Parce que le nutella est indispensable à ma survie, je me dirige en hâte jusqu'à l'épicerie, espérant m'en dégoter un pot afin de me faire quelques tartines. Je déjeune à quatorze heures, rien de plus normal. En fait, je n'ai aucunement la foi de me faire à manger, de cuire des pâtes ou qu'importe. Le nutella fera donc amplement l'affaire. Il fait toujours l'affaire. Son petit goût de noisette, sa texture voluptueuse.. je suis presque en train de baver. J'entre dans l'épicerie à pas de loup et me dirige au rayon approprié. Mon regard de renard spécialement conçu pour repérer les pots de nutella est en marche. Je fait trois fois le tour du rayon, quatre fois celui de l'épicerie avant de me rendre à l'évidence la plus cruelle qui soit. Plus de nutella. Plus de pot brun au bouchon blanc. Plus d'écriture noire et rouge. PLUS DE NUTELLA. Plus d'Arès. C'est la fin de ma vie. Mon ventre se fait entendre. « Ta gueule. » je réplique sans me rendre compte que Joshua se trouve devant moi.. interloquer, je crois. En fait, je n'arrive pas à discerner son expression. A moins qu'il ne se foute de ma gueule. Ou qu'il ait pensé que cette réplique lui était adressée. Dans un cas, il me prendra certainement pour un malade et répliquera. Dans l'autre, je lui donne les explication nécessaire et il me prendra pour un malade. Dilemme compliqué. « Je parlais à mon ventre. » j'ose quand même, comme si de rien n'était. Comme si je parlais tous les jours avec mon ventre. Comme si nous entretenions une relation complice, lui et moi. Qu'importe, je reste béat quelques secondes avant de lui faire part de ma constatation des plus fâcheuses. « Y a plus de nutella, je vais mourir. Tu m'enterreras dignement, hein ? » C'est tiré par les cheveux, je pousse un peu mamie dans les orties et je connais pleins d'expression mais c'est ce que m'évoque cette pénurie. Une honte, un calvaire, une débandade bref, j'ai l'air d'un môme qui a perdu son doudou.

Le nutella, c'est toute ma vie. Je crois que je suis le seul à approvisionner la cantine en pots. Ma générosité me perdra puisqu'aujourd'hui, il n'y en a plus. Je devrais être un peu plus égoïste, penser à mon ventre en premier avant celui des autres. Et en parlant de mon ventre, il refait des siennes. Je suis prêt à l'engueuler de nouveau quand le visage de Joshua apparaît dans le rayon, les bras chargés de victuailles sur lesquels je baverais bien. Mes lèvres se pincent en une grimace de confusion lorsque mes yeux voyagent entre son visage et l'objectif de la caméra. Je suis bon pour intégrer un asile en sortant de Fake Lover, je crois. Son regard se pose sur un pot noir au couvercle blanc dans ses bras tandis qu'il prétend être mon sauveur. Mes yeux s'arrondissent, un sourire enfantin naît sur mes lèvres et je m'approche de lui sans aucune délicatesse pour lui soutirer le nutella. « En fait, c'est toi qui a voler le dernier pot, c'est ça. » je le regarde suspicieux et puis, me dirige en direction du comptoir. Puisqu'il a les bras pleins de gâteaux en tout genre, autant en profiter. Je tapotte le comptoir afin qu'il ne puisse déposer le tout et j'ouvre le pot de nutella. L'odeur m’enivre, je suis accro. Encore plus qu'à la cocaïne - quoiqu'il fut un temps où elle surpassait le surpassait. « Peu importe, on va faire nos égoïste et se le manger à deux. Ils en auront pas. » je lui dis d'un air faussement complice en attrapent une cuillère que je plonge dans la pâte à tartiner avec gourmandise. J'ai une fin de loup, que dis-je ! d'éléphant, je crois. Mon ventre ne cesse de me marteler, je n'en peux plus. Je tartine un morceau de pain que j'avale, oubliant mes manières d'enfant bien éduquer. Tant pis. J'ai décidé d'être égoïste et puis, je lui tends quand même la cuillère, afin qu'il ne se serve. « Dis, comment était votre relation avec Sven ? » je lui demande concerné, les dents pleines de nutella. Parce que ça m'intéresse pardi.