Autrefois, j'avais comme rêve de devenir un sportif accompli. Un professionnel du sport. J'ai pratiqué de nombreux sports et aucun ne m'a réellement conquis. Ce que j'aime dans le sport, c'est l'assiduité et la discipline dont on doit faire preuve. On teste sans cesse nos limites. C'est pour me donner à fond que je teste beaucoup de discipline. Mes premiers amours restent l'escalade et la randonnée. Rien de mieux qu'une balade au grand air ou de grimper sur des montagnes rocheuses. Il y a en à perte de vue sur mon île. Aujourd'hui, je m'essaie à la boxe. J'arrive dans la salle de sport, plus précisément dans celle de fitness. Un ring se dresse sous mes yeux. Je suis déjà en tenue : basket, short et t-shirt. Je sors mon baladeur MP3 de ma poche. J'enfile mes écouteurs, puis je lance la musique. D'abord, je m'étire avant de commencer. Des exercices d'étirement classique pour un meilleur résultat, pour éviter des problèmes aux muscles, etc. Une fois mes étirements faits, j'attrape des gants de boxe que je mets. Je m'avance vers un sac prévu à cet effet. Je cogne dedans, me laissant porter par la musique. Je vide mon esprit. Ma concentration est à son maximum. Je frappe, je frappe. Je vois un candidat s'avancer vers moi. Il me parle. Je n'entends pas ce qu'il dit. Je m'arrête, je mets sur pause. - Désolé, je n'ai pas entendu ?, demandai-je en retirant doucement mes écouteurs par politesse. Je lui souris et réitère ma question : - Tu peux répéter s'il te plaît ? C'est Cosmas, je crois.

- Eh, euh ... Ca te dérange si je m'entraîne avec toi ?

J'avais jamais essayé la boxe, en fait, et ça m'intéressait pas mal. Et en voyant ce type s'entraîner, depuis quelques secondes, je me suis dit qu'il devait être assez bon, quand même ... D'où ce que je viens de dire. Visiblement, il ne veut pas m'aider, par contre, à en croire le regard surpris qu'il me lance. Ou alors, non ... Il enlève des écouteurs de ses oreilles, et me dit qu'il n'avait pas entendu, même si c'était quelque chose que j'avais compris, à ce stade là. Je lui souris, chaleureusement. J'essaie d'être appréciable, en fait. Ce serait dommage de repartir sans s'être fait quelques contacts, sur le plateau, voyez-vous. Il me demande de répéter, et je me plie à cette demande :

- On s'entraîne ensemble ?

Enfin, c'était plutôt apprendre dans mon cas, mon cas. En attendant sa réponse, je me permets, cependant, de lui confirmer mon nom en hochant de la tête. Et je me dois, également, de demander confirmation pour le sien.

- Et toi, c'est ... Enoch, n'est-ce pas ?

Le partenaire d'Avalon, si mes souvenirs étaient bons. J'espérais qu'il ne dirait pas non ; ce serait fort dommage de devoir retourner faire mon entraînement régulier de musculation parce qu'Enoch avait envie d'être seul. Oh que oui, je crois que cela m'aurait fortement déplu.

Quand je suis en plein effort physique, j'oublie ce qui se passe autour de moi. Je suis dans ma bulle, concentré sur ma cible. Adolescent, j'ai eu des difficultés à contrôler ma colère. J'étais hargneux, violent, turbulent. Le seul moyen de canaliser toute cette colère, c'était de pratiquer une activité physique. N'importe laquelle. Du moment que ça me permettait de me défouler. Puis le temps a passé. J'ai changé de voie et je me suis repenti. Je hoche la tête, affichant un sourire aussi chaleureux que le sien. Il m'a l'air sympa, en plus. Oui, je suis Enoch. J'ai deviné tout de suite qui il était. - Toi, c'est Cosmas. Bon, les présentations sont faites, je crois. Il me propose de s'entraîner ensemble. Mon sourire s'accentue. Je retire mes gants de boxe, range baladeur et écouteurs dans la poche de mon short. Enthousiaste, je lui répond : - Oui, pourquoi pas. Je remets mes gants de boxe. Je l'invite à faire de même. - Tu as déjà fait du boxe avant ? J'ai longtemps fait du boxe. Je n'ai jamais pensé à devenir pro. L'univers du boxe n'a jamais été fait pour moi. Mais j'aurai pu.

