Six jours. Je crois que ça fait six jours, maintenant, que je suis ici. Je ne saurais pas dire, moi, si les jours ont défilé rapidement ou pas. Ça dépend des moments, je crois. C’est la première fois, que ça fait six jours que je suis séparée de Kat. Je n’ai pas l’habitude, moi. Ça me perturbe, un petit peu, de ne pas la voir quand je le veux. Ca me frustre, je crois. J’aimerais vraiment qu’elle soit là, Kat, avec moi. Mais j’ai beau espérer, parfois même très fort, je sais très bien qu’elle ne passera jamais le pas de ces studios. C’est vraiment bête, parce qu’elle adorerait passer son temps ici, ah, je le sais, moi. C’est ce que je me dis, en tout cas, en visitant, un petit peu, toutes les pièces. Ça fait un petit moment que je suis réveillée, je crois. Je ne sais pas trop, j’ai aucune notion du temps qui passe, moi, je ne sais pas pourquoi, je ne réalise pas, je ne réalise jamais ça. Je n’ai pas osé demander l’heure à Oliver, parce qu’il dormait. Donc bon. Je ne sais pas depuis combien de temps je marche, un peu partout, à la recherche de quelqu’un, voilà. Je ne sais pas qui, moi. Quelqu’un. J’ai bien vu des candidats, tout à l’heure, mais ils discutaient entre eux, je ne sais pas vraiment de quoi. Du coup, j’ai continué à marcher, je n’allais pas les déranger, ah, quand même pas. Et, je suis dans une cantine, maintenant, une grande cantine, avec une cuisine. Mes yeux se posent sur un candidat, il est tout seul, lui aussi. Et puis, sur la quantité de nourriture, et puis, sur lui, à nouveau. « tu comptes vraiment engloutir tout ça ? ouah, c’est beaucoup. » presque admirative. Moi, je ne pourrais pas avaler tout ça. Enfin. Peut-être que je me trompe, ce n’est peut-être pas « beaucoup » ça, comme quantité, je ne sais pas, je me trompe souvent, c’est possible.

Je crois que je le dérange, le garçon, moi, il ne mange pas, enfin, il attend, je ne sais pas trop quoi, mais il me regarde, lui aussi, et j’ai dû dire quelque chose de drôle, vraiment drôle, parce qu’il se met à rire, beaucoup, je ne pensais pas que c’était si drôle, moi, vraiment pas, j’ai dû tout comprendre de travers, je ne sais pas trop. Je souris un peu, quand même, ça me fait sourire, parce qu’il rit. Il n’a pas l’habitude des questions de ce genre. C’est ce qu’il me dit. Je ne pensais pas qu’elle était si bizarre que ça, ma question, moi, en fait, je pensais même qu’elle était pertinente, ça fait vraiment beaucoup, tout ça, comme nourriture, je trouve, mais je dois me tromper. C’est vrai que je n’y ai pas pensé, moi, que c’était peut-être gênant, que je reste debout, là, à le regarder manger. Je ne sais pas quoi faire d’autres. J’irai trouver Oliver, sinon. Il doit bien être quelque part. Et puis, il arrête de manger, d’un coup, comme ça. « Ah, non, non, c’est gentil, mais non, merci. » je m’assois, parce que je n’ai pas vraiment envie de rester debout plus longtemps, moi, ah non. « enfin, ça a l’air bon, c’est vrai, mais j’ai pas faim, vraiment pas faim moi. » et puis, je m’en voudrais de lui priver de son petit-déjeuner, c’est vrai ça. « enfin, je peux partir, si tu veux, c’est pas grave, tu sais, je veux pas te déranger, si tu veux manger tout seul, c’est pas grave du tout. » je crois que je le dérange, enfin, c’est vrai que c’est peut-être bizarre, de se faire examiner, quand on mange, mais j’ai vraiment pas faim, moi, ah non, j’en veux pas.

Je secoue la tête, je n’ai pas faim, c’est vrai, ça, vraiment pas faim. « Allentown » je lui réponds, quand il me demande d’où je viens. Je ne prends pas la peine de préciser où c’est Allentown. Dans ma tête, tout le monde connait Allentown. J’ai du mal à me dire qu’on n’est pas tous du même endroit, ici. C’est bizarre, d’être avec des gens qui viennent d’aussi loin, je trouve, je n’ai pas l’habitude, moi, je ne connais qu’Allentown. Et c’est vrai que ça me manque déjà un peu. Surtout Kat et Jamie. « Et toi ? » j’ai oublié de lui retourner la question. C’est mal poli je crois. Ce n’est pas que je m’en soucie pas, mais, voilà, dans ma tête, il habite près d’Allentown, lui aussi, j’y pense pas, au fait qu’on ne vienne pas tous du même endroit, moi, c’est tout. Il me dit que je ne le dérange pas, ça me rassure un peu, je ne voulais pas le déranger, moi, vraiment pas. « non, non. Je crois qu’il n’y a rien à faire, ici. » enfin. Aucune nécessité d’être quelque part, voilà. C’est ça, que je voulais dire, moi. Je n’ai nulle part où aller. Je le regarde un instant, je réfléchis un peu. « tu t’appelles Cosmas. » je lance. « Ou Rhys. » parce que c’est ça ou Rhys. Je ne sais plus. C’est à partir de son entrée à lui, lors du prime, que j’ai commencé à avoir du mal à entendre les gens parler. Et à connaître leurs prénoms. J’ai commencé à m’emmêler par là. C’est pour ça. C’est l’un ou l’autre, ça, j’en suis sûre. J’attends la confirmation, quand même.