Je ne croyais pas grandement en mes chances de percer à jour l'un de mes camarades mais l'aventure allait prendre fin sous peu et surtout je m'étais considérablement enrichi, bien que fictivement, lors du prime de dimanche. Le seul point positif de ce dernier d'ailleurs. Alors du coup, au vu des indices acquis dernièrement et des pistes que j'avais déjà la concernant, j'avais franchi le pas et buzzé Dagga. Je ne cherchais pas à faire ressortir tardivement un côté joueur que je n'avais même pas histoire de prouver certaines choses au public ou à moi-même. Non, quand même, je n'en étais pas réduit à cela. Néanmoins j'estimais qu'avec la multitude d'indices reçus depuis le début de cette aventure grâce à quelques premières places obtenues dans divers classements, il était juste aberrant que je n'aie pas tenté ma chance au buzzeur plus tôt. Alors voilà, désormais j'y étais. L'alarme déclenchée, je ne pouvais plus reculer et attendais maintenant patiemment l'arrivée de Dagga dans l'exigue pièce. Et l'élancée rouquine ne tarda pas à y faire son entrée. D'emblée, je lui offris mon plus beau sourire tandis que celle-ci prenait place face à moi. D'un coup, gros moment de stress, d'appréhension. Allais-je seulement parvenir à lui exposer mon idée sans bafouiller, et en restant le plus clair et compréhensible possible ? M'éclaircissant dans un premier temps la voix, je pris par la suite la parole. « Hum. Alors... Les indices reçus ces dernières semaines ainsi qu'une image dans la salle aux indices m'ont conforté dans l'idée que Dagga avait, peut-être, été séquestrée ou retenue de force pendant un certain temps chez elle, dans son propre appartement ou sa propre maison,... et que cette expérience l'avait en quelque sorte laissée traumatisée par la suite. » Voilà, c'était dit, c'était débité. Hop hop hop, j'avais juste envie de m'enfouir sous terre et de ne plus en ressortir tant je sentais ce buzz complètement foireux et en passe de me couvrir de ridicule auprès de la principale intéressée. Que je ne parvenais pas à regarder dans les yeux d'ailleurs, mon regard se voulant fuyant comme jamais. « L'habitat de Dagga a donc peut-être été sa prison, pendant un temps... hum. » répliquais-je, troublé il faut bien le dire mais surtout terriblement mal à l'aise. Me pinçant les lèvres, je relevai doucement la tête en direction de la jeune femme, pour voir la réaction qu'elle aurait sur le moment.

Ce n'était pas une surprise. Malik m'avait buzzée. Je lui en étais reconnaissante de m'en avoir parlé avant car, même si cela ne me posait évidemment aucun problème – comme je le lui avais expliqué – je préférais néanmoins être avertie, avoir une longueur d'avance. Les surprises, ça n'avait jamais été ma tasse de thé. C'est donc l'esprit serein que je me rends à la confrontation, d'autant qu'avec Malik ça devrait bien se passer. J'arrive, je lui dédie un petit sourire rassurant au passage, et je m'installe face à lui, les paumes posées sur mes cuisses dans une pose attentive. « Hum. Alors... Les indices reçus ces dernières semaines ainsi qu'une image dans la salle aux indices m'ont conforté dans l'idée que Dagga avait, peut-être, été séquestrée ou retenue de force pendant un certain temps chez elle, dans son propre appartement ou sa propre maison,... et que cette expérience l'avait en quelque sorte laissée traumatisée par la suite. » Je tique un peu à la mention de certains mots comme "séquestrée" mais dans l'ensemble je parviens à rester neutre. C'est vrai qu'il y avait quelque chose dans ma nervosité et ma façon de me méfier de tout et tout le monde qui pouvait laisser entendre qu'on avait usé de la force contre moi. Je repensais à la salle des indices, et comprenait rapidement à quel image il faisait référence : celle avec la porte blindée de chaînes et cadenas. « L'habitat de Dagga a donc peut-être été sa prison, pendant un temps... hum. » Ma prison ? Je lui souris avec douceur et indulgence, parce que je vois bien qu'il est mal à l'aise. « Qu'est-ce qui t'a fait penser tout cela ? J'avoue que ça sort un peu de nulle part, pour moi qui ne sait pas quels indices tu as pu avoir à mon sujet exactement, et j'aimerais bien assembler les pièces du puzzle. » Oui, son raisonnement m'intriguait – et je me demandais quels indices il avait pu recevoir.

