Ce jardin n'avait rien d'exceptionnel. Non, vraiment, ça n'était qu'un jardin. Avec de l’herbe, quoi. Rien de bien original, en soi. Du coup, c'était un peu décevant. Car chaque lieu du nid avait une sorte de petite particularité, mais ce jardin, et bien, il était plutôt basique dans le genre. C'était franchement dommage, parce que Mado aimait pourtant y passer du temps, ne serait-ce que pour y faire du sport, à savoir du jogging. Oui, ça lui arrivait bien souvent. Et si la vue était tout à fait agréable, il est vrai qu'elle ne pouvait s'empêcher de chercher le petit quelque chose qui donnerait à ce jardin un intérêt tout particulier. Ainsi, elle courait, mais elle en profitait surtout pour regarder tout autour d'elle, sait-on jamais qu'un détail attire particulièrement son attention. Parce que jusqu'à présent, elle n'avait jamais tellement pris la peine d'observer ce jardin dans ses moindres recoins, elle. Elle s'était toujours contentée de courir, sans avoir jamais tellement fait gaffe à ce qui l'entourait. Et c'est bien pour cela qu'aujourd'hui, elle partait du principe qu'elle pourrait tomber sur ce qui lui avait jusqu'à présent échappé. Et justement, c'est au moment où cette pensée lui traversa l'esprit qu'elle aperçut quelque chose. Quelque chose d'assez particulier. Quelque chose d'assez inattendu. Oh oui, bon sang, il y avait une sorte de potager, par là-bas. Première nouvelle, hm. Elle se coucherait donc un peu moins bête ce soir. Mais il va de soi que maintenant qu'elle était tombée sur une telle chose, elle ne se contenterait pas de continuer son jogging. Ah non, elle était bien trop curieuse. Qu'on se le dise, les légumes et Mado étaient très bons potes. Mais seulement quand elle les achetait au supermarché. Autrement, c'était déjà beaucoup mieux compliqué. Du coup, elle avait tendance à rester un peu bête, là, sans trop savoir quoi faire. Ne rien faire, alors, peut être ? Mais ça ne lui ressemblait pas. Oh attendez, Everleigh passait par là, justement. Peut être qu'elle pourrait lui éviter de faire une connerie, hm ? « Tu crois qu'on peut toucher autrement qu'avec les yeux ? » demanda-t-elle, franchement tentée d'aller voir ça de plus près. Nul doute que les tomates ne la mordraient pas. Cupidon, par contre, elle avait comme un doute.

Le jardin c'est un peu un lieu de passage, pas vraiment un lieu où l'on décide de s'attarder. Lorsque je sors fumer, je reste sur la terrasse parce que bien plus agréable, il y a de quoi s'asseoir, on est abrité du vent et même de la pluie si on se tient assez près du mur du chalet. Le jardin par contre on y passe simplement. Il n'y a rien à y faire. Il ne fait pas suffisamment beau pour décider de s'allonger dans l'herbe pour prendre le soleil. Parfois j'y cours mais bien souvent j'atterris dans la forêt bien plus agréable à pratiquer. Même si je devrais m'abstenir compte tenue de ma chute de lundi en compagnie d'Emmeline. Ma cheville va mieux. Heureusement. D'ailleurs aujourd'hui j'ai envie de courir à nouveau, il faut croire que ma chute ne m'a pas forcément calmé. Je me cours tranquillement dans le jardin lorsque j'aperçois Mado qui semble regarder je ne sais quoi. Du coup je m'approche et m'ayant vu, elle ne tarde pas à m'interpeller d'ailleurs. « Tu crois qu'on peut toucher autrement qu'avec les yeux ? » Pardon ? Mais de quoi parle-t-elle ? Je regarde dans sa direction et constate avec stupéfaction la présence d'un potager. Ah ouais ? Il y avait donc un potager, depuis quoi ? C'était bizarre que je ne l'ai jamais vu auparavant, mais bon en même temps vu que je ne faisais que passer par là, c'était peut être pas si étonnant au bout du compte. « Je pense oui. Enfin, j'imagine qu'ils ne l'ont pas mis là pour laisser pourrir ces belles tomates. Bien que ça ne soit pas vraiment la saison. Alors peut être qu'elles sont fausses. » Oui sait-on jamais, après tout l'atmosphère, que dis-je l'air lui même était faux, pourquoi pas les légumes du dit potager. Il était donc important de vérifier si Cupidon nous dupait ou pas depuis le début. « Non mais attends, tu l'avais vu toi ? Avant aujourd'hui ? Ils l'ont peut être installé cette nuit. » Pendant que tous les candidats étaient assoupis, ce serait pas étonnant, je suis sûr qu'il y a des petits bonhomme qui se baladent ici de temps en temps puisque les choses disparaissent et bougent étrangement.