Il sourit, lui aussi, et ça me rassure, je ne voulais pas me retrouver face à un sociopathe. Il y en avait assez à Luimneach pour m'en dégoûter, des sociopathes, en même temps. Il me dit alors que les présentations sont faites, et moi, je me dis que c'est presque ça ; qu'il manque encore quelque chose. Je lui présente donc ma main droite, lui lançant un léger regard pour voir sa réaction. Je serrais les mains, moi, en fait, j'espère que ça ne le dérangerait pas. Néanmoins, lorsque je lui parle de s'entraîner ensemble, son sourire grandit. On dirait que c'est une option qui lui plait, en fait, et ça me rassure : je n'avais aucune envie d'aller courir sur une machine, là, comme l'autre jour ... Pas depuis que mon crétin de père m'avait privé de mon short devant tous les autres candidats, en fait. Il ôte ses gants pour ranger ses écouteurs, signe qu'il avait envie que cela soit un échange social, en plus. Oh bah tant mieux. J'adorais ça, moi, les échanges sociaux. Pas tout le temps, non plus ... Mais dans les moments comme ceux-ci, c'était agréable.

- Ah ... J'ai dû en faire une ou deux fois, si on cherche bien, mais j'ai toujours été plutôt escalade et sprint, en fait. J'espère donc qu'il sera un peu clément. J'mets des gants, moi aussi. Ça y est, je suis prêt.

Je n'ai jamais eu de partenaire d'entraînement. Les gars que je connais ne sont pas aussi sportifs que moi. Ils préfèrent passer leur journée dans les pubs à parler de leurs femmes et de leur vie misérable. Je ne supporte pas ce genre d'endroit. C'est bondé à souhait et c'est trop bruyant pour moi. Et l'alcool et moi, ce n'est pas une grande histoire d'amour. Je fais du sport, non pas que pour entretenir mon corps, mais pour ses vertus stimulants. Ce que j'aime dans le sport, ce sont les sensations qu'il me procure. L'adrénaline, surtout. Le simple fait de pouvoir me dépasser sans cesse m'est bénéfique. De plus, j'ai tout pour vivre sainement. Je ne fume pas, je ne bois pas. Je mange plus que la moyenne. J'ai toujours vécu ainsi. Ma vie est réglée à la minute près. C'est parfois monotone mais c'est comme ça que je l'aime ma vie. Cosmas est aussi adepte du sport, on dirait. Il m'a proposé de m'entraîner avec lui. Sympa comme proposition. J'ai opté du boxe et ça ne semble pas lui déplaire. Je lui demande si il en a déjà fait. Il me répond : - Ah ... J'ai dû en faire une ou deux fois, si on cherche bien, mais j'ai toujours été plutôt escalade et sprint, en fait. Je lui souris et réplique : - On a déjà un point commun. Moi aussi, j'adore l'escalade. Tu le pratique avec ou sans harnais ? Quand je commence à parler de sport, on ne peut plus m'arrêter. Qui sait, il pourra peut-être me donner quelques tuyaux pour m'améliorer. En attendant qu'il enfile les gants de boxe, je lui demande : - Tu veux commencer par quoi ? Tu t'es échauffé ? Ou tu préfère y aller doucement ? Taper dans le sac de boxe est un bon échauffement. Plus tard, on pourra peut-être monter sur le ring. Si le coeur lui en dit, bien sûre. Une rencontre amicale. Rien de bien sérieux.

En sport, on oublie souvent le monde extérieur. Souvent, c'était surtout parce que nos oreilles étaient bouchées par des écouteurs qui y faisaient résonner de la forte musique. Et encore, je n'écoutais qu'à cinquante pour cent du volume, contrairement à nombreux que je connaissais qui cherchaient à s'assourdir en jouant leurs mélodies - ou parfois, brouhahas - à cent pour cent de la capacité maximale de leur engin. Enoch me répond, alors, et je le regarde. Il me dit aimer l'escalade, lui aussi, ce à quoi je souris : cela nous faisait déjà un point commun. On s'en tirait plutôt pas mal, je trouvais. En plus, j'étais sur son équipe, là, depuis le troisième prime ... Si les équipes étaient toujours d'actualité, bien sûr. Il me demande si je la pratique avec ou sans harnais, et la tentation de répondre "avec le harnais, sur Odessa" était forte. Mais je me retins.