Le plus nerveux des deux, c'était assurément moi. J'avais fait part de ma piste à Dagga et clairement, je n'étais pas fier de ce qui m'avait mené jusqu'à ce confessionnal. « Qu'est-ce qui t'a fait penser tout cela ? J'avoue que ça sort un peu de nulle part, pour moi qui ne sait pas quels indices tu as pu avoir à mon sujet exactement, et j'aimerais bien assembler les pièces du puzzle. » Au fond je ne me reposais pas sur grand chose. Toutefois il était maintenant de mon devoir de me justifier auprès d'elle. Histoire qu'elle sache quand même qu'elle n'avait pas fait le déplacement pour rien, et que je n'avais pas lancé ça en l'air comme j'aurais révélé ma pointure de chaussures. Inspirant fortement, je repris. « Bon je pense que je suis en droit de te délivrer les indices que j'ai reçus te concernant, hm... Il a été question de "maison" et de "cage". Le premier indice ne m'a pas inspiré grand chose mais en recevant le deuxième j'ai de suite pensé à la séquestration. Et puis dans la salle aux indices, l'image représentant une porte cadenassée n'a fait que renforcer cette idée que j'avais. Aussi, si ma vue ne m'a pas fait défaut j'ai cru lire sur la dite porte "Don't go out", en clair "Ne sortez pas". Aussi je trouve que tu es quelqu'un de relativement sur ses gardes... je me trompe peut-être car après tout je ne te connais pas très bien. Seulement c'est réellement l'image que tu me renvoies à moi. Ce n'est pas un reproche, juste une constatation. Et du coup le fait que tu sembles de nature méfiante me laisse penser que peut-être tu as été amenée dans le passé à vivre une expérience traumatisante qui a pu forger ce trait de caractère chez toi. » Dagga était également une jeune femme forte en apparence, seulement je sentais chez elle une fragilité dissimulée derrière un fort tempérament. Un tempérament que je n'avais pas constaté de mes propres yeux mais qu'on m'avait néanmoins rapporté. « Dagga il est vraiment très fort probable que je me trompe sur toute la ligne et de A à Z... seulement si jamais j'ai touché, à un moment ou à un autre, un point sensible sache que je le regrette terriblement et que ça n'était aucunement mon intention. » J'avais moi-même un passé des plus lourds sur lequel il m'était bien difficile de revenir sans en avoir les larmes aux yeux. Et j'avais moi aussi eu mon lot d'expériences traumatisantes, ayant assisté à la mort de mon père dans un attentat à la bombe orchestré juste devant chez nous. Le genre de choses vous secouant considérablement et faisant quelques dégâts dans votre tête par la suite, hein. Maintenant, j'espérais que Dagga ne me tiendrait pas rigueur d'avoir été amené à penser ça d'elle, ni de l'avoir buzzée sur l'unique piste que j'avais à son sujet.

