J'ai un trou. Là tout de suite, je ne saurais pas dire qui c'est. Je reste plantée là, sur le pas de la porte. Je ne bouge pas, je ne fais aucun bruit. Je regarde le candidat, et j'essaie tant bien que mal de trouver quelque chose qui me permettrait de le reconnaître. Je n'y arrive pas, un pull, un pantalon, parce qu'il ne fait pas très beau aujourd'hui, c'est tout ce qu'il porte, rien de bien particulier. Je ne sais pas trop qui c'est ça pourrait très bien être Sega, ou Nova ou Oliver même en réalité. Je pourrais partir, mais je n'en ai pas envie, je ne veux pas. Je m'étais pourtant entraînée à reconnaître tout le monde. Je me sens nulle, je le suis pour le coup. Je m'approche toujours en silence du candidat, je ne dis pas un mot jusqu'à ce que je sois proche de lui. « Salut. » je lance en souriant, comme si de rien n'était. Je le scrute d'un peu plus près, je le dévisage je crois. Il doit se rendre compte que je le fixe un peu trop intensément, et que quelqu'un chose ne tourne pas rond. Je rougis légèrement, c'est malpoli de fixer les gens de cette manière. « Excuse-moi ... Je ... Je sais pas qui t'es, là comme ça j'arrive pas à savoir. » Je baisse la tête, j'espère qu'il ne m'en voudra pas, mais là tout de suite je n'y arrive pas.

Ce matin, j’me suis réveillé assez tard. J’ai donc du écourter mon petit déjeuner, mon sport quotidien puis ma douche. Il doit être plus de treize heures et me voilà entrain de manger. Ou plutôt de prendre un dessert. Des petits suisses. C’est simple mais j’adore ça. J’en suis à mon troisième pot quand quelqu’un me salue. Je lève la tête et je m’aperçois qu’Avalon est là. Elle sourit puis me scrute. Je laisse un peu faire, amusé, avant de me dire que c’est pas juste. Moi je sais qui est là mais pas elle. Son secret est injuste en fait. Mais c’est comme ça. Je ne peux rien y faire et elle non plus. « C’est Oliver. » D’accord, c’est pas très cool de prendre ça a la rigolade. De toute façon, j’imagine qu’elle m’a grillée au son de ma voix. « Bon ok, c’est Sega. Salut. » Je rigole un peu avant de reprendre mon sérieux. « Tu veux que je t’attrape quelque chose ? Enfin.. j’me demandais ; tu vois les objets ? » Je sais qu’elle a des problèmes visuels mais je me souviens pas bien c’est lesquelles. Je crois qu’elle n’arrive pas bien à distinguer les visages.

Je me suis pourtant entraînée. Depuis le début de l'aventure, j'essaie de remarquer un détail qui me fera me rappeler de qui est qui. Là je sèche pourtant. Et je me sens nulle parce que ça fait plus d'un mois que je vis avec eux, et qu'encore aujourd'hui j'éprouve des difficultés à en reconnaître certaines tant qu'ils n'ont pas parlé. J'aimerais pouvoir aller les saluer en sachant qui ils sont sans devoir attendre qu'ils parlent à leur tour. Là je ne sais pas, j'hésite franchement. Je vais finalement le saluer, comme si de rien n'était. Mais je crois que je le fixe un peu trop alors je finis par lui avouer que je ne sais pas qui il est là. Je me sens un peu honteuse, mais je préfère lui dire, ça ne se fait pas de fixer les gens comme ça de toute manière. C'est Oliver il me dit. Je crois plutôt qu'il essaie de me faire une blague oui, j'ai bien reconnu la voix de Sega. Je reconnais facilement les voix des autres, sans doute plus que quiconque ici, c'est une question d'habitude. « C'est méchant ce que tu viens de faire. » je dis d'un air faussement vexé, avant de rire légèrement. Non je comprends qu'il veuille se jouer de moi, enfin pour le coup il aurait fallu qu'il change sa voix. Il me demande si je vois les objets, je vois que ce que j'ai dit lors de la révélation l'a passionné. « Oui je vois très bien les objets, je suis juste incapable de distinguer les visages les uns des autres. » Oui les objets je les vois très bien, heureusement je n'ai pas toutes les tares non plus. « T'as mangé autre chose que ces yaourts ou tu te fais un repas à base de petits suisses ? » Non je sais pas, je suis curieuse, je lui demande, je ris légèrement en voyant les pots autour de lui.

Vu qu’Avalon ne semble pas me reconnaître, je décide de jouer avec ça et de me faire passer pour un autre candidat soit Oliver. Il est français lui aussi donc je ne me trahirai pas à cause de l’accent. Mais malheureusement, on n’a pas du tout la même voix. J’ai essayé de l’imiter mais je crois que c’était peine perdue. Me voilà à présent démasqué. « Tu m’en veux ? » Je prends une voix mielleuse et fait les yeux doux avant de me dire qu’elle ne doit pas voir cela. Elle a donc moins de chance de me pardonner. Enfin, j’espère qu’elle ne m’en veut pas quand même. C’était pas très méchant non plus. Une blagounette. Un peu de mauvais goût mais c’était censé être drôle. « Mais.. c’est bizarre. Tu vois quoi ? Enfin.. t’arrives quand même à distinguer un gars d’une fille et un blond d’un brun, non ? » J’avoue que j’ai dû mal à cerner le problème de la jeune femme. Elle a du mal à voir les traits de visage ok, mais il y a d’autres manières de définir un individu, non ? « Alors avant les petits suisses, j’ai mangé une escalope sur une salade. » Veridict. Avec un peu de citron quand même pour faire ressortir le goût du poulet pané. « Tu connais les contrepèteries ? » Je pensais à un truc drôle à propos de ce que j’ai mangé.

