J'étais nominé pour la deuxième fois et je finissais par me dire que j'allais peut-être quitter cette aventure beaucoup plus tôt que prévu (c’est-à-dire que j'avais prévu de gagner le jeu, à la base, mais peut-être que les rêves que l'on peut faire sous acide ne sont pas vraiment prémonitoires en réalité, même si cette perspective m'effraie un peu, c'est un peu toute ma vie qui vole en éclat là d'un coup) et donc je me faisais la réflexion qu'il serait bon de visiter les coins des studios dans lesquels j'avais pas encore eu l'occasion de mettre les pieds, et ça me semblait être une très bonne idée, le genre d'idée que n'importe quel individu sain d'esprit pourrait avoir, aussi avais-je mis mon plan à exécution dès le lendemain. Aujourd'hui, je vais faire un tour au palais du rire. Ça m'avait vraiment semblé être une bonne idée. Jusqu'à ce que je me perde au milieu des miroirs. Ça finit par me foutre le tournis (je sais pas si c'est ça ou si c'est les quatre bières que je me suis enfilé durant les deux dernières heures ou si c'est le bédo que j'ai fumé juste avant de rentrer là-dedans, mais je pense que, ouais, c'est, euh, définitivement la faute aux miroirs, tout compte fait) et j'ai peur de me mettre à vomir ou quelque chose comme ça, alors je m'assois un peu en travers du passage et clos un instant les paupières histoire de me revigorer et tout et d'être genre d'attaque pour repartir après.

Il faut me dire pourquoi est-ce que je suis revenu ici. J'y avais mis les pieds une seule fois, en début d'aventure, et j'y avais rencontré Odessa. Si celle-ci avait été la bienvenue dans ma vie, je n'avais pas souhaité retenter l'expérience de la galerie des glaces ... Principalement parce que si j'étais parvenu à sortir de ce labyrinthe endiablé une seule fois indemne, je savais qu'une nouvelle prise se résulterait au fait que je me prenne l'un de ces miroirs de plein fouet. J'avais pas trop envie de ça, moi. C'était la grande honte, après tout. Revenons en donc à aujourd'hui : j'étais vraiment retourné dans ce corridor horrible, tout compte fait. J'avais entendu un bruit, en fait, et ça m'avait donné envie de voir si quelqu'un (ou plutôt, quelqu'une) ne s'était pas perdue en chemin ... Je commence à tâtonner devant moi et sur les côtés, comme Odessa me l'avait appris. Ça marche plutôt bien, et j'arrive à marcher un peu sans me prendre la moindre vitre ... Et je me rends alors compte que j'oublie de regarder où je marche. C'est pas vraiment une bonne idée, ça, et j'en paie d'ailleurs les frais, une microseconde plus tard, lorsque je trébuche sur ... Sur je ne sais pas quoi. Me voilà étalé, par terre, de tout mon long. Je soupire à l'impact, avant de me retourner pour voir ce que c'est qui a causé ma chute. C'était une personne, tiens. Seth, je crois.

- Tu pourrais faire attention à où tu mets tes jambes, quand même ... lui dis-je alors en soupirant.

J'ai les yeux fermés, je fais le vide autour dans mon esprit, c'est pas si difficile, mais j'ai quand même un peu le tournis, ce que je trouve étonnant et dérangeant à la fois. J'entends rien, je fais pas gaffe à ce qui se passe autour de moi, aussi la surprise est-elle totale quand je sens un choc contre mes jambes, hum, est-ce que quelqu'un serait en train de me marcher dessus ? J'ouvre les yeux et je grimace légèrement, ne m'attendant pas à ce qu'on trébuche sur moi - c'était pourtant pas la première fois que ça m'arrivait. Je replie les jambes contre moi et observe un instant ma victime (ou étais-je sa victime ? Étions nous victimes mutuellement l'un de l'autre ? Ou juste victimes de notre propre malchance/maladresse?), et c'est Cosmas, je crois - j'ai eu du mal à mémoriser certains noms, confondant parfois tous ces mecs qui ressemblaient à s'y méprendre à des mannequins, mais ça faisait quand même plus d'un mois qu'on cohabitait alors ça finissait par rentrer quand même. « Je crois que je pourrais te faire la même réflexion mec. » je note en me relevant, lui tendant la main au passage. J'suis pas un gars méchant, disons que je suis trop fainéant pour être vraiment désagréable - j'opte pour la facilité dès que j'en ai l'occasion. « À ma décharge, je m'attendais pas à ce que, hum, quelqu'un passe par là et ne me remarque pas. » j'ajoute avec un demi-sourire, parce que concrètement cette histoire m'amuse plus qu'autre chose. Ma main libre vient quand même se poser contre un des miroirs, j'ai encore le tournis et je me suis relevé trop vite je crois.

Il me répond alors, et je ne peux qu'hocher de la tête, malgré le fait qu'il me renvoie ma propre question. Habituellement, je n'aimais pas du tout ça, mais bon ... C'était différent, ici. Tout était différent, ici, après tout. Il se relève, alors. Seth. C'est bien ça, son prénom, au nom ? Il me semble bien. Je me rends alors compte que moi, je suis toujours là, étalé de tout mon long, comme une merde. C'était pas très glamour, comme posture, l'air de rien, quand même ... Bref. Tout ça pour dire que j'accepte de prendre la main qu'il me tend : aujourd'hui, j'étais flemmard. Il cherche à se défendre, l'air de rien, le Seth. Il ne s'attendait pas à ce que je passe par là, visiblement, ni que je le remarque pas. Je souris, en coin. Un peu gêné, tout de même.

- Il faut croire, aussi, que tu vas si bien avec le décor qu'on dirait que tu en fais partie. C'était pas très drôle, mais j'essayais tant bien que mal de me rattraper de lui avoir trébuché, en fait. Et si je m'excusais, d'ailleurs, ce ne serait pas un bon début, ça ? Si, sans doute. Du coup, je m'exécute.

- Désolé, hein. lui dis-je donc. J'ai pas fait exprès, en fait.

Je le regarde alors, avec intensité, avant de lui demander, avec un peu de sérieux :

- Euh ... Tu vas bien, l'ami ? Il avait pas trop l'air dans son assiette, en fait, pour le coup.