mado
Il y avait ces tic-tacs incessants, ces longues secondes bruyantes. Bien trop bruyantes. Le sablier semblait s’écouler trop lentement. Bien trop lentement. Le temps marchait à petit pas, tout doucement. Il ne saurait comment expliquer cette notion du temps. Cette notion qui soudainement lui parut lente. Bien trop lente. Il devait bien il y avoir une explication à tout cela. Sûrement parce qu’il voulait que les journées passent plus vite et qu’ils soient déjà tous dimanches. Il n’aimait pas cela. Cette sensation d’avoir une épée au-dessus de la tête. Comme si d’un pas, tout pourrait basculer. Basculer du mauvais côté, certainement. Il était assis, dans la cuisine. Dans cette pièce devenue bien trop silencieuse. Les autres candidats devaient être tous dehors, à flâner fièrement sous le soleil. Il était là, tout seul. Tout seul dans cette pièce vide. Vide de sens, de vide… de vie. Son regard perdu, il fixa un long moment son assiette garnie de quelques nourritures qu’il s’était cuisiné. Emilien n’avait jamais été un grand cuisinier, il n’avait jamais trop su. Ici, il avait dû se débrouiller tout seul, avec un peu l’aide d’Alecia. Alecia. Elle lui manquait. C’était peut-être la première fois qu’il ressentait cela depuis le début de ce jeu, de cette dite aventure. Le manque. L’impression qu’il manquait quelqu’un, quelque chose à son quotidien. C’était un jeu. Des gens devaient partir, malheureusement. Et d’autres allaient bientôt suivre ce même chemin. C’était le jeu. Un soupir un peu trop bruyant s’échappa entre les lèvres du jeune suisse. Il dessina une petite moue au regard de son assiette. Finalement, il n’avait pas si faim que cela. Avait-il eu au moins faim ? Son regard se leva tant dit qu’une silhouette s’approcha de lui. Il reconnut alors aussitôt Mado. Vu l’heure, elle était peut-être venue manger elle-aussi. Un léger sourire tenta alors de se peindre sur les lèvres du jeune garçon. « Tu vas bien ? … Tu veux quelque chose à manger ? ». Sa question était un peu stupide. Si elle était là, c’était sûrement parce qu’elle avait faim, et qu’elle était venue se rassasier. Alors oui. Oui, elle voulait quelque chose à manger. « J’ai fait à manger si tu veux… Tu peux même prendre mon assiette. » déclara-t-il, en poussant ledit objet en direction de la jeune femme. Il n’allait pas se priver de manger pour la jeune femme, non. Il n’avait juste pas très faim. Alors autant que son repas finisse dans la poubelle, sans même y avoir planté la fourchette, autant que quelqu’un d’autre que lui le mange, non ?

Qu'on se le dise, Mado n'avait jamais grand appétit. Quelle que soit l'heure de la journée, elle ne s'alimentait pas des masses. Pas parce qu'elle était obsédée par son poids, non, évidemment pas. Plutôt parce qu'elle avait toujours eu un appétit d'oiseau, et que ça ne risquait plus de changer maintenant. Pour autant, elle ne sautait jamais de repas. Elle mangeait, peu, mais elle mangeait. Parfois, elle se contentait d'un peu de salade, ou d'un fruit, mais elle mangeait à heures constantes, et c'était peut être pour ça qu'elle restait en bonne santé, qu'elle ne perdait jamais de poids - ni n'en prenait, de fait, évidemment - et qu'elle vivait fort bien avec son petit appétit. Ainsi donc, aujourd'hui, elle n'avait pas particulièrement faim, mais elle comptait bien manger. Qu'importe qu'elle opte pour deux-trois nouilles ou pour des radis, elle devait manger. Ainsi, elle ne tarda pas à prendre la direction de la cuisine, pensant honnêtement n'y trouver personne, étant donné qu'elle avait pu noter, à plus d'une reprise, que ses camarades mangeaient à des horaires de plus en plus improbables. Et pourtant, non, il y avait bien quelqu'un dans la cuisine à cette heure-ci. Il y avait Emilien. Le jeune homme semblait un peu dans les vapes, quoi qu'il est vrai qu'il n'était jamais bien énergique, hm. Il était assis, face à une assiette garnie mais qu'il n'avait probablement pas touchée. Mado ne voudrait pas qu'il y renonce définitivement à cause de son arrivée, sait-on jamais qu'il ait besoin de concentration. Ainsi, elle ne s'éterniserait probablement, comptant choper un petit quelque chose dans le frigo et ne pas l'importuner. Sauf que son camarade, lui, engagea la discussion. C'était pour le moins surprenant, venant de lui. Non pas que ça lui déplaisait, loin de là, mais elle avait pensé qu'il ne trouverait rien à lui dire aussi spontanément. Et pourtant, il lui demandait si elle allait bien, et si elle voulait quelque chose à manger. Elle en serait presque émue, en fait. « Pour être honnête, je passe un début de semaine contrasté » souffla-t-elle, en un fin sourire. Elle était préoccupée par certaines choses, mais épanouie grâce à d'autres. C'était ambivalent ce que lui inspiraient les derniers jours. Oui, voilà. « Et toi, tu ... tu ne stresses pas trop ? » demanda-t-elle, peut être maladroitement, par rapport à la première nomination du jeune homme. Il était nominé, face à Ezra notamment, et très franchement, ça emmerdait Mado. Ce serait mentir que de dire qu'elle voulait voir partir Emilien. Non, clairement pas. « J'allais manger quelque chose de rapide et de léger. Et tu sais, je n'ai pas tellement pour habitude de piquer dans l'assiette des autres. Tout ça, c'est bien pour toi que tu l'avais préparé après tout, non ? » Il était mignon de lui proposer de prendre son assiette, mais bon, il ne fallait pas qu'il en oublie de manger lui-même. Parce que Mado n'avait peut être pas très faim, mais quelques petites choses lui faisaient envie là, ouais. Mais vraiment, elle ne voudrait pas qu'il s'affame simplement pour être gentil. Elle lui avait demandé de faire des efforts, mais pas à tous les niveaux non plus. Elle savait faire la part des choses, ainsi, elle n'attendait pas de lui qu'il lui cède ce qui était à lui à tout bout de champs. Non, évidemment pas.

