OLIVER & JAILEEN
10.06 à 14h58



S’il y avait bien une chose que Jaileen ne savait pas faire, c’était la cuisine. Elle ne savait faire que les choses de base comme des pâtes, cuire un œuf et de la viande, même s’il lui arrivait encore, et cela malgré son âge, de rater sa cuisson de féculent ou un truc dans le genre. Il ne fallait surtout pas l’imaginer en train de faire un gâteau ou quelque chose y ressemblant car c’était tout simplement mission impossible pour la blondinette. Mélanger les ingrédients, ça, elle savait faire, mais il y avait toujours un souci au moment de la cuisson. Les gourmandises finissaient toujours par cramer ou bien par ne pas cuire, pas trop gonfler ou encore mieux à dégouliner du plat. Elle ne savait comment cela pouvait arriver, mais une chose était certaine, elle préférait aller manger au restaurant, commander chez un traiteur, que de s’infliger la torture de manger quelque chose qu’elle aurait préparé. Prenant le taureau par les cornes, la petite anglaise décidait de demander un cours de cuisine au chef du nid, Oliver. Elle l’attendait, spatule à la main et tablier sur le dos – façon de parler – assise dans un coin, sur le plan de travail. Lorsque la porte s’ouvrait, un large sourire s’affichait sur le visage de la demoiselle. « On va faire quoi ? Un gâteau ? » Elle avait l’air d’une petite fille tout sage qui venait poser une question à son papa ou d’un élève devant son maître. C’était plutôt la seconde option d’ailleurs. Elle lui tendait sa spatule d’un air désolé : « Enfin, peut-être qu’il faudrait d’abord que tu m’apprennes les bases parce que je suis pas certaine de pouvoir faire un plat, même un gâteau hein, en entier. » Une véritable bille en cuisine quoi.

Cette semaine promettait de ne pas être de tout repos. Ayant accepté de donner dix points à son équipe – ce qui n’avait servi à rien, au final – contre le fait de devenir le larbin du Nid pour la semaine, il était évident qu’on m’en réservait de toutes les couleurs. Déjà, une magnifique pile de lessive m’attendait, et c’était avec un regard exaspéré que j’avais poussé un soupir découragé devant la lourdeur de la tâche. Mais ça attendrait. J’avais au programme quelque chose de mieux à faire, et de plus amusant. Mêlée ma passion pour la cuisine avec cette lourde tâche d’être le maître de tous les caprices des habitants du nid ne me semblait pas si terrible. Et puisque tout ceci se ferait en bonne compagnie, je ne voyais pas en quoi je devais me plaindre. Jaileen m’attendait, alors que je franchissais le seuil du réfectoire, assise sur le pan de travail. Elle m’accueillit d’un large sourire. « On va faire quoi ? Un gâteau ? » « Si c’est ce que tu as envie de faire, pourquoi pas ! » fit-je, tout sourire à mon tour, en remarquant son intérêt pour la chose, et la petite lueur d’excitation qui brillait dans son regard. Je m’avançais vers elle et attrapait au passage le tablier qui traînait sur le comptoir, que je passais autour de mon cou, puis que je nouais derrière mon dos. Au boulot, j’avais un habit complet de travail et ne me servait que très rarement – voir jamais – d’un tablier. Mais chez moi, et ici, il était toujours là quand je cuisinais. Comme un vieil ami que je retrouvais à chaque fois. « Enfin, peut-être qu’il faudrait d’abord que tu m’apprennes les bases parce que je suis pas certaine de pouvoir faire un plat, même un gâteau hein, en entier. » Je rigolais de sa remarque. Plusieurs gens se retrouvaient dans sa situation, mais le meilleur moyen d’apprendre était la pratique. Rien de plus. C’est comme le vélo, en fait. Quoique… pas tellement. « Il est certain qu’on ne vas pas commencer avec un truc difficile : je maîtrise très bien la technique pour faire d’excellentes poitrines de poulet farcies et du tartare, mais je doute que ce soit ton cas… ou que ça t’intéresse, pour l’instant. Alors trouvons autre chose. » Mon index et mon pouce se posèrent sur mon menton, alors que je réfléchissais doucement à la chose. Sans vouloir rendre le tout ennuyant, je cherchais une recette facile à faire, nourrissante, attrayante et gouteuse. Quelque chose qui lui donnerait peut-être l’envie de se mettre au fourneau, une bonne fois pour toute. « J’ai peut-être une recette de potage vraiment délicieuse en réserve… carottes, orange et gingembre. Et on pourra faire une tarte à la lime en à côté. Ça te va ? »  

