Cette semaine je crois que j’ai pas trop de linge pour devoir aller me geler les doigts dans le lavoir. Tant mieux, parce que sérieusement ça commençait à devenir lourd de devoir systématiquement y faire quelques vêtements parce que, j’avais beau bourrer, ils ne rentraient pas dans la machine. Du coup là je suis content de pouvoir tout faire rentrer et de toute laver automatiquement. J’hésite à me sortir une clope en attendant que mon linge soit fait mais j’me dis que ce serait pas cool pour les autres, l’odeur de la clope tient vachement et vachement vite sur les vêtements. J’en suis à là de mes réflexions quand Raphaël entre avec ses vêtements également (bien sur, des vêtements sur lui mais là je parle de ceux qu’il doit laver). « Salut ! » Je fais en souriant. « Ca va ? » Oh pitié qu’il me sourit et me dise ‘oui et toi ?’ sinon je vais hurler, l’attraper et le secouer comme un vieil arbre pourri.

Faire une lessive n'était initialement pas l'aventure du siècle. Cependant, Raphaël avait tendance à y voir une occasion comme une autre de se prendre à imaginer ce qui pourrait bien lui arriver une fois entré dans la laverie automatique. Allait-il être menacé de mort -ou presque- par une jeune femme un peu trop déterminée à le faire danser et chanter, comme lorsqu'il y avait vu Zofia ? Allait-il bousiller le matériel, comme la fois où il s'y était trouvé en compagnie de Fantine ? Peut être allait-il plutôt y découvrir quelqu'un en train de chantonner, comme ce fut le cas avec Pénélope, quelques semaines plus tôt ? Ou alors, peut être aurait-il de nouveau l'occasion de lire l'un des jolis poèmes écrits par Asmaa ? Allez savoir ce qu'il pourrait bien lui arriver de plus ou moins palpitant aujourd'hui. Pour une fois, il ne redoutait rien, et était même plutôt excité à l'idée de vivre une possible péripétie, alors susceptible d'animer un tantinet cette journée un peu trop calme à son goût. Mais tandis qu'il arriva sur place, les bras chargés de son panier à linge, voilà qu'il tomba sur Jared. Bon, peut être ce dernier allait-il lui réserver une drôle de surprise ... Un strip-tease ? Une reprise de la chorégraphie de Gangnam Style ? Une tentative d'assassinat qu'il préparait depuis quelques temps ? Raphaël attendait d'être surpris. Mais il ne le fut pas. Non, contre toute attente, rien d'extraordinaire ne se produisit. Par contre, et ça n'en était pas pour autant négligeable, son camarade prit calmement la parole, le saluant tout d'abord, avant de lui demander si ça allait. Bon, c'était toujours ça. Il valait mieux ce genre d'approches qu'aucune approche du tout. Et puis au moins, Raphaël savait à quoi s'attendre et n'aurait assurément pas de (mauvaise) surprise aujourd'hui. Alors, dans un sourire, et après avoir déposé son panier, il s'adressa à son tour à son camarade. « Bonjour, Jared. » Oui, converser avec Raphaël équivalait généralement à converser avec un sexagénaire. « Je pense pouvoir dire que ça va bien, ou en tout cas que ça va mieux. Et te concernant ? » Veuillez noter, s'il vous plait, qu'il ne s'était pas mis à pleurer pour lui expliquer ô combien sa vie était un mélodrame, tout simplement parce qu'en ce jour, il allait véritablement bien. « Je crois avoir embarquées quelques affaires à Candace » commenta-t-il ensuite, en examinant le contenu de son panier. Parce que jusqu'à preuve du contraire, il ne portait pas de lingerie en soie, hm.

