W/ WADE

Du bout des doigts, je viens arracher délicatement un bout de ma barbe à papa que je porte jusqu’à mes lèvres, la goûtant avec un plaisir non dissimulée. La vieille fête foraine abandonnée était un de mes lieux favoris ici. Mais je me disais que je passais à côté d’une part importante de l’expérience des manèges en étant royalement seule. J’aurais bien voulu vivre la fête foraine comme les gens, dans les films, avec une famille ou une bande d’amis à mes côtés, en me mêlant à la foule en riant à gorge déployée, oubliant le reste de ma semaine de boulot et profitant d’un moment de repos et de détente pur. C’était pas franchement possible, dommage. Je me connaissais. Je savais que j’étais incapable de me rendre sur les lieux d’une véritable fête foraine ; tous ces gens, partout, ça m’angoisserait, ça me stresserait, et puis l’attente m’insupporterait, ça m’amuserait pas du tout. J’ai trop fantasmé autour de cette idée, ce concept, en me laissant trop influencer par ce que les œuvres de fiction pouvaient en dire. Perdue dans mes pensées, j’incline légèrement la tête sur le côté en continuant de grignoter ma barbe à papa, morceau par morceau. Je m’approche de l’attraction des chaises volantes – la seule que je n’ai pas encore essayée – et l’observe distraitement, rêveuse.

Je venais de terminer de manger. Un bon gros repas. Miam. Mon estomac était parfaitement contenté. Etant un parfait petit homme d’intérieur, je fis immédiatement ma vaisselle. Mes colocataires ne devaient pas en revenir de voir ça. Dire que chez nous on attendait toujours que l’évier soit rempli et la pile tellement haute qu’on ne puisse plus rien faire. Mais pas là. Nope je la faisais quasiment toujours immédiatement. Quel progrès. Même que j’allais faire la lessive une fois par semaine. Bref, après manger, je décidai de sortir prendre l’air, une petite balade pour digérer. Mes pieds m’amenèrent par ci par là. J’allai jusqu’au lac, longeai le ruisseau…Et finalement arriva à la fête foraine. J’avais soudainement l’envie de faire un tour de manèges. Et qui vois-je au loin ? Une candidate rousse. Dagga surement. Je m’approchai, et oui c’était bien elle, une barbe à papa en main, regardant l’attraction des chaises volantes. « Wade en marche, attention ! » Ou comment lui signifier que j’arrivais…C’est pour ne pas la prendre par surprise, parce qu’apparemment j’avais tendance à faire ça, et je me risquais à des ennuis…Comme me prendre un coup de poing dans la poitrine par Branca, ou presque me prendre une poêle pleine de sauce bolognaise dans la tête. « Je vais prévenir de mes entrées maintenant à chaque fois pour plus de sureté… » dis je dans un souvenir alors que j’étais arrivé à sa hauteur. « Tu vas bien ? Dis tu fais un tour de ce manège avec moi ? » Tant qu’à faire, si on était là, autant s’amuser.

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