enoch

J'étais là depuis un bon bout de temps maintenant. Je ne saurais d'ailleurs vous dire exactement le nombre de minutes que j'avais pu passer dans cette pièce, à observer ce ciel étoile d'un peu plus près, allongée sur le sol vitré, glacé de cette tour de verre. J'avais amené de quoi survivre. Une guitare, une bouteille de soda, deux poches de m&m's et beaucoup d'espoir. J'avais toujours trouvé fascinante cette partie là de la vie. Celle qui vous raconte que tout n'est pas que galère, et que juste un peu plus haut, on vous épie. Nombre de chansons et textes reliaient les étoiles au syndrome de l'amour, de la rêverie. Peut-être en faisais-je partie après tout. Je n'étais qu'une enfant en attente d'un miracle, d'un geste. Je n'y connaissais rien en constellations, ni même en planètes ou étoiles. Peut-être que des hommes tels que nous nous observaient depuis leur point lumineux. Je me demandais d'ailleurs si la terre était aussi flamboyante que les autres planètes. Tant que questions qui restaient sans réponse. Rabattant ma veste en laine sur mes épaules, mes cheveux dispersés un peu partout sur le sol, je sentais ainsi mes paupières se fermer lentement. Tout était incroyablement calme, et cela me changeait clairement de l'agitation permanente qui régnait dans le nid. Je me sentais tellement bien.

Je ne savais pas bien si la raison de cet assoupissement était la fatigue ou simplement le froid, mais toujours est-il que mes yeux ne tardèrent pas à se fermer. Je ne rêvais pas. Probablement parce qu'il était encore trop tôt ou alors parce que je n'en avais plus le souvenir, ni même la conscience. Toujours est-il que j'étais là, allongée, la tête dans les étoiles. Mes muscles se relâchaient petit à petit sans pour autant atteindre un extrême, et ce du au froid. Si j'avais su, j'aurais probablement apporté une couverture, puisque de base, je ne comptais pas passer la nuit ici. Ce n'était pas vraiment mon genre que de découcher, ni même de m'assoupir n'importe où. Mon train train quotidien était bien trop bateau, bien trop répétitif pour que je ne m'y oblige. Je n'aimais pas les espaces clos, pourtant là, entourée de verre, cela ne me semblait pas être une prison, au contraire, j'avais simplement l'impression de voler. C'était incroyable. Mon expression se voulait douce, calme, reposée, et je crois qu'un léger frisson parcourait mon échine. Oui, j'avais drôlement froid. Sauf que voilà sans que je ne comprenne réellement comment, ni même que je ne cherche à comprendre, je sentis une masse chaude, voilée, recouvrir mon corps. Je n'arrivais clairement plus à discerner la réalité du rêve. Oui, peut-être étais-je entrain de rêver. Peut-être étais-je entrain de le rêver. Mes paupières s'ouvrirent non sans mal, et je découvris le visage d'Enoch, penché légèrement au dessus du mien, abandonnant une couverture sur mon corps. Une couverture clairement trop grande pour moi. Je me demandais un instant ce qu'il faisait ici, si tout ceci était réel, puisque la vision de son visage entouré d'un ciel noir criblé d'étoiles me semblait bien trop étrange et magique pour être réelle. Je pouvais même discerner parfaitement les ombres des lumières, les creux et les pleins de ses pommettes. « T'avais l'air d'avoir froid donc je me suis dit que t'en aurais plus besoin que moi. » un sourire chaleureux mais néanmoins doux s'esquissa ainsi sur mon visage. Je voulais me redresser, mais mon corps m'en disait clairement le contraire. « Tu... Je suis entrain de rêver ? » lâchais-je naïvement alors que mes yeux se séparaient un instant des siens pour s'échouer dans le noir océan qui nous entourait. Ma remarque était stupide. Je pouvais clairement ressentir son souffle chaud venir s'évader contre mon visage, défiant la froideur du socle de verre « C'est vraiment beau. » Finalement mes yeux se reposent dans ceux du jeune homme, qui a maintenant repris sa place à mes côtés. « Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi magnifique. » oui, ce n'était pas ma première nuit à la belle étoile, pourtant je n'avais jamais été aussi près d'elles. C'était stupide, mais elle me paraissaient plus grosse. Je déposais un instant ma tête sur l'épaule du jeune homme levant mon bras pour tendre mon pouce, recouvrant de ce fait la lune, comme si je pouvais réussir à l'absorber, à la rayer de l'atmosphère. Juste comme ça.

