Mado était une jeune femme stressée. Une boule de stress vivante, même. Parce qu'elle se mettait la pression dans presque toutes les situations, pour presque toutes les raisons et parce qu'elle n'était jamais suffisamment satisfaite d'elle et de ses performances. En sportive polyvalente, elle avait eu l'occasion de se perfectionner dans beaucoup de disciplines. Dès son entrée au collège, elle avait souhaité s'inscrire dans une équipe junior de football. Elle n'avait pas tardé à y briller. Las de marquer des buts, elle s'était essayée aux paniers, et avait alors profité de son entrée au lycée pour tenter le basket. Elle fit gagner son établissement lors de la compétition féminine de fin d'année. Il y avait aussi eu l'équitation, le tennis, la natation bien évidemment, la boxe, ainsi que quelques disciplines de danse. En soi, tout cela avait contribué à faire d'elle quelqu'un d'extrêmement téméraire, mais surtout d'extrêmement exigeant. Toujours désireuse de faire mieux, elle s'en pourrissait parfois l'existence. Rien n'était jamais assez bien, assez précis, assez gracieux, assez rapide, assez énergique, assez fluide ... rien n'était jamais parfait. Et la perfection, elle la poursuivait depuis des années. Elle ne savait pas dans quel sport elle saurait l'atteindre, mais elle se savait capable de continuer ainsi jusqu'à ce que ce soit le cas. En attendant, Mado fumait. Beaucoup. Oui, parce qu'elle en avait besoin. Parce qu'encore une fois, elle était terriblement stressée. Fumer la détendait, lui faisait oublier le temps d'une clope qu'elle allait peut être trop loin, qu'elle s'interdisait trop de choses en faisant sans cesse passer le sport avant tout et que sa (trop) grande détermination avait fait d'elle quelqu'un de peu disposé à accepter les imperfections d'autrui, et donc à se faire apprécier des autres. Quand elle fumait, Mado se sentait mieux. Elle se sentait bien. Et il était rare, justement, qu'elle se sente bien. Au sein de ce nid depuis maintenant deux jours, elle espérait pouvoir se sortir le sport de la tête, afin de revoir ses priorités. S'amuser, ce serait pas mal aussi. Et c'est lorsque cette pensée lui traversa l'esprit qu'elle vit un candidat pénétrer à son tour sur le balcon. Un grand brun aux yeux bleus. Un charmant jeune homme au look peu commun, mais qui ne lui déplaisait pas, étrangement. Alors elle l'observa. Et puis elle le vit sortir une clope à son tour. Alors elle s'approcha, jusqu'à se poser à ses cotés, d'abord silencieusement, puis curieusement plus bavarde. « Putain ce que ça soulage. Ça fait un bien fou. Cette sensation de bien être lui serait extrêmement éphémère, alors elle tâchait d'en savourer chaque seconde. « Je ne suis pas certaine qu'un orgasme me détendrait autant. A vrai dire, je ne sais même plus ce qu'est un orgasme. » Et là, elle se mit à ricaner. Effectivement, elle n'en avait plus le moindre souvenir. Il y a bien longtemps maintenant qu'elle ne pensait plus à ça. Le sport passait avant les hommes. Il passerait toujours avant les hommes.

Mado avait commencé à fumer relativement jeune. Probablement avant sa majorité. Probablement au lycée. Et probablement à cause d'un des nombreux "mauvais garçons" qu'elle y avait fréquenté. Pour autant, elle avait été forcée d'arrêter le temps de sa grossesse, et elle se souvenait encore de combien elle en avait souffert. Sans doute que le fait de n'avoir pas pu fumer la moindre clope en l'espace de neuf longs mois lui avait rendu la vie bien plus difficile que toutes les nausées auxquelles elle avait été confronté, aux chutes de tension, aux diverses douleurs ... Non, vraiment, Mado était une jeune femme qui avait régulièrement besoin de fumer. Elle n'avait pas pour autant continuellement une clope à la bouche, mais il est vrai qu'il lui fallait ses quatre cigarettes quotidiennes. Quoi qu'il en soit, c'est désormais aux cotés d'un jeune homme franchement pas dégueulasse qu'elle se trouvait. Le type était lui-même entrain de fumer, alors ça avait eu tendance à l'inciter à s'approcher, et bientôt, à lui faire la conversation. Et c'est ainsi sans la moindre gêne qu'elle en vint à parler d'orgasme, comme si c'était là le genre de conversations tout à fait normales que l'on pouvait tenir avec un inconnu. En soi, Mado avait un franc parler bien à elle et ne s'embarrassait de rien. Elle disait perpétuellement ce qui lui traversait l'esprit, parfois un peu trop librement il est vrai. En tout cas, le jeune homme sembla dans un premier temps d'accord avec elle. Oui, la cigarette faisait un bien fou. C'est bien pour ça qu'elle en consommait autant, après tout. Monsieur fut ensuite pour le moins étonné par ses propos. Et elle, elle le fut probablement tout autant par ceux qu'il lui adressa en retard. Un appel de détresse ? Et puis quoi encore ? « Je ne doute pas qu'elles seront nombreuses à tomber là dedans. Mais je m'estime un peu plus maligne que ça. » Son regard scruta un instant l'horizon. Elle ne fixait pas de point particulier, se contentant de cette vision d'ensemble pas déplaisante. Finalement, son regard se reposa sur le type à ses cotés, et à qui elle trouvait un petit coté "Elvis" original. « On va finir par penser que je fais une fixette sur les cheveux, mais je dois dire que ta coiffure m'intrigue. Je la trouve classe, en fait. Tu crois que tu pourrais apprendre à mon clopinard de partenaire à se coiffer comme ça ? Je veux dire, il en va quand même de ma santé mentale là. » Parce qu'elle n'était pas certaine de pouvoir longtemps supporter les boucles improbables de Bob. Une fixette sur les cheveux, donc, oui.

