landslide, 13.06 - 02:14

enoch

Il faisait drôlement chaud cette nuit là, et je ne me sentais pas de rester une minute de plus dans cette chambre où la chaleur semblait m'étouffer seconde après seconde. C'était trop dur. Alors, pour tenter d'évacuer le stress et toute cette pression, j'avais choisi de me lever. Ce n'était pour ainsi dire pas la première fois que je quittais mon lit au beau milieu de la nuit. Peut-être étais-je un peu trop sensible à la chaleur, ou peut-être avais-je juste besoin de me dégourdir les jambes. Toujours est-il que j'avais choisi de quitter le navire pour marcher le long de la plage, les pieds trainant dans l'eau. Elle était immense, cette plage, si bien que je me demandais combien de mètres elle pouvait bien faire. Alors je comptais. Un mètre, deux mètres, trois mètres, quatre mètres. L'eau chevauchait mes orteils, se mêlant par la suite au sable que je surplombais. Cette vue était imprenable. D'ici on pouvait observer le trait d'horizon s'esquisser tout en je joignant aux milles et une étoiles. Je m'arrêtais un instant pour observer la vue. Je n'étais vêtue que d'une veste à capuche, rabattue au dessus de ma tête, et d'un mini short gris assez large, flottant quelque peu sur mes frêles jambes. Ça faisait drôlement du bien que de se sentir libre. De se sentir revivre ne serait ce qu'un petit peu. Une petit vague vint alors me retirer de mes pensées, et un petit cri enfantin s'échappa sous l'effet de surprise, de mes lèvres. Si bien que je me mis à rire quelques secondes plus tard.

Avalon s'est endormie. Le livre posé sur mon torse, je recouvre le corps de ma partenaire d'une fine couverture. Je suis pris d'une insomnie languissante. Mes pensées s'enchevêtrent, se dispersent. Je suis ailleurs. La chaleur est étouffante. Je ne parviens pas à fermer les yeux. Je fais quelques étirements, histoire de tuer le temps qui passe trop lentement. C'est la nuit, aux alentours de deux heures du matin. J'ignore depuis combien de temps je suis dans cet état de léthargie. Las, mon regard azuré lorgne sur le réveil. Je n'en peux plus. Je sors du lit, remet vite fait mon pull et enfile mes mocassins. Perdu dans les recoins de mon esprit, j'erre sans but, sans destination. Je me laisse porter par le paysage nocturne, les étoiles comme points de repère. Je dévore des yeux les constellations qui s'étendent à perte de vue. L'air pur pénètre mes poumons. Je fourre les mains dans mes poches et fredonne une mélodie prenante. Sans m'en rendre compte, je me retrouve près de la fausse plage. Je retire mes chaussures et foule le sable fin de mes pas. Une silhouette s'esquisse dans la pénombre. Les pieds dans l'eau, c'est une Brune riante que je rencontre sur le chemin. Je souris en m'approchant d'elle. Elle est de dos, je me glisse derrière elle, posant mon menton sur sa tête. Vue sa petite taille, c'est aisé. Je ris doucement pour ne pas l'effrayer. - Qu'est-ce tu fais ici à cette heure-ci, jeune fille ? Mes prunelles se perdent dans la contemplation de l'étendue d'eau qui se dresse devant eux, écoutant les ondulations des vagues.

