Si nombreuses étaient logiquement les choses que ne savait pas faire Raphaël, il y en avait pourtant une où il estimait se débrouiller relativement bien : la cuisine. Bon, il était très loin d'avoir le talent d'une chef cinq étoiles ou ne serait-ce que la patience et la minutie de n'importe quel cuisinier, mais il est vrai qu'il savait quelques fois réussir des plats, et réaliser des recettes relativement mangeables. En tout cas, cela lui avait très tôt permis d'adopter une réelle autonomie, n'ayant jamais tellement pu compter sur sa mère pour le nourrir autrement qu'à base de nourriture surgelée ou en conserves. Sa sœur cadette lui avait alors appris à réaliser bon nombre de petits plats, elle qui avait d'ailleurs ouvert un restaurant avec son époux. C'était elle qui lui avait appris les bases des préparations culinaires. C'est elle qui avait passé des heures à ses cotés dans la cuisine familiale, à lui inculquer comment peler des légumes, comment réaliser une gratin, comme utiliser des restes dans une préparation écologique et non moins savoureuse ... Grâce à elle, il s'en était toujours assez bien sorti d'un point de vue culinaire, même si encore une fois, personne n'avait franchement quelque chose à lui envier. Disons qu'il n'avait pas la prétention de se trouver réellement doué mais qu'il appréciait d'avoir quelques connaissances, car c'était bien un domaine qui s'avérait toujours utile. Alors en ce jour, et puisqu'il cherchait quelque chose à faire pour occuper ses dix doigts, mais aussi son esprit tourmenté, le jeune homme décida de se rendre en cuisine pour élaborer une recette, essayant alors d'utiliser les ingrédients mis à la disposition des candidats. Il y avait un peu de tout, ce qui n'était pas franchement une bonne chose, étant donné qu'il était déjà hésitant de nature. Finalement, il opta pour la réalisation d'un gratin de pommes de terre, recette élémentaire que personne ne pouvait logiquement rater. Alors il s'apprêta à préparer ledit plat, avant de mettre celui-ci au four. Et il attendit. Les minutes passèrent, de longues minutes, tandis qu'il commença à rêvasser, à penser à mille et unes choses. Mais bientôt, la porte s'ouvrit et laissa apparaitre Candace, sa partenaire. « Je ne sais pas si tu as faim, mais si c'est le cas, ce que j'ai préparé devrait bientôt être prêt » annonça-t-il alors, dans petit sourire. Mais bien vite, une odeur particulièrement se fit sentir. Hm, curieux. « J'ai d'ailleurs l'impression que ça sent le ... » Oh non. « ... cramé. » Et là, il comprit d'où venait le problème. Alors il s'empressa d'ouvrir le four, d'en sortir précipitamment son gratin, pour constater que celui-ci était fichu. Et pour cause, ce qui aurait du ressembler à ça ressemblait présentement à ça Autant dire que ça n'était pas loin d'être une catastrophe. Tout penaud, honteux, il se retourna vers sa camarade. « Tout compte fait, tu ne pourras pas compter sur moi pour te nourrir ce midi » reprit-il, dans un rire embarrassé. Puis il regarda ses mains, brûlées et affreusement douloureuses. « Oh, génial » soupira-t-il alors, blasé par sa propre inconscience. Les maniques, ça existait. Et à une seconde près, son gratin n'aurait de toute manière pas pu être sauvé, hm.