Evidemment, Emilien aurait très bien pu ignorer la présence de Mado, et de faire comme si elle n’était pas là. Mais s’il avait agi de la sorte, la jeune femme n’aurait pas manqué à lui lancer une remarque. Alors, oui, il avait décidé de prendre la parole. De prendre son courage à deux mains et à faire un effort pour que sa relation se passe bien entre elle et lui. Après tout, ils leur restaient certainement quelques jours à cohabiter ensemble, alors il pouvait bien faire cela et en profiter pour faire des efforts et passer du bon temps avec la jeune femme. Il était certain qu’elle ne deviendrait pas sa meilleure amie en quelques jours. Il ne s’était jamais mis en tête de faire de la jeune femme sa grande amie. Il voulait juste améliorer leur relation. Pour lui, elle… puis surtout pour Ezra. Alors, tout naturellement, il lui demandait si elle allait bien. A vrai dire, il aurait très bien pu se passer de cette question. Mado lui expliqua alors qu’elle passait une semaine contrastée. Le jeune suisse se contenta d’hocher silencieusement la tête. Il n’allait pas lui poser d’autres questions, un brin trop curieuses. A son tour, elle lui demanda s’il n’était pas trop… stressé. Emilien baissa légèrement la tête. Stressé ? Etait-il stressé lui ? « Ce serait un peu mentir de te dire que je ne le suis pas… bien au contraire. J’crois que ça me fait un peu peur même… ». Ce n’était pas seulement le fait qu’il soit nominé qu’il lui faisait peur. Certes, c’était sa première nomination. Il ne savait pas vraiment comment géré cela. Ca faisait quoi d’être nominé ? Maintenant, il le savait… mais ce qui lui faisait le plus peur, c’était surtout de se retrouver face à Ezra. Nominé face à lui. C’était certainement le pire scénario de nomination qu’il aurait pu s’imaginer. Il avait peur. Peur de quitter ce jeu, mais surtout de laisser Ezra. Il avait peur. Un peu peur… pour ne pas dire beaucoup. Un léger soupir s’échappa de sa bouche. Emilien lui fit remarquer qu’il avait cuisiner et qu’il restait largement de quoi nourrir un bon régiment, puis il lui proposa finalement de prendre son assiette. Mado lui expliqua alors qu’elle voulait manger quelque chose de léger et surtout qu’elle n’avait pas pour habitude de piquer dans les assiettes des autres. Elle n’allait pas « piquer dans son assiette », comme elle lui disait, il lui prêtait son assiette. Nuance. Mais, elle n’avait pas tort. C’était pour lui qu’il avait cuisiné. Enfin, au début. Il dessina alors une légère moue sur son juvénile visage. « Je n’ai pas vraiment faim en fait… alors autant quelqu’un la mange avant qu’elle atterrisse à la poubelle… ». Oui voilà. Autant éviter du gâchis. Certes, Mado pourrait douter des talents culinaires de son camarade. « On peut partager l’assiette si tu préfères… ». C’était quand même étrange cette idée. De partager son assiette avec quelqu’un. Il n’avait jamais été très proche de Mado, qui plus est.

Mado n'avait évidemment rien contre l'idée de passer un peu de temps avec Emilien ce midi. Bien sûr, il n'était pas le candidat de qui elle était le plus proche au sein du nid, et sans doute ne seraient-ils jamais de grands amis, mais puisqu'il ne semblait pas particulièrement fébrile depuis l'arrivée de la jeune femme dans la cuisine et même qu'il ne semblait pas projeter d'en sortir, supposons qu'il avait accepté l'idée de faire de réels efforts, chose qui ne pouvait naturellement que la satisfaire et qui lui donnait même d'autant plus envie de rester avec lui dans l'immédiat. Surtout qu'il se montra poli, avenant, lui demandant comment elle allait, chose qu'il n'aurait assurément jamais tellement fait par le passé. Il y avait décidément du progrès, et ça ne manquait pas de lui plaire. Elle se vit alors dans l'obligation de lui répondre honnêtement, en lui disant donc que son début de semaine était contrasté. Il fallait comprendre que les choses allaient plutôt bien mais que d'autres étaient susceptibles de l'empêcher de pleinement s'en réjouir. Effectivement, elle était peut être un peu frustrée de ne pas pouvoir pleinement aller bien, un peu comme si elle n'en avait tout bonnement pas le droit. C'était peut être sordide. Soit. Il ne releva pas et ça n'était assurément pas plus mal. Ce qui intéressait Mado, c'était de savoir comment lui il allait, comment il vivait sa première nomination. Il n'était pas dans une situation évidente, d'autant plus qu'il était nominé face à Ezra, chose qui déplaisait assurément autant à Mado qu'à lui, hm. Il se montra honnête également, et elle apprécia grandement sa franchise. « C'est compréhensible. A ta place, j'aurais peur également. Je sais que tu ne veux pas être séparé d'Ezra, et j'espère sincèrement que ça n'arrivera pas. Il faut positiver. » Oui, voilà, c'était sans doute le meilleur conseil qu'elle pouvait lui donner. « C'est plus facile à dire qu'à faire, je sais » souffla-t-elle, en souriant légèrement. Parce que oui, c'était sans doute bien beau de lui dire de voir le verre à moitié plein, mais elle n'était pas à sa place, elle n'avait jamais connu de nomination, n'avait jamais été nominée contre quelqu'un qui comptait à ce point pour elle, alors peut être parlait-elle un peu vite. Soit. Il semblait lui proposer de se nourrir dans son assiette, et honnêtement, ça la mettait un peu mal à l'aise. C'était son assiette, celle qu'il avait préparé pour lui, alors manger à sa place, ce serait sans doute étrange. Pour autant, il disait ne pas avoir vraiment faim et invoqua même une histoire de gaspillage. Ah. Et puis, il lui proposa