En pénétrant dans la cuisine, Deirdre avait dans l'idée de s'approprier ce qui, substantiellement, composerait son déjeuner. Bien incapable, en règle générale, de manger aux heures convenues, elle faisait acte de présence lors des repas pour se sustenter aux horaires qui lui convenaient le mieux. Inlassable dans sa coutume, elle peina donc à considérer la présence de Poppy, et plus encore son propos. S'abstenant une seconde, l'irlandaise dévisagea la jeune femme comme si celle-ci s'était exprimée dans une langue qui lui était bien étrangère. Tant et si bien que Deirdre peina à distinguer la sympathie de l'antipathie, et la simple remarque de la véritable attaque. Quelle que fût la vérité de cette entrefaite, Poppy repartit à ses occupations, de telle sorte que la belle poupée choisit de ne rien dire, comme à son habitude. Au lieu de cela, elle se mit à songer à la cave tandis qu'elle se cherchait un déjeuner. Au demeurant, Deirdre n'y allait jamais. Non pas parce que le lieu lui déplaisait, mais bien au contraire. Elle craignait de n'aimer que trop ce lieu, de s'y retrouver, et d'y passer un temps ahurissant. Elle aurait pu. Mais elle ne l'avait pas fait. Et c'était peut-être bien ce que Poppy avait voulu insinuer. En attendant, tout cela appartenait au passé et, elle, elle préférait penser au présent. « Aucune pomme. » Naturellement, il dut y avoir une sorte de soupir au bord des lèvres, mais la bouche de la belle demeura close. Elle aurait voulu manger une pomme, voilà tout, et, d'ailleurs, elle s'abstiendrait de manger de ce fait. Au lieu de cela, elle alla s'asseoir sur l'une des chaises à la table, en face de Poppy, qu'elle dévisagea tranquillement. Elle, elle ne s'offusquait guère d'un tel comportement. S'il lui plaisait, alors soit.

Ok, c'était une blague ou quoi ? On m'avait bien prévenue entre 2 ou 3 conversations que Deirdre était étrange mais alors là ! Ca dépassait l'intendement, comment une fille qui n'aimait pas être avec les autres, qui s'emmerdait clairement et ne chercher pas vraiment à leur parler pouvait avoir eu envie de venir s'enfermer dans un lieu avec autant d'autres personnes. Je me sentis agacée, c'était vraiment agaçant à la fin, elle jouait à quoi ? Elle se sentait si supérieure que ça pour deignait se faire comprendre et préférait vraiment jouait aux devinettes et s'exprimait pas mono-syllabes. Je replongeai le regard dans ma tasse de thé et allait me chercher un yaourt dans le frigo. Lorsque je revint dans la cuisine et me réinstalla, Deirdre était encore dans la pièce et se plaignit de l'absences de pommes dans la corbeille. Je ne relevai pas et fit mine de ne rien avoir entendu, je pensais qu'elle partirai après cela puisque nous n'avions apparement aucuns atomes crochus, aucun sujet de conversation, en bref aucune compatibilité de caractère. Mais non, elle s'installa face à moi et commença a m'observer. Oh non, je ne la voyait pas faire, mais un regard qui pesait sur nous se sentait très bien et je relevai brusquement la tête, elle n'eut pas le temps de dévier mon regard et se fut dans un face à face visuel que je commentai avec une profonde curiosité mêlée à de l'ironie. " Ecoute Deirdre, je veux bien croire que tu te qualifie de différente, mais tu as réellement un problème. Peut-être qu'ici tout le monde prend des gants avec toi mais je ne chercherai pas à me faire bien voir par toi ou quiconque d'autre d'ailleurs. Mais sérieusement, qu'est-ce que tu fous ici ? Dans ce chateau ? Cette maison ? "

Haussant faiblement les sourcils, Deirdre se heurta aux élucubrations d'une Poppy... agacée. C'eut été difficile de jauger mais l'incompréhension menant souvent, et aisément, à la frustration, ce n'eut guère été étonnant. De fait, elle ne s'enticha pas spécialement des sentiments de la jeune femme, la laissant simplement déblatérer. D'ailleurs, elle croyait assez naïvement qu'on l'épargnait. Cela, c'était un avis fort étrange, au demeurant. Pour épargner Deirdre, il aurait fallu bien davantage qu'une profonde indifférence. En attendant, Poppy l'interrogeait, comme bon nombre, sur la raison de sa présence ici-bas. Cette question les obsédait, c'était terrible. S'ils continuaient, la jeune irlandaise finirait définitivement par prendre plaisir à leur ignorance. Sincèrement. « Je voulais voir, haussa-t-elle des épaules. » Honnêtement, elle concevait mal pourquoi elle aurait eu une raison différente de chacun d'eux. Pour leur secret. Pour l'argent. Pour le jeu. Ce n'était pas parce que son comportement était bien différent que tout, en elle, différait du commun des mortels. Mais eux, pauvres esprits tourmentés, ne le comprenaient pas. Jamais. « Vous vous posez bien trop de questions qui n'ont aucun besoin de réponse. » Comme pour appuyé sa conviction personnelle (ou plutôt sa certitude), elle hocha doucement la tête sans jamais s'être départie du regard de Poppy. D'ailleurs, et sur le coup, Deirdre parvint à lui trouver une sombre beauté qui jamais n'éclairerait véritablement ses propres yeux. De ses songes saphiques, elle s'extirpa sereinement dans l'ombre d'un sourire. « Tu devrais accepter les choses comme elles sont, comme elles viennent. Moi, peu importe. » A ces mots, elle se releva d'ailleurs.