Je n'aime pas le cinéma d'après guerre, je ne suis pas une fan de Marilyn Monroe, Audrey Hepburn et toute la clique. Je préfère les choses plus récente, moderne et pas niaises, c'est pour cette raison que j'évite de fréquenter le cinéma. En général, je n'aime pas ce que je vois, pourtant j'aime assez le cinéma. C'est divertissant, c'est instructif aussi, très instructif. Pourtant, le temps est gris et je n'ai rien envie de faire d'autre que de m'enfermer dans cette salle obscure. J'y pénètre avec la certitude que je serais déçue par ce qui va être projeté, pourtant j'entre, je pousse les portes et je descends les escaliers. Un film est diffusé, je ne suis pas assez cinéphile pour l'identifier dès la première minute pourtant ce que j'identifie rapidement c'est la silhouette qui fait face à l'écran. Je descends jusqu'à sa hauteur et marche dans l'allée, je l'identifie rapidement, il s'agit de Joshua vers qui je n'hésite pas à aller. Je ne sais pas si je lui fiche toujours la frousse, notre dernière entrevue a été particulièrement étrange, inhabituelle aussi, et je ne sais pas de quelle manière je serais reçue aujourd'hui. Je m'assieds et fixe l'écran qui m'importe pourtant peu. Je le fixe pourtant, je reste silencieuse, je ne sais pas vraiment ce que j'attends, mais j'attends. Le silence demeure un moment. Je regarde l'écran mais je ne sais pas du tout ce qui est diffusé tant les images m'indiffèrent. Je croise mes jambes l'une sur l'autre, j'ai le bras posé sur l’accoudoir et je cale ma tête contre ma main. « Tu survis ? » Je ne quitte pourtant pas l'écran des yeux. Il peut tout aussi bien m'ignorer, je ne lui en tiendrais pas rigueur. Absolument pas.

Je ne sais pas ce que je fous là, je déteste cet endroit. Oui, je l'exècre depuis le premier jour où j'y ai mis les pieds. C'est ici que tout s'est terminé entre Sven et moi. Que les hostilités ont réellement commencé. Car nos petites engueulades avant ce jour, c'était du pipi de chat à côté. Les yeux rivés vers l'écran, je contemple les images. Je n'ai absolument rien compris au film qui passe depuis tout à l'heure devant moi, mais à vrai dire, je m'en contrefous littéralement. Puis, ce n'est pas comme si j'y prêtais réellement attention. Le cinéma, c'était surtout une excuse pour m'isoler, en fait. Chose que je fais assez souvent, depuis deux semaines maintenant. Pourtant, je n'aime pas tellement ça, en réalité. Je préfère me savoir entouré. La présence de mes semblables me permet d'oublier mes ennuis, ordinairement. Mais, il faut croire que cette émission m'a changé. Plongé dans l'écran, je ne prête pas attention à la personne qui vient s'assoir près de moi. J'ignore qui elle est, à vrai dire, je n'ai même pas daigné lui adresser un regard. Les secondes passent, le silence règne, et ni moi, ni cet inconnu ne nous calculons réellement. « Tu survis ? » Je reconnais la voix de Candace, mais ne bronche pas pour autant. Au contraire, je l'ignore. Je plonge ma main dans mon paquet de pop-corn et fais la sourde oreille. Pas parce qu'elle me dérange. Simplement parce que je ne sais pas quoi dire. « Ces pop-corn sont dégueulasses. », lâché-je enfin après quelques minutes de silence total. Je suis hors-sujet, certes, mais j'aurais au moins eu le mérite de parler.

Je ne sais pas trop ce que je cherche en restant là aux côtés de Joshua, je ne suis pas là pour le film, ça se saurait. Je ne suis pas non plus là pour les friandises, je n'ai rien apporté avec moi. Je ne suis pas du genre à m'inquiéter pour les autres, je n'ai aucune empathie pour personne. Je ne saurais dire pourquoi je reste là, pourquoi je lui demande s'il survit, je devrais jouer l'indifférence, je devrais partir. Surtout qu'il ne répond pas immédiatement. Je m'en fiche, j'ai les yeux rivé sur l'écran. J'ai l'impression de commencer à comprendre le film qui m'emmerde profondément. Il parle, des mots sortent de sa bouche. Le pop-corn est dégueulasse. Ce sont les mots qu'il utilise. Je tourne la tête et l'observe un instant. « Arrête de vivre en fonction des autres l'espace d'un instant, et vie pour toi Joshua. » C'est le meilleur conseil que je pouvais lui donner. Rien à voir, mais je dis toujours ce que je pense, peu importe la situation. Et puis je lui pique le sachet qu'il trouve dégueulasse et picore dedans. Je goûte, un, deux, trois. « Pas si dégueulasse que ça. » J'hausse les épaules et dépose ma tête contre son épaule, comme si c'était le geste le plus naturel qu'il soit. Il peut toujours m'envoyer promener si ça lui chante, je ne lui en tiendrais pas du tout rigueur. Loin de là. Je jette néanmoins le sachet sur le sol, il m'encombre plus qu'autre chose. Distraitement je laisse aller mes doigts contre son bras. Je crois que je suis loin d'être le monstre qu'il s'imagine que je suis, même si ils sont tous loin du compte me concernant. Vraiment très loin.