everleigh

Je fais tous les efforts possibles pour rester calme cette semaine. J’ai assez fait une folle de moi. Et bien que je sais que je n’ai pas nécessairement un contrôle sur mes agissements, je peux tout de même éviter toute les situations qui pourraient m’être compromettante. Comme éviter Everleigh par exemple. Non, je sais, ce n’est pas une si bonne idée que ça. Faut que j’arrête de la piquer, de la provoquer. Mais je n’y arrive pas. Alors, je sais que si je passe du temps à ses côtés, je risque de faire ou dire encore des conneries. C’est une logique de merde mais bon, je suis tellement un bordel que je ne peux faire autrement. Il n’est pas très tard, pas encore assez pour retrouver mon lit. De toute façon, je ne suis jamais bien pressé de retrouver Mickey, bien que lui aussi je fais un peu exprès de l’éviter. Je suis étendue sur l’énorme banquette, presque enfouie sous tous les coussins et je mange une tonne de bonbons. Dans le genre, beaucoup, beaucoup de bonbons. Je vais le regretter, c’est évident. Mais pour l’instant, je me délecte de ceux-ci, essayant de ne surtout pas penser à toutes les calories qui vont gagner mon corps. J’ai les yeux rivés sur l’écran alors que je regarde le film Seven avec Brad Pitt et Morgan Freeman. J’aime ce film. Et Brad Pitt est juste beaucoup trop canon dans celui-ci. Et c’est sanglant, j’aime quand c’est sanglant. Je me sens calme et c’est une bonne chose. Puis la porte ouvre, je lève légèrement pour remarquer qui vient de faire son entrer. Everleigh. Je me crispe automatiquement. Ça va aller, c’est bon. Je la fixe un moment, j’arrive pas à faire autrement. « Salut... » dis-je faiblement. Je suis tiraillée entre l’envie qu’elle reste ou qu’elle décide de tourner les talons. Mais je crois que je veux qu’elle reste. C’est fou et ça ne fait aucun sens, mais j’aimerais bien qu’elle reste. « Je... Tu veux regarder le film avec moi ? Je viens de le commencer... ça fait pas longtemps. » Non, je ne suis pas tombée sur la tête. Elle ne va surement rien comprendre à mon comportement. Pourtant je crois qu’elle commence à comprendre que je suis plutôt imprévisible comme fille. Je la fixe toujours, ayant presque peur qu’elle refuse maintenant.

Il est trop tard pour commencer certaines activités, mais il est trop tôt pour aller retrouver mon lit et Myles qui ne doit pas encore y être. Je me demande d'ailleurs où il peut être. J'irais bien le retrouver du coup. J'ai envie de voir comment il va. Mais je ne le trouve pas, je reporte mes plans, de toute façon je le verrais après lorsque j'irais me coucher. Je passer devant la salle de projection et du coup je décide d'aller regarder un film, la semaine dernière j'étais arrivée à la fin et finalement j'avais passé un bon moment avec Ezra a disserter sur l'importance du générique du fin et l'intérêt qu'on peut lui porter. Je pousse la porte, je suis surprise de découvrir Harlow. Je reste immobile un instant, j'ai toujours ma main sur la poignée et je suis tenté de la refermer sur le champs. Parce que j'aimerais bien me poser tranquillement avec elle pour regarder un film, n'importe quel film, mais je ne suis pas sûr que ça puisse se passer de cette façon. Je n'ai pas envie de finir ma soirée en larmes, anéanti par le poids de ma culpabilité qui a tendance à croître dans ces moments là. Il faudrait peut être que l'une de nous dise quelque chose, que je fasse quelque chose, que j'avance ou recule mais que je ne reste pas là. Elle me salut. Pardon ? Elle me salut. Hum, oui d'accord. « Salut ... » Je murmure, légèrement surprise. Mais je suis toujours immobile bon. Elle parle à nouveau, et là, je suis entrain de me demander si je suis entrain de rêver ou si cette scène se déroule bien dans la réalité. Mais Harlow est plutôt impulsive, comme moi. Et elle est avant tout imprévisible, et j'ai beaucoup de mal à appréhender certaines de ses réactions. Bon, il faut que je réagisse. Je fais un pas en avant et referme la porte, c'est déjà ça. « Oui d'accord, j'arrive.. » Je réponds un peu décontenancé. J'avance pourtant et m'installe non loin d'elle, je m'assoies normalement on verra plus tard pour la position confortable. Je regarde l'écran un instant. « Seven ? » Je ne suis pas une grande cinéphile mais ce film je l'ai vu, une seule fois d'ailleurs. Je la regarde un instant, c'est bizarre comme situation, pas désagréable mais c'est bizarre. Je m'installe mieux sur le truc. J'attrape un coussin que je cale dans mon dos. Puis pose mon regard sur Harlow, j'alterne entre l'écran et son visage, il faut que j'arrête ça va lui faire péter un plomb même si je suis assez discrète puisque je la regarde de biais.