Ainsi donc, ce jardin n'était peut être pas aussi inintéressant et banal que Mado avait eu tendance à le croire en premier lieu. Il détenait un potager, et clairement, c'était la nouvelle du jour. Parce que Mado, qui n'était toujours passée ici que sans faire réellement attention au paysage, le découvrait en exclusivité. Mais attendez voir, on était en mars, alors quel intérêt y avait-il à faire pousser des légumes ? Ce n'était clairement pas l'époque idéale pour cela. Quoi que, au sein d'un dôme, c'était peut être déjà plus pratique, en soi. Après tout, la Production gérait le climat comme elle le voulait, alors soit, pourquoi pas un potager rempli de jolis légumes, hein. Et puis, au moins, cela permit à Mado d'accoster Everleigh tout à fait facilement. En soi, elle ne savait pas tellement comment se comporter avec elle. Elles s'étaient réconciliées, étaient même parties du principe qu'elles étaient amies, mais Mado ne pouvait pas s'empêcher de se poser quelques questions. Comment Everleigh avait-elle vécu le fait que Fitz et Mado se soient légèrement rapprochés quelques jours plus tôt ? Clairement, si elle n'avait pas pensé à elle sur le moment, elle y avait pensé un peu après, inévitablement, car la dernière chose qu'elle voulait au final, c'était repartir dans une relation conflictuelle avec elle. Pour autant, elle n'eut pas tellement l'impression que la nouvelle fit un choc à Everleigh, alors soit elle était déjà au courant - mais pas par Mado, qui n'avait pas osé lui en parler - soit elle s'en foutait. Allez savoir. Pour en revenir à ce fameux potager, il est vrai que c'était une jolie découverte. Et puis, c'était original, aussi. Mais restait à savoir si ça n'était que décoratif ou si les candidats pouvaient se servir. Everleigh avait l'air de dire que oui, et il est vrai qu’il serait étonnant qu'ils aient installé un potager pour que les candidats se contentent de le regarder. Où serait l'intérêt ? Nulle part, sans doute. Quoi qu'attendez voir, Everleigh parlait maintenant de fausses tomates. « Oh non, tu penses qu'elles sont fausses ? Ça me décevrait beaucoup. » Bah oui, parce qu'elle s'était attachée à elles et que ... d'accord, c'était n'importe quoi. Alors disons simplement qu'elle aimait le naturel, pas le superficiel. De fausses tomates ? Non, elle ne voulait pas y croire. Mais oserait-elle croquer dedans pour vérifier ? Hm, pas sûr. « Bah non, c'est seulement maintenant que je note la présence de ce potager, justement. Cette nuit ? Ah oui, peut être. Tu crois qu'ils cherchent à nous déstabiliser, en modifiant progressivement l’environnement auquel on a commencé à s'habituer ? Ce serait fourbe de leur part. » Franchement fourbe, oui. En plus, maintenant, Mado allait s'imaginer que des trucs changeaient la nuit, et ça n'était pas une bonne chose, déjà qu'elle était insomniaque ... « Moi tu sais, je suis déjà relativement nulle pour me repérer, j'ai un sens de l'orientation à chier et beaucoup de mal à établir des repères spatiaux, alors s'ils commencent à s'amuser à nous faire tourner en bourrique, moi je te le dis, je le prendrais comme une déclaration de guerre ! On sera pas copains eux et moi, non non non. » Sans doute faudrait-il rappeler à Mado que rien n'était encore sûr et que ce potager était finalement peut être ici depuis le début du jeu. Oui, sans doute. Hm.

