► Le 20 février, 20h32, en compagnie de Lhoas.
Síomha avait faim. L'expression pour cela serait même: elle crevait gentiment la dalle. Oui, rien que ça. Il faut dire que sauter un repas – ou deux, certes – n'était pas la chose la plus intelligente du monde à faire. Sauf que: qu'est-ce que ça peut vous foutre? Son alimentation ne regardait qu'elle, jusqu'à preuve du contraire, si bien que sauter un repas ou même deux ne la dérangeait jamais. C'était la façon dont elle vivait sa vie: manger quand elle avait faim, manger ce qu'elle pouvait trouver. Et pensez bien que ce n'était pas prêt de changer, qu'elle soit ici, ailleurs, nulle part. Ainsi donc, commençant à sentir une affreuse sensation de faim dans son estomac, celui-ci commençant d'ailleurs à se plaindre par des bruits peu plaisants, elle laissa ses longues jambes la conduire jusqu'à la cuisine, lieu particulièrement prisé en ces heures approchant le dîner. En temps normal, elle aurait évité de se mettre dans une telle situation: beaucoup de gens, beaucoup de bruits donc beaucoup de soupirs de la part de la belle. Mais, puisqu'il y avait un mais, forcément, le moment de dîner était un bon moment pour squatter un endroit bruyant et bondé: personne ne fait réellement attention à ses affaires et c'est ainsi bien facile de piquer une assiette. Ce qui a de nombreux avantages notables: pas besoin de se faire chier à cuisiner; si c'est un bon cuisinier, ça donne de quoi manger bien pour trois fois rien; pas besoin de faire la conversation pour demander à quelqu'un un peu de bouffe, etc. En soit, c'était une très bonne technique qu'elle employait souvent. Et cette fois-ci, sa proie fût une assiette encore fumante qui trônait fièrement sur le plan de travail. Passant nonchalamment à côté de celui-ci, elle n'eut qu'à tendre légèrement la main pour attraper le plat, continuant sa marche. Síomha s'empara aussi d'une fourchette au passage, avant d'aller s'adosser au mur du fond. Elle n'avait plus qu'à déguster et profiter du repas offert gratuitement par la maison, ce qu'elle fit. C'était tellement simple que ça en serait presque décevant.

N'ayant rien ingurgité depuis la veille, Lhoas avait faim. Une faim de loup, terriblement prononcée. Et comme la plupart des candidats dans cette maison, Lhoas était un très piètre cuisinier. À croire qu'ils avaient été castés pour qu'aucun d'eux ne sache réellement cuisiner. Lhoas pensa alors à recommander à la production de leur fournir des cuisiniers, mais il eut peur de se faire taper sur les doigts. Il y repenserait une fois sorti de l'émission, peut-être pour les prochains habitants du manoir, la saison prochaine. Il descendit alors vers la cuisine, de sa manière nonchalante habituelle, Lhoas était un grand fade c'était bien connu et alla furter pour voir si quelqu'un n'était pas d'humeur à faire à manger. Pour une fois, tout le monde s'afférait dans la cuisine pour se faire à manger : chose rare dans ce manoir. Dans un coin, il vit alors la jolie blonde Siomha manger dans son coin, elle semblait l'une des seules à avoir une assiette remplie, la seule à manger aussi. N'ayant jamais fait connaissance, et même si ce n'était pas le meilleur moyen de le faire à l'instant présent, Lhoas se munit d'une fourchette qu'il chopa au passage et piqua une bouchée dans l'assiette de la demoiselle, qu'il enfourna directement en bouche, tout en adressant un clin d'oeil à la blonde. "Désolé, faut bien que quelqu'un m'entretienne et aujourd'hui c'est tombé sur toi!" plaisanta-t-il en repiquant une deuxième bouchée.

Putain. Soit les candidats étaient cons. Soit ils n'avaient rien compris. Il était probable que ce soit les deux. Ils étaient cons, ça, c'était clair comme de l'eau de roche. Plus débile, même, tu meurs. Ils semblaient tous croire, les uns comme les autres, que leur présence dans cette émission les rendait tout de suite plus intéressant. C'était loin d'être le cas, ils étaient toujours les mêmes bouseux avec leur vie de merde, mais pour des crétins, ce n'était pas facile de le comprendre. Et visiblement, ils ne comprenaient à la vie. Ou du moins, à Síomha. Combien de fois devrait-elle montrer qu'elle était loin d'être partageuse, comme nana? Que le mot « générosité » et le mot « partage » ne faisaient pas partis de son vocabulaire? Que la seule chose qu'elle connaissait, c'était l'égoïsme pur et simple? Sans doute devrait-elle le montrer une fois encore. Elle qui était tranquillement adossée au mur, dégustant le plat qu'elle avait piqué à un débile qui ne s'en était même pas aperçu, elle devait inévitablement se faire emmerder. Par Lhoas. Même son joli petit cul n'allait pas le sauver d'une réplique digne de Síomha. Eh non. Puisque bien foutu ou pas bien foutu, le résultat était le même: elle ne partageait pas sa bouffe. « Désolée, je ne partage pas. » lança-t-elle après lui avoir lancé un regard meurtrier. Allez, mon mignon, fait demi tour et va demander à quelqu'un d'autre de t'entretenir. Ce n'était pas le genre de la belle, de faire une chose pareille.