Il y a un certain malaise. Je le ressens, elle doit aussi avoir cette sensation. Je crois qu’il vient de ma réaction, et surtout du fait que je sois aussi calme et que j’invite Everleigh à me rejoindre pour regarder un film. Le genre de demande qu’elle n’aurait jamais pensé avoir. Je dois avouer que je suis aussi un peu surprise d’avoir prononcé ces mots. Mais je crois vraiment que j’ai envie de partager un moment avec elle. Sans pleurs, ni cries. Je ne sais pas si ce sera possible, parce que rien n’est garantie avec moi. Par contre, je fais vraiment un réel effort en ce moment. Je suis soulagée qu’elle accepte, parce que bon, si elle avait refusé mon invitation, elle aurait pu être certaine de ne jamais en recevoir une nouvelle. Je la regarde venir s’asseoir à mes côtés. Elle ne semble tellement pas à l’aise. Ça en vient à me stresser. Elle reconnait le film qui est entrain de défiler devant nos yeux et j’hoche la tête dans un geste automatique. « Oui. J’aime bien ce film... » dis-je simplement, alors que je sens son regard sur moi. J’imagine qu’elle se veut discrète, mais ça ne fonctionne pas vraiment pour le coup. J’espère juste qu’elle ne va pas le faire tout le long du film. Je lui tend le paquet de bonbons que je tiens dans mes mains, tournant finalement la tête pour la regarder. « T’en veux ? J’en ai beaucoup trop mangé... » Je parle trop. Je n’aurais pas du dire ça, pas devant elle. Je la fixe, espérant qu’elle comprenne qu’un commentaire à propos de ce que je viens de dire serait vraiment déplacée. J’espère vraiment qu’elle a comprit, parce que pour le coup, mon ventre se noue et je me sens pas très bien. La preuve, je suis sur le point de dire n’importe quoi. « Je m’excuse... Pour dimanche. » Ça sort de nulle part, mais je crois que j’avais un besoin de le faire. Je pourrais m’excuser pour une tonne d’autres trucs, de mes comportements et attitudes depuis le début, mais faut tout de même pas pousser. Par contre, je sais que j’ai dépassé les limites dimanche, j’en étais même consciente alors que je continuais d’agir comme une vraie folle. Je la fixe encore, oubliant un peu le film par le fait même. Je crois que je n’arrive pas encore à croire que c’est bien elle. Qu’elle est là, devant moi. Qu’Everleigh est ma mère biologique. Non, vraiment, je n’y crois pas.