Un petit sourire naît sur mes lèvres à la mention des indices. C'est clair que ça devait pas être évident pour la production de trouver des indices sans donner carrément mon secret non plus. Et même si je comprenais ces indices, je me doutais que "maison" ça ne devait pas beaucoup parler à Malik. Je comprenais aussi le cheminement de sa pensée, et ce qui l'avait mené à penser que j'avais été séquestrée dans ma propre maison. Je l'écoute attentivement tandis qu'il m'énonce ses arguments ; c'est adorable la façon dont il prend des pincettes, je me fais la réflexion qu'il est sacrément diplomate, et que moi à sa place j'aurais juste tout balancé comme ça sans me soucier d'y mettre la forme. La preuve, j'avais pas spécialement pris de gants quand il avait fallu révéler à Candace que j'étais partie sur l'idée qu'elle était une psychopathe. « Tu n'as pas tort, pour la méfiance. Je suis extrêmement méfiante, voire paranoïaque. J'ai jamais pris la peine de m'expliquer à ce sujet, mais ce trait de caractère ne me vient pas d'une expérience douloureuse que j'aurais traversée. Il me vient de ma mère. C'était une femme très paranoïaque, bien plus que moi. Elle voyait le mal partout, et elle m'a en quelque sorte transmis ça. Mais maintenant je réalise que ce que j'ai longtemps pris pour de la prudence et du réalisme, c'était de la paranoïa, et j'essaye de progresser par rapport à ça. Même si c'est pas toujours facile – chassez le naturel et il revient au galop, comme on dit. » J'esquisse un petit sourire timide. C'est étrange, pour moi, de dévoiler tout ça soudainement. Parler de ma mère me fait un bien fou, bizarrement. « Dagga il est vraiment très fort probable que je me trompe sur toute la ligne et de A à Z... seulement si jamais j'ai touché, à un moment ou à un autre, un point sensible sache que je le regrette terriblement et que ça n'était aucunement mon intention. » Il est trop chou ! En même temps, je le comprends ; à sa place moi aussi j'aurais l'impression de toucher à quelque chose de vachement délicat. « Oh Malik, ne t'en fais vraiment pas ! Je n'ai pas de point sensible. » Bon, ce n'était peut-être pas entièrement et complètement vrai. Mes parents étaient peut-être un point sensible. Tout comme ma psychiatre, ou mon tuteur. Mais ce n'était pas réellement des points sensibles à proprement parler, c'était simplement les quatre seules personnes au monde pour lesquels je ressentais de l'attachement et du respect, et je n'aurais simplement pas apprécié qu'on parle d'eux en de mauvais termes. Mon vécu, aussi traumatisant qu'il avait pu être, je l'assumais, et je ne regrettais rien. J'étais d'un naturel bien trop positif pour me lamenter sur mon sort, et je préférais toujours voir le verre à moitié plein. Là où certains se seraient plains d'avoir perdu leur père à l'âge de seulement cinq ans, j'étais reconnaissante d'avoir connu le mieux pendant ces cinq années, en en ayant gardé le souvenir d'un géniteur admirable. J'avais des faiblesses, des failles et des fragilités avec lesquelles j'étais née, mais depuis mon plus tendre âge je m'échinais à les colmater ; je ne cessais d'avancer dans la vie en cherchant à me fortifier, à progresser et à acquérir d'avantage de connaissances. « Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut vraiment pas que tu te fasses du soucis pour moi. J'ai trois années de thérapie plutôt réussie derrière moi, alors il n'y a vraiment plus aucune zone de ma vie dont la mention serait susceptible de me faire pleurer. » J'essaye de détendre l'atmosphère avec un ton léger et un petit sourire, faut vraiment pas qu'il s'en fasse pour tout ça. « Mais je me pose une question, malgré tout. Comment tu imagines ça ? Ma séquestration hypothétique, je veux dire ? Pour quelle raison quelqu'un aurait voulu me séquestrer ? Est-ce que j'étais la victime d'un malade mental, ou bien est-ce que – oh j'ai une idée ! – est-ce que des squatteurs se seraient invités chez moi et m'aurait, hum, gardée en otage ? » je lui demande ensuite, parce que j'ai l'impression qu'il faut que je pose d'autres questions, que c'est mon rôle, mais en même temps je me sens un peu coupable parce que j'ai peur que ça le mette dans tous ses états.

