Il est électricien et moi, menuisier. C'est à peu près la même chose. Nos mains sont nos outils de travail. Un point de commun, en plus. J'ai entendu dire que les électriciens gagnaient plutôt bien. Je me suis octroyé une petite pause pour aider le jeune homme à s'entraîner. Tout aussi sportif que moi, il s'applique et il est assidu. Ça fait plaisir de voir qu'il prend son entraînement au sérieux. Je l'aide, je le conseille du mieux que je peux. Il s'en tire plutôt bien, jusqu'ici. J'ai le temps pour m'entraîner ensuite. Mon attention est focalisée sur lui. Je lui ai demandé si son aventure lui plaisait pour le moment et si il s'est fait des amis, etc. Il me répond que oui et que tout se passe bien. Tant mieux alors. Je suis content pour lui. Je lui souris chaleureusement. Il me retourne alors la question. Je réplique : - Oui. Je ne suis pas habitué à être entouré d'autant de monde. Mais avec le temps, je m'y suis fait. En même temps, je n'ai pas le choix. C'est à moi de m'adapter et non les autres. Je commence à me sentir à ma place parmi eux. C'est plutôt bon signe, pour moi qui ne me suis jamais senti bien nulle part. Je profite de chaque instant comme si c'était les derniers. Malheureusement, on sera éliminé tôt ou tard. Autant en profiter le plus possible. - Je n'ai pas réussi à parler avec tout le monde. Je suis timide, tu sais. J'essaie d'y remédier. Et toi ? Je crois qu'il s'est bien échauffé là. Je pense qu'on peut passer à une autre activité. Je montre le ring de mon gant et lui demande : - Ca te dit un petit combat amical ?

Je crois que Fake Lover a été la plus grande expérience sociale que j'ai testée de ma vie, et également, de loin, la plus efficace. Je ne pouvais pas me souvenir de la dernière fois que je m'étais fait autant d'amis, en même temps ... Enfin, c'était un peu tôt pour pouvoir les qualifier d'amis, mais vous m'aurez compris : je ne pouvais pas me souvenir de la dernière fois où j'avais eu autant de bonnes relations avec autant de personnes. Même au lycée, mon public avait été plus restreint ... Ou pas, au fait. Enoch me dit ne pas être habitué à autant de monde, mais s'y être, tout de même, habitué. Lui souriant alors, je tente de le réconforter dans la notion qu'il n'est pas le seul dans cette situation :

- Je suis pareil, tu sais ?

On continue à jaser, un peu. Il me dit qu'il est timide, un peu. Je crois que dans une autre vie, moi et Enoch, quelque part, on devait être frères. Je n'étais pas timide, à proprement parler, personnellement ... Mais tellement renfermé que parfois, c'était facile de voir les choses ainsi.

- Je n'ai jamais été très bavard, tu sais ... Mais j'ai essayé de rencontrer autant de monde que possible, histoire de faire une bonne première impression. J'étais ici pour rester longtemps, moi. Oh oui. Enoch me propose alors un combat amical, et j'ouvre grand mes yeux, lui répondant cependant par un simple : Ah, oui, oui, absolument. Je te suis. Autant dire que ce serait une expérience nouvelle, ça.

On n'a pas mal de points communs, je trouve. Si j'avais eu un petit frère, il aurait sans doute eu son age à peu près. J'aurai toujours voulu avoir un frère ou une soeur avec qui tout partager. Malheureusement, ma mère est partie trop tôt. Mon statut de fils unique m'a toujours voué à la solitude. J'ai été conditionné à vivre seul et à faire tout par moi-même. Je suis un solitaire et cette solitude est ancrée en moi. J'ai pris ce chemin volontairement, me détournant des miens, coupant tout lien avec le monde extérieur. On a fini par oublier mon existence. J'ai vécu des choses de mon coté en parfait ermite. D'un caractère introverti, je ne vais pas naturellement vers les autres. J'ai toujours été quelqu'un de timide et réservé. J'exprime très peu mes sentiments. J'explique à Cosmas que ma timidité m'empêche parfois de communiquer avec les autres. Je n'ose pas faire le premier pas. Le jeune homme veut me rassurer en disant qu'il est aussi timide que moi. Ce qui me surprend un peu. - Je ne te pensais pas si timide que ça. T'as plus d'assurance que moi en tout cas. Je ris légèrement. Il me dit qu'il a voulu faire le plus de rencontres possibles. Je n'ai pas autant de cran de lui. - Je te trouve bien courageux. Je ne pourrais jamais faire comme lui. Je préfère que ce soit les autres qui m'abordent. J'ai peur de déranger les autres en fait. Je lui propose un combat amical. Histoire du prendre du bon temps. On s'approche du ring, on monte dessus. Je me poste face à lui. - Prêt ? J'affiche un sourire faussement provocateur.

Il me parle de timidité, d'impossibilité à communiquer avec les autres. Je suis quelque peu surpris, étant donné qu'à mes yeux, il semble s'exprimer avec aise et assurance ... Comme quoi, ce vieux dicton sur les apparences trompeuses n'était pas si douteux que cela, après tout. J'essaie de rassurer Enoch, cependant, en lui avouant ma propre timidité à moi. Soit, c'était pas tant de la timidité que cela, mais plutôt une difficulté à aller vers les autres, les inconnus ... À sortir de la routine, quoi. Voyez-vous, moi, je m'étais toujours plu à vivre la même histoire, encore et encore, sans jamais rien y apporter de nouveau, sans jamais chercher à comprendre grand chose. J'avais toujours laissé la vie me guider vers l'avenir, plutôt que de la guider elle vers ce même but. Mais le jour où j'avais ouvert les yeux, tout cela avait changé en mon monde. Je ne pus m'empêcher, cependant, à penser, lorsqu'Enoch m'avance moins timide que lui, qu'il devait avoir vu ces clichés de moi et d'Odessa ... En même temps, tout le monde les avaient vus, à peu près, donc je ne m'apprenais rien de nouveau, là encore.

- Je fais de mon mieux, en tous les cas. lui répondis-je alors en souriant légèrement. C'est plus de la détermination que du courage, tu sais, et ça, ça prend du temps pour s'y faire, mais après, ça devient inné. On monte alors sur le ring et on se met en position, face à face ; il sourit un peu, et là, je me demande si son blabla sur sa timidité, c'était pas du bluff, après tout. Je lui renvoie un sourire au moins deux-fois plus assuré que le sien.

- Prêt. et j'attends qu'il vienne vers moi.