Il faut que je me détente, il faut que j'arrive à être naturelle avec elle. J'aimerais pouvoir l'être, vraiment mais y'a cette petite voix dans ma tête qui me dit de ne pas me faire de fausses idées. Que ça ne va pas durer qu'elle va finir par se mettre à hurler, à pleurer et me dire de dégager. Je sais que lorsque ce moment arrivera, il sera difficile pour moi d'accepter une nouvelle fois qu'elle me repousse. C'est de plus en plus dur parce que je sais qu'un pas en arrière n'est jamais bon. Je sais à quel point j'ai mérité tout ça, je l'ai brisé c'est de ma faute tout ça alors forcément ouais elle pourrait me repousser éternellement sans que je ne trouve rien à redire. J'essaye de me dire que ce soir tout ce passera bien alors je m'installe un peu mieux, je fais de mon mieux pour me détendre mais question conversation je suis totalement nulle. Mes répliques sont d'une nullité déconcertantes. D'ailleurs, je ne sais même pas comment elle réussi à me répondre. Elle aime se film, moi aussi. Ensuite elle me propose des bonbons, sa réplique me fait penser à ce moment insupportable dans les toilettes où je ne pouvais rien dire, où je ne pouvais rien faire, ce moment de souffrance intense, cette pensée me soulève le coeur. Je n'ai pas vraiment envie de la voir dans un état comme celui-ci. Je lui souris. « Oui merci, je les adore ceux-là... » Je pioche dans le paquet sans relever sa remarque c'est préférable, c'est vrai qu'ils sont très bons en plus, j'en avais justement envie. J'essaye d'arrêter de la regarder, je fixe le film même si je ne le regarde pas vraiment. Ses mots me parviennent ensuite, je tourne la tête en sa direction. Des excuses, est-ce que j'ai bien entendu, elle m'adresse des excuses. Pour dimanche. Son comportement m'a profondément blessé c'est vrai. J'apprécie son geste. Je suis même touchée. « J'vais pas te faire la morale, je n'ai pas l'impression que ce soit réellement mon rôle même si j'suis ta... Bref. Mais j'suis contente que tu prennes conscience que t'as pas réagis de la meilleure façon qu'il soit. C'est un bon début. » Je me suis arrêtée avant de dire que j'étais sa mère, c'est le cas mais je ne souhaite pas l'énerver, je veux pas qu'elle me dise que je ne suis pas sa mère. J'ai envie de l'être mais j'ai la conviction que ce n'est pas lui rendre service de lui dire que ce qu'elle fait est mal, j'ai l'impression qu'elle le sait déjà, la preuve. « T'es vraiment très belle Harlow, faut pas que t'en doutes... » Je caresse sa joue assez brièvement. Et j'dis pas ça parce que j'suis sa mère parce qu'on ne peut pas dire qu'elle me ressemble. Elle ressemble plus à son père. Elle a ses yeux déjà. C'est stupide comme remarque mais j'sens que c'est nécessaire.

Je la remercie mentalement de ne pas faire de commentaire par rapport à ce que je viens de dire. Puisque bon, elle comme moi savons où exactement se terminera tous ces bonbons que je viens de manger. Immédiatement, je pense à ce qui s’est produit ce matin avec Mado dans la cuisine, mais je préfère ne pas m’y attarder. Je pourrais regarder le film que je connais déjà par coeur, mais à la place de décide de faire mes excuses à Everleigh. Pour dimanche, lors du prime passé. « J'vais pas te faire la morale, je n'ai pas l'impression que ce soit réellement mon rôle même si j'suis ta... Bref. Mais j'suis contente que tu prennes conscience que t'as pas réagis de la meilleure façon qu'il soit. C'est un bon début. » Je ne la lâche pas des yeux alors que je ne sais pas trop quoi répondre à ça. Et c’est moi qui ait eu l’idée de lancer la conversation sur ce sujet. Bravo, oui. Je suis légèrement tendue, pas à l’aise avec cette nouvelle attitude que j’adopte avec elle. C’est un essaie, je crois que je veux lui donner une chance. C’est peut-être à cause de ma discussion avec Myles. Oui, je crois qu’il m’a fait réfléchir, peut-être plus qu’il ne le pense même. Je passe une de mes mains dans ma chevelure dorée alors que je cherche mes mots. « Sur le coup... Je sais que je n’agis pas de la bonne mannière. Pourtant je le fais tout de même. » Je fuis son regard, finalement, je ne suis peut-être pas prête à m’ouvrir autant à elle. Ce n’est pas naturelle, j’ai vraiment cette sensation de me forcer. « T'es vraiment très belle Harlow, faut pas que t'en doutes... » Mon coeur se met à battre à une vitesse extrême lorsque je sens ses doigts caresser ma joue, ce qui me force à la regarder à nouveau. Pourquoi est-ce qu’elle me dit cela ? Je ne comprend pas. Enfin, si, je comprend, mais je me sens paniquer, et c’est pas bon. Je dois rester calme. Je veux rester calme. Je me mordille la lèvre inférieure, repassant ma main dans mes cheveux dans un geste automatique. « Dis pas n’importe quoi... Cette sorte de tentative à me donner confiance en moi ou je ne sais quoi. » Je soupire. Je n’ai pas été froide, seulement, ce qu’elle vient de me dire me fait de mal que de bien. Et puis, entre nous deux, on s’entend qu’elle est cent fois plus belle que moi. On a pas beaucoup de traits de ressemblance finalement. Je me l’étais toujours demandé. Et comme mon père n’a jamais voulu me montrer de photos d’elle. Une certaine tristesse peut se lire dans mon regard, et je pris que les lumières tamisées de la place empêche Everleigh de le remarquer. Et comme pour qu’elle ne le remarque pas, je pose un nouveau geste plutôt surprenant. Tranquillement, je me déplace sur la banquette, seulement pour venir déposer ma tête en toute douceur contre ses genoux, le reste de mon corps étendu sur le côté. Cela ne fait aucun sens, et j’imagine que je vais surement le regretter, d’être aussi gentille avec elle. Mais c’est plus fort que moi. J’ai ce besoin, cette envie d’être près d’elle. Je fixe l’écran, ne portant plus attention au film. Je suis silencieuse un moment, me sentant bizarre. C’est que je suis confortable là, près d’elle. « C’est comment New York ? » Je pose la question, alors que je sais que la réponse va me faire du mal. Mais je veux savoir. Je n’y suis jamais allée, et je sais très bien pourquoi mon père ne m’y a jamais emmené.