J'ignorais si cela m'était permis mais à vrai dire je m'en octroyais le droit moi-même. Celui de révéler à Dagga les indices que j'avais reçus la concernant, par la production. Après tout, si je ne pouvais les lui révéler, alors je ne pourrais appuyer mon buzz sur quelque chose de concret. Clairement, si Dagga était restée sans savoir ce que j'avais reçu sur elle, on aurait pas beaucoup avancé et surtout je lui aurais donné l'impression de buzzer comme ça, un truc au hasard, allez hop j'ai de l'argent alors je tente ma chance. Non non cela m'avait quand même demandé un minimum de réflexion avant de franchir le pas. Je n'étais néanmoins pas certain d'être parvenu à assimiler comme il le fallait les indices en question. Celui dans la salle aux indices également. Ouais non peut-être au final ne lui correspondait-il pas du tout... Bien qu'au vu de ceux reçus avant, bah, ça coïncidait quand même vachement vous en conviendrez. À mon humble avis, Dagga était une personne relativement méfiante. Je la trouvais plutôt sur ses gardes, et alors que je pensais qu'elle m'affirmerait l'exact contraire, elle me révéla plutôt qu'elle était même de nature paranoïaque. Bon ça ne faisait pas grandement avancer mon schmilblick mais c'était toujours ça de su. Néanmoins elle me fit savoir que ce trait de caractère que j'avais souligné chez elle lui venait en fait de sa mère, et non d'une expérience traumatisante qui aurait pu le lui forger. Ah... Bah, zut un peu, quand même. Grimaçant légèrement, je lui exprimai ensuite le fait qu'à aucun moment, je n'avais cherché à toucher un point un tant soit peu sensible. Vraiment mes intentions étaient toutes autres. « Oh Malik, ne t'en fais vraiment pas ! Je n'ai pas de point sensible. » Hm, sur ce point j'avais quand même du mal à croire Dagga. Pour la simple et bonne raison que nous avions tous un point sensible. Tenez, moi, j'en avais même plusieurs. L'instant d'après, la rouquine se reprit. « Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut vraiment pas que tu te fasses du soucis pour moi. J'ai trois années de thérapie plutôt réussie derrière moi, alors il n'y a vraiment plus aucune zone de ma vie dont la mention serait susceptible de me faire pleurer. » L'un des termes employés par Dagga fit de suite "tilt" dans ma tête. À moins que je n'aie mal entendu, bien sûr, il me semblait bel et bien qu'elle avait parlé de thérapie. Cela tombait comme un cheveu sur la soupe, et m'intriguait beaucoup. « Oh et hum, pour quelles raisons as-tu eu besoin de faire cette thérapie ? » Heuu, doucement quand même Malik, quoi. « Ah mais peut-être ne peux-tu pas en parler... » Bah, si cette thérapie à laquelle elle venait de faire référence concernait son secret, de près ou de loin, clairement elle n'allait pas s'étendre d'avantage sur le sujet. Enfin bon j'essayais d'obtenir comme je le pouvais des réponses aux questions me venant à mesure que nous nous entretenions elle et moi. Bien que je faisais, assurément, preuve d'une très grande maladresse. « Mais je me pose une question, malgré tout. Comment tu imagines ça ? Ma séquestration hypothétique, je veux dire ? Pour quelle raison quelqu'un aurait voulu me séquestrer ? Est-ce que j'étais la victime d'un malade mental, ou bien est-ce que – oh j'ai une idée ! – est-ce que des squatteurs se seraient invités chez moi et m'aurait, hum, gardée en otage ? » J'étais, on peut bien le dire, décontenancé devant la question que me posait maintenant Dagga. Je ne me pensais même pas en mesure d'y répondre, tout simplement parce que je n'avais pas assez réfléchi là-dessus. Je parlais de séquestration, mais je ne m'étais même pas questionné sur la supposée séquestration dont je pensais que Dagga avait pu être victime. Bref, comme buzzeur, j'étais assez lamentable. Avalant ma salive et frottant nerveusement mes mains l'une contre l'autre, je finis par lui répondre. « Des squatteurs, un malade mental... un ancien amour qui ne voulait pas que tu lui échappes et qui a décidé de te priver de ta liberté, une mauvaise rencontre sur internet... je ne sais pas Dagga, je... je... » J'allais quand même pas me mettre à pleurer, non non non le ridicule ne l'emporterait pas une fois encore. Je devais au moins donner l'illusion de savoir ce que je buzzais, exactement. « Je t'imagine juste recluse chez toi pendant un certain temps, sans possibilité de