Cette vague m'avait quelque peu surprise, et à l'entente de mon cri, je ne pu contenir un léger rire. J'étais quiche parfois. Mais ça faisait drôlement du bien de rire, de se laisser aller un peu. Le bas de mon short était ainsi légèrement mouillé, le devant de ma cuisse droite également, mais ce n'était pas bien grave, au moins, l'eau n'était ni trop froide, ni trop chaude, ce qui eut plus le don de me faire du bien qu'autre chose. Et puis je sentis un pression sur le haut de mon crâne. Mon sang se figea le temps d'un instant, me demandant bien ce qu'il pouvait se passer avant qu'une voix plus que familière ne me tire de mes pensées. « Qu'est-ce tu fais ici à cette heure-ci, jeune fille ? » je restais encore quelques secondes dans cette position avant de me retirer de son emprise, reculant de quelques pas, marchant en arrière pour observer son visage, alors qu'un léger sourire s'esquissait sur mes lèvres. « Je profite de la fraicheur d'une nuit. » inutile de préciser que je n'avais pas réussi à m'endormir, il s'avait que j'avais parfois des problèmes de ce côté là et la dernière chose que je souhaitais était qu'il s'inquiète. Cependant, pas de couchette préparée comme notre dernière rencontre dans la tour de verre, non, j'étais là en parfaite touriste. « Et toi ? Tu ne vas pas me dire que tu fais de l'endurance à cette heure ci. » mon regard dévala le corps du jeune homme pour s'arrêter sur ses chaussures qu'il tenait dans sa main. « Et en mocassin. » cette pensée me fit sourire un peu plus. « Au fait ! Bravo pour ton sauvetage, je suis contente que tu sois restée, vraiment beaucoup ! » à vrai dire, que je crois que j'aurais été drôlement triste si il était parti aussi tôt.

Je suis sorti prendre l'air, ne pouvant fermer l'oeil sans que cette insomnie viscérale m'empêche de dormir. J'opte une promenade au clair de lune pour changer. Je préfère le jour à la nuit. Il y a quelque chose de réconfortant dans cette obscurité. Je ne saurai dire quoi. Mais c'est agréable. Puis, cette légère brise qui effleure mon visage et ces nuits qui brillent au loin. Une certaine mélancolie teinte l'air du soir alors que je marche, pieds nus sur le sable. Je rencontre Brune en chemin. J'arrive par derrière, posant mon menton sur sa tête en guise de support. Je lui demande ce qu'elle fait ici, à cette heure-ci. Elle est juste venue s'aérer l'esprit. Elle me retourne la question. Elle se place face à moi. Je vois son visage souriant. Je souris à mon tour. C'est déjà arrivé que je fasse de l'endurance tard le soir. Mais ça fait un bail que je ne l'ai pas fait. A l'époque, j'étais dans une sorte de période de transition après une rude traversée du désert. Un pan de ma vie que je préfère. De toute facon, je ne suis pas en tenue pour ça. Elle l'a bien remarqué en indiquant les mocassins que je tiens dans ma main. Elle me félicite d'être encore ici, avec eux. J'ai été sauvé. Je suis heureux de rester encore parmi eux. - Encore heureux que tu sois contente, sinon je me serai vraiment vexé., dis-je en plaisant. J'ébouriffe ses cheveux avec tendresse. - Tu m'aurais manqué comme même. Oui, sacrément manqué. Je me suis fait à sa présence. On s'est rapproché quelques jours. En parlant de rapprochement, le courant passe entre Casey et elle. - On dirait que c'est du sérieux entre Casey et toi. Il n'y a aucun sous-entendu là-dedans. Je suis curieux, c'est tout. Ils ont l'air hyper proches. Peut-être que ca ne me regarde pas aussi.

Je sens l'eau chevauchait par vague mes pieds dénudés. Et une bouffée de chaleur m'envahit lorsque celles ci se retirent, aspirés par la marée. C'est drôlement bien fait. Je ne savais pas vraiment comment ils avaient réussi à mimer tout ce système, je n'avais jamais été doué pour tout ce qui était des termes techniques, du moins, pas dans ce genre ci. « Encore heureux que tu sois contente, sinon je me serai vraiment vexé. » je lui souris un instant alors qu'il ébouriffe mes cheveux. Ma capuche tombe et s'écrase contre mon dos. Je sens l'air frais glisser contre mon visage alors que je chasse une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille droite. « Tu m'aurais manqué comme même. » mon sourire s'étire un peu plus, mon regard s'échappe un instant, s'évacuant sur le sable avant de remonter jusqu'au sien. « Toi aussi tu m'aurais manqué. » et je le pensais. Il était clair que depuis le début de mon aventure, Enoch était un de mes piliers dans ce nid, un de mes repères. Il était peut-être la personne en qui j'avais le plus confiance. Je n'en savais trop rien à vrai dire. Peut-être était-ce la fatigue qui venait embrouiller mon esprit. Je me remettais donc à marcher, chaque pas entrainant une nouvelle pensée alors que le jeune homme me suivait, ne tardant pas à reprendre la parole. « On dirait que c'est du sérieux entre Casey et toi. » mon regard remonte une demi seconde à celui du jeune homme avant de redescendre jusqu'à mes pieds, faisant consciencieusement attention de ne pas m'entraver dans quelque chose qui pourrait trainer. « Je crois oui. » que je murmure. Ma voix est roque, certainement du à la fraicheur, ou au fait que j'ai besoin de boire. « Je ne sais pas à vrai dire. » en fait, tout ceci était bien trop flou, j'avais l'impression de ne plus rien comprendre. « Je... Je ne sais pas où j'en suis. Je sais que je donne cette impression d'être tout le temps sûre de moi mais... » je marque un temps d'arrêt, me figeant un instant sur place, mes mains se rentrant progressivement dans la poche avant de mon sweat, comme en position de repli. « Mais tout va trop vite, je... je ne suis plus habituée. » je secoue la tête avant de reporter mon attention sur le trait d'horizon. « Désolé de t'embêter avec ça... »