- Ça dépend des jours et des risques, en fait. Parce que je faisais tout pour minimiser mes chances de mourir tout en augmentant mon plaisir de vivre, et parfois, escalader sans harnais, c'était génial. Ça donnait de l'adrénaline, en fait. J'enfile alors les gants de boxe, et Enoch me demande si je m'étais échauffé. Je le regarde, lui répondant simplement que non, je ne m'étais pas échauffé ; pas encore, mais qu'on pouvait faire ce qu'il voulait, parce que j'étais ouvert aux nouvelles expériences. Oui, je lui avais dit tout ça. Apprendre un nouveau sport était pour moi ce que découvrir une loi de physique avait dû être pour Einstein, je pense ... Bon, d'accord, peut être pas autant. Toujours est-il que je crois que je suis censé commencer en tapant dans ce sac, là. Un punching-bag, qu'on appelait ça, et tant mieux, parce que j'ai envie de le frapper. Pas Enoch, hein, le sac. Mon poing s'abat dessus, puis l'autre. J'essaie de faire comme j'avais vu les boxeurs faire à la télé, mais je crois que ce n'est pas encore tout à fait ça.

- Tu t'y prends comment, toi ? lui demandais-je alors.

J'aime le sport pour les sensations fortes qu'elle me procure. J'ai une vie monotone, un emploi de temps particulièrement rigide et je m'adonne à peu d'activités en dehors de mon travail à part le sport. Il y a toujours du temps libre pour le sport. C'est devenu automatique, machinal. Je ne peux passer une seule journée sans faire un minimum de sport. Le matin, c'est le footing. Le soir, parfois. Si le temps le permet. En Écosse, la météo peut être imprévisible. Il m'est déjà arrivé de courir sous la pluie. Une expérience que je ne préfère pas réitérer, au risque d'attraper un mauvais rhume. Je discute avec Cosmas. Son visage m'est familier. Il était dans mon équipe, c'est vrai. J'ai l'impression que ça a été des semaines cette histoire d'équipe. Ça m'est sorti complètement de l'esprit d'ailleurs. On discute tranquillement. De sport, bien sûre. Je suis ravi de voir qu'un autre candidat est aussi sportif que moi. L'escalade, Cosmas le pratique aussi. C'est bon à savoir. Avec ou sans harnais ? - Ça dépend des jours et des risques, en fait. Je comprends ce qu'il veut dire par là. L'escalade est un sport qui comporte des risques, surtout sans harnais. Je le pratique sans, quand l'envie me prend. J'évite de trop jouer avec le feu. La chute peut être fatale. Je l'invite à commencer l'entraînement sans plus tarder. Il s’exécute, se positionne devant le punching-bag. Il frappe le sac avec précision. Il se débrouille bien pour l'instant. Le seul point négatif c'est la position de son corps. Il me demande conseil : - Tu t'y prends comment, toi ? Je me tourne vers lui et lui souris doucement. Je m'approche du punching-bag et le tiens pour éviter qu'il ne balance trop, puis lui rétorque : - Appuie-toi bien sur tes jambes. Pour améliorer ta cardio, il y a rien de mieux comme exercice. Sinon, tu te débrouille comme un chef. Je lui fais un léger clin d'oeil. - Alors Cosmas, tu viens d'où ? Tu fais quoi dans la vie ? Bref, tu connais la chanson. Je ris légèrement. On peut faire du sport et en même temps, discuter. C'est compatible.