sortir, sans contact avec l'extérieur. Et... mon imagination m'amènerait bien entendu à penser que tu aurais pu subir bien d'autres choses durant cette période, mais je préfère ne pas aborder ce sujet. Je me sens déjà terriblement bête là. » Ouais, valait mieux pas en rajouter et m'enfoncer d'avantage. Car plus les minutes s'écoulaient, plus je perdais foi en mon buzz et en mes convictions. J'avais peut-être tout faux et ce depuis le départ en fait. « Juste, si je peux me permettre une petite question là encore... estimes-tu que les indices que la production m'a fait parvenir sur toi mettent considérablement en danger ton secret, ou au contraire demeures-tu sereine à ce propos ? » J'avais un peu raté la réaction de Dagga lors de l’énonciation des indices en question, alors je tentais de me rattraper. Mais ça, hélas, elle allait très certainement le percevoir.

« Oh et hum, pour quelles raisons as-tu eu besoin de faire cette thérapie ? » Un sourire indulgent se glisse sur mes lèvres ; j'aimerais bien répondre à sa question mais je vais pas non plus lui balancer mon secret comme ça, c'est pas franchement le but de la manœuvre. « Ah mais peut-être ne peux-tu pas en parler... » Et je n'ai pas besoin de le lui expliquer car il a l'air de le comprendre seul. « Effectivement, il me serait difficile de t'en parler sans révéler mon secret. » Je suis un peu désolée pour lui, parce que je comprends bien qu'il patauge, et je culpabiliserais presque. Si ça avait été quelqu'un d'autre à sa place, je me serais beaucoup amusée de cette situation, mais là, il avait l'air adorable et perdu comme un chiot nouveau-né qui ne retrouve pas sa maman, et c'était difficile pour moi de profiter de tout cela en le faisant tourner bourrique. « Des squatteurs, un malade mental... un ancien amour qui ne voulait pas que tu lui échappes et qui a décidé de te priver de ta liberté, une mauvaise rencontre sur internet... je ne sais pas Dagga, je... je... » Et ça ne va pas en s'améliorant. J'ai presque envie d'aller le prendre dans mes bras et de lui caresser doucement les cheveux en lui murmurant que c'est pas grave. Curieusement, un instinct maternel que je n'avais jamais cru posséder faisait surface. « Je t'imagine juste recluse chez toi pendant un certain temps, sans possibilité de sortir, sans contact avec l'extérieur. Et... mon imagination m'amènerait bien entendu à penser que tu aurais pu subir bien d'autres choses durant cette période, mais je préfère ne pas aborder ce sujet. Je me sens déjà terriblement bête là. » Je hoche lentement la tête, n'émettant aucun commentaire dans un premier temps. Je réfléchis, et puis finalement je prends la parole. « Faut pas te sentir bête. Elle tient tout à fait la route ton hypothèse. Vraiment, tu ne devrais pas dévaluer ainsi ton raisonnement. » je réponds avec douceur, me voulant réconfortante, rassurante, l'opposé de ce que j'étais censée faire en somme. « Juste, si je peux me permettre une petite question là encore... estimes-tu que les indices que la production m'a fait parvenir sur toi mettent considérablement en danger ton secret, ou au contraire demeures-tu sereine à ce propos ? » La question est assez épineuse, et je ne suis pas sûre d'être en mesure d'y répondre objectivement. « Honnêtement, depuis le début de l'émission, j'ai eu l'impression à plusieurs reprises que mon secret était évident et qu'il devrait rapidement être trouvé. Et à d'autres moments, je me disais qu'au contraire il n'allait pas être trouvé du tout. C'est difficile pour moi de juger de ça, parce que j'ai souvent l'impression de me trahir, de laisser glisser des indices, mais ces indices je suis la seule à les percevoir comme tels et… Je sais pas comment dire, désolée, je suis très confuse. Ce que j'essaye de dire, c'est que de ma position mon secret me paraît évident, mais c'est parce que j'arrive pas à faire abstraction de ce que je sais déjà, de ce qui est ancré en moi, et j'ai parfois la sensation que chacun de mes gestes est révélateur à une certaine échelle, mais je crois que ça ne l'est que de mon point de vue à moi. Donc en l'occurrence je serais tentée de dire que ces indices sont largement suffisants pour deviner mon secret. Mais mon opinion vaut ce qu'elle vaut, et je ne suis pas du tout objective. » Je me tais enfin, et finis par croiser les jambes, attendant patiemment la suite.