« Bonjour, Jared. » fit-il, apparemment de bonne humeur. Il pose son panier de linge sur une des machines alors que celle qui contenait mes vêtements faisait le bruit d’un monstre géant qui aurait très très faim. « Je pense pouvoir dire que ça va bien, ou en tout cas que ça va mieux. Et te concernant ? » Je souris, je suis bien content de cette réponse tiens ! Surtout que son secret a été découvert il n’y a pas longtemps et que j’avais peur qu’il aille encore plus mal dans la peur que tout le monde le juge mais non. Il semblait aller bien mieux. « Ah ça fait plaisir à entendre ! Moi, ça va toujours bien. » Vérité pure. Même quand ça va pas je suis optimiste de toute façon et j’arrive toujours à me motiver, donc ouais moi ça va toujours bien. « Je crois avoir embarquées quelques affaires à Candace » fit-il ensuite en se penchant sur son panier. Je m’approche et en retire, par le bout des doigts, un soutien-gorge noir en dentelle, plutôt sexy d’ailleurs. « Disons que si tu mettais ça, je me poserais des questions. » Dis-je en riant. « Remarque je suis certain que Candace sera ravi que tu lui fais sa lessive. Essaie d’en glisser un mot à Liv avec un peu de chance elle fera mon linge. » Dis-je en riant et en lâchant la pièce de lingerie dans le panier. Je pense qu’il était plutôt peu probable que Liv fasse mon linge et même, je ne lui demandais pas de le faire mais c’est vrai que si elle le faisait par inadvertance, je ne me plaindrai pas !

Raphaël allait bien. Okay, alerte à toutes les unités, aux médias et à quiconque serait intéressé par une telle annonce : Raphaël-allait-bien. Bon sang, pour une fois qu'il ne ressentait pas le besoin de dire qu'il en avait assez de souffrir, qu'il se trouvait pitoyable, ou qu'il ne se plaignait simplement pas ... Whaou. Le suisse semblait alors en plein progrès, en pleine évolution. Peut être sa phase dépressive était-elle révolue et que le meilleur était désormais à venir ? Allez savoir, autant le lui souhaiter. Pour lui, il était presque certain que le changement, c'est maintenant. Son camarade sembla alors sourire à l'écoute de ses dires, comme s'il se réjouissait que Raphaël ne lui fasse pas savoir qu'il allait mal, ou quelque chose dans le goût de ce qu'il était effectivement habitué à sortir. Et visiblement, oui, Jared était content pour lui. Raphaël se mit alors à sourire à son tour, plutôt touché que Jared se sente quelques peu concerné par son état. Il fut lui même heureux d'apprendre que le jeune homme allait bien. A noter l'emploi du terme "toujours", qui ne manqua pas d'amuser Raphaël. Lui, il aurait tout à fait pu dire qu'il allait toujours mal mais qu'exceptionnellement, il en avait eu assez, et donc qu'il avait décidé d'aller bien au moins un jour dans l'année. Sauf que non, ça ne marchait clairement pas de cette manière. Déjà parce que cela ne se décidait pas - ce serait trop beau - mais également parce que ça n'était pas si surprenant que cela, puisqu'il sentait une amélioration globale au niveau de son humeur depuis déjà quelques jours. Le sourire de Raphaël s'étendit alors, pour faire savoir à son camarade qu'il était bien qu'il se batte pour faire perpétuellement preuve d'optimisme. Tous deux n'avaient pas la même philosophie de vie, c'est évident. Mais celle de Raphaël commençait à changer. Il était relativement peu probable qu'elle se base entièrement sur celle de Jared, mais elle évoluait, c'est certain. Finalement, et en examinant son panier de linge sale, Raphaël fit un étonnant constat : certaines des affaires qui s'y trouvaient étaient des affaires de femme, appartenant probablement à Candace. Son rire se joignit bientôt à celui de Jared. « Je suis bizarre, mais pas à ce point. » Et ça, il voulait bien le jurer sur la Bible, ou presque. Quoi qu'il en soit, il va de soi qu'il ne portait pas de sous-vêtements féminins, aussi élégants soient-il. « J'avais souvent l'habitude de faire les lessives de mes sœurs et de ma mère, lorsque j'étais adolescent, alors si Candace me demandait de laver son linge, je le ferais de bon cœur. » Les tâches ménagères, il y avait été habitué très tôt. Aujourd'hui, il était pour le moins autonome. « Mais je doute qu'il plairait à Callan de savoir que je manipule en permanence la lingerie de son épouse. » Et vu qu'il prenait tout juste goût à la vie, il allait éviter les problèmes, hein. « Ce que tu peux faire, je pense, c'est déposer subtilement tes affaires dans le panier à linge de Liv. Si ça se trouve, c'est ce qu'a justement fait Candace, l'air de rien. On ne va pas tirer de conclusions trop hâtives, mais tout de même, je ne vois pas dans quel moment d'égarement j'aurais été ramasser sa lingerie. » Du coup, tout cela le faisait douter. Déjà qu'il était paranoïaque de nature, hm. Candace avait peut être absolument tout prévu, en fait. Si tel était le cas, elle était incroyablement maligne.