Je n'ai pas réfléchis une seule seconde concernant la façon d'aborder Mado. On est amie et on a décidé de mettre nos légers conflits derrière nous. Alors oui évidemment j'ai pas franchement apprécié le rapprochement de Fitz et elle, même si clairement je n'ai rien montré mais bon, c'était inévitable de toute évidence. Alors à quoi bon en vouloir à la terre entière ? Ils se sont rapprochés tandis qu'on s'est éloigné, y'a rien d'anormal là dedans. Et même si on s'est à nouveau rapproché lui et moi, ce n'est vraiment comparable. Oui donc voilà, je me suis faite une raison. Et ce n'est pas une raison de continuer d'être en colère contre Mado, elle n'y est pas pour grand chose. Bref, en tout cas c'est tout sourire que j'ai décidé de l'approcher. J'en ai assez de devoir me chamailler avec elle pour ça. Non, ce n'est pas mon optique lorsque je me rapproche d'elle. De toute façon, je suis obnubilée par ce potager et ces tomates d'un rouge éclatant. D'un rouge irréel. En attendant la française n'a pas l'air persuadée qu'on puisse se servir, mais bon d'un côté, je ne vois pas l'intérêt de mettre un potager décoratif où les légumes viendraient à pourrir, c'est pas franchement logique. Mais d'un côté je m'interroge sur la couleur en sous-entendant qu'elles sont peut être fausses, mais ça aussi ce serait stupide. « Pour en être certaine il faudrait qu'on ose en cueillir une non ? » Je ne suis pas entrain de dire qu'on devrait la goûter, déjà la cueillir, ce serait pas mal, ça nous permettrait de se rendre compte de la texture. Mais il faudrait encore qu'on se risque à toucher à ces tomates. Du coup je m'interroge quant à la présence du potager, je ne l'ai pas vu avant mais peut être qu'elle oui, sait-on jamais. Enfin en attendant, il semblerait que non d'après ce qu'elle m'en dit. D'un côté je suis plutôt rassurée, je ne suis pas la seule à ne pas faire attention à mon environnement. Je souris face à leur interrogation. « Oh bah oui justement ce serait leur genre, t'as vu le genre de scénarios dingues qu'ils organisent pour les soirées ? Non mais, ils sont tellement fourbes. » Oh ça oui, nous rendre dingue, leur préoccupation première, il n'y avait qu'à regarder la teneur des primes, les rubriques surtout, non franchement ils veulent nous rendre dingue. Bref, en tout cas, elle commence à s'imaginer tout un tas de trucs et ça a tendance à me faire sourire. « Oui ou alors il était là depuis le début, et on a très très mal regardé... » C'est peut être plus probable non ? Oui, je pense aussi...

C'est dans des moments comme celui-ci que Mado en venait à se demander si elle n'était pas la seule, dans cette histoire, à pouvoir faire tout un cirque de bien peu de choses. Après tout, elle n'avait pas manqué de tomber à bras raccourcis sur Everleigh à cause d'un baiser sur un lit, alors que celle-ci ne lui avait jusqu'ici pas fait le moindre commentaire sur ce qu'il s'était passé entre Fitz et elle la semaine dernière. A croire que Mado était décidément excessive dans sa façon de réagir à ce qui lui déplaisait. Car peut être Everleigh n'avait-elle pas apprécié le rapprochement des jours passés, mais dans ces cas-là, elle était beaucoup disposée que Mado à ne rien en montrer, hm. Mais la française n'y pouvait rien. Elle réagissait bien souvent de façon démesurée et était bien la première à le déplorer. Elle était comme ça. Mais l'essentiel, ici, était de pouvoir parler d'autre chose. Oui, voilà. Le fait est que ce potager était particulièrement intriguant. Déjà, il semblait sortir de nulle part, ou disons en tout cas que c'était bien la première fois que Mado en notait la présence. Il faut dire que d'habitude, elle faisait rarement attention au paysage. Soit. Ces tomates, elles, ne lui paraissaient pas nécessairement fausses, mais il est vrai que la remarque de sa camarade était parvenue à la faire douter. Et clairement, s'il s'avérait qu'elles avaient ici à faire à de faux légumes, ça n'irait pas. Ah oui, vraiment, Mado serait déçue. « Je suis d'accord mais encore faudrait-il oser, justement. Tu crois qu'on ne risque rien ? » Non pas que Mado ait peur d'une sanction, mais ... si, un peu, quand même. Disons que n'étant toujours pas tout à fait certaine d'avoir le droit de toucher à ce potager, elle avait un peu peur qu'un système diabolique s'enclenche si une main se déposait sur la moindre tomate. Sait-on jamais qu'elles y perdent un bras, ce serait quand même un peu dommage. Quant à la Production, elle était bien fourbe de vouloir les perturber en modifiant leur environnement alors qu'ils commençaient tout juste à s'y habituer. C'était petit, vraiment. « Ah les soirées, c'est toujours un grand moment. » Quelle imagination ils avaient, à la Production. « Je ne sais pas ce qu'ils espèrent, peut être écrémer le casting en se débarrassant des plus impressionnables d'entre nous, de ceux qui perdront la boule les premiers ... Ah oui, je suis sûre que c'est ça ! Bah tu vois, nous on a compris leur truc, donc on sait à quoi s'attendre. On ne leur donnera pas ce qu'ils veulent, hein. » Assurément pas. Elles avaient percé à jour les sombres motivations de la Production, alors elles savaient à quoi s'en tenir désormais, c'est certain. Mais voilà qu'Everleigh laissa entendre qu'il était possible que, finalement, le potager soit là depuis le début. « Depuis le début, comme ... depuis le tout début ? » s'interrogea-t-elle alors. Se pourrait-il qu'en effet, elles n'y aient simplement pas fait attention ? Le doute était permis. « Oui mais non, ça n'est pas plausible. Parce que ça voudrait dire que je suis capable de partir dans d'improbables délires pour pas grand chose, alors qu'on sait toi et moi que ça n'est pas du tout mon genre. » N'est-ce pas ? Hm.