J'ai beaucoup de mal avec le fait qu'Harlow se fasse vomir. Je ne comprends pas ce besoin constant de se faire mal, c'est le résultat de mon abandon, j'en suis consciente mais pourquoi elle se fait mal à elle ? Elle devrait le faire à moi. Me faire très très mal, elle est douée dans cet exercice remarquez. Mais si elle peut aller mieux de cette manière j'accepte, ce n'est pas un problème. Alors je me garde de toutes réflexions mais ça reste coincé, vraiment. Harlow s'excuse, j'ai beaucoup de mal à répondre. Je pourrais m'excuser pour sa vie entière sauf que je ne le fais pas, je l'ai déjà fait en partie la semaine dernière dans la salle de sport. J'ai peur que ça ne change rien. Je lui réponds un truc bizarre. Un truc qui doit la mettre mal à l'aise. Elle l'est, je commence à réussir à interpréter les signes. Elle passe une main dans ses cheveux. « Sur le coup... Je sais que je n’agis pas de la bonne manière. Pourtant je le fais tout de même. » Elle fuit mon regard, je n'insiste pas, je ne veux pas risquer de gâcher quoi que ce soit. Je ne veux pas envenimer les choses alors je me tais. Oui c'est mieux comme ça. Je me contente d'apprécier le moment qu'elle m'offre. Et puis sans vraiment réfléchir je lui balance une remarque, une remarque naturelle pour moi qui ne doit pas l'être tant que ça. Je me mords la lèvre aussitôt dit. Merde. Elle est belle pourtant, mais j'ai tellement l'impression qu'elle n'aime pas l'image qu'elle revoit. Ça aussi ça doit être de ma faute. Je l'ai brisé dans tous les sens du terme. Ça me soulève le coeur. « Dis pas n’importe quoi... Cette sorte de tentative à me donner confiance en moi ou je ne sais quoi. » Oui bon peut être que c'était un peu le but mais pas forcément, elle est neutre, elle n'aime pas ce genre de remarque. Merde. « Je te le dis parce que je le pense y'a rien à voir d'autre là dessus. » Avant d'ajouter quoi que je pourrais regretter je me tais. Je ne dis plus rien c'est mieux ainsi. D'ailleurs je peux lire de la tristesse sur son visage, et ça aussi ça me fait super mal. Je n'arriverais donc jamais à la rendre un peu heureuse ? Je ne suis donc que voué à lui gâcher sa vie et ses espoirs ? Elle bouge et j'ai peur de la faire fuir sauf qu'au lieu de partir, elle pose sa tête sur mes genoux. Je suis entrain de rêver, elle pose sa tête sur mes genoux ? Vraiment ? Mon coeur s'emballe, il faut que je me calme. J'ai rêvé de ce moment à de nombreuses reprises que du coup j'ai un peu de mal à me dire qu'elle est là. Un silence s'installe. « C’est comment New York ? » Sa question me surprend. Avant de lui répondre je me détends et passe ma main dans ses cheveux, caressant parfois son front. « C'est immense, on s'y sent tellement minuscule, insignifiant. C'est beau, et on a l'impression que là bas, tout peut nous arriver. J'adore Central Park mais pas autant que je pourrais aimer me promener dans Phoenix Park. New York c'est génial mais ça ne vaut pas Dublin. » Cette ville me manque, tout ce qu'elle représente me manque. Temple Bar, Trinity College, la petite école de danse sur Dame Street me manque. « Tu as déjà voyagé toi ? » Il a toujours aimé voyagé son père, j'imagine qu'il a fait découvrir le monde à sa fille, ce serait normal. J'imagine qu'ils ne sont pas uniquement resté à Dublin. ce serait triste.