Il avait été question de thérapie. J'avais relevé ce terme parmi tous ceux débités par Dagga au cours de la petite explication qu'elle m'avait donnée au sujet du point sensible que je pensais avoir touché par mégarde. Du quoi, entendre parler de thérapie ne manquait pas de m'intriguer. Intérieurement je me posais bon nombre de questions, et je décidai finalement de poser l'une d'elles à Dagga. Ainsi, je lui demandai pour quelle raison avait-elle eu recours à une thérapie... avant de réaliser, un instant plus tard, que si cela avait un rapport avec son secret elle ne m'en dirait sans doute pas grand chose. « Effectivement, il me serait difficile de t'en parler sans révéler mon secret. » rétorqua-t-elle, tandis que j'approuvai ses dires d'un hochement de la tête, comprenant parfaitement le fait qu'elle ne puisse m'en dire d'avantage sans mettre en danger son secret. La question qui suivit ensuite et qui, cette fois, me fut posée à moi me fit perdre tous mes moyens. Définitivement. Dagga souhaitait savoir comment, de mon point de vue, je pouvais imaginer la supposée séquestration dont elle avait pu se trouver victime. Je plongeai alors dans un océan de blabla douteux, tentant par un moyen ou par un autre de me tirer d'affaire. Sans résultat concluant. Je crois bien ne jamais m'être senti aussi ridicule qu'à cet instant. D'un coup, mon buzz à mes yeux ne valait plus rien. C'était comme si j'étais venu dans ce confessionnal en touriste avec pour simple volonté de buzzer au moins une fois avant de quitter ce nid, tant je me perdais entre ce que je pensais déceler chez Dagga, ce que mon imagination me laissait penser et toutes ces choses devant lesquelles je restais profondément incertain et indécis. « Faut pas te sentir bête. Elle tient tout à fait la route ton hypothèse. Vraiment, tu ne devrais pas dévaluer ainsi ton raisonnement. » Mon hypothèse tenait la route, vraiment ? Hm, ça n'était pourtant pas l'impression que j'en avais présentement. Mais Dagga se voulait rassurante, tout de même. Je n'étais pas certain d'avoir eu droit à tant de compréhension en buzzant quelqu'un d'autre. Je souhaitais tout de même savoir ce que Dagga avait pu penser des indices m'ayant été délivrés par la production à son sujet. Les avait-elle trouvé fort révélateurs ? S'était-elle sentie mise en danger comme jamais ? J'appris au final que Dagga ne savait pas exactement quoi penser de son secret et des indices révélés : un coup elle estimait le premier facile à trouver, un coup plus difficilement. Elle se disait confuse mais pouvait-elle seulement l'être autant que moi pour l'heure ? Assurément que non. Je comprenais parfaitement ce qu'elle entendait par "de ma position mon secret me paraît évident, mais c'est parce que j'arrive pas à faire abstraction de ce que je sais déjà, de ce qui est ancré en moi, et j'ai parfois la sensation que chacun de mes gestes est révélateur à une certaine échelle, mais je crois que ça ne l'est que de mon point de vue à moi." Acquiesçant une nouvelle fois ses propos d'un mouvement de tête à la verticale, je m'accordai un instant de réflexion afin de voir si j'avais, éventuellement, une autre question à lui poser. Contre toute attente, j'en avais même deux. « Quels rapports entretiens-tu avec ta mère, exactement ? » Mince j'espérais là encore ne pas me faire trop indiscret... Loin de moi cette intention. « Et tu as dit que la thérapie