Cette eau n'avait plus rien de menaçant. Elle ne l'effrayait plus. Il s'y sentait bien. Délicieusement bien. Jamais Raphaël n'aurait pensé pouvoir se baigner dans un bassin comme celui-ci sans paniquer, sans se cramponner au bord, sans fondre en larmes au bout de cinq minutes. A cet instant précis, c'est plein de quiétude qu'il laissait son corps jouer avec l'eau, la caresser, l'étreindre, n'hésitant pas à disparaitre quelques instants sous celle-ci, à réapparaitre plus détendu que jamais, comme s'il avait toujours su nager, comme si tout cela avait toujours fait partie de lui. Il était loin le temps où il paniquait à la simple idée de prendre une douche, où le contact de la moindre goute d'eau pouvait le pousser à psychoter. A ce jour, il nageait dans cette eau claire comme il respirait, le plus aisément du monde. Il avait appris à nager comme il avait appris à vivre, finalement. Son corps s'était habitué à cette eau comme son être s'était habitué à ce monde, à ses semblables. C'était un tout, un ensemble de progrès. Et ce progrès-ci lui tenait particulièrement à cœur. Il voulait le partager avec quelqu'un, avec une personne qui comptait infiniment à ses yeux, avec celui qu'il aimait profondément. Alors il avait invité Lulu à le rejoindre en ces lieux, pour la seconde fois de leur aventure, comme pour boucler la boucle, pour conclure ce qu'ils avaient commencé ici même. Quelques semaines plus tôt, il avait demandé au tatoué de lui apprendre à nager. Aujourd'hui, il estimait savoir nager. C'était grâce à Lulu, mais également à Elliot, qui avait gentiment accepté de prendre le relai de cet enseignement qui, lorsqu'il avait été initié par Lulu, avait tout de même connu une tournure un peu plus charnelle, moins éducatrice. Qu'importe, l'essentiel était que Raphaël ait de quoi l'épater. Parce que c'était ce qu'il voulait : l'épater. Lui qui avait dit à Elliot vouloir rendre Lulu fier de lui avait été sincère. S'il voyait une once de fierté dans le regard de celui qu'il aimait, il serait définitivement le plus heureux au monde. Alors il attendit l'entrée de son camarade, appréhendant quelques peu cette démonstration, car craignant de perdre ses moyens devant celui qui le faisait rougir en un regard, en un sourire, en une caresse. Son cœur battait la chamade, son esprit s'embrouillait. Lulu n'était plus très loin désormais. Et tandis qu'il souffla sous le coup de l'appréhension, voilà que son camarade apparut. Un sourire radieux, enchanté, gagna alors les lèvres du suisse. S'étant rapproché du bord, se tenant maintenant d'une main à celui-ci, il leva la tête vers le tatoué, qu'il dévisagea avec grande affection. « J'ai quelque chose à te montrer » articula-t-il alors, souriant, équivoque, avant de lâcher brusquement le bord. Ses bras s'agitèrent avec finesse, ses jambes battirent l'eau avec aisance. Il savait nager. En un regard, il témoigna une grande reconnaissance à Lulu qui, à défaut de lui avoir véritablement appris à nager, lui avait offert la volonté nécessaire pour y parvenir. Doucement, Raphaël disparut sous l'eau, non pas parce qu'il voulait apporter une dimension dramatique à la présente scène - des drames, il en avait bien trop connu - mais parce qu'il aspirait à montrer toute l'étendue de ses progrès à Lulu. Alors il réapparut, un peu essoufflé, mais comblé d'aventure. Ramenant ses cheveux en arrière, il lâcha un petit rire mais ne se rapprocha pas du bord pour autant. «J'espère que je n'ai pas besoin de feindre une noyade pour que tu me rejoignes. » Ce serait un comble, tout de même, maintenant qu'il savait nager. « Et puis, j'aimerais qu'on parle, toi et moi ... » reprit-il, presque suppliant, parce que cela lui tenait à cœur. Il repensait surtout au prime et au malentendu qu'avait du instaurer la citation des propos d'Elliot. Il ne voulait pas que Lulu doute de lui. Il n'abuserait jamais de sa confiance. Jamais.