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Mado semblait sûre d'elle lorsqu'elle avançait que beaucoup de candidates passeraient par l'étape "je me fais sauter parce que c'est de mode à la télé", mais plus encore lorsqu'elle osait dire qu'elle n'en serait pas. Car Mado savait pertinemment qu'aucun candidat, aussi charismatique puisse-t-il être, autant de qualités serait-il susceptible de présenter, ne parviendrait à la changer. Elle n'était pas ce pour quoi on la prenait souvent. Parce qu'elle passait ses journées en maillot de bain - normal remarquez -, parce qu'elle n'optait pas toujours pour des tenues ou un maquillages discrets, parce qu'elle aimait faire toutes sortes d'allusions, parfois très douteuses il est vrai, on la considérait comme une charmeuse, une jeune femme désireuse de plaire aux hommes, ou ne serait-ce que d'attirer leur attention, par tous les moyens. Or, aussi non-objective soit-elle sur sa personne, elle se savait bien différente de ce que les autres pouvaient croire. Les hommes, elle avait plus tendance à les fuir qu'autre chose, à vrai dire. Elle avait longtemps fréquenté les mauvais garçons, les mauvaises bandes, et n'en avait pas gardé de bons souvenirs. De même, le père de son fils n'était pas quelqu'un de fréquentable en soi, ni de moral, alors il est vrai qu'elle n'était plus du tout à la recherche d'histoires, ou ne serait-ce d'aventures. Elle l'avait elle même laissé entendre quelques instants plus tôt : même le sexe était passé au second plan dans sa vie. Elle avait un fils à élever, un boulot où assurer, des activités à honorer ... Non, les hommes, elle s'en passait très bien, et c'était valable à tous les niveaux. Donc ça n'était pas quelques beaux garçons capables d'émoustiller toutes les adolescentes du pays qui lui feraient perdre sa culotte. Elle laissait ça aux autres. « Étrangement, non. J'ai même davantage tendance à penser que ce sont souvent les filles qui cherchent ce genre de choses, pas les mecs. Ce sont souvent elles qui créent les ambiguïtés, les rapprochements, et quand elles sont vraiment douées, elles s'arrangent pour faire croire que ça ne vient justement pas d'elles. Je parle surtout du point de vue de ce genre d'émissions, évidemment. » Mado se considérait d'ailleurs souvent comme une féministe non assumée, pourtant, cela ne l'empêchait pas d'admettre que les candidates de ce genre de programmes saisissaient bien souvent l'occasion pour chopper, se caser ... Et quand elle voyait le nombre de couples qui s'étaient formés de cette manière, elle en était désabusée. En soi, le contexte voulait cela, mais tout de même, ça lui paraissait un brin ridicule de venir ici pour ça, quoi. Peut être n'était-ce pas une motivation honorable, à ses yeux. Mais voilà que la conversation dévia sur les cheveux du grand brun, mais aussi sur ceux du partenaire de la jeune femme qui, décidément, était obsédée par ces derniers. « Je trouve ça négligé. Et puis, mon trop plein d’imagination me force à penser qu'on pourrait trouver des trucs dingues si on lui coupait les cheveux. Mais genre, des trucs assez dégueulasses. Cela me perturbe beaucoup. D'une manière générale je crois que je peux facilement faire ce genre de fixettes. Si un détail me déplait, je finirais par ne plus voir que ça. » Et justement, quand elle voyait Bob, elle ne voyait que ses improbables cheveux. Et elle était bien la première à trouver ça ridicule et dérangeant. « Oui, avec Ezra, mon petit frère. Okay Fitz, moi c'est effectivement Mado. » Et non pas Macdo, comme un certain crétin se plaisait à le prétendre. « Hm, oui, il semblerait. J'ai toujours eu beaucoup de mal avec mon véritable prénom. Mais s'il est assez facile à deviner, j'avoue que le tien m'intrigue. » Fitz, voilà un diminutif qui la laissait perplexe. Parce qu'elle avait beau essayer, elle ne voyait pas quel pourrait être son véritable nom. C'était censé lui apparaitre comme une évidence, ou ... ?