En Écosse, je venais me réfugier près de la mer pour avoir les idées claires. La mer, j'ai connu ça toute ma vie. C'est un élément qui m'est plus que familier. J'ai grandi là dedans que j'étais petit. Mon père m'emmenait pêcher, c'était avant le drame. La mer est un élément que je connais bien. Mes pieds foulent le sable à mesure que je suis Brune dans ses déambulations. Elle n'a pas l'air d'avoir le moral. Quelque chose semble la tracasser. Elle me félicite d'être encore là. Je ne m'y attendais pas en fait. Je suis encore surpris d'être là, mais heureux de pouvoir rester parmi eux. Elle m'aurait manquée, ça c'est certain. Et c'est réciproque. Ce qui me fait d'autant plus plaisir. J'ai cru comprendre que Casey et elle se sont rapprochés. Je suis content pour eux. Ils ont été nommé le couple le plus mignon et c'est mérité. Mais il y a comme une ombre au tableau. Je lui fais remarquer que c'est du sérieux entre eux. Elle me réponds en murmurant : - Je crois oui. Je souris, mais je sens quelque chose la tracasse. Je ne saurai dire quoi. Je l'entends dire : - Je ne sais pas à vrai dire. Curieux. Je arque un sourcil interrogateur. Est-elle en train de douter ? Casey n'a pas l'air de poser problèmes. Enfin, pas à ma connaissance. C'est un gars plutôt sympathique, je dirai. - Je... Je ne sais pas où j'en suis. Je sais que je donne cette impression d'être tout le temps sûre de moi mais... Son hésitation est palpable. Elle semble se remettre en question sur certaines choses. Elle s'arrête, je l'imite. Elle se replie plus en plus sur elle-même. Elle m'inquiète. - Mais tout va trop vite, je... je ne suis plus habituée. Je ne comprends pas. Plus habitué à quoi. J'ignore ce qu'elle veut dire par là. Au final, je ne connais pas grand chose sur sa vie. Je ne peux prétendre la connaître aussi bien. Je m'approche d'elle. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais quoi lui dire. - Désolé de t'embêter avec ça... Elle ne m'embête pas du tout voyons. Mes mocassins tombent sur le sable. - Regarde-moi. Ma main vient lever son menton. Je pose mes deux mains sur ses épaules et lui sourit avec tendresse. - Qu'est-ce qui ne va pas Brune ?