Être électricien, l'air de rien, c'était quand même du sport. Pas autant que mécanicien ni garagiste, mais quand même ... On nous demande de faire de sacrées choses, avec ces câbles. Parfois, on nous demandait même plus, d'ailleurs ... Mais ça, c'est une histoire pour un autre jour. Je suis content, cependant, de pouvoir papoter un peu avec Enoch, parce qu'il doit faire partie des rares que je n'ai pas encore eu la chance de fréquenter trop longuement. Il fallait dire que j'avais cherché à passer un maximum de temps possible avec Odessa et mon père, en même temps ... Bref. Tout ça pour dire que malgré tout, Enoch avait l'air d'un chic type. J'étais content qu'il soit toujours dans l'aventure, donc. Il ne manquait plus que ceux qui nuisaient à mon équilibre personnels virent par je ne sais quel procédé divin - ou qu'inversement, je doive quitter le nid avant eux - pour que tout aille pour le meilleur du monde. C'était chelou, tout ça, n'empêche, parce que je savais qu'après, je voulais continuer mon aventure avec Hadatt. Je voulais voyager avec lui, et apprendre à mieux le connaître. À mieux comprendre cette part de moi, en fait. Néanmoins, il semblait impossible que l'on se retrouve à quitter le jeu pile poil au même moment, donc ... Je me demandais ce que l'un ferait en attendant que l'autre soit lui-aussi éliminé, à son tour. Notre discussion sur l'escalade prend fin, et l'aventure sur la boxe peut enfin débuter. Parfait. L'entrainement débute, et moi, je me mets à frapper le punching-bag, pas de toutes mes forces, non plus ; on était pas là pour mettre en avant notre force physique non plus. Surtout que cela l'inviterait, si jamais on se retrouvait sur le ring, à ne pas mâcher ses coups.

Il m'apprend, un peu, comment je dois faire. Apparemment, je dois m'appuyer sur mes jambes. Pour ma cardio. Soit. Je m'exécute, avec plaisir. Je souris, face à son compliment.

- C'est trop d'honneur que tu me fais là.

Moi, modeste ? Du tout. Peut être sur les bords, alors. En tous les cas, on change vite de sujet, et moi, ça m'arrange, comme ça, on apprend à se connaitre.

- Grèce. Irlande. lâchais-je donc entre deux coups. Je suis électricien. Je m'arrête alors afin de plonger mon regard dans le sien. Et toi ?

La production Fake Lover n'a pas lésiné sur les moyens dans la construction de complexes sportifs. On a tout à disposition. Il suffit de se servir. Et c'est complet. Tout adepte sportif serait ravi avec tous ces équipements. Il y a un terrain de basket, une salle de fitness et même un ring de boxe. Que demander de plus. J'assiste mon camarade dans son entraînement. Au programme, la boxe. On commence par frapper dans le sac en guise d'échauffement. Je le conseille, notamment sur la position de son corps. Je ne connais rien de Cosmas. J'ai entendu dire qu'il était le fils de Hadatt, le doyen du nid d'amour. Il me dit qu'il vient de deux pays différents. Il exerce un métier intéressant. Il est jeune, bien bâti. Il a tout pour lui, le gars. Il me retourne la question : - Ecosse. Menuisier. Simple, clair et précis. Je n'aime pas trop parler de moi. Et ce n'est pas très intéressant. Ma vie est normale et sans histoire. Il poursuit son petit échauffement. Je lui demande ensuite : - Ton aventure se passe bien de ton coté ? Tu as fais de belles rencontres jusqu'ici ? Une sorte de bilan depuis son entrée il y a presque un mois de ça. Je me rends compte que le temps passe trop vite ici.

Il vient d'Écosse, Enoch. Visiblement, nous étions tous de la même brochette, par ici ... Enfin, il y avait un peu d'américains, certes, mais, Jaileen, Odessa, Hadatt et maintenant, Enoch ... Et moi, évidemment. Ça commençait à en faire pas mal, et il y en avait sans doute d'autres que j'ai oublié de mentionner, par dessus le marché. Il fait une profession sympa, lui aussi. Ça demande cependant nettement plus de pratique et de talent qu'électricien, l'air de rien. Tout de même, c'était des travaux manuels, dans les deux cas. Ça nous faisait ça de commun. Je continue, à m'échauffer un peu, tandis qu'Enoch me regarde. Je me demande s'il comptait se remettre à s'entrainer, lui aussi, ou si je l'avais interrompu, malgré moi, dans sa session de sport quotidienne. Il me demande alors si mon aventure se passe bien pour le moment, et je hoche de la tête, sans sourire, cependant, trop concentré sur ce punching bag rouge.

- Oui, oui. De très belles rencontres. Tout se passe très bien. Et toi ? Je ne savais, après tout, pas tant de choses que cela de lui.

- Tu as réussi à parler un peu avec tous les autres, ou certains t'échappent encore ? lui demandais-je alors, curieux. Moi, certains, je ne les voyais presque jamais, après tout.