Un cours de cuisine rien que pour elle ? Jaileen en rêvait depuis son plus jeune âge, mais bon ce n’était pas chez elle que cela allait se faire étant donné que même sa tante ne cuisinait que très peu. Elle préférait laisser cela à l’un des domestiques. Un cuisinier en fait. La blondinette enviait ces familles où les repas se faisaient tous ensemble, se prenaient tous ensemble. Elle profitait du fait qu’Oliver soit au service de ces camarades pour toute une semaine entière pour se l’accaparer durant une après-midi entière. Elle lui avait demandé s’il voulait bien lui apprendre à cuisiner, enfin l’aider dans la réalisation d’un plat ou d’un dessert. Il avait accepté pour le plus grand plaisir de la belle. Jamais en retard, elle attendait depuis au moins trente minutes dans la cuisine, tablier enfilé et spatule en main. Enfin, le chef faisait son entrée. Elle l’assommait d’une première question. « Si c’est ce que tu as envie de faire, pourquoi pas ! » Cool. Le sourire qu’elle portait sur ses lèvres ne faisait que s’intensifier. Elle s’imaginait déjà en pleine confection d’un gâteau aux trois chocolats, un truc hyper compliqué avec un décor de dingue quoi. Enfin, pour ne pas que le garçon se fasse trop d’illusion, Jaileen préférait lui dire qu’elle n’était pas vraiment douée et qu’apprendre les bases ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Elle était même carrément nulle, mais elle n’osait pas le dire. « Il est certain qu’on ne vas pas commencer avec un truc difficile : je maîtrise très bien la technique pour faire d’excellentes poitrines de poulet farcies et du tartare, mais je doute que ce soit ton cas… ou que ça t’intéresse, pour l’instant. Alors trouvons autre chose. » Parce qu’on pouvait faire des poitrines de poulet farcies ? Elle le regardait complètement paniqué. Elle ne savait pas du tout de quoi il était en train de parler, mais elle ne disait rien et se contenter de continuer à l’observer ou de le suivre comme si elle était son petit toutou. « J’ai peut-être une recette de potage vraiment délicieuse en réserve… carottes, orange et gingembre. Et on pourra faire une tarte à la lime en à côté. Ça te va ? » Parfait. A nouveau un sourire apparaissait sur son visage. Un potage ça faisait un petit peu mémé des champs, mais c’était bon pour la ligne alors autant ne pas râler. De toute façon, c’était lui le professionnel. En revanche concernant la tarte, il y avait comme un petit hic. « T’entends quoi par tarte à la lime ? Non parce que moi les seules limes que je connais et bien on ne les met dans des tartes en fait. » Elle rougissait légèrement. Non vous n’êtes pas en train de rêver, la demoiselle était bien en train de parler des limes à ongles. Elle avait honte là, mais vraiment.