de partager, ce qui lui semblait être une bonne idée. « Partager ? Oui, ça me semble être une intéressante alternative » reprit-elle alors, plutôt convaincue. « Je n'ai pas très faim non plus, honnêtement, alors mangeons ce qui nous tente et laissons ce qui ferait trop pour nous. » Et à être à deux sur la même assiette, ils gaspilleraient moins que s'ils gâchaient deux assiettes. « D'ailleurs, peut être que tu devrais me parler de ce que tu as préparé ? Sait-on jamais que je sois allergique à l'un de ces aliments, il serait dommage que tu doives entreprendre de me sauver la vie, non ? » Bon, elle disait ça pour détendre l'atmosphère, et franchement, elle espérait qu'il le comprendrait. Au fond, elle n'était allergique à rien d'alimentaire, du moins à sa connaissance, donc c'était simplement pour l'inciter à parler, à lui expliquer ce qu'il avait voulu cuisiner. C'était une façon comme une autre de le rendre un peu plus sociable et à l'aise à l'oral, sans doute. « Vends-moi ta préparation » reprit-elle, comme pour insister. Il fallait qu'il la séduise, que ça lui fasse envie, qu'il trouve les bons mots. Oui, définitivement, ce serait un exercice intéressant.

Elle ne pouvait pas lui faire remarquer qu’il ne faisait pas d’effort, ou plus. Ou même pas assez. Il avait fait en sorte d’entamer la conversation. Et il fallait savoir ô grand combien il était souvent difficile pour le jeune suisse de se lancer dans un pareil exercice d’orateur. Il faisait des efforts, et il espérait bien que la jeune femme le remarquerait. Il avait commencé par lui demander si elle allait bien, et malgré la réponse de Mado, Emilien ne chercha pas à en savoir plus. Sûrement parce qu’il n’était pas du genre à se mêler des affaires des autres. Oui, voilà. Chacun ses histoires. Tant qu’on ne l’impliquait pas dans des histoires qui n’étaient pas siennes. Mado voulut s’informer sur l’état d’esprit du jeune suisse, à ce moment précis de la semaine, mais surtout de l’aventure. Première nomination. A vrai dire, il ne savait pas vraiment comment gérer cela. Il fallait tenter de paraitre optimiste, positif, alors qu’il savait bien que rien ne pourrait se passer comme il l’aimerait bien. Non. Il n’était pas pessimiste. Juste un certain manque de confiance qui pouvait certainement se faire ressentir. Il n’allait pas lui cacher le fait qu’il était stressé. Un peu stressé. Angoissé. Paniqué. Mais ce n’était pas l’idée de partir qui le terrorisait, juste celle de devoir laisser derrière lui Ezra. C’était compréhensible, sa crainte. Tout du moins, c’était ce que Mado venait de lui dire. Il reporta alors son attention sur la jeune femme. « Tu… tu le penses vraiment ? Ou tu dis ça juste pour me faire plaisir ? ». Espérait-elle vraiment qu’Emilien reste ? Ou disait-elle cela juste pour tenter de rassurer un peu le jeune homme. Peut-être n’était-elle pas si sincère que cela dans ses paroles. Des gens faux, des gens hypocrites, ils devaient certainement bien il y en avoir ici, non ? Il y en avait partout des gens comme cela. Evidemment, il avait prononcé ces quelques mots sans agression, juste une certaine candeur respirait dans chaque son prononcé par le suisse. Elle lui avait aussi conseillé de positiver. Positiver. Y arriverait-il ? Jusqu’à présent, Emilien avait toujours été celui qui soutenait ses camarades et proches dans ces nominations. Et voilà que la tendance avait changé. Il se retrouvait lui-même dans le rôle du nominé. Emilien lui proposa alors finalement de se servir dans son assiette, enfin de la prendre entièrement. Décrétant qu’il n’avait pas faim. Cette idée ne semblait pas convenir tant que cela à Mado. Il la comprenait un peu. Il aurait été le premier à répliquer quelque chose de similaire. Il lui proposa finalement de partager son assiette avec elle. Une assiette pour deux. Ca fera moins de vaisselle à faire à la fin du repas, comme ça. Puis il y aura certainement moins de gâchis que si Emilien avait dû manger cela tout seul. Cette idée semblait séduire la jeune femme. Un léger sourire se dessina alors sur le faciès du suisse. Cela restait quand même assez étrange de partager son assiette avec elle. Il hocha donc la tête pour approuver les propos tenus par Mado à cet instant précis. Ils n’auront qu’à manger ce qui leur tente, c’était aussi simple que cela. Mince. Elle évoqua alors des allergies. Oh… C’est vrai qu’il n’avait pas pensé à cela. Peut-être était-elle allergique à l’un des aliments. Il se pinça les lèvres… Il se gratta alors la nuque. Lui vendre sa préparation ? Vraiment ? Un petit « hum » s’échappa des lèvres du jeune garçon. « A vrai dire, j’ai pris tous les ingrédients qui étaient dans le frigo et je les ai mis dedans… je ne sais même pas si c’est digeste ou non… ». Il dessina une petite moue, un brin désolé. Voyant alors le faciès assez expressif de Mado, un petit rire étouffé tenta de s’échapper des lèvres d’Emilien. « Ce n’est pas vrai, hein… ». Oui. Il préférait quand même lui dire la vérité. « Alors… il y a de la semoule, avec des tomates, du saumon en dés et j’ai mis quelques crevettes aussi. Puis du persil et de la menthe. Tu veux goûter ? » lui demanda-t-il. Il ne savait pas vraiment s’il avait réussi son plat ou non. Sûrement que cela ne valait pas la cuisine de son père, c’était certain. Il tendit légèrement le bras alors, récupérant une seconde fourchette pour Mado. « On peut goûter en même temps si tu veux. Comme ça, si on s’empoisonne… ce sera ensemble… ». Un petit rictus amusé se dessina dés lors sur le visage du jeune suisse.