Je n'étais pas une grande habituée des soirées de ce genre, préférant bien souvent le confortable de mon matelas à d'autres supports. Oui, je n'étais pas vraiment une grande aventurière. J'avais bien déjà fait une ou deux randonnées avec mes parents, mais cela remontait à bien trop loin pour que je ne puisse prétendre être une vraie petite sportive. Pour tout vous dire, j'étais une femme des villes, celles qui ne travaillent que dans des grands bâtiments, qui se rassurent à l'entente des voitures déboulant à huit heures du matin dans sa rue, qui observe de sa fenêtre les passants par centaine. De ce fait, ce genre d'aventures ne me connaissaient pas vraiment. J'avais bien fait une ou deux nuit à la belle étoile, et avais adoré ça. Mais l'occasion ne se présentait que très rarement, surtout lors de ces derniers mois où je n'avais pas vraiment eu la chance ni le moral de sortir. Mais tout ceci était bien révolu. J'étais maintenant entièrement libre, du moins je me considérais comme tel, si bien que rien n'y personne ne pouvait plus me retenir de faire ce que j'avais envie de faire. J'étais fin prête à reprendre ma vie en mains, à faire que je n'aurais plus à craindre quoi que ce soit, que je n'aurais même plus à me craindre. J'avais la vie devant moi. Je pouvais faire ce qu'il me plaisait. Enoch est à mes côtés, il ne bronche d'ailleurs pas lorsque je me rapproche un peu plus de lui, pour venir cacher de nos deux regards la lune. Il rit, mon sourire s'élargit, un sourire doux, enfantin, simple et agréable. Oui, c'est agréable. Je n'avais que rarement vu de choses aussi magnifiques qu'un ciel noir, teinté de bleu marine, tacheté d'étoiles plus brillantes les unes que les autres. J'étais rarement habituée à prendre le temps de les observer. Or, là, du temps, c'est tout ce que j'avais à offrir. Plus ou moins. « J'ai l'impression d'être chez moi. » murmure-t-il alors que mon sourire s'élargit lorsque mes yeux se reposent un instant sur le visage du jeune homme, déviant par la suite vers l'au-delà. « Tu habites où ? » oui, au final je n'en savais pas tant que ça sur le jeune homme, mais je n'étais pourtant pas sûre que cela me dérangeait. Quelque part, un peu de mystère ne faisait jamais de mal. Du moins pas sur les points de ce genre. Pas dans ce genre de situations. « Ça doit-être vraiment agréable, chez toi, alors. » je ne pouvais clairement pas en dire autant. Je ne pensais pas qu'il se plairait à Nashville. L'industrie de la musique. Une ville tout ce qu'il y a de plus banale, avec des voitures, de la pollution, et une masse un peu trop importante de personnes. Il ne me semblait pas être de ceux qui appréciaient particulièrement d'être entourés de beaucoup de monde, alors que je ne pouvais que rarement me passer de compagnie. J'avais besoin d'exister aux yeux des autres, de savoir que les gens m'estimaient. Les gens auxquels j'attachais un minimum d'importance. Lors de mes différents voyages, j'avais eu la chance de recevoir toute la chaleur et l'amour que mes fans avaient apporté avec eux. C'était incroyable. Je m'étais rarement sentie aussi soutenue. J'aimais rencontrer chacun d'entre eux, répondre aux messages que je recevais, du moins le plus possible, bien entendu, puisqu'il était rarement possible d'avoir le temps nécessaire pour pouvoir me le permettre. « Là, c'est Cassiopée. C'est le "Trône de la Reine". Elle est assise sur une chaise. » dit-il en désignant quelques étoiles, un dessin s'esquissant sous mes yeux illuminés. Je souris à nouveau. « Je la vois ! » lâchais-je presque surprise de cette découverte. Je n'étais pas vraiment douée en constellations, malheureusement. « Tu as l'air de drôlement bien t'y connaitre. » mes pupilles embrasaient redescendaient alors de quelques milliers de kilomètres pour se reposer sur le visage du jeune homme, alors que mes lèvres s'entre-ouvraient de nouveau. « La seule chose que je sais, c'est que partout où j'ai pu aller, le ciel est la seule chose qui ne change pas. Ça a clairement été un de mes seuls points de repère à certains moments. » il devait probablement se dire que ma remarque n'était pas très futile, puisqu'il s'agissait de quelque chose de tout à fait normal. Mais à mes yeux, j'y avais attaché une réelle importance.

