Raphaël

VENDREDI 14 DÉCEMBRE - 20H22
QUARTIER D'ARAGON - ECOLE MUNICIPALE DE FILLES, CHAMBRE

Le grand départ approchait. Dans deux jours, nous quitterions tous ce nid pour de bon et retournerions à nos petites vies, loin des caméras scrutant et capturant le moindre de nos faits et gestes, loin aussi de la pression engendrée par le jeu... Je n'étais pas pressé de partir, même si je n'avais pas toujours été très à mon aise ici. Malgré tout, j'avais fait la rencontre en ces lieux de personnes vraiment exceptionnelles, à qui parfois même je devais beaucoup. Retourner à Londres et me retrouver brutalement éloigné d'eux tous serait une sorte de 'douloureuse épreuve' voilà pourquoi j'avais ces derniers jours récolté un maximum de numéros de téléphone, afin de pouvoir garder le contact en dehors du nid. Si je n'avais subitement plus aucun lien avec mes camarades une fois sorti, je risquais de très mal le vivre. Parce que deux mois d'aventure comme ceux que je venais de passer à leurs côtés, ça ne pouvait pas s'oublier d'un claquement de doigts. Je m'étais beaucoup attaché à certains d'entre eux, j'étais même tombé amoureux chose que je n'aurais jamais crue possible douze semaines auparavant. Je n'avais pas beaucoup changé, mais j'avais quand même appris sur moi-même et, je l'espérais, mûri un peu aussi. Ce soir, j'avais entreprit la préparation de ma valise avant le grand soir. Bon, j'étais pas mal en avance puisqu'il me restait quarante-huit heures encore avant de ne devoir la faire rouler jusqu'au plateau, néanmoins je préférais être largement dans les temps qu'être à la bourre. Et puisque ma valise était maintenant bouclée, je m'étais mis dans l'idée d'aider les autres finalistes à boucler la leur. Je pris alors la direction de la chambre occupée par les trois autres finalistes et aperçus, à mon entrée dans l'enceinte de celle-ci, Raphaël s'attelant lui aussi à la préparation de sa valise. Je m'approchai de lui, passant mes mains derrière mon dos, et constatant au passage qu'il prenait le soin de bien plier ses affaires pour qu'elles ne prennent pas trop de place dans son bagage. Je le faisais moi-même, je connaissais la technique et visiblement Raphaël la maitrisait lui aussi à la perfection. « Je ne suis visiblement pas le seul à m'y prendre deux jours à l'avance. » fis-je tout en esquissant un sourire. « Besoin d'aide peut-être ? » J'étais bien entendu disposé à me rendre utile si ça pouvait l'arranger d'une manière ou d'une autre. Après bien sûr, je ne souhaitais pas non plus m'imposer. Mais puisque j'étais là, et que Candace et Arès n'étaient pas en train de faire leur valise comme c'était le cas du grand brun, et bien je proposai de lui donner un petit coup de main amical. Après ses mots ô combien touchants dimanche soir, je lui devais bien ça je pense. « Oh mais !... » Je venais juste de le remarquer, mais... il y avait une multitude de boites de chocolats suisses au fond de sa valise. Ma parole, il avait fait des provisions avant de quitter Neuchâtel ? « Eh bah ! Toi à part ça, t'aime pas le chocolat hein... » rétorquais-je amusé. C'est que ça donnait presque envie en plus ! Rah, pile poil quand j'avais un petit creux quoi... vraiment pas de bol. Mais j'allais savoir me tenir, quand même. Je me voyais mal piocher dans les chocolats de Raphaël et prétexter avoir eu une petite fringale. Non et puis, de toutes façons, moi je préférais les cornichons aux chocolats. C'était bien moins fatal pour la ligne.