Mado notait ici une chose plaisante : Emilien n'avait pas tenté de se dérober au moment où elle avait pénétré dans la cuisine et, mieux encore, il avait pris la peine d'engager une conversation. Quoi qu'on en dise, c'était franchement un bel effort de sa part, et ça, Mado n'était pas prête de l'oublier. Car la jeune femme ne pouvait véritablement que se réjouir du fait qu'il joue maintenant le jeu, qu'il soit désormais disposé à mettre toutes les chances de leur coté pour que les choses s'améliorent efficacement. Sans viser une grande amitié, Mado avait envie d'une relation plus posée avec son camarade. Cela lui semblait légitime, dans la mesure où il était en couple avec Ezra, son petit frère, et où ils pourraient être amenés à se fréquenter quelques peu par la suite, si cette histoire continuait. En parlant d'Ezra, justement, il est vrai qu'il était nominé cette semaine, au même titre qu'Emilien, qu'ainsi les deux jeunes gens étaient sur la sellette la même semaine et que Mado se doutait que ça n'était facile pour personne, étant donné que ça n'était même pas facile pour elle. Le fait est qu'elle ne voulait pas qu'ils soient séparés, tâchant de se mettre à leur place et supposant qu'elle aurait tout autant de mal à être séparée de quelqu'un qui comptait pour elle autant qu'ils pouvaient compter l'un pour l'autre. Alors oui, non seulement elle trouvait l'inquiétude de son camarade compréhensible et justifiée, mais en plus, elle ne leur souhaitait aucunement d'être séparés l'un de l'autre. L'idée, voyez vous, n'était pas d'en ramasser un à la petite cuiller. Ce serait franchement délicat et ils méritaient de poursuivre cette aventure ensemble. Visiblement, son camarade n'était pas certain de pouvoir compter sur ce qu'elle lui disait. Pensait-il qu'elle était malhonnête ? Qu'elle pouvait lui dire ça dans le simple but de se le mettre dans la poche une bonne fois pour toute ? Et bien non, ça n'était franchement pas le genre de la maison. Pour autant, elle ne s'offusqua pas de sa question, bien qu'elle aimerait qu'il lui fasse un peu plus confiance, à l'avenir. « Je n'ai pas pour habitude de m'exprimer dans l’optique de faire plaisir aux gens, sache-le. Je n'aurais aucun intérêt à le faire. Donc oui, je le dis parce que je le pense, parce que je trouverais dommage que vous soyez séparés et que, comme vous, je le vivrais mal. » Oui, elle déplorerait qu'ils soient séparés l'un de l'autre, sachant à quel point ils étaient attachés. Bien sûr, ça n'était qu'une aventure, et la vie était autre chose, mais autant continuer ce jeu à deux le plus longtemps possible. Par la suite, Emilien lui proposa son assiette, mais la manger à sa place embêterait un peu Mado. Il fallait qu'il mange, lui aussi. Il n'y avait pas de raison qu'elle lui pique son repas, même si c'était généreux de sa part. Du coup, son idée de partager l'assiette la séduit davantage. Oui, ça conviendrait à tout le monde, et niveau gaspillage, ce serait moindre. Par contre, Mado crut bon de sous-entendre qu'elle pourrait être allergique à quelques aliments, chose fausse, et pas tellement destinée à le déstabiliser. Elle attendait simplement de lui qu'il trouve le moyen de lui parler de ce qu'il avait cherché à préparer, de son idée initiale, de ce qu'il pensait peut être du résultat obtenu. N'importe quoi qui lui en dirait plus sur l'assiette et lui donnerait, peut être, envie de manger dedans. A la réponse de son camarade, elle eut un peur peur, c'est vrai. Son histoire d'aliments en vrac, elle y avait un peu cru, oui. Heureusement, il se reprit et l'expression de la jeune femme se dérida. « Roh mais, j'y ai cru moi. Un peu plus et j'appelais le service sanitaire » souffla-t-elle alors, en ricanant légèrement. Oui parce que, ce serait un coup à faire un mélange dangereux, si jamais de vieux trucs trainaient au fond du frigo. Hm. Finalement, Emilien se décida à lui décrire son plat, et franchement, ça avait l'air appétissant. « Ah, voilà qui fait envie. Ça m'a l'air sain, équilibré ... C'est tout à fait dans mes goûts. » Et vu qu'elle ne fit aucune précision à ce sujet, sans doute en déduirait-il qu'elle n'était allergique à aucune de ses aliments. Emilien proposa alors de goûter en même temps, et elle ne put qu'en laisser échapper un rictus. Pourquoi pas, hein. « D'accord, prêt ? Un ... deux ... trois ... » La jeune femme goûta la plat, son camarade faisant pareil. Bon. Voilà. « Pour l'instant, je me sens plutôt bien. Pas de crampe brutale à l'estomac, pas de vertige, pas d'étouffements ... » Tout ça serait grandement mauvaise signe, c'est clair. « Je crois qu'en fait, c'est très bon » souffla-t-elle, sincèrement. C'était un fait, ce mélange était savoureux. Ainsi donc, s'il avait pu douter de ses talents culinaires, il pouvait être rassuré.

