Il faut que je sois au supermarché. Enfin, il me semble, c’est Hadatt qui m’a tiré jusque-là, donc je pense que je dois y être, voilà. S’il le veut, même si je ne sais pas vraiment pourquoi, ni même pourquoi moi. Je ne sais pas si je peux poser des questions, j’ai déjà agacé des gens, avec mes questions, je ne veux pas fâcher Hadatt. C’est pour ça, je reste silencieuse. Je le regarde, je regarde le supermarché. « t’as plus ton bonnet ? » je demande. Mince. Je ne voulais pas poser de questions. Elle m’a échappée. Il ne rentre pas tout de suite à l’intérieur, peut-être que ce n’est pas le bon moment, je ne sais pas, alors, j’attends, moi aussi, à l’extérieur. Et il sort un morceau de papier. Je ne sais pas trop ce qu’il veut, ou même doit faire avec ça. Ou ce que je dois faire, moi. Il faudrait qu’il me le dise, je préfère savoir ce qu’il attend de moi, c’est plus simple. Il commence à parler. Il me demande si j’ai des fantasmes. Je veux pas répondre à cette question, c’est trop vague, et puis, d’abord, des fantasmes, ça peut être trop de choses, c’est trop compliqué, et j’y ai déjà répondu lors du casting, je ne sais pas pourquoi il me demande ça, moi. Pas de sous-entendues perverses. D’accord. C’est mieux, je crois. C’est une liste, il me dit, de ce qu’il voudrait faire avant de mourir. Il me montre une ligne particulière, je penche un peu la tête pour bien lire ça, mais ça ne me dit rien, moi, enfin. Peut-être qu’il a deviné à ma tête, que ça ne me disait rien. « je connais pas ça moi, c’est quoi ? » non, c’est vrai, je connais pas. Je veux pas le fâcher pour ça, mais je n’allais pas mentir, surtout là, s’il veut que je l’aide, je peux pas mentir pour ça. « mais je veux bien t’aider, mais je connais pas, c’est tout, enfin, peut-être qu’il y a autre chose ? » je sais pas. Sauf s’il m’explique ce que c’est. Ou de qui il s’agit, je crois. Je veux bien l’aider, juré, mais sans connaître, je veux pas le décevoir, c’est ça, le souci.

Mince, j’ai foiré, je crois, j’ai pas répondu ce qu’il fallait, parce qu’il n’a pas l’air content, Hadatt, j’ai mal répondu, c’est ça, j’en suis sûre. J’aurais dû réfléchir, réfléchir un peu plus, peut-être qu’au fond, je connais, je ne sais pas. J’hoche la tête, quand il demande confirmation. Talahasee, moi, ça ne me dit rien, j’essaye de réfléchir, de me souvenir, mais non, rien à faire, ça veut pas. Il se met à parler vite, très vite, je me demande si les gens ont eux aussi du mal à me suivre, quand je me mets à parler très vite, moi aussi. J’essaye d’écouter, bien comme il le faut. C’est vrai que je suis vite perdue. Zombieland, il me parle. C’est un film. C’est pour ça que je ne connais pas. Je ne connais pas les films moi. Je n’en ai pas vu beaucoup. Deux, je crois. Mais pas en entier, je n’ai pas réussi. Je n’aime pas ça, en plus. Il parle d’un gâteau de mousse, à la fin. Je me demande s’il veut qu’on trouve un gâteau de mousse. C’est vrai qu’il y en a peut-être, dans le supermarché. Je marche un peu vers le magasin, avec Hadatt, puisque j’ai la certitude que c’est là qu’il faut aller, maintenant. Je l’écoute encore, et je m’arrête, comme ça. Il veut qu’on démolisse tout. Qu’on pète un câble, comme il dit. « non, non, non. » je secoue la tête. « il faut pas. » je lâche. Je le regarde. Je ne comprends pas beaucoup. C’est un adulte, c’est pour ça que je ne comprends pas, il devrait savoir, lui. Il devrait tout savoir, comme il le faut. « c’est pas bien de… péter un câble. » c’est vrai ça. Quand ça m’arrivait, et que je cassais des objets, comme il veut faire, c’est là que ma mère se fâchait beaucoup, et qu’elle devenait même un peu triste, à cause de mon comportement. « et puis, je ne sais pas si on a le droit de faire ça. » c’est vrai ça. D’habitude, on n’a pas le droit de tout casser.

Je crois que je préférais parler de son bonnet, à Hadatt, moi, c’était mieux, j’étais plus à l’aise, là, je commence à tripoter un peu trop les élastiques de mon poignet, parce que j’aimerais bien connaître ce dont il me parle, pour ne pas trop le décevoir, mais non, et j’aimerais bien faire ce qu’il veut, mais je ne sais pas, ce n’est pas bien, d’habitude, de faire ça. Mais lui, il trouve ça excitant, de faire des choses qu’on ne devrait pas faire. Il ne devrait pas, vraiment pas, en plus, c’est un adulte, un vrai, alors ça me déboussole un peu, moi, il est supposé faire ce qu’il faut, normalement. « je ne suis pas une crevette. » c’est tout ce que je trouve à répondre, moi. Je le sais bien que je suis maigrichonne, sans forme, pas jolie, du corps, vraiment pas. Je ne veux pas qu’il me compare à une crevette, c’est pas vrai, quand même. « et tu mens, ça fait pas du bien, c’est pas vrai ça. » pas moi, ça marche pas comme ça, je regrette, après, parce que je sais que je n’aurais pas dû, et ça fait pas du bien, le remord, pas du tout, c’est pire que tout, quand je m’en veux pour avoir mal agit, j’aime pas ça, pas du tout. Et je le regarde s’avancer vers une étagère, et faire tomber un pot, exprès, vraiment exprès. Je baisse la tête pour regarder les perles rouler, et puis, je le regarde à nouveau. Il ne faut pas réfléchir. Je réfléchis trop, c’est possible. « Mais on peut pas. Et puis, il faudrait tout ranger, après. Et cupidon n’aimerait pas, je suis sûre, il ne voudrait pas qu’on casse tout comme ça. » déjà que cupidon ne m’aime pas beaucoup, et que je ne lui obéis pas beaucoup, quand il faut embrasser des gens, je veux pas avoir des problèmes, moi, et s’il décidait de nous nominer pour ça ? je veux pas sortir pour une bêtise, Kat m’en voudrait, je suis sûre. « tu vas pas bien ? » je demande, pour savoir. Quand je casse des choses, c’est quand ça va pas, comme la dernière fois dans les dortoirs avec Sidvard, quand j’ai tout renversé les affaires de tout le monde, ça allait pas du tout.