’imaginais que la religion devait être d’un grand réconfort dans les moments de doute ou de peine. Et puis là, en ce vendredi pluvieux, je décide d’aller faire un tour à l’église pour la première fois depuis mon entrée au nid. C’est assez logique que ça tombe sur ma semaine de la spiritualité. J’ai besoin de calme, d’un endroit où réfléchir tranquillement, d’un endroit qui m’aide à être en paix avec moi-même, et l’église me semble être le lieu idéal. Pourtant, quand une voix retentit derrière moi, je suis presque heureuse que quelqu’un vienne interrompre ma séance d’introspection. C’est que, l’introspection, je faisais que ça depuis lundi, et ça commençait à me lasser. « Bateman dans une église, on aura tout vu… Ça c’est du sacrilège. » je commente avec une petite moue moqueuse, amusée par sa plaisanterie. Je suis contente que ça soit lui, plutôt qu’un autre, parce qu’après mes entrevues avec Raphaël, Arès, et d’autres candidats encore, je suis fatiguée des confrontations au cours desquelles il faut lutter en permanence. Avec Callan, tout semble plus facile, et ça me fait du bien. « Tu me connais si bien… Mais tu as omis un détail important. Je préfère attendre que la nuit tombe pour effectuer mes visites au cimetière. » j’ajoute malicieusement, tandis qu’il prend place à mes côtés. Une rencontre au cimetière, une rencontre à l’église, on a le chic pour se retrouver dans des endroits joyeux, chaleureux, conviviaux et pas trop solennels. S’il y avait une morgue dans le village, j’aurais misé ma cagnotte que ç’aurait été le prochain endroit où on se serait croisés. « Tu es croyant ? » je m’enquiers, spontanément, partant du principe qu’il s’agissait un peu d’une question qui tombait sous le sens dans ce contexte.

Malheureusement on dirait qu'à chaque fois que je mets les pieds dans cette église ce n'est pas prier, mais après tout, peut être que ce n'est pas si mal. Je crois que je ne pourrais plus jamais entrer dans une église sans éprouver de la culpabilité. Une culpabilité bien enfoui au plus profond de mon être qui ne demandait qu'à être ravivé à chaque fois que je me trouvais dans cette situation. Je détestais cette sensation pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser, encore et encore, peut être pour me rappeler à quel point les choses que j'avais fait étaient horrible. Et fort heureusement Dagga était là, et suite à la soirée, je n'avais pas pu m'empêcher de faire référence à mon alter-ego. Je souris amusé face à sa remarque. « C'est parce que Bateman essaye de se racheter une conscience, il s'est rendu compte qu'il était devenu fou. C'est la première étape de sa réhabilitation. Il doit se repentir de ses pêchers. Et Dieu sait qu'ils sont nombreux. » Ce détraqué sexuel tueur de prostitués en avait fait des choses dégueulasses, et même si c'était principalement dans son imaginaire, ça en restait pas moins qu'il avait pêché un max. Et puis je plaisante face au faite qu'elle devrait être au cimetière et non ici. C'est vrai qu'on a tendance à se croiser dans des lieux glauques. « C'est vrai, j'aurais dû y penser. Je t'accompagnerais si tu veux, qui sait sur quelle bête féroce tu pourrais tomber. » Parce que c'est bien connu que des coyotes ou des loups viennent dans le village la nuit. Je m'assieds enfin. Et elle me pose une question logique certes mais à laquelle je ne m'attendais pas. « Oui, et toi non ? C'est un sacrilège mademoiselle l'Irlandaise. » L'irlande est un pays religieux, il y a des bibles partout, un peu comme aux USA il faut dire. La religion a toujours eu une place importante dans ma vie, j'imagine que ce n'est pas son cas. Mais peut être que je me plante totalement après tout.