Comme le disait si bien l’expression, il fallait de tout pour faire un monde. Des gens gentils, des gens méchants, des mauvais et des bons, des moches et des laids, des hypocrites et des sincères, des vrais et des faux. Des gens bien, et des gens moins bien. Evidemment, en entrant ici, Emilien a vite rayé cette idée si naïve. A cette idée que le monde n’était pas aussi beau qu’on lui avait dépeint jusqu’à présent. Tout n’était pas aussi beau, aussi sincère que dans son idéal. Il fallait de tout pour faire un monde. Alors oui. Peut-être que Mado avait juste dit cela pour le rassurer, pour lui faire plaisir, pour lui prononcer ces quelques mots qu’il aurait voulu entendre. Qu’il ne sera pas séparé d’Ezra. Qu’il ne le sera. Evidemment, c’était une possibilité comme une autre. Rapidement la voix de Mado vint chasser toutes ces hypothèses sordides qu’il avait bien pu se permettre de faire. Alors. Elle était sincère. D’accord. Il se contenta d’un léger petit sourire, et baissa légèrement la tête. Elle le pensait vraiment. Il se trouvait presque idiot d’avoir pu juger un instant des paroles de la jeune femme. Elle trouverait cela si, dimanche soir, ils se trouveraient séparés. Il n’allait pas lui dire le contraire. Ce serait dommage, ce serait triste. Il aimerait tant continuer ce jeu. Pas seul, non. Mais avec lui, avec Ezra. Le jeune suisse avait aussi proposé à manger, à Mado. De se servir dans son assiette, avant de finalement décidé de la partager avec elle. C’était gentil de sa part. Peut-être un peu trop même. Qu’importe. Il était ce garçon attentionné et généreux. Certes, il y a quelques temps de cela, certainement il ne l’aurait pas proposé à Mado. Partager son assiette, jamais cette idée n’aurait pu lui venir en tête. Oh ça non. Il fallait croire qu’il y avait eu une certaine progression, non négligeable, dans leurs rapports. Certes, ils n’allaient sûrement jamais devenir de grands amis, mais s’ils pouvaient bien s’entendre. Ce serait déjà un bon début. Ainsi Emilien dut lui faire l’inventaire de la composition de cette assiette qui se trouvait entre eux deux. Il eut jugeait bon (ou drôle, mais pas vraiment hilarant) de lui dire qu’il avait mit un peu n’importe quoi. Prenant les premiers aliments qui lui étaient tombés sous la main, dans ce réfrigérateur vide. Chose qui ne semblait pas rassurer Mado. Loin de là. Un léger rictus se dessina alors sur le faciès du suisse qui lui expliqua alors que ce n’était pas vrai. Elle allait prendre peur Mado, autrement. Elle lui fit remarquer qu’elle y avait cru… Il ne pouvait pas la contredire. Il l’avait bien remarqué cela. Et c’était bien pour cela qu’il préféra lui dire la vraie composition de son petit met. Cette assiette semblait séduire la jeune femme, qui ponctua que c’était tout à fait à ses goûts. Il en concluait donc qu’elle ne devait avoir aucune allergie. Tant mieux. Emilien lui proposa de gouter. Ensemble. En même temps. Après un bref décompte dicté par Mado, il prit une petite fourchetée qu’il porta à sa bouche. Il dégusta un instant son petit plat préparé lui-même. Elle lui affirma que pour le moment tout allait bien. Emilien hocha la tête. « Moi aussi… c’est plutôt bon signe, non ? ». Oui, ça devait être bon signe si aucun des deux ne ressentaient de douleurs, de maux de ventre, et autres. Un sourire presque satisfait se dessina alors sur les lèvres du jeune suisse, au moment où Mado lui confia que c’était bon. Très bon, même. Il était content qu’elle le complimente. Surtout pour un garçon comme lui qui n’était pas très doué en cuisine. Il était assez fier de lui, cette fois-ci. Il pouvait le dire. « Je crois que… je me suis découvert des talents de cuisinier… ». A croire qu’il aurait mieux de participer à une émission de cuisine plutôt qu’à ce jeu. Ou peut-être pas. Quoiqu’il en soit. Il s’était découvert un talent caché. Peut-être était-ce juste parce qu’il n’avait jamais eu l’occasion de cuisiner avant. Enfin. C’était certain. Il ne sera jamais aussi doué en cuisine qu’il ne s’était devant un piano. D’ailleurs, Mado. Avait-elle un talent ? Une passion ? Savait-elle cuisiner ou non ? Il ne savait rien d’elle. A part qu’elle était assez… agaçante par moment avec ses questions, et qu’elle était la sœur d’Ezra. « Tu as un talent en particulier, toi ? » lui demanda-t-il alors, avide de curiosité.