Je n'étais pas réfractaire aux taches ménagères, je ne dis pas que je frottais avec plaisir les toilettes, ni que je repassais le linge avec plaisir néanmoins, je le faisais parce qu'il le fallait. On aurait largement pu engager une ou deux bonnes avec nos revenus plus que confortable mais non, au lieu de cela, on se répartissait les taches avec Callan. Nos emplois du temps étant parfois serré il fallait absolument qu'on y mette du notre. Et si le ménage ne me dérangeait pas, la cuisine par contre c'était une autre affaire. Je sais cuisiner, là n'est pas le problème. Je n'ai simplement pas la patience de me mettre derrière les fourneaux. J'ai l'impression que c'est une perte de temps. Je m'arrange alors toujours pour bénéficier des talents de cuisiner des candidats, des restes de Callan ou alors je mange les premières choses qui me tombent sous la main. Je n'ai jamais fait attention à ce que je mangeais alors ça ne me dérange pas de manger n'importe quoi. Je pénètre dans la cantine puisque je commence à avoir faim et je ne tarde pas à remarquer Raphaël qui semble attendre quelque chose. Je lui souris en guise de bonjour. Et sans que je n'ai besoin de manger quoi que ce soit, il me propose déjà de partager son plat. « Oui je veux bien c'est gentil... » Sauf que fausse joie puisque sa sent légèrement le cramé et qu'il semblerait que ça provient du plat qu'il préparait justement. Je m'écarte d'ailleurs un peu pour le laisser ôter son plat du four. S'il avait dû être appétissant au départ là, c'était loin d'être super. Il s'excusa d'ailleurs, il semblait gêné. « On peut peut être essayer de retirer le brûler pour voir ce que ça donne... » Tout n'est pas perdu, j'ai déjà usé de se stratagème un bon nombre de fois. Et puis tout va très bien, Raphaël regarde ses mains, dans la précipitation il pas pris la peine d'enfiler des gants. Et ses mains sont brûler, je réagis au quart de tour. « Oh attends viens par ici, il faut arrêter la brûlure et les passer sous l'eau froide. » Je le tire délicatement mais assez rapidement vers les éviers tout en lui donnant la marche à suivre. « Reste comme ça pendant plusieurs minutes je vais voir si je peux trouver de quoi nettoyer et apaiser la douleur. » Il y a une armoire à pharmacie dans toutes les pièces ou presque pour plus de sécurité. Celle de la cantine est sur le mur du fond je m'y dirige et en sort ce qu'il faut. « Attends encore quelques minutes surtout... » Je reviens avec de la gaze et la pommade que je pose sur le plan de travail. « Qu'est-ce que tu veux manger ? C'est moi qui cuisine. » Je demande finalement ne ouvrant le réfrigérateur. Je ne peux pas le laisser mourir de faim. Et puis finalement, je le rejoins et éteins l'eau. « Est-ce que ça va ? » J'observe ses mains afin de regarder l'étendue des blessures, bon ça va, c'est assez superficielle.

Bon et bien, tout compte fait, Raphaël n'était peut être pas aussi averti qu'il l'aurait pensé, en tout cas d'un point de vue culinaire. Car ce qui aurait du être un savoureux gratin de pommes de terre - plat qu'il réalisait approximativement pour la quatre-vingtième fois - ne tarda pas à aborder une gueule bien dégueulasse, car terriblement cramée. Et bien oui, non seulement il avait complètement oublié de mettre en route une quelconque minuterie - ce qui aurait pourtant été judicieux - mais en plus, il trouvait le moyen de rêvasser puis de papoter avec sa jolie partenaire au lieu de surveiller qui cuisait ce au four. Du coup, forcément, le résultat était pour le moins catastrophique. Disons en tout cas qu'il ne faudrait pas compter se nourrir avec ce plat pour le moins douteux. Non, il va de soi qu'il n'était plus du tout envisageable de se nourrir de ça. Autant dire que le suisse était affreusement désolé de présenter une telle horreur à Candace, surtout après lui avoir sorti une bande annonce presque tentante. Ah vraiment, c'était la grosse honte là. Mais au moins, elle avait plus de ressources que lui. La preuve, la jeune femme ne tarda pas à lui proposer de retirer simplement le cramé, histoire de récupérer ce qui pouvait éventuellement être mangeable sous cette apparence des plus ragoutantes. Il hocha alors doucement la tête à cette position. Mais voilà que brusquement, sa camarade se rapprocha pour l'emmener assez rapidement vers l'évier. Euh ... que se passait-il au juste ? Pourquoi parlait-elle de brûlure, d'eau froide ? Honnêtement, il n'était pas certain de comprendre, toutefois, il finit par faire le lien entre la douleur qu'il ressentait au niveau de ses mains et la réaction de Candace. Il était alors probablement question de rincer celles-ci pour calmer la douleur, hm. Oui, ce serait effectivement une bonne idée. Parce que bon, ça n'était pas insupportable, mais ça faisait un peu mal quand même quoi. Ses mains atterrirent sous le robinet, tandis qu'il grimaça sous le coup du changement de température que subit alors la peau de ses mains. Mais très vite, il soupira sous les bienfaits de cette technique. Il avait déjà clairement moins mal, hm. Sa camarade s'éloigna alors, tandis qu'il resta silencieux, se concentrant sur l'eau et sur ses bienfaits. Et donc, sous la demande de sa partenaire, il attendit. A sa première question, il lâcha un petit rictus. Il lui avait proposé à manger mais n'avait pas été fichu d'assurer, du coup, il la forçait à cuisiner. Putain, il se trouvait d'un ridicule déconcertant. « Oh tu sais, je ne crois pas être tellement en position de réclamer, alors ... prépare ce qui ne te demandera ni trop de temps, ni trop d'énergie. Je ne suis pas difficile, je ne souffre d'aucune allergie alimentaire et toute tentative d'empoisonnement sera de toute façon la bienvenue. » Il lui adressa un sourire amusé, se moquant sans mal de sa propre bêtise. Alala, il n'en loupait décidément pas une. « Je ne vais pas te mentir, je déguste encore un peu. Mais ça va un peu mieux, tout de même, j'ai l'impression. » Il lui adressa un sourire, tâchant de ne plus trop penser à ses pauvres mains. « Et toi, comment vas-tu ? » demanda-t-il doucement, désireux de prendre des nouvelles de sa partenaire. Au prime, elle lui avait semblé déchainée. Lui, il la connaissait plus douce, plus calme. A croire qu'il ne connaissait pas la même Candace que la plupart de leurs camarades.

