Tout serait bientôt terminé. Et bizarrement, contrairement à ce qu'il s'était dit en arrivant dans ce jeu, Raphaël n'était pas pressé de connaitre la fin de cette aventure. Que celle-ci arrive dimanche soir ou dans quelques temps, non, il n'était pas pressé d'y avoir à faire. Le fait est que le jeune homme estimait avoir considérablement changé, que ce soit au niveau de sa personnalité, de ses capacités ou de ses priorités. Il y a quelques semaines, nul doute qu'il aurait voulu écourter son aventure, par peur de l'inconnu, par peur des autres, par peur d’absolument tout. A ce jour, les choses étaient véritablement différentes. Il avait fait des rencontres magnifiques et qui, pour la plupart, l'avaient beaucoup aidé, tout comme il était parvenu à prendre sur lui et à effectuer un nombre assez important d'efforts. Il n'était plus très loin désormais de ce qu'il avait visé en arrivant ici, de son utile guérison. Il y croyait, plus que jamais. S'il avait maintes fois eu envie de baisser les bras, d'abandonner ses efforts, de tout laisser tomber, ça n'était clairement plus le cas aujourd'hui. Car en cette fin d'aventure, il voulait croire qu'il n'avait pas fait tout ça pour rien et que ce qu'il vivait présentement n'annonçait que du bon pour la suite. Après tout, s'il se sentait si bien à l'heure d'aujourd'hui, pourquoi ne pourrait-il pas goûter à un plus grand bonheur encore, d'ici quelques temps ? Pourquoi ne pourrait-il pas le savourer en compagnie des gens qu'il aimait ? Rien ne lui était plus interdit, ni d'aimer, ni de vivre, ni de se plaire en ce monde. S'il avait longtemps cru - à tort, clairement - que toutes ces bonnes choses lui étaient interdites, qu'il était tout simplement condamner à souffrir et à endurer une existence pénible et déprimante, il se rendait maintenant compte que ça n'était pas du tout le cas. Il changeait d'opinion sur lui, comme il changeait d'opinion sur le monde. Ses semblables ne lui étaient peut être pas aussi nuisibles qu'il l'avait longtemps cru. C'est ce qu'il avait envie de croire, désormais. Et du coup, le retour à la réalité en serait peut être moins brutal, moins difficile. Il n'était plus seul, désormais. Il avait trouvé l'amour, mais il avait également trouvé des personnes dont il ne voulait simplement plus être séparé, des personnes qui avaient tant fait pour lui, qui lui avaient tant apporté. Et d'ailleurs, c'est lorsque lui vint cette douce pensée qu'il atterrit face à Elliot, qui se trouvait alors assise face à un feu de camps. Sans la moindre hésitation, et puisqu'elle l'y invita gentiment, il prit doucement place à ses cotés, ne tardant pas à avoir droit à un baiser sur la joue, et même à un bout de plaid. A la question de sa camarade, il afficha un sourire radieux. Elle semblait avoir noté quelque chose de changé chez lui, sinon elle ne lui poserait pas une telle question. « Tu connais déjà la réponse à cette question » laissa-t-il alors entendre, passant son bras autour des épaules de sa camarade pour l'inciter à déposer sa tête sur son épaule. « Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression d'être en accord avec moi même, avec ce que je suis. Quand je pleure, ça n'est plus de tristesse, mais bien de joie. J'aime de manière inexprimable chacun d'entre vous, pour tout ce que vous m'avez apporté, pour tout ce que vous avez fait pour moi. Je n'ai plus peur de mon reflet dans un miroir, de mon ombre, car je n'ai plus l'impression d'être une menace pour moi même, tout comme j'ai de moins en moins l'impression que quiconque en représente une. A présent, quand je mange, c'est par envie, par plaisir, et non plus parce que c'est nécessaire. Et désormais, lorsque j'imagine mon avenir, il est heureux et optimiste. J'envisage même de changer de métier. Je ne veux plus rien avoir à faire avec la mort. A compter de maintenant, je compte privilégier la vie. » Sa main trouva délicatement celle de sa camarade, qu'il serra avec affection, tandis que ses yeux se fermèrent. « C'est ici qu'on s'est rencontrés, Elliot. » Et il repensait parfois volontiers à cette jolie rencontre. Elliot avait maintenant une place privilégiée dans son cœur. Elle avait tant fait pour lui. « C'est également en ce lieu que j'ai voulu mourir. » Il rouvrit les yeux, les laissant admirer les flammes qui leur faisaient face. Ce souvenir-ci était plus particulier, mais pas nécessairement dramatique pour autant. « J'ai du oublié de le faire ce fameux jour, alors ... je te remercie. De m'avoir sauvé la vie, de m'avoir fait prendre conscience qu'elle était précieuse. C'est grâce à ce que tu as fait ce jour-là que j'ai pu évoluer. Sans ton aide, Raphaël serait mort en homme faible et futile. Il a eu une seconde chance. Une chance qu'il a saisie. Il est devenu quelqu'un qui ne penserait plus un seul instant à en finir avec la vie. Il la chérit désormais. » Une vie qu'il espérait longue et heureuse, en compagnie de ceux qu'il aimait et qui devaient l'aimer. Il n'aspirait ni à la gloire, ni à quoi que ce soit d'exceptionnel. Simplement à être aimé et bien entouré pour les prochaines décennies.