Les choses se passent biens. Elles se passent même mieux que je ne l’aurais pensé lorsque je lui ai demandé de rester dans la pièce avec moi. Parce que même si j’avais je voulais lui donner une chance en quelque sorte. Enfin, chance n’est peut-être pas le bon terme. Je veux simplement passer un moment avec elle sans qu’il y ait des cris ou des pleures. Mais je me connais, un mot ou un geste de trop et c’est fini. Ça éclate. Et je la sens légèrement tendue pour cette raison. Je ne peux pas lui en vouloir pour ça, je suis moi-même pas très à l’aise avec la situation. Son commentaire sur ma beauté ne me plait pas. Du tout. Parce que j’ai l’impression qu’elle me ment. Qu’elle dit simplement pour essayé de me redonner confiance en moi, puisqu’elle sait très bien que mon estime de moi-même est à son plus bas, même si j’essaie de faire comme si ce n’était pas le cas. « Je te le dis parce que je le pense y'a rien à voir d'autre là dessus. » J’hoche la tête une fois seulement, comme pour lui démontrer que j’ai comprit ce qu’elle voulait dire, mais que je n’avais aucune intention de continuer sur le sujet. Parce que ça risque de déraper. Je ne veux pas détruire cette paix fragile qui vient de s’installer entre nous. D’ailleurs, dans une impulsion, je change de position pour venir déposer ma tête sur ses genoux. Et c’est que je suis bien ainsi, près d’elle. Je crois que c’est ça le pire dans tout ça. J’apprécie même sa main qui caresse mes cheveux et mon front, fermant les yeux un instant, comme pour conserver ce moment, graver celui-ci dans ma mémoire. Elle me parle de New York. J’aurais pensé qu’elle sonnerait beaucoup plus amoureuse de sa ville. J’ai l’impression, surement parce que j’ai vu trop de film, que New York est la ville où habiter dans le monde. Elle m’a toujours fait rêver avant de connaître l’histoire d’Everleigh. Mais il semblerait que Dublin soit mieux. J’ai de la difficulté à la croire. « Tu as déjà voyagé toi ? » J’hoche la tête alors que celle-ci est toujours contre ses cuisses. « Oui... Beaucoup pour mon âge j’imagine. On a un chalet à Whistler, au Canada. On y va tous les hivers. Sinon, j’ai fais le tour de l’Europe. Hawaï, l’Australie. Et l’été dernier, on a fait une partie de l’Asie. Cambodge, Vietnam, Thaïlande. Juste mon père et moi... C’était géniale. » Je souris légèrement à cette pensé. C’était vraiment un beau voyage, juste lui et moi. Sans Kathleen et l’autre conne de Johanna. Je me demande si ça lui fait mal, lorsque je parle de mon père de cette façon. Pas que je vais m’empêcher si c’est le cas. C’est elle qui est partie. C’est elle qui l’a détruit. « Je suis chanceuse pour ça. Je n’ai jamais rien manqué... Il m’a tout donné. » J’ai surement été trop gâtée. Pour combler le manque. Je crois que je m’aventure vers un sujet dangereux. Mais ça va, je suis sereine, tranquille. Je ne compte pas bouger, ni m’énerver. Pour l’instant.