J'ai réagis rapidement face aux blessures de Raphaël qui ne semble pourtant pas comprendre pourquoi j'avance vers lui et que je l'attire vers l'évier de la cuisine. Pourtant, il faut agir assez rapidement afin d'arrêter la brûlure et éviter la propagation. Je donne mes instructions au jeune homme qui me laisse agir. Il demeura silencieux durant toute la procédure, jamais il ne se plaignit de la douleur. J'ai connu des personnes qui se mettaient à hurler pour beaucoup moins que cela. Alors que ses mains sont encore sous le jet d'eau froide j'ouvre le réfrigérateur. Il va nous falloir un plan b. Et rien ne semble attirer mes faveurs. Je soupire et referme le réfrigérateur alors qu'il me déclare ne pas vouloir être exigeant. Il se moque de lui, alors que mine de rien, il n'y avait pas de quoi selon moi. « Je ne sais pas tu es plus repas équilibré avec légumes et viande, salade verte, ou alors junk food ? » Parce que selon sa réponse ça changeait pas mal la donne. Moi je m'en fiche, je peux manger tout et n'importe quoi. J'aime autant la junk food occasionnellement que les plats de chefs étoilé ou les plats familiaux simple et consistant. Je m'approche afin d'éteindre le robinet. Je m'inquiete de son état, il semble aller bien. Je pense que ça devrait aller. J'attrape un torchon propre pour éponger ses mains avec délicatesse. « Je pense qu'avec la pommade ça devrait aller aider davantage. » J'ouvre le tube, j'en mets une noisette sur le bout de mon index. « Surtout tu me dis si je te fais mal. » J'applique la crème avec délicatesse sur ses paumes de main. Là où sa peau a été brûlé par le plat. Et moi. Est-ce que je vais bien ? Je souris. « Oui ça va, très bien. Je vais toujours bien. » Je ne me pose pas vraiment de questions, je vis ma vie comme je l'entends, alors je fais toujours en sorte d'aller bien. Même si je ne suis jamais ni blanche ni noire, je suis grise. Je ne vais jamais bien, je ne vais jamais mal. Je vis tout simple. « Dis moi, comment ça se passe avec Lulu ? J'ai cru sentir une certaine tension lors du prime. Il ne te fait pas souffrir j'espère ? » Si c'est le cas je n'hésiterais pas un seul instant à lui briser la nuque. Mais je m'abstiens de le dire pour éviter de lui faire peur. Je termine d'appliquer la pommade puis me lave les mains. « Bon, à table Raphaël ! » Je n'ai pas préparer à manger, mais l'intention y est.