C'est vrai que je pourrais en vouloir à Mado, ouais sans doute que je serais en droit de le faire puisque après tout, ma relation avec Fitz ne sera plus du tout la même de sa faute. Oh oui c'est entièrement de sa faute si tout ceci à évolué, sauf que non, je ne lui en veux pas. Je pourrais, sans doute que si la situation avait été inversé elle m'aurait une nouvelle fois tombé dessus. Mais j'imagine que notre lien est plus important que cette histoire de mec. Ouais bon d'accord c'est Fitz ce n'est pas n'importe quel mec mais l'idée est là. On a tous compris, mais de toute façon on s'en fiche puisque personne ne va aborder ce sujet. Enfin pas pour le moment. Pour le moment, notre sujet de discussion concerne un potager mystérieux et ces tomates hors saisons qui semblent avoir poussé dans la nuit. Evidemment, il n'y a rien d'étrange à ce qu'elle soit fausse. Mais du coup pour savoir si elle est vraie ou non il faudrait la cueillir et éventuellement la goûter. « Je suis d'accord mais encore faudrait-il oser, justement. Tu crois qu'on ne risque rien ? » Quoi alors ça voudrait dire que Mado pourrait avoir peur d'une petite tomate, toute innocente tomate qui ne fera de mal à personne. Enfin j'imagine qu'elle ne doit pas être empoisonné, la production est diabolique mais pas à ce point là. « J'imagine que non... De toute façon il n'y a qu'une façon de le savoir, mais la question est la suivante : est-ce que tu oseras le faire ? » Je réponds légèrement malicieuse, un peu provocante, elle est joueuse non ? Enfin, c'est la meilleure façon de le découvrir en tout cas. Quant à la fourberie de la production, que dis-je leur sadisme incontestable et bien, oui, il n'est plus à prouver. « Je ne sais pas ce qu'ils espèrent, peut être écrémer le casting en se débarrassant des plus impressionnables d'entre nous, de ceux qui perdront la boule les premiers ... Ah oui, je suis sûre que c'est ça ! Bah tu vois, nous on a compris leur truc, donc on sait à quoi s'attendre. On ne leur donnera pas ce qu'ils veulent, hein. » Bon, d'accord, c'est tellement gros que j'ai envie de rire, sauf que je ne le fais pas au contraire, mon cerveau se met à fumer, il s'aligne au sien, c'est qu'on pourrait avoir l'air folle comme ça, sauf qu'on est loin de l'être, on est même plutôt intelligente dans notre genre. « Ils espèrent sans doute qu'on se batte, parce que le sang ça fait de l'audience quoi qu'on en dise, et ça fait des économies aussi. Imagine que si on en venait tous au main, la fin de l'aventure arriverait beaucoup plus rapidement, et hop, du fric à dépenser en moins... » Mais d'un côté, moins de votes et moins d'argent dans leur poche, m'enfin, on ne peut pas tout avoir. Une peu comme le sens de l'observation, parce qu'on est entrain de fabuler quant à la place du potager dans le nid, mais si ça se trouve il est là depuis toujours. « Depuis le début, comme ... depuis le tout début ? » Je hoche la tête. Oui oui, depuis tout le temps. « Ouais mais en même temps au début il y avait plein de neige, il devait être dissimulé. » Je lève le doigt comme si elle ne pouvait rien trouver à redire à ça. Mais en même temps, ça se tient . Quant à la suite. Je souris. « Oh non Mado, ce n'est pas du tout toi ça, de faire un drame de pas grand chose. T'es tellement pas comme ça... » Je dodeline de la tête, tellement persuadée de ce que je suis entrain d'avancer. Là encore, elle ne pourra pas aller contre, comme si tout ce que je disais ce soir était parole d’Évangile.