Les choses se passent très bien avec Harlow, trop bien sûrement. Je ne sais pas, je ne peux pas m'empêcher d'être inquiète au sujet d'un éventuel dérapage. C'est plus fort que moi même si je suis beaucoup plus sereine que je ne l'étais au début. J'ai bien compris qu'il fallait éviter de s'attarder sur sa beauté alors j'ai coupé cours à la conversation. Je n'insisterais pas là dessus, plus tard peut être. Un autre jour il faudra qu'on parle de ce qu'elle fait subir à son corps mais pas maintenant, j'ai envie de profiter de ce moment, j'en ai besoin aussi. Et lorsqu'elle s'est installée sur mes genoux, je me suis sentie revivre, j'ai toujours attendu qu'elle agisse naturellement avec moi, qu'elle fasse ce genre de choses, parce que notre rencontre je l'ai imaginé un bon nombre de fois, j'étais trop utopiste par le passé je pense. Je me permets un geste tendre, sans doute anodin pour la plupart des gens mais important, je lui caresse les cheveux tendrement. Elle me demande de lui parler de New York. Je ne m'étends pas sur le sujet, j'ai peur de lui faire mal si je dis que j'ai adoré cette ville si je lui dis que j'ai choisi d'y vivre parce qu'elle me plaisait beaucoup. Elle me plait, mais lorsque je lui dis qu'elle ne veut pas Dublin c'est parce que j'y suis très attaché. C'est différent, et puis Dublin est à une taille plus humaine que New-York, tout ce que j'ai quitté est à Dublin, elle son père, ma famille aussi. Tout. Alors c'est important. Je lui retourne la question, en lui demandait si elle a eu la chance de voyager. Et c'est le cas. Elle me parle du Canada où elle va tous les hivers, ça me pince le coeur parce que le on l'englobe elle, son père, sa belle mère et sa demi-soeur et si la première fois qu'elle les a évoqué ça m'a fait un choc, ça me fait toujours mal aujourd'hui, je suis la seule fautive mais ça n'empêche que c'est dur à entendre. Je me rends compte qu'on a été approximativement aux même endroit et qu'avec eux j'aurais pu voir le monde. Je reste silencieuse jusqu'à ce qu'elle me fait un commentaire au sujet de son père. « Je suis chanceuse pour ça. Je n’ai jamais rien manqué... Il m’a tout donné. » Je ravale difficilement ma salive. Outch, ça, ça fait mal. Elle n'a jamais manqué de rien. Tant mieux mais bon. « Tout ce que moi je ne t'ai pas donné. » Bien sûr ce n'est pas comparable. « Je suis désolée Harlow, de vous avoir brisé tous les deux. Ce n'était pas ce que je voulais. » Non si au départ je les avais quitté c'était parce que je pensais qu'ils seraient mieux sans moi que ce serait plus facile. A l'évidence, je me trompais mais comment aurais-je pu le savoir. J'aimerais bien réparer mes erreurs, j'aimerais bien réussir à la réparer elle si lui c'était trop tard. J'espère qu'elle ne va pas s'énerver, j'espère qu'elle va rester calme. J'ai toujours ma main posée sur elle dans l'espoir fou de parvenir à l'apaiser.

Parler de voyage est une bonne idée en soit. C’est un sujet neutre, qui nous permet même d’en apprendre un peu plus l’une sur l’autre. Parce que c’est ça le but ? D’apprendre à se connaître. C’est pour ça qu’on est venu ici. Et si au début je n’avais aucune envie de lui laisser la moindre chance, je me dis que c’est un peu stupide. D’être venu ici pour rien. Alors je tente une approche, je tente d’être calme avant tout. C’est toujours ça le plus difficile dans toutes mes démarches. J’ai les yeux rivés sur l’écran alors qu’elle me caresse les cheveux. Et je ne sais pas si elle le sait, mais un tel geste à une grande importance pour moi. Une si grande importance que si je ne me parlais pas mentalement en ce moment pour rester calme, je fondrais surement en larmes. Parce que je me suis toujours demandé ce que ça faisait. Et peut-être parce que je me sens trop bien, que j’ai l’impression d’être trop gentille, mais voilà que je lui parle de mon père. Et du fait qu’il m’a tout donné. « Tout ce que moi je ne t'ai pas donné. » Je ferme les yeux. Non, ce n’est même pas comparable puisque ce qu’il m’a donné, se sont des biens matériels. Évidemment, il m’aime, et jamais je n’en ai douté. Mais ce n’est tellement pas pareil. « Je suis désolée Harlow, de vous avoir brisé tous les deux. Ce n'était pas ce que je voulais. » Les yeux toujours fermé, j’aurais