L’enthousiasme de la blonde jeune femme était palpable, et très revigorant. Impossible de ne pas avoir envie de lui apprendre quelques trucs devant cet air intéressé et ses yeux brillants d’excitation. De toute façon, je n’étais pas en position de refuser quoique ce soit, ces semaines, alors aussi bien rendre l’utile agréable. Et donner un cours de cuisine, pourquoi pas! Elle voyait grand, avec cette idée de réaliser un gâteau, mais pour une première fois, cela ne me sembla pas très réaliste… Mais ce n’était pas un refus total. Apprendre quelques bases, avant toute chose, serait plus utile à la demoiselle. Et commencer par des trucs simples aussi, ça vaudrait mieux. Je lui exposais mon plan, chose qui sembla lui plaire, à une exception près. Elle m’interrogea du regard. « T’entends quoi par tarte à la lime ? Non parce que moi les seules limes que je connais et bien on ne les met pas dans les tartes en fait. » Je la toisais un instant, jugeant à savoir si elle se moquait ou si elle était des plus sérieuses. Et à voir la jolie teinte rouge qui couvrait lentement ses joues, je compris très vite qu’elle était loin de présenter. Je tournais donc mon regard autour de moi, question de voir si je pouvais éclairer sa lanterne. Merci au panier de fruits remplient à craquer. J’attrapais le petit fruit vert, et le lui tendis. « Jaileen, je te présente Lime. Tu connais peut-être plus son cousin, Citron. » Je ne voulais pas rire d’elle, je préférais plutôt rendre la situation plus légère, amusante. Je pouvais très bien comprendre que certaines personnes avaient des lacunes en cuisine. Personne n’était parfait. Et, surtout, nous n’étions pas tous des chefs diplômés comme je l’étais. « Je vois que tu es prête, sinon. Tu as pensé à te laver les mains? C’est important avant de faire de la cuisine. » Question de ne pas contaminer tout le fruit de notre travail, ce serait malin. « Commençons à rassembler tous les ingrédients nécessaires, ça nous évitera de courir partout dans le feu de l’action. » Je me mis donc à lui lister les trucs qu’elle pouvait me sortir, des choses qu’elle devrait connaître - au pire, j’allais lui donner un coup de main si elle n’était pas certaine : du beurre, de la crème, des limes, des oignons, des carottes, du jus d’orange. Le reste, je m’en occupais. Des trucs trop techniques qui risquaient de lui être étranger.

Tout le monde n’était pas parfait en cuisine et encore moins Jaileen. Elle était même tellement nulle que lorsqu’il lui parlait d’une tarte à la lime, la pauvre devenait toute rouge. Impossible pour elle de savoir ce qu’était un, ou une d’ailleurs, lime. Elle se creusait la tête, mais ne trouvait pas une seule explication. C'était honteuse, mais pourtant avide d’enseignement, qu’elle venait poser la question à son professeur. Une question un petit peu particulière à en juger par le regard qu’il lui jetait. Il n’avait pas l’air d’avoir déjà eu à traiter avec des nullités comme la jeune femme, mais il était plutôt gentil et venait lui désigner un fruit tout vert qu’il venait de piocher dans la corbeille de fruits. « Jaileen, je te présente Lime. Tu connais peut-être plus son cousin, Citron. » C’était donc ça. Elle hochait la tête en signe d’approbation. Effectivement elle avait plutôt tendance à côtoyer son cousin que ce fameux lime.  « En gros, c’est un citron vert si je comprends bien ? » Beh quoi, cela ressemblait à un citron et c’était vert donc forcément cela devait être un citron vert. Déduction de blonde. Ils continuaient leur petite initiation. « Je vois que tu es prête, sinon. Tu as pensé à te laver les mains? C’est important avant de faire de la cuisine. » Machinalement, elle regardait ses mains et faisait une grimace. Elles n’étaient pas sales, loin de là, mais elle ne pensait pas qu’il fallait se laver avant de faire la cuisine. Enfin si elle le savait, mais elle ne le faisait jamais.  « Non, mais … j’y vole. » S’exécutant, elle courrait presque vers l’évier pour ouvrir l’eau et se savonner les mains avant de rincer le tout. Ne sachant trop que faire, elle les égouttait dans l’évier tout en demandant :  « J’ai le droit de m’essuyer les mains avec un torchon ou je dois attendre qu’elles sèche ? » Savait-on jamais hein. Un torchon pouvait peut-être mettre, à nouveau, des saletés sur ses mains ou un truc dans le genre. « Commençons à rassembler tous les ingrédients nécessaires, ça nous évitera de courir partout dans le feu de l’action. » Tout en continuant d’égoutter ses mains, et à mettre de l’eau un petit peu partout par la même occasion, elle s’approchait du jeune homme et de sa liste. Du beurre, de la crème, des « citrons verts », des oignons, des carottes et du jus d’orange. Pour le moment cela ne semblait pas trop compliqué. Elle se dirigeait vers le frigo pour y sortir une plaquette de beurre, un pot de crème et du jus d’orange. Dans le bac à légume, elle empruntait des oignons et des carottes. Posant le tout sur la table, elle finissait son marché en piquant les limes dans la corbeille de fruits.  « C’est bon, j’crois qu’on a tout. » Elle ne cessait de regarder la liste et les choses qu’elle était allé chercher. Prions pour qu’elle n’ait rien oublié.