"Désolée, je ne partage pas" répondit-elle tout en attribuant à Lhoas un regard assassin. Alors comme ça Madame voulait sa petite assiette pénard à elle toute seule? Ah, comme si elle y croyait, elle était mal tombée avec Lhoas, lui qui avait été le pire des cancres durant son enfance. Combien de fois n'avait-il pas été en retenue après les cours pour avoir été le petit fauteur de trouble au lycée? Alors là non, elle allait savoir à qui elle avait faire. "Très bien, si c'est comme ça je m'en vais, la rabat-joie" lui adressa-t-il en feignant son départ vers un autre côté de la cuisine. Mais brusquement, il se retourna piqua un sprint, s'empara de l'assiette de la belle au passage et coura hors de la cuisine, la malice pouvant se lire dans son regard.

On devait se foutre d'elle. C'était une grosse blague, voilà. Impossible que ça soit autrement. La chose qui aurait dû se produire, et qui se produisit, c'était bien que Lhoas fasse demi-tour, rebrousse chemin, se tire de là en vitesse et ne revienne jamais. Oui, voilà. Juste ça. Tout simplement. Qu'il dégage et la laisse bouffer en paix. Oui, la "rabat-joie" avait envie d'être tranquille. Ne lui accordant pas plus d'importance, elle le laissa tourner les talons et avala une autre bouchée de son plat. C'était sans compter sur Lhoas qui revint en courant pour s'emparer de son assiette. Putain, il devait être con, lui aussi. Soupir. Pointe d'exaspération. Connard. Il repartait dans l'autre sens, fier de son coup. Putain, il avait quoi? Six ans et demi? Il croyait vraiment que Síomha allait lui courir après? « Tu es tellement drôle que j'ai oublié de rire. » ironisa-t-elle en se déplaçant calmement de quelques pas dans sa direction. « Allez, rend-moi ça. » ordonna-t-elle aussitôt. C'était quoi cette blague? Vous piqueriez la carcasse d'un lion en train de la dévorer, vous? Eh bien, visiblement, Lhoas n'était pas aussi intelligent et vif d'esprit. Elle avait faim et n'était pas d'humeur à jouer. D'autant plus qu'elle était armée de sa fourchette. Simple détail. Soupir.

La belle blonde le suivit alors, visiblement agacée, sans trop se presser néanmoins. Cela devait être le genre de fille à ne pas savoir rire et se rendre ridicule. Elle ne devait pas se lâcher très souvent, si ce n'est dans les parties de jambes en l'air. Pourtant le ridicule et l'amusement ne tuent pas, jusqu'à ce jour. "u es tellement drôle que j'ai oublié de rire" marmonna-t-elle ironique. "Et tes feintes sont à chier" ajouta Lhoas, toujours en train de se bidonner. Bah quoi, fallait bien rire de temps en temps et le seul moyen qu'il avait trouvé était de faire chier quelqu'un ce soir-là, pas de bol jolie blonde. "Allez, rends-moi ça" ordonna-t-elle alors sans vraiment avoir une quelconque autorité sur Lhoas, qui était d'ailleurs de deux ans son ainé. "T'es vraiment ennuyante comme fille, pète un coup ça ira mieux" dit alors Lhoas en enfilant la dernière bouchée de l'assiette de la femme fatale pimbêche, ne veillant guère pour une fois à son langage. Oups.

Il atteignait un niveau relativement bas dans le pathétique, là, quand même. Tellement qu'elle en serait presque désolée pour lui.. Non, quand même pas. A l'instar de sa sympathie, Síomha n'accorde pas sa pitié facilement. Jamais, à vrai dire. Eh non, elle n'avait jamais pitié des autres. Elle était comme cela, c'est tout. Si bien que Lhoas échappa de justesse à la pitié de Síomha. Brave garçon. Toujours est-il que s'il était affamé et pas capable de se faire à bouffer, il n'avait qu'à aller crever au lieu de piquer l'assiette des autres. Non, ça n'avait rien à voir avec la belle qui pique l'assiette à un autre débile. Parce qu'elle savait cuisiner, c'était tout simplement qu'elle n'avait pas la moindre envie d'endosser le rôle de la nana aux fourneaux. Tout simplement. Il termina rapidement son assiette. Bah voyons. Il aurait au moins pu lui en laisser. Connard. Tant pis, un repas en moins n'allait pas la tuer. Elle attendrait le lendemain matin avant de manger quelque chose de consistant. Il déclara alors qu'elle était ennuyante. Blague. Il s'était regardé, le clown? Il se croyait plus amusant, peut-être? Tss. « Oh, crois-moi, je suis loin d'être ennuyante. » C'était autant pour le contredire que c'était la vérité pure et simple. Elle savait s'amuser. Ce n'était visiblement pas de la même façon que les candidats au Q.I. de mouettes, mais elle savait s'amuser. Qu'on la croit ou non.