préféré qu’elle n’ajoute pas cette phrase. Parce que tout ce que je me dis, c’est que si ce n’était pas ce qu’elle voulait, pourquoi l’avait-elle fait ? Je sais que c’est beaucoup plus compliqué que ça. Mais mon coeur de petite fille lui, celui qui a toujours rêvé d’avoir une mère à mes côtés, et bien il lui en veut terriblement de n’être jamais revenue sur sa décision. Je me tourne sur le dos, pour que je puisse la regarder tout en gardant ma tête contre ses cuisses. J’ai les yeux légèrement vitreux, signe que quelques larmes tentent de s’échapper, mais je ne leur en donne pas l’occasion. Je reste silencieuse un moment, à la regarder, l’observer. « On s’en est bien sortie tu sais. Enfin, lui c’est au début qu’il a eu plus de difficulté. Moi c’est maintenant. » Oui parce que j’étais beaucoup trop jeune pour comprendre ce qui se passait à cette époque là. « Arrête de t’excuser. Ça change plus rien. Tu le regrettes, j’ai compris. Je n’ai pas l’intention de te crier après ce soir... Je ne veux pas verser de larmes pour toi non plus... » Je prends une pause puisque bien que je lui dis ça, reste que mes yeux sont toujours humides. Ça me demande tellement d’énergie, d’être calme en ce moment. « Je veux juste... rester comme ça. Près de toi. Juste ça... » Je ferme à nouveau les yeux, me contredisant finalement puisqu’une larme coule sur ma joue. Je prend une grande respiration, préférant conserver mes yeux fermés pour le moment. C’est tellement dure d’essayer de pardonner à quelqu’un. Encore plus d’essayer de lui pardonner à elle.

On parle voyage, un sujet des plus banals mais qui nous permet de mieux nous connaître. Et la connaître c'est ce à quoi j'aspire le plus. Harlow c'est ma fille, je l'ai mise au monde et pourtant je suis une étrangère pour elle, elle est une étrangère pour moi. Une étrangère que j'ai pourtant envie de connaître une étrangère qui ne devrait plus l'être. Malgré tout, malgré tout ça, je l'aime et ça n'a jamais changé. Ca ne changera pas. Alors je suis plutôt ravie qu'on ait une conversation, sauf qu'elle me parle de son père de leur vies à tous les deux. Je me sens coupable, je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser. Et ça me fait mal aussi. Bien sûr je ne peux rien dire parce que c'est de ma faute, je sais mais ça n'empêche pas de me sentir mal. Et quand je me sens mal j'éprouve le besoin de m'excuser à nouveau. Je pense que je vais finir par la saouler, ça va empirer les choses, mais je ne sais pas, c'est plus fort que moi, il faut que je m'excuse. J'ai l'impression qu'elles sont nécessaires à mes yeux au moins. J'en sais rien, je ne sais plus. Et ce silence est pesant. Harlow se tourne et je suis nerveuse, nerveuse d'avoir tout brisé. Ses yeux sont rempli de larmes. J'ai l'impression que ça peut déraper à tout moment. Sauf que non, elle s'exprime calmement, elle ne s'enfuit pas en hurlant. Elle se veut même légèrement rassurante. Je suis un peu déstabilisé. Agréablement surprise mais tout de même déstabilisé. Ils s'en sont biens sortis. « Oui je vois ça... L'important c'est qu'il soit heureux maintenant que toi tu parviennes à l'être... » J'aimerais bien l'aider pour ça, parce que sans vouloir être prétentieuse j'ai la sensation que si on règle certaines choses sa vie n'en sera qu'embellit. A une certaine mesure. La suite m'oblige à me taire un instant. Je soupire, j'avais bien dit que j'allais la saouler. Bon je vais arrêter de m'excuser alors, je vais prendre sur moi et arrêter. Elle veut rester comme ça. « D'accord Harlow, tout ce que tu veux. » Oui tout ce qu'elle veut, qu'elle dise, je m'exécute. Tout ce que je veux moi c'est qu'elle reste un peu. Je vois une larme couler le long de sa joue, bien qu'elle ait dit de pas vouloir pleurer pour moi. Dans un geste tout à fait naturel je viens l'essuyer du bout des doigts et puis je l'observer, continuant de caresser ses cheveux. Délicatement. « Vous avez des projets de voyages pour cet été ? T'aimerais visiter quel endroit maintenant ? » Je reprends la conversation comme si rien de tout ceci n'était arrivé, comme si je n'avais pas gâché le moment en m'excusant inutilement. Je ne garantis pas que ça fonctionne mais en tout cas j'essaye, je fais ce que je peux pour que ça fonctionne.