Je ne savais plus trop où j'en étais, en effet. Peut-être parce que tout allait trop vite pour moi ? Je n'avais plus fréquenté quelqu'un depuis pas mal de temps maintenant, au moins deux ans, et ma relation ne s'était de toute évidence pas bien terminée. Il m'avait brisé le coeur. Je ne disais bien évidemment pas que Casey serait capable de me faire subir cela. Mais je n'en étais pas sûre. Je n'étais pas sûre de moi. A vrai dire je ne lui en avais même pas parlé, parce que je me sentais stupide. C'est moi qui l'avais entrainé, un soir, sur cette plage. C'est moi qui avait prolongé ce baiser. C'est moi qui risquais de le faire souffrir. Je ne savais plus où j'en étais, et j'arrivais à me détester pour ça. Je n'aimais pas faire attendre les gens, je n'aimais pas qu'ils aient une image négative de moi. Je me sentais tellement stupide. Et ces années passées sur scène, à affronter le regard des autres n'avaient rien changé, j'étais toujours cette gamine effrayée dont le simple pas en avant pouvait parfois être de trop. Le jeune homme après s'être immobilisé à son tour, laissa tomber ses mocassins sur le sol, levant par la suite mon menton. Mes yeux s'évadèrent dans l'océan des siens, comme pour tenter d'y trouver une réponse. « Regarde-moi. » il plaça par la suite ses deux mains sur mes épaules avant d'ajouter « Qu'est-ce qui ne va pas Brune ? » et cette question était probablement celle à laquelle j'avais le moins de réponses. Qu'est ce qui n'allait pas ? Moi, très certainement. Il n'y avait que ça qui clochait. Moi, toujours moi. Mes bras s'enroulèrent autour de la taille du jeune homme alors que je me dressais sur la pointe des pieds, plaçant ma tête vers son épaule gauche. J'étais trop petite, de ce fait, seul mon nez parvenait à la dépasser, alors que mes lèvres elles restaient contre son pull. Je le serrais, tout contre moi, et sans même l'avoir prévenu. Mais j'en avais besoin. Encore une fois, je jouais la carte de l'égoïsme. Mes poings se serrèrent un peu plus contre son haut. Je ne voulais plus parler de ça. Pourtant j'en avais drôlement besoin. « J'ai peur d'être déçue encore une fois. » que je murmurais, enfouie dans son épaule. Je n'étais à la base pas venue pour m'engager dans quoi que ce soit. Pour tout vous dire, avant la semaine dernière, je n'avais même pas envisagé une seule seconde de m'engager dans quelque chose avec Casey. Alors que nous étions déjà presque catalogué comme un couple. Je détache alors mon emprise, me reculant de quelques pas. « Je connaissais ma dernière relation depuis que j'avais commencé à arpenter les scènes. C'était un ami, et bientôt mon amant. Mais il est parti avec tout ce que j'aimais, et ne m'a rien laissé. » je baisse un instant la tête avant d'ajouter « Je ne sais pas si je suis prête à me rengager dans quoi que ce soit. Pas si je ne suis pas sûre de mon choix... » je relève un instant mon visage, observant le sien avant de rire légèrement. Un rire gêné. « J'ai toujours eu ces rêves d'enfant où j'épouserais le prince charmant, et notre histoire durerait jusqu'à ce que la mort nous sépare. » mais c'était bien naïf. Ces histoires n'existaient de dans les contes de fées.