Définitivement, non, Mado n'avait pas pour habitude de choisir ses propos en fonction des autres et dans le but de leur faire plaisir. Elle disait ce qu'elle pensait, en se souciant uniquement du fait d'être honnête, et c'était déjà pas mal sans doute. Donc oui, lorsqu'elle disait à Emilien qu'elle regretterait fortement qu'Ezra et lui soient séparés, elle le pensait sérieusement. Car oui, elle trouverait ça franchement dommage, et le vivrait elle aussi difficilement. Si Ezra partait, elle devrait continuer sans lui et Emilien également, et si Emilien partait, Ezra serait malheureux, donc elle aussi. Elle était comme ça lorsqu'il s'agissait d'Ezra : empathique et automatiquement concernée. Et récemment, il avait fallu compter quelqu'un d'autre dans leur entourage : Emilien. Si elle avait eu un peu de mal à s'y faire au départ, elle s'y était finalement habituée, et commençait à le considérer comme l'un des leurs, d'une certaine façon. Et puis, globalement, elle se mettait à la place des deux jeunes hommes, qui semblaient très attachés, très amoureux aussi, et avait tendance à penser que, dans leur situation, et si elle risquait elle aussi d'être séparée de la personne qui était susceptible de faire battre son cœur, elle le vivrait tout aussi mal. Ces nominations étaient atroces, de toute façon. Des candidats méritants étaient nominés, certains de qui elle était d'ailleurs proche, et ça l'emmerdait sérieusement. Autant dire qu'elle n'était pas franchement pressée d'être à dimanche, hm. En tous les cas, elle n'en voulait pas à Emilien d'avoir douté de la sincérité de ses propos. Pour autant, elle espérait que ça ne reproduirait pas, qu'il comprendrait qu'il pouvait se fier à ce qu'elle lui disait, qu'elle n'avait pas pour but de le tromper ni de lui mentir, car vraiment, ça n'était pas le cas. Soit, maintenant qu'il était certain qu'elle avait parlé sincèrement, ils pouvaient passer à la suite. Suite qui consistait donc à manger dans la même assiette, vu qu'ils avaient tous deux peu d'appétit et qu'il serait donc idiot de ne pas partager. Surtout que Mado était curieuse de goûter à la préparation d'Emilien. Sauf qu'elle trouva tout de même légitime de s'inquiéter de ce qui la composait. Un peu normal, somme toute. Et là, horreur, il prétendit avoir plus ou moins vidé le frigo pour élaborer un plat fourre-tout probablement truffé de saloperies et de produits avariés. Franchement tentant. Le pire étant que Mado y eut sérieusement cru, alors que c'était visiblement une blague. Oh, le petit saligaud. Mais bon, c'était plutôt rassurant, d'un coup. Surtout que les aliments qu'il annonça ensuite firent envie à la jeune femme, qui aimait s'alimenter sainement et aimait beaucoup les légumes. Ainsi, ça la tentait bien. Maintenant, Emilien proposait de goûter en même temps, histoire qu'ils meurent de façon synchronisée si c'était empoisonné. Mado fut charmée par cette idée et lança donc un décompte, suite auquel ils goutèrent au même moment. Gros suspense. Allait-il leur arriver quelque chose ? Et bien non, pas dans l'immédiat en tout cas, car Mado se sentait encore franchement bien. Et visiblement, Emilien aussi. « Effectivement, je pense que c'est bon signe, car je suppose que si on avait du mourir, ce serait déjà fait. Du coup, je pense qu'on est hors de danger. » C'était cool, non ? Quelle bonne nouvelle. Parce qu'en plus, c'aurait été dommage de mourir à cause d'un plat aussi bon. Oui, vraiment, c'était très bon. Encore une fois, Mado disait ça parce qu'elle le pensait, pas pour lui faire plaisir. Elle n'avait pas pour habitude de flatter les égos, c'est certain. « C'est l'une des premières fois que tu te risques à préparer ce genre de choses, n'est-ce pas ? Tu sembles avoir peu confiance en toi, c'est dommage. Au moins, maintenant, tu sais que tu as du potentiel, alors essaie peut être de creuser un peu, de prendre confiance et de t'essayer à d'autres choses, de plus en plus élaborées. C'est un conseil qui s'applique aussi bien à la cuisine qu'à n'importe quoi d'autre, en soit. » Et elle disait ça avec le sourire, et toujours très sincèrement. Emilien avait du potentiel, oui, elle le pensait. Ce plat était délicieux alors peut être qu'il pourrait apprendre à en préparer d'autres. D'ailleurs ... « Si tu as besoin de quelqu'un pour goûter tes futures préparations, pense à moi » s'amusa-t-elle alors. Oui, si tout était aussi bon, elle voulait bien lui faire l'honneur de les goûter, puis de lui dire ce qu'elle en pensait. Miantenant, il savait qu'elle était honnête et qu'elle ne le flatterait pas inutilement. Ce serait un avis impartial et objectif. Oui, qu'il y réfléchisse, ce serait franchement une astucieuse association, lui aux fourneaux et elle dans le rôle du juge. Un trip à la Masterchef, en somme. Emilien lui demanda alors si elle avait des talents de son coté, et elle trouvait sympathique qu'il s'y intéresse. « Je dirais que là où je suis relativement talentueuse, sans prétention aucune, c'est en matière de sport. Je suis quelqu'un de physique et d'endurant, qui a très tôt manifesté de l'intérêt pour les disciplines sportives. J'en pratique de toutes sortes depuis l'adolescence. Au départ, ça n'était que pour combattre un certain mal être, mais je me suis véritablement passionnée par la suite. » Ainsi donc, oui, elle estimait que le sport était encore son plus grand talent. Elle n'en voyait pas tellement d'autres, rien de très quotidien en tout cas. Elle ne cuisinait pas particulièrement bien, ne peignait pas non plus, donc bon ... « Toi, le sport, ça n'est pas trop ton truc, hein ? » souligna-t-elle, un peu mutine, en référence au cours de boxe de l'autre fois. Elle ne se moquait pas, elle avait simplement trouvé ça intéressant d'apprendre à boxer à un jeune homme. Comme quoi, les idées reçues sur les différents sexes, hein ...