effectuée était une réussite... Entends-tu par là qu'aujourd'hui tu vas bien mieux qu'à l'époque, avant d'entreprendre celle-ci ? Cela t'a t-il permis de sortir d'un cercle infernal ? » Les thérapies pouvaient parfois aider à se frayer un chemin et trouver la sortie à travers un véritable enfer duquel on se penserait prisonnier. J'étais curieux, mais pas que. Je tentais d'y voir plus clair, et tout ce qui pouvait me permettre d'apprendre à connaitre d'avantage Dagga était une bonne chose. Enfin, si bien sûr cela ne signifiait pas la mettre mal à l'aise avec mes questions, ce que je craignais fortement.

J'ai l'impression d'avoir ébranlé la faible confiance que Malik avait en son hypothèse, et si, dans un sens, il m'est agréable de réaliser que mes mots ont un certain pouvoir, une certaine emprise, je reste néanmoins désolée de constater qu'il était si facile de lui faire perdre confiance en lui-même. J'aurais aimé qu'il soit plus assuré. À sa place, j'aurais agi très différemment. Mais c'est pour la simple et bonne raison que je ne manquais pas de confiance en moi-même, et qu'au contraire je manquais plutôt de confiance en les autres ; ainsi je me serais accrochée, tenace, à mon buzz, et n'aurait écouté la défense de mon interlocuteur qu'avec une attention toute relative et pleine de scepticisme. La conversation se poursuit, Malik répond à mes questions, je réponds aux siennes, et puis finalement je me tais et attends sagement qu'il ait autre chose à me demander. Je lui laisse quelques secondes de réflexion. « Quels rapports entretiens-tu avec ta mère, exactement ? » Une question assez légitime, en soi. Je réfléchis quelques secondes à la façon dont je vais formuler tout ça, et puis je me lance. « Nous entretenions de plutôt bons rapports, je dirais. Je l'ai toujours énormément aimée, et elle tenait à moi plus que tout au monde. Et puis, mon père est mort quand j'étais très jeune, et je n'ai ni frère, ni sœur, alors il s'est créé un lien particulier entre ma mère et moi. Elle n'était pas parfaite, nous avions parfois quelques désaccords, je n'approuve pas tout ce qu'elle a pu faire, mais elle était tout pour moi, et elle me manque beaucoup. » je confesse, peut-être un peu nostalgique. Je n'avais pas voulu déclarer brutalement que ma mère était décédée, pour ne pas mettre Malik mal à l'aise, mais j'espérais que mes tournures à l'imparfait avaient fait passé l'information – même si, finalement, elles étaient assez équivoques. « Et tu as dit que la thérapie effectuée était une réussite... Entends-tu par là qu'aujourd'hui tu vas bien mieux qu'à l'époque, avant d'entreprendre celle-ci ? Cela t'a t-il permis de sortir d'un cercle infernal ? » Oh, cette question-là est plus ardue. À manier avec précaution. « C'est… C'est un peu plus complexe que cela. Je ne crois pas avoir eu l'impression d'aller mal ou de sortir d'un "cercle infernal". Il y avait simplement beaucoup de choses que je ne comprenais pas, ou des choses que je comprenais de travers. J'étais plus perdue que réellement dépressive. Ma vie prenait une nouvelle direction, et je devais m'y adapter – je n'aurais pas été capable de le faire seule, et ma psychiatre m'a aidée. » Mes propos sont toujours aussi sibyllins, et j'ai conscience de systématiquement omettre les informations véritablement importantes, mais en même temps je ne vais pas non plus lui faciliter la tâche – c'est pas le but.