"Oh, crois-moi, je suis loin d'être ennuyante" contra-t-elle. Mhh, c'est fou comme ça se voyait. On aurait dit une ancienne. Une mémé de nonante ans, le genre à rester chez elle toute la journée et à ne vouloir voir personne. Le genre de femme à vouloir délibérement s'ennuyer. Elle râlait, marmonnait dans sa barbe dans son coin, mais visiblement elle n'avait pas été dans l'optique de récupérer son assiette, cette pimbêche restait indifférente à l'idée de ne pas manger. C'est bien ce que Lhoas disait, ennuyante elle était. Il revint alors près de la demoiselle qui était toujours dans le coin de la cuisine, seulement après avoir déposé l'assiette et les couverts sales dans l'évier. "Prouve-le moi alors" la défia-t-il. Là, elle pouvait clairement montrer qu'elle n'était pas si ennuyante. Si elle refusait et faisait sa grosse dondon qui n'en avait pas envie, elle serait véritablement classée comme mortellement ennuyante et sans humour.

Les gens avaient une image sacrément erronée de sa personne. Affolant. Mais vraiment. Ce qui prouvait bien qu'ils étaient tous des idiots finis. Ce n'était pas parce qu'elle était blasée qu'elle ne savait pas s'amuser. Loin de là, d'ailleurs. Tout comme ce n'était pas parce qu'elle était froide qu'elle était nécessairement méchante. Ça devait être des stéréotypes, tout ça. Tout comme, selon les stéréotypes, elle n'est qu'une nana blonde bien foutue superficielle. Pourtant, elle était loin de l'être. Les gens la connaissaient tellement mal qu'ils la jugeait selon des clichés idiots. C'était définitivement le signe que personne ne méritait de la connaître. Et si jamais ils venaient à savoir la moindre chose sur elle, elle n'osait imaginer la façon dont elle serait jugée. Qu'importe. Il était réellement en train de la défier? Trop facile. Tellement facile. Vraiment trop simple. Sans honte, ni gêne, elle s'approcha de lui avec un petit regard de prédatrice et alla capturer ses lèvres en un baiser qui ne laissait guère de suspense sur la façon dont elle souhaitait lui prouver – et qu'on soit clair: elle n'avait rien à lui prouver, mais si elle pouvait lui fermer son claquet tout en baisant, elle ne disait pas non – qu'elle n'était pas du genre chiante qui ne sait pas s'amuser, lui mordillant doucement la lèvre inférieure avant de finalement se détacher de lui de quelques centimètres. « Je suis loin d'être ennuyante au pieu. » susurra-t-elle alors. Oh, ne faites pas vos étonnés, vous savez bien qu'elle était une véritable trainée.

Blondie sortit alors le grand jeu. Regard aguicheur et c'était parti. Elle s'approcha de Lhoas pour gagner ses lèvres. Elle l'embrassa, délicatement mais avec envie pour finalement lui mordiller la lèvre puis se décoller de son visage quelque peu. "Je suis loin d'être ennuyante au pieu" ajouta-t-elle à son geste. Lhoas était un homme. Inutile donc de dire qu'un homme aime toujours ce genre de choses. Il avait donc pris plaisir à recevoir ce baiser, surtout sans ne rien avoir demandé. Il l'avait juste défiée. Elle aurait très bien pu lui montrer qu'elle savait déconner en l'aspergeant de crème fraîche par exemple. Mais non, la blonde avait choisi quelque part la facilité. Sa facilité à elle. La sensualité, la sexualité même. Car Lhoas savait que s'il le voulait, il était presque sûre qu'il pourra la trainer dans son lit au moment présent, connaissant sa réputation de fille facile au sein du nid. Mais il trouvait ça trop facile et pas le moins du monde excitant. Il recula alors du corps de la jeune femme qui s'était rapprochée de lui pour le couvrir de son baiser, la regarda alors pour lui dire : "Vraiment pas suffisant." Et la laissant sur sa faim, la laissant rager, la laissant perdre à son petit jeu, il sortit de la pièce, le sourire aux lèvres. Lui contrairement à elle à ce moment précis, n'avait pas été une proie facile. Et puis il savait bien se passer de sexe pour cette fois, une proie facile ne l'intéressait même pas. Lhoas préférait les challenges.

fin.