Les efforts du jeune suisse pouvaient se faire remarquer. Tout d’abord parce qu’il avait, enfin, osé entamer la conversation, puis il s’était quelque peu confessé à la jeune femme en avouant sa crainte, puis… il partageait, maintenant, son assiette avec la jeune femme. Elle avait très certainement dû remarquer ces efforts et sûrement les appréciait-elle. Elle en avait l’air, puisque depuis le début, elle ne lui avait fait aucune remarque à ce sujet. Comme quoi, Mado n’était pas toujours là juste pour lui faire des remarques peu agréables à écouter, à le flinguer de questions. Il fallait croire que leur relation allait crescendo. Et ce n’était pas plus mal. Non. Il était plutôt content. Ravi d’avoir fait des efforts, même. Il découvrait Mado sous un autre angle, à présent. Plus celui qu’il avait connu et sous lequel il se focaliser. Ils avaient, ensemble, goûté au plat cuisiné par Emilien, il y a de cela presqu’une heure –mais ce détail n’a guère d’importance. Après l’avoir dégusté, il semblerait qu’aucun des deux ne présente un quelconque signe d’agonis. C’était plutôt bon signe. Puis comme cela, en goutant ensemble, ils mourraient ensemble. Personne ne pourrait accuser le jeune garçon d’avoir voulu empoisonner Mado, si son plat n’avait pas été aussi bon que cela. Puis… il n’avait aucun but à empoisonner la jeune femme, puisqu’initialement, il avait préparé ce plat pour lui. A moins qu’il ait envie de se tuer lui-même, de se suicider quoi. Mais ce plan là ne faisait pas parti des idées du jeune suisse. Tout du moins pour le moment, tout semblait aller pour Mado et Emilien. C’était plutôt bon signe, comme il lui avait si bien fait remarquer. Certes, peut-être y aurait-il des effets secondaires dans quelques minutes, ou quelques heures, mais… ne l’espérons pas. Emilien approuva les paroles de Mado par un signe de tête. Oui. Ils étaient sains et saufs, hors de danger. Tant mieux ! Il se surpassait en cuisine, il ne pouvait pas le nier. Il venait, certainement, découvert un talent. Un talent qui devait être bien caché. Il aimait la nourriture, mais de là à savoir cuisiner… il l’ignorait totalement. Sûrement parce que chez-lui, c’était son père ou l’un de ses frères qui cuisinait pour lui. Il n’avait jamais eu l’occasion de se mettre derrière les fourneaux, il se contentait juste de regarder. De les regarder faire et de dévorer des yeux les plats. Oui. C’était bien la première fois qu’il s’essayait en cuisine, ou l’une des rares fois. Enfin depuis qu’il était ici, il était bien obligé de se forcer à cuisiner un minimum s’il voulait tenir et survivre dans cette cage aux fauves. Une nouvelle fois, il approuva d’un léger signe de tête les propos tenus par Mado. Il n’allait pas la contredire. Elle ne faisait que de dire. « Oui, tu as peut-être raison… ». Elle avait raison. Il devait prendre confiance en lui. Et pas seulement en cuisine, mais dans… dans la vie de tous les jours. Certes, il aimait la nourriture, manger et s’était découvert un talent de cuisinier, mais il adorait pardessus tout la musique. Enfin, « C’est… c’est marrant, d’ailleurs, parce que Mickey m’a fait la même réflexion la semaine passée. Comme quoi je devais prendre confiance en moi… » souffla-t-il un peu hésitant au début. Ce n’était pas… marrant, hilarant en soi, mais en l’espèce de quelques jours, ils avaient été ces deux personnes à lui faire cette même remarque, cette même réflexion, ce même conseil. Prendre confiance en soi. C’était plus facile à dire qu’à faire, c’était certain. Mado se porta même volontaire à endosser le rôle de la goûteuse, au cas où il déciderait d’expérimenter de nouveaux plats. Un petit rictus se dessina légèrement sur les lèvres du suisse. « Je n’hésiterai pas à faire appel à toi, alors. ». Sait-on jamais, peut-être allait-il vouloir essayer de nouvelles choses, sans grande prétention. Car Emilien n’avait rien d’un garçon prétentieux. Emilien lui demanda alors si elle aussi, elle avait un talent. Talent caché ou non, d’ailleurs. C’était une façon comme une autre d’apprendre à la connaitre, car au final, il ne la connaissait pas vraiment. Son domaine de prédilection était donc le sport. Ah ça. Il n’avait bien constaté la dernière fois, dans la salle de sport. Ce n’était pas lui qui irait contredire la jeune femme… il aurait bien trop peur qu’elle le prenne pour un punching-ball. Et à en croire ses dires, elle ne semblait pas seulement pratiquée la boxe, mais bien tout un tas d’autres sports. Tout… tout le contraire d’Emilien, tiens. Il n’aimait pas le sport. Ce n’était pas son truc à lui. Et cela, Mado l’avait bien constaté, et elle ne manqua pas de lui faire remarquer. « En effet… je n’ai jamais été très sportif, mais… mais ça, je crois que ça doit bien se voir à mon physique. ». Il n’avait rien d’un garçon athlétique, musclé… il était juste grand. Trop grand. Grand et mince. Peut-être un peu trop mince, des muscles presque inexistants.