Je ne m'étais jamais intéressée aux constellations. Simplement parce que je ne voulais pas m'attacher à une étoile en particulier, ayant peur de ne jamais la retrouver parmi toutes ses voisines. Elle se ressemblaient toutes, pourtant chacune d'entre elles étaient uniques. Comme les humains, nous étions tous les mêmes, pourtant nous avions nos particularités, nos qualités, nos défauts. Je me gratte un instant du poignet la paupière gauche. J'ai l'impression d'être une éternelle gamine. Et le sommeil s'empare de mon être petit à petit. pourtant je tente de lutter, je ne veux pas quitter Enoch. Je veux continuer à vivre ce moment que j'apprécie de plus en plus. Alors, ma main se saisit un instant d'un bout de son pull, le serrant tout doucement, sans pour autant user de toutes mes forces, en faisant un nouveau point de repère, un point d'attache à cette terre, mon point d'attache. « En Ecosse, sur une île des Orcades. » Je l'observe un instant. Je n'y ai jamais mis les pieds. Du moins il ne me semble pas. je ne connaissais que les grandes villes, ce qui était tout à fait stupide puisque la plupart des belles choses n'étaient en général pas casées dans celles ci. Pourtant je n'avais jamais eu l'occasion de visiter autre chose. On m'avait pris tout le temps dont j'aurais pu disposé. Il hoche la tête lorsque je lui dit que son chez lui doit être beau. J'ai l'impression qu'il en devient légèrement pensif, peut-être n'aurais-je pas du évoquer le sujet. Ces dernières années, je n'ai pas vraiment eu de chez moi. Je suppose que ma dernière maison date de lorsque je vivais encore chez mes parents. C'était mon chez moi à moi. Et je n'y habitais plus depuis un moment maintenant. « Petit, quand je n'allais pas bien, je me confiais aux étoiles. Quand ma mère est morte, je pensais qu'elle était devenue une étoile. En grandissant, le ciel est devenu mon unique point de repère dans la vie. » une buée envahit mes yeux, mais je décidais de la ravaler à nouveau à l'aide de ma paume. A travers ma fenêtre, ça avait été la seule chose qui me rattachait encore à la vie. « T'as l'air de beaucoup voyager. Tu fais quoi dans la vie ? » je dépose de nouveau mes yeux dans les siens avant de les rediriger vers les étoiles. « Je suis artiste. Je compose et interprète mes propres créations. Il y a quelques années, j'ai eu la chance de pouvoir me produire sur les plus grandes scènes avec un groupe, mais c'est fini maintenant. » je tourne à nouveau la tête, lui souris et reprend « J'essaie maintenant de relancer ma carrière, seule. » je dépose alors ma tête contre son épaule, ma main resserrant encore un peu plus son étreinte. « J'aurais simplement aimé que la vie soit un peu plus simple. » comme la plupart des humains sur cette terre, très certainement. Mes yeux se ferment, un dernier murmure s'échappe de mes lèvres. « Tu veux bien rester avec moi encore un peu ? » mais je n'entendis jamais sa réponse, Morphée m'enveloppant de ses bras.