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Mado n'estimait pas trahir ses consœurs féminines en avançant que, dans ce genre d'émissions, elles étaient généralement les premières à créer des rapprochements et à aller à la pêche aux conquêtes. Le fait est que pour avoir eu l'occasion de suivre plusieurs éditions de Fake Lover, parmi d'autres télé-réalités, la jeune femme avait véritablement noté ce petit détail. Alors elle avait tendance à être assez persuadée de ce qu'elle avançait là. Et visiblement, son camarade ne comptait pas la contredire. Semble-t-il qu'il partageait plus ou moins son avis sur la question. Il se sentit pour autant obligé de nuancer ses propos, sans doute par crainte de vexer celle qui, malgré son discours de tout à l'heure, restait l'une des représentantes de la gente féminine. Après, elle avait tendance à ne pas prendre cela pour elle, puisqu’elle avait déjà dit n'être pas ici pour écarter les cuisses ou conquérir qui que ce soit. C'est d'ailleurs ce qu'elle avait assuré, à plus d'une reprises, lors des castings. Mado se contenta alors de hocher doucement la tête à ses paroles, celles disant que tout le monde n'était pas à mettre dans le même sac. C'était vrai pour cela comme pour tout, et clairement, elle le trouvait sage de le reconnaitre. Par la suite, il est vrai que la discussion changea considérablement de direction. Ils en vinrent en effet à parler de cheveux, de ceux de Fitz, mais également de ceux de Bob, le partenaire de Mado qui, décidément, allait passer pour une obsédée des cheveux. Il est vrai qu'elle semblait faire une véritable fixette là dessus, bien involontairement en plus. En soi, elle en voulait à la Production de la faire passer pour une rabat-joie, elle qui pouvait pourtant se montrer si compréhensive parfois, hm ... « Je ne m'en étonnerai pas, personnellement. Des qualités ? Je lui en cherche. Déjà, si j'avais un temps pensé que son sens de l'humour ou sa maturité pourraient le sauver, j'ai rapidement du me faire une raison. Mais je ne désespère pas de lui trouver des bons cotés un de ces jours. Ça risque d'être laborieux, mais je préfère croire qu'il se débrouille simplement bien pour faire en premier lieu ressortir ses défauts. Il ne s'en doute pas, mais j'ai vraiment envie de lui laisser une chance. Il est vrai que c'est nul, techniquement, d'avoir tant de mal à m'entendre avec lui. Je suis déjà difficile à vivre en général, alors là, ça risque d'être beau ... » Elle en lâcha un rictus pas plus amusé que ça, simplement spontané. Elle admettait être une fille chiante et caractérielle, mais parfois disposée à faire des efforts malgré tout. Sauf que personne ne s'en montrait jamais digne, à ses yeux. Ou alors elle était simplement un peu trop difficile. Possible. Le véritable prénom de Fitz était en tout cas relativement improbable, effectivement. « Disons que c'est ... particulier, et qu'en comparaison, Madeleine passerait presque pour un prénom facile à porter. » En soi, peut être que beaucoup appréciaient de s'appeler ainsi, mais Mado, elle, avait toujours trouvé que ce prénom vieillissait. « Et moi je n'aurais jamais pu venir ici sans Ezra. Je crois avoir besoin de lui autant qu'il a besoin de moi. » Ils étaient fusionnels au point de devoir tenter ce genre d'émissions à deux, oui. « Pourquoi ton frère rirait-il de toi ? Tu es assurément l'un des moins ridicules du lot. » Pour ne pas dire le moins ridicule de ceux qu'elle avait rencontré. C'était plutôt plaisant de converser avec lui. Mado, en tout cas, ne s'y forçait pas.