N'était-il pas plus agréable, tout de même, de passer un moment en compagnie d'un Emilien disposé à faire des efforts et moins sur la défensive qu'auparavant ? Assurément, si. Mado, en tout cas, appréciait véritablement qu'il accepte pleinement de se prêter au jeu, lui qui l'avait un tantinet déçu pas plus tard que la semaine dernière mais qui avait visiblement bien compris, à ce jour, qu'il vaudrait qu'il fasse des efforts, que ce serait dans leur intérêt à l'un et à l'autre et qu'il serait définitivement dommage que leur relation ne gagne pas au moins un petit niveau. Il n'était pas question de devenir d'inséparables amis, simplement de se laisser une petite chance, de repartir officiellement sur de nouvelles bases, des bases meilleures, histoire que les choses soient plus plaisantes pour l'un comme pour l'autre. Et aujourd'hui, le dialogue était plus évident, et Mado n'avait plus l'impression de devoir marcher sur un fil avec son camarade. Ils en venaient à plaisanter légèrement, se parlaient plus facilement, et partageaient même une assiette de nourriture, une idée qui venait d'ailleurs du jeune homme, chose qu'il n'aurait probablement jamais proposé avant d'avoir décrété que faire des efforts serait préférable. En tous les cas, ils avaient tous deux goûté à son plat, là encore d'après l'idée du jeune homme, décidément disposé à la surprendre - en bien - aujourd'hui, et n'étaient visiblement atteints d'aucun effet secondaire. Ils n'étouffaient pas, ils n'étaient pas pris de démangeaisons ... Tout semblait pour le moment aller pour le mieux, et ça n'était franchement pas plus mal, ne serait-ce que parce que le plat était très bon et qu'il aurait été franchement dommage d'y laisser sa peau. Parce que oui, c'était succulent, et Emilien ferait bien de ne pas en douter. Cela semblait être l'une des premières fois qu'il cuisinait vraiment, et le résultat valait le détour. Alors tout devait être un problème de confiance, de manque de confiance en fait, vu qu'il semblait pris au dépourvu, comme s'il n'avait jamais pensé pouvoir un jour cuisiner quelque chose d'aussi fameux. Il lui fallait donc croire davantage en lui, en cuisine comme en tout, car elle le connaissait maintenant suffisamment pour savoir qu'il était globalement peu sûr de lui, ce qui pouvait faire son charme évidemment - elle soupçonnait d'ailleurs Ezra d'avoir été charmé par ce coté fragile de la personnalité d'Emilien - mais pouvait le pousser à ignorer son potentiel. Visiblement, le jeune homme était d'accord, et c'était plutôt bien qu'il en prenne conscience. Elle lui sourit alors, de façon plus amusée lorsqu'il évoqua Mickey. Ah, l'anglais et elle seraient-ils sur la même longueur d'ondes ? Allez savoir. « Et bien il avait raison. Mais ça ne m'étonne pas de lui, c'est un homme censé et perspicace. Il a bien fait de te donner ce conseil, car c'est vraiment ce dont tu as besoin, de prendre confiance en toi, de croire en toi tout simplement. » Oui, Mickey n'était pas là que pour péter plus haut que son cul, et elle était suffisamment de bonne foi pour reconnaitre qu'il sortait parfois des phrases justes et allant dans l'intérêt des autres. Car l'intérêt d'Emilien était tout naturellement dans le fait de se faire un peu plus confiance. C'était comme tout, ça s'apprenait, à condition d'y mettre de la bonne volonté. Mais ces temps-ci, il ne semblait pas en manquer justement. Tant mieux. Mado, en tout cas, ne serait pas contre le fait de devenir sa goûteuse officielle, si l'envie lui prenait de cuisiner à nouveau et s'il avait besoin de quelqu'un pour lui donner son avis. Oui, elle en profiterait probablement pour se régaler, et tout le monde serait content. « Qui sait, peut être qu'un jour, je dinerai directement à ta table » souffla-t-elle. Oui, s'il restait avec Ezra, que ça devenait vraiment sérieux, qu'ils habitaient ensemble, elle passerait les voir de temps en temps et, espérons-le, pourrait toujours goûter la cuisine d'Emilien qui, d'ici là, aurait peut être pris confiance en lui. Oui, elle se projetait un peu, mais quel mal pouvait-il y avoir à ça ? Son camarade l'interrogea alors sur ses talents à elle, qui se résumaient probablement en un mot : sport. Car oui, elle estimait avoir un bon niveau, dans plus d'une discipline, et ça n'était pas pour elle une simple passion, c'était quelque chose qu'elle pratiquait assidument depuis de longues années. Le sport, par contre, ne semblait pas être la tasse de thé d'Emilien, ne serait-ce qu'à en juger par l'épisode de la salle de sport. Mais ça n'était pas grave, hein, il n'était pas dit que tous les hommes doivent aimer le sport. Chacun ses goûts. « Oui, tu es un peu menu. Mais ça n'est pas dramatique, tu sais. Il y a des hommes qui n'aiment pas le sport et des femmes qui font carrière dans ce domaine. Voilà, qu'importe, à chacun son truc. » Et tout ça donna d'ailleurs à Mado envie de lui confier une petite anecdote. « Tu sais, mon fils n'a que quatre ans, et quelque chose me dit déjà qu'il ne se passionnera jamais pour le sport, lui non plus. Il préfère mille fois rester sagement assis à colorier plutôt que de jouer à la balle avec son oncle. Je crois que ça ne l'intéresse tout simplement pas, et je n'en ferai pas une maladie. Je ne le forcerai pas à regarder des matchs de football si ça ne lui plait pas comme je ne l’inscrirai jamais dans le moindre club si l'idée ne vient pas de lui. » Tout ça pour dire que des garçons pas branchés sport, il y en aura toujours, et elle était bien placée pour le savoir. Son fils ne serait probablement jamais tellement sportif, et bien tant pis, elle ferai avec. Elle n'aspirait pas à ce qu'il lui ressemble, de toute façon. Non, pas vraiment.