Brune, je la sens un peu distante ce soir. J'ignore pourquoi, mais je sens qu'elle ne va pas bien. Je le vois tout de suite à sa tête. Elle qui est d'ordinaire très souriante et spontanée, broie du noir en ce moment. C'est en rapport avec sa relation avec Casey. Sauf que je ne vois pas ce qui cloche dans leur histoire. Après, je ne connais pas les détails de leur relation. Et puis, ça ne me regarde pas. Je n'aime pas fourrer mon nez dans les affaires d'autrui. Et inversement, je ne voudrais pas que les gens s'immiscent dans ma vie privée. Elle ne regarde que moi. Je suis préoccupé par l'état de la candidate. Elle est prise aux doutes. Elle me confie que tout va trop vite en ce moment. Elle n'arrive pas ralentir la cadence. C'est la première fois que je la vois aussi vulnérable que maintenant. Et ça me touche, bien sûre. D'ailleurs, j'esquisse un pas vers elle et lui démontre par des gestes tout simples que je suis là pour elle, si elle souhaite se livrer à moi. J'y suis habitué. Je suis plus doué pour l'écoute que la parole. On me l'a toujours fait remarquer. Écouter les gens, c'était mon travail avant. Mais ça, c'était dans une autre vie. Soudain, sans que je m'y attende, Brune vient se blottir contre moi. Je n'apprécie pas particulièrement les effusions tactiles tels que les câlins, mais je ne peux me résoudre à me détacher d'elle. J'hésite, je suis perdu. Je ne sais pas quoi faire pour la rassurer. Elle se serre de plus en plus contre moi. Je finis par entourer ses épaules de mes bras. C'est maladroit. C'est tout ce que je peux lui offrir pour le moment. Mon soutien. - J'ai peur d'être déçue encore une fois. Je lui caresse délicatement les cheveux, en espérant que ça l'apaiserait un peu. - Je connaissais ma dernière relation depuis que j'avais commencé à arpenter les scènes. C'était un ami, et bientôt mon amant. Mais il est parti avec tout ce que j'aimais, et ne m'a rien laissé. Elle me parle de sa dernière relation amoureuse. Ça a été une véritable déception. Je ne peux que la comprendre. J'ai vécu ça également. On est tous passé par là, à un moment de notre existence. Je continue à l'écouter, sans ciller. - Je ne sais pas si je suis prête à me rengager dans quoi que ce soit. Pas si je ne suis pas sûre de mon choix... Il va falloir qu'elle y réfléchisse sérieusement pour ne pas faire souffrir l'autre de son inconstance. Vaut mieux pour elle qu'elle soit sûre de ses sentiments pour Casey, sinon elle risque de le perdre. En amour, rien ne va comme on le voudrait. Je m'y suis résolu, il y a longtemps. J'ai connu la souffrance que ça génère. Je ne suis pas prêt à revivre ça d'aussitôt. - J'ai toujours eu ces rêves d'enfant où j'épouserais le prince charmant, et notre histoire durerait jusqu'à ce que la mort nous sépare. Je ne partage pas nécessairement sa vision de l'amour. Malheureusement, beaucoup de filles ont été bercés par ces contes que leurs mères leur racontaient. Ces histoires de princes charmants, etc. Elle est jeune. C'est normal qu'elle pense encore comme ça. - Je te conseille de prendre ton temps. Ça ne sert à rien de tout précipiter. Je ne suis pas un expert en amour. Je parle en connaissance de cause puisque je me suis retrouvé plusieurs fois dans cette situation. - Tu n 'es pas encore prête, Brune. Casey comprendra que tu veuille un peu plus de temps pour y réfléchir. Pour éviter qu'un de vous ne souffre. Je desserre son étreinte et lui souris tendrement. Je dépose un baiser sur son front.

Je me souvenais encore de tous les voyages que j'avais pu faire, des rires, des déceptions qui s'en suivaient. Mais ça n'était rien comparé au traitement que j'avais pu subir il y a de ça quelques temps. J'étais confuse à présent. Et je tentais de me rebatir une vie, loin des problèmes, loin des images trafiquées. Cela faisait une bonne année que je n'avais arpenté aucune scène. Les médias s'étaient quelque peu désintéressé de moi, ce qui n'était qu'un rare côté positif. Pourtant, j'étais bien décidée à reconquérir mon public. J'étais bien décidée à reprendre ma vie en mains. Je n'avais jamais été quelqu'un qui aimait s'exhiber devant les caméras, mais mon métier me pousser à le faire. Cependant, j'avais toujours fait attention d'épargner ma vie privée de tout ce manège qu'était cette immense production. Je me refusais maintenant à tomber dans le cliché, je voulais être celle que j'étais, Brune, et non plus une image dérivée de ma personne, contrôlée par des managers un peu trop avide d'argent. De l'argent, j'en avais eu, j'en avais encore, mais ne voulais pas dépendre de ça. Par delà la finance, au dessus de l'amour, je faisais avant tout ça pour la musique en elle même. Pour me sentir vivre. Alors bien évidemment, j'avais de ce fait souffert, oui, j'en avais vu des vertes et des pas mûres. Mais peut-être que tout ceci était un rituel de passage dans le simple but de me faire grandir. Et que les personnes telles qu'Enoch étaient là pour me faire avancer. J'en étais convaincue. « Je te conseille de prendre ton temps. Ça ne sert à rien de tout précipiter. » peut-être avait-il raison. Au fond, je crois que c'est ce que j'avais besoin d'entendre. « Tu n'es pas encore prête, Brune. Casey comprendra que tu veuille un peu plus de temps pour y réfléchir. Pour éviter qu'un de vous ne souffre. » il se recula quelque peu, déposant un baiser sur mon front, alors qu'un léger sourire s'esquissait finalement sur mes lèvres. « Merci Enoch. » que je murmurais alors. Il n'en avait peut-être pas conscience, mais ces mots étaient ce que j'avais besoin d'entendre. Ceux auxquels j'avais besoin de me rattacher. J'étais quelque de plutôt têtue en règle générale, n'écoutant bien souvent que moi même, pourtant, je n'avais étrangement jamais eu de mal à suivre les paroles du jeune homme. Peut-être parce que j'avais cette lourde impression qu'il en savait bien plus sur la vie que moi. Alors, je glissais ma main dans la sienne, juste pour le convier à me suivre, nous éloignant de ce fait de l'eau pour bientôt s'asseoir sur le banc de sable. Mon regard se laissa un instant dériver le long des vagues qui s'écrasaient un peu plus loin avant que mon attention se reporte sur le visage du jeune homme. « Tu as déjà aimé, n'est ce pas ? » cette question pouvait paraitre tout à fait stupide puisque la plupart des humains étaient tombés amoureux, mais elle ne l'était pas, non. Parce que ce que j'entendais par là, c'était la souffrance. Je savais, je sentais qu'il en avait souffert. Et à cette pensée, je me sentie d'autant plus stupide. « Désolée, tu ne veux probablement par en parler, je... » je me mordis un instant la lèvre inférieure avant de reprendre « J'ai juste du mal à comprendre comment on peut vouloir laisser partir quelqu'un comme toi. » puisque de ce que j'en avais vu, je n'avais de toute évidence jamais déçue par le jeune homme. Oui, il était clairement quelqu'un sur qui on pouvait compter. Du moins, sur qui je pouvais compter.