J'avais un peu l'impression que cette confrontation s'éternisait, et de retenir Dagga dans ce confessionnal au lieu de la laisser vaquer à ses occupations. Voilà pourquoi il ne fallait plus trop tarder désormais, afin de ne pas être rappelés à l'ordre par Cupidon ou qui sais-je encore... Eh oui, peut-être que ce dernier nous trouvait trop longs et souhaitait à présent que tout ceci prenne fin. Oui mais avant de congédier Dagga, je souhaitais quand même lui poser les deux dernières questions que j'avais en tête. La première concernait sa mère, qu'elle avait vaguement évoquée tout à l'heure et dont les rapports qu'elle pouvait entretenir avec celle-ci m'intriguaient quelque peu. Je décidai donc de lui demander de m'en dire un peu plus. « Nous entretenions de plutôt bons rapports, je dirais. Je l'ai toujours énormément aimée, et elle tenait à moi plus que tout au monde. Et puis, mon père est mort quand j'étais très jeune, et je n'ai ni frère, ni sœur, alors il s'est créé un lien particulier entre ma mère et moi. Elle n'était pas parfaite, nous avions parfois quelques désaccords, je n'approuve pas tout ce qu'elle a pu faire, mais elle était tout pour moi, et elle me manque beaucoup. » Le fait que Dagga ait tout débité au passé me laissait penser que, peut-être, sa maman n'était plus de ce monde... Mais ça n'était pas un terrain sur lequel j'allais me risquer à m'aventurer ce soir, qu'on se le dise. D'ailleurs, une petite once de tristesse devait, sans doute, être perceptible à travers mon regard. J'avais tiré ma propre conclusion, et sans doute Dagga ne souhaitait-elle pas s'étendre d'avantage là-dessus. Je pouvais le comprendre. J'avais moi aussi perdu un parent, et j'avais beaucoup de mal à en évoquer la perte. J'enchainai sur la question suivante, en rapport cette fois-ci avec la thérapie sur laquelle je l'avais questionnée un peu plus tôt. Il s'agissait de savoir en quoi celle-ci était une réussite, exactement. « C'est… C'est un peu plus complexe que cela. Je ne crois pas avoir eu l'impression d'aller mal ou de sortir d'un "cercle infernal". Il y avait simplement beaucoup de choses que je ne comprenais pas, ou des choses que je comprenais de travers. J'étais plus perdue que réellement dépressive. Ma vie prenait une nouvelle direction, et je devais m'y adapter – je n'aurais pas été capable de le faire seule, et ma psychiatre m'a aidée. » J'esquissais un sourire, estimant avoir eu les réponses escomptées aux questions que je me posais. Je vins croiser les mains, me redressant sur le fauteuil tout en reportant un regard attendri sur la rouquine. Et d'une petite voix je repris. « Pour moi ce sera tout, j'en ai terminé. Merci Dagga, merci beaucoup. » D'avoir répondu à mes questions, de s'être montrée compréhensive, d'avoir fait avec ma maladresse sans un instant la relever ou la pointer du doigt. J'ignorais si toutes les confrontations d'ordinaire se passaient aussi bien, mais je garderais assurément de la notre un agréable souvenir. Je m'attendais maintenant à ce que Cupidon revienne vers moi pour me poser la question fatidique, celle de la confirmation éventuelle de mon buzz. À l'heure actuelle j'étais très indécis. Cela valait-il la peine de confirmer tandis que je n'étais plus certain de grand chose ? L'incertitude me gagna subitement.