Pauvres mains. Il avait fallu qu'il oublie que des maniques étaient toujours d'une grande utilité dans ce genre de situations, et ainsi qu'il les brûle assez malencontreusement. Le résultat n'était pas fameux. Un peu peu et il laissait en prime un peu de peau sur le plat, ce qui aurait assurément été charmant, mais qui n'aurait toutefois pas rattrapé l'horrible cuisson de ce gratin définitivement raté. Autant Raphaël pouvait être un assez bon cuisiner quand il faisait un maximum d'efforts, autant c'était beaucoup plus difficile lorsque son esprit était irrésistiblement accaparé par mille pensées et de nombreux doutes. Nul doute que cela avait beaucoup joué dans le fait que le plat qu'il avait pourtant conçu avec détermination avait fini par ressembler à tout, sauf à un gratin de pommes de terre. Autant dire qu'il était préférable de ne pas s'en nourrir, et de préférer quelque chose de plus ... mangeable, disons. C'est alors que sa camarade l'aida à atténuer la douleur, notamment en l'amenant près du robinet et passer un peu d'eau sur ses brûlures. La peau était maintenant sensible, à vif, mais il tenait bon, parce qu'il serait particulièrement ridicule qu'il se mette subitement à pleurer. Non, il valait tout de même mieux que ça. Ou disons qu'il n'avait pas besoin de faire de cette situation quelque chose d'encore plus minable, hm. Il se laissa alors faire, non sans mal il est vrai, tandis que sa camarade lui proposa finalement de faire à manger. Nul doute qu'avec elle, il y aurait immédiatement moins de risque d'obtenir quelque chose de détestable. Candace avait beaucoup plus d'assurance que Raphaël, et celui-ci avait alors tendance à penser que cela pouvait naturellement jouer sur la qualité d'un plat. La preuve, c'est son manque d'organisation et le fait que la présence de sa camarade l'ait déstabilisé qui lui avait fait perdre ses moyens et lui avait fait oublier la cuisson de son plat. Elle, elle ne devait pas être du genre à faire ce type d'erreurs. C'était Candace, après tout. « Honnêtement, je mange très peu, ou très léger. Je me nourris essentiellement de légumes, de féculents. » Très peu souvent de viande, de matières grasses ... peut être de quoi expliquer qu'il soit si fin. Remarquez, il n'avait jamais été bien épais. Sa mère le lui avait d'ailleurs bien souvent reproché. Lui, il avait toujours pensé que son mal être avait eu un effet assez néfaste sur son organisme et son appétit. A l'inverse de ceux qui mangeaient beaucoup lorsqu'ils allaient mal, Raphaël, lui, mangeait très peu. Après avoir humidifié les mains de suisse, sa camarade les sécha avec un torchon. Lui, il se sentait déjà un peu mieux. Disons qu'il avait moins mal. Il hocha doucement la tête lorsqu'elle parla d'appliquer de la pommade. Il la laissa faire, grimaçant, puis se détendant. « Merci, Candace » articula-t-il simplement, dans un sourire. Même s'il avait mal, pas sûr qu'il ose se montrer chiant et se manifester. Mais de toute façon, c'était tout à fait supportable. Candace disait alors aller bien. Son "toujours" l'intrigua partiellement. « Est-ce donc si simple d'aller bien, au fond ? » demanda-t-il timidement, mais légitimement. Il ne comprenait pas pourquoi lui allait rarement bien. Est-ce qu'il suffisait de le vouloir ? Est-ce que lui ne le voulait pas assez ? Sa volonté lui faisait-elle défaut ? Il ne savait plus grand chose à ce sujet. Mais bientôt, il ne put faire autrement que de rougir. La question que sa camarade lui posa l'embarrassa clairement, il est vrai. « Tu sais, je ... je parviens très bien à me faire souffrir tout seul » avoua-t-il, dans un petit rire gêné. « La vérité, c'est que ... c'est que j'ai fini par éprouver pour lui ce contre quoi j'ai tenté de lutter, bien en vain. Et en profond égoïste que je suis, j'aimerais l'avoir pour moi tout seul en permanence, sans que personne d'autre ne l'approche. C'est idiot et malvenu, j'en ai conscience. Du coup, quand je sens qu'il m'échappe, qu'il me délaisse ... je m'effondre complètement. » Il se pinça les lèvres, croisant rapidement son regard avant de baisser le sien. « Je lui ai dit que je l'aimais » avoua-t-il finalement, d'une petite voix, relevant le regard vers le sien pour y lire quelque chose, quoi que ce soit, si possible autre chose que de la moquerie. Il se confiait à Candace parce qu'elle avait toujours été là pour lui. De plus, étant en couple, amoureuse, elle pouvait peut être comprendre combien ce qu'il vivait lui paraissait précieux, aussi douloureux cela soit-il parfois. Aux prochaines paroles de Candace, il afficha un sourire partiellement amusé. Par contre, la réalité le rattrapa et il se sentit bête, mais vraiment bête. « Je risque d'avoir un peu de mal à tenir des couverts » articula-t-il alors, se moquant au passage un peu de lui même, et de sa bêtise. Décidément, il n'était bon à rien aujourd'hui. Qu'on l'achève.