Je n'ai jamais été chanceux en amour. Il faut dire que je n'ai pas eu tant d'aventures sentimentales que ça. Je ne m'en plains pas. Je me suis fait à mon statut de célibataire endurci. A une époque, mon célibat ne m'aurait jamais porté préjudice. Maintenant, certains de mes amis me poussent à faire de nouvelles rencontres. J'ai toujours repoussé ce moment fatidique où on doit séduire l'autre. Les femmes restent un mystère total pour moi. Je n'ai jamais vraiment su comment les aborder. Autant les éviter. Ce que j'ai soigneusement fait toutes ses années, en me terrant dans mon trou. J'ai peur de ne pas assurer. J'ai peur de me livrer totalement à l'autre. Je n'ai connu qu'une seule femme de toute ma vie. Deux en comptant ma mère. J'ai souffert. C'était pénible et difficile. Mais j'ai survécu malgré tout. J'en porte quelques stigmates. Ils ne sont plus aussi douloureux qu'avant. Je ne souhaite pas que ça arrive à Brune. Malheureusement, elle ne pourra pas y échapper. Tout le monde a eu son lot de malheur. En tenant Brune contre moi, je me rends compte que je suis passé à coté de plein de choses en m'isolant volontairement du reste du monde. J'ai oublié ce que c'est de prendre quelqu'un dans ses bras et de profiter de ce moment d'intimité. Je suis contente que la candidate ait le premier pas. Ça m'a pris au dépourvu, mais ça me touche. Énormément. Je lui ai apporté du soutien. Je suis resté auprès d'elle pour la rassurer, pour l'aider, pour la conseiller. Je ne sais pas si mes conseils lui seront utiles. Mais ils viennent du coeur et sont sincères. Elle me remercie. Elle me prend par la main pour m'emmener vers les bancs de sable. On s'y assoit. Elle me demande si j'ai été amoureux. Je hoche la tête, en silence. C'est une histoire un peu délicate à raconter. Je ne souhaite pas en parler maintenant. Plus tard, peut-être. Mon visage s'assombrit. Je murmure : - C'est une histoire que je préfère ne pas raconter pour le moment. Je ne peux pas devant les caméras. Elle s'est senti gênée en posant cette question. Elle ne comprend pas comment on peut laisser partir un homme comme moi. Je ris légèrement et rétorque d'un ton mélancolique : - Je ne suis pas un saint, Brune. Dans cette histoire, j'ai été tout aussi fautif. Ça réveille mes vieux démons. J'espère que Brune respectera le fait que je ne veuille pas me confier ce soir. Et qu'elle ne m'en voudra pas trop.

**Contenu sponsorisé**