Dans deux petits jours, j'allais dire adieu à ce nid au sein duquel j'avais passé douze semaines éloigné de tout - le monde extérieur, ma famille, l'Angleterre... J'avais eu beaucoup de mal à me faire à l'enfermement au début mais au final, je m'en étais plutôt bien sorti non ? Psychologiquement, j'avais tenu le coup. Physiquement aussi, bien que je reviendrais chez moi plus léger encore que je n'en étais parti. Ma valise était d'ors et déjà prête en ce vendredi soir. En fait, je n'avais pas eu grand chose à ranger, puisque initialement une partie de mes affaires n'en étaient jamais sorties. J'étais venu ici avec l'idée que mon aventure ne durerait pas bien longtemps, aussi j'avais décidé dès le début du jeu que je ne sortirais pas tous mes vêtements, histoire d'avoir une partie du travail de faite lors des fins de semaine. Car oui, en grand pessimiste que j'étais, l'idée d'être nominé chaque jeudi soir jusqu'à mon élimination - que je pensais rapide - avait germé dans un coin de ma tête et je n'étais jamais parvenu à l'en retirer. Prêt pour le grand départ, je décidai d'aller voir du côté des autres finalistes, des fois que ces derniers n'eurent besoin d'aide pour boucler la leur, de valise. Et en me rendant dans la chambre voisine, je tombai instantanément sur Raphaël qui était, effectivement, en train de plier bagage. L'occasion pour moi de constater que je n'avais pas été le seul à m'y prendre quarante-huit heures à l'avance, tout compte fait. « Je suis de ceux qui n'aiment pas remettre au lendemain ce qu'ils sont disposés à faire le jour même » J'étais moi aussi de ce genre-là. Quand je pouvais entreprendre une chose le jour-même, et bien je le faisais, tout simplement. Nous avions un nouveau point commun lui et moi. « Et tu as bien raison. » rétorquais-je dans un sourire, avant de lui proposer mon aide pour terminer de ranger ses affaires dans sa valise, bien qu'il paraissait soigneux, efficace et parfaitement débrouillard seul. « Oh tu sais, j'ai relativement peu d'affaires, alors ce sera rapidement bouclé. Tu as déjà de quoi faire avec ta propre valise, je ne vais pas t'embêter avec la mienne. » "Raphaël" et "m'embêter" étaient deux termes n'allant vraiment pas ensemble. Comme si cela pouvait me faire perdre mon temps de lui donner un coup de main, non mais franchement, ce qu'il ne fallait pas entendre. Et puis, de toutes façons, du temps maintenant j'en avais à revendre... « Et bien justement, ma valise est faite. Je m'y suis pris relativement tôt moi aussi, alors vraiment, si je peux t'être d'une quelconque aide, n'hésite pas. » Je n'allais pas le forcer non plus, seulement nous étions amis, et entre amis il semblait logique qu'on s'entraide parfois. Toutefois un détail attira mon attention au fond du fameux bagage de Raphaël : une sacrée quantité de chocolats en tous genres, suisses à en croire les marques. Oui, je m'y connaissais assez en chocolats suisses... en fait non, pas du tout. Je l'avais juste deviné à la vue du petit drapeau qui trônait sur l'emballage. On ne pouvait pas s'y tromper. Je n'aurais jamais cru Raphaël aussi gourmand en tout cas ! « Ah mais je n'aime pas ça, hein. Enfin, pas tellement disons. Ça n'a jamais vraiment été mon truc, le chocolat. Pour un suisse, ça la fout mal, je sais. » Bah ouais, complètement. C'est un peu comme si je n'aimais pas les falafels alors que je venais d’Égypte. Ceci dit, à en juger la corpulence du grand brun, on devinait quand même aisément qu'il ne passait pas ses journées à s'empiffrer de friandises en tous genres, chocolats ou autres. Mais s'il ne raffolait pas du chocolat, pourquoi en avoir autant dans sa valise ? Et oui, je ne pouvais pas ne pas me poser la question, vous vous en doutez. « Ce sont mes sœurs qui ont tenu à ce que je parte avec ça dans ma valise. Je leur avais dit "non", mais ça a du être pris pour un "oui", parce qu'elles ne se sont pas gênées pour glisser toutes ces cochonneries dans mon bagage une fois que j'avais le dos tourné. » Oh les vilaines ! Remarquez, si Abdel avait fourré ma valise en chocolats, moi je n'aurais clairement pas rouspété. Enfin, s'il y avait glissé quelques bocaux de cornichons ç'aurait été encore mieux. Les sœurs de Raphaël n'avaient fait qu'avoir une petite attention pour lui, je trouvais ça mignon moi. Et puis je me souvenais de ce qu'il m'avait confié à leur sujet - il ne les voyait pas souvent, ses sœurs. « C'était peut-être leur façon à elles d'être auprès de toi durant cette aventure... » Telle était mon interprétation, libre à lui d'avoir la sienne, bien entendu. D'ailleurs, il n'y avait pas franchement touché à tous ces chocolats... ce qui était fort dommage puisqu'ils avaient l'air délicieux. Je bavais - à peine - dessus. « Si tu as faim, sers-toi. Je n'ai même pas été fichu de tout distribuer au sein du village. Je n'ai pas tellement envie de ramener tout ça, surtout que je risque de me tenir loin de la Suisse pendant un bon moment. » Je ne pouvais pas piocher dedans comme ça, ce n'était pas une chose qui se faisait et encore moins maintenant que je savais que ces chocolats lui venaient de ses sœurs. « Hum, non ça va aller merci, je... ça me gênerait trop. » Comprenez : "... sauf si bien sûr tu ouvres l'un des paquets devant moi et me le tends, là, je ne pourrais pas refuser". Je n'aimais pas le chocolat autant que j'aimais les cornichons, seulement de temps à autres je ne disais pas non. « Et puis, rah, non j'ai assez donné dans le chocolat cette semaine. » poursuivis-je, en grimaçant. Oui je m'étais juste reçu un dessert en pleine tronche et sans m'y attendre, et je crois que c'était du chocolat noir en plus. Qu'on se le dise, je détestais le chocolat noir. Et par ailleurs j'osais espérer que les Suisses optaient plus pour le chocolat au lait, mon favori. Un point évoqué par Raphaël me laissa penser qu'il avait certains projets pour la suite, une fois dehors. « Tu comptes t'installer avec Lulu, vous... allez vivre ensemble ? » lui demandais-je, tandis que mon sourire s'élargissait subitement. Oh mon dieu j'espérais avoir l'exclusivité là !! Si ça se trouve je me faisais des films et Raphaël voulait juste s'éloigner un peu de la Suisse pendant un temps. Enfin, ça, c'est un peu ce qu'il venait de faire pendant deux mois et demi vous me direz.