Est-ce que Mado soupçonnait chez Bob certaines qualités un peu trop bien cachées par de prédominants défauts ? Naturellement. Elle était tout de même disposée à offrir le bénéfice du doute à quelqu'un, et disons qu'elle avait plutôt envie de penser que ce garçon n'était pas un cas aussi désespéré qu'elle avait un temps été tentée de le penser. Que savait-elle de lui, en soi ? Qu'il était immature, qu'il avait un sens de l'humour plutôt douteux, qu'il était susceptible et ... qu'il était mal coiffé, donc, oui. C'était décidément une chose qu'elle ne pouvait ignorer. C'était d'ailleurs la première chose qu'elle avait noté à son sujet. Ses cheveux, disons qu'elle aimerait les voir beaucoup, beaucoup, beaucoup plus courts. Mais semble-t-il qu'elle était la seule à ne pas aimer ce genre de coiffures, que c'était même relativement populaire à Los Angeles ... Ouais bah de tout ça, elle s'en fichait pas mal hein. Elle, tout ce qu'elle voyait, c'était qu'on lui avait refilé un partenaire peigné comme un dessous de bras, et qu'elle n'avait pas l'air bien maligne à ses cotés. Mais bon, étant tout de même disposée à se remettre de temps à autres en question, la jeune femme supposait qu'elle était elle même extrêmement difficile, et que ce genre de fixettes sordides contribuaient à faire d'elle quelqu'un de franchement difficile à vivre. Alors elle était prête à faire des efforts de son coté, oui. Elle ne savait pas encore précisément lesquels, mais elle n'avait pas franchement envie que les choses restent en l'état entre Bob et elle. Surtout que Fitz eut tendance à lui rappeler un étonnant détail : ils n'en étaient tous qu'à la première semaine d'aventure, aux premiers jours de celle-ci. Constat presque effrayant, en fait. « S'il se met à faire des efforts, j'en ferai moi aussi. Je ne suis de toute manière pas venue ici pour partager une relation conflictuelle avec celui qu'on a cru bon de désigner comme mon partenaire. Je me lasse vite de ce genre de discordes. » Autrement dit, si les choses devaient être meilleures, ou pires, il n'allait pas falloir que ça stagne comme ça bien longtemps. Sa maturité avait tendance à lui faire espérer que les choses s'arrangeraient, mais était-ce seulement possible ? Elle se permettait d'en douter, tout de même. Ricanant bientôt à la prochaine remarque de Fitz et au clin d’œil de celui-ci, Mado fut forcée d'admettre qu'effectivement, la coiffure de Bob était un navrant sujet de conflits. Elle se contenta de hocher distraitement la tête, repensant à sa dernière discussion avec Bob. Bon sang, tout ça pour ça, hein ... Les deux jeunes gens en virent ensuite à parler de leurs prénoms, et surnoms, vu qu'ils avaient tous deux choisi de laisser de coté leur appellation de naissance. « De la tradition ? C'est un truc familial, c'est ça ? » Est-ce que son père, son grand père paternel et tous ceux avant lui se prénommaient de la sorte ? Grand dieu, elle n'espérait pas pour eux. « Effectivement, je suis française. » Et elle n'était que ça. Tout comme Ezra. Tous deux étaient de Paris, de parents français. « Mon frère est la personne la plus importante dans ma vie. » C'était suffisamment clair, ainsi. Elle n'aimait personne plus qu'elle n'aimait Ezra. Personne. Quant au frère de Fitz, il serait vilain de moquer son frère. Mais étant donné qu'il n'avait apparemment que seize ans, il était presque pardonné par avance. « Je suppose qu'on est tous passés par là, par l' "âge bête", comme tu dis si bien. » Déjà parce qu'ils avaient logiquement tous eu seize ans un jour, mais aussi parce que ce genre de comportements étaient effectivement propres au milieu de l'adolescence. « Et bien, merci. Je me doute par contre qu'on me cataloguera bien vite comme la garce de l'aventure, celle qui se montre froide et insensible à tout, qui critique et juge, mais personne ici n'est censé donné de l'importance aux opinions de parfaits inconnus. Surtout pas moi, puisque je ne l'ai jamais fait. Peu de choses sont susceptibles de m'atteindre, et il est certain que ce que l'on pourrait être amené à penser de moi n'est pas l'une d'elles. » Par là, elle cherchait probablement à annoncer deux choses. La première, que si détracteurs elle devait avoir un jour, elle ne leur donnerait pas la moindre importance. La seconde, que personne n'avait à prendre ce genre de jugements à cœur. Ce serait ridicule et disproportionné, surtout ici.