Oh on ne me l'a fait pas à moi, d'accord je n'ai pas su le reconnaître grâce à son physique, mais je sais parfaitement reconnaître les voix des autres. Je les retiens facilement, parce que depuis toute petite c'est comme ça que je me souviens des autres, c'est quasiment inné chez moi. Alors forcément, je n'ai pas cru une seule seconde qu'il était Oliver, même si honnêtement je n'ai que rarement parlé à ce dernier. Il me demande si je lui en veux, je ne sais pas s'il est sérieux ou pas, s'il a saisi l'ironie dans ma précédente remarque. « Oui beaucoup, tu vas devoir ramer si tu espères que je te pardonne un jour. » Mon sourire trahit mon manque de sérieux, mais enfin je n'espérais pas avoir l'air sérieuse. Je crois qu'il a beaucoup de mal à comprendre ma maladie. Enfin ce n'est pas vraiment une maladie, simplement un trouble. « Tu sais que je ne vois pas en noir et blanc quand même Sega, donc je peux parfaitement définir la couleur des yeux ou des cheveux. Comme le sexe d'une personne ou son âge, mais c'est tout. Pour le reste vous avez tous les mêmes traits, par exemple je ne saurais pas te dire en quoi ton visage diffère de celui d'Oliver ou celui de Sully. » Voilà pour moi ils sont tous pareils c'est simple. Puis je lui pose une question sur son déjeuner. Il a mangé une escalope sur une salade. Et il me demande si je connais les contrepèteries, drôle d'enchaînement, puis je repense à ce qu'il m'a dit avant, à ce qu'il a mangé. « Oh oui je vois, je sens que ce que tu vas me dire va être légèrement vulgaire, mais enfin je t'écoute. » Enfin vulgaire, il s'agit juste de dire une insulte, si je pense bien à ce qu'il va me sortir.

Avalon m’a tout de suite grillé. Ma farce n’aura même pas marchée une seconde. C’était peine perdue. J’espère cependant qu’elle ne m’en veut pas réellement. Je pense que c’était pour me charrier. Du moins, j’espère. Je lui demande quand même et elle me dit qu’il va falloir que je rame pour qu’elle me pardonne un jour. Je rigole, prit d’une idée soudaine. « D’accord. » Je me lève et pars chercher une louche en bois dans un tiroir. Je reviens ensuite puis fait mine de ramer avec cette louche en exagérant fortement. Je fais même genre je suis épuisé d’avoir ramé. « C’est bon ? Tu me pardonnes ? » Ah bah là, elle n’a plus d’autre choix. J’ai bel et bien ramé. Enfin.. à ma manière. Manquerait plus que je sois allé chercher une barque et une vraie rame pour pagayer. « Et bien.. euh.. je saurai pas te dire non plus. » Bon, à présent, j’en connais plus sur le syndrome dont est atteinte Avalon. Maintenant, j’avoue que moi-même, je ne-sais-pas ce qui différencie mes traits de visage de ceux de Sully ou Oliver par exemple. « J’ai une grosse bouche je crois, un long nez, un grand front et des oreilles de lutin. » Voilà mon auto-description pas forcément réaliste. J’ai tendance à amplifier fortement ou limite à me caricaturer. « Tu.. tu dessines des visages parfois ? » Je sais pas si elle est apte à le faire ou si elle aime ça mais je pense que ça serait fortement intéressant qu’elle fasse part aux autres de sa vision des choses. Comment elle nous perçoit. « Ouai, c’est un peu vulgaire, désolé. Ça donne une escapade sur une salope. » Du coup, j’ose même pas rire et j’me fais tout petit. Elle m’a un peu cassé dans mon élan. Aussi, moi j’aime bien rire de tout et parfois je me rends pas compte que je suis un peu trash dans mes propos ou dans mes blagues.

Parfois il m'arrive d'oublier de qui il s'agit et de m'en souvenir dès que cette personne ouvre la bouche, c'est ce qui s'est passé avec Sega même s'il a tenté de me faire croire qu'il était Oliver, on ne me l'a fait pas à moi. Je plaisante en lui disant qu'il va falloir qu'il rame s'il veut que je lui pardonne un jour. Oui ça va être très difficile, c'est horrible ce qu'il m'a fait il faut le dire aussi. Je le vois se lever, je ne sais pas trop ce qu'il fait. Il va chercher une louche et fait semblant de ramer avec. Je ris légèrement. « Bon ça va avec tous ces efforts, je peux bien te pardonner. » Je peux faire ça non ? Puis on parle de mon trouble, je lui explique ce qu'il en est réellement puisqu'il ne semble pas tellement le comprendre. C'est simple, pour moi tout le monde a le même visage, je ne les distingue pas, je ne pourrais pas dire ce qui différencie Sega de Sully ou bien même d'Oliver. Il ne sait pas lui non plus. Il me dit qu'il a une grande bouche, un grand front et des oreilles de lutin. « Tu n'aurais pas du me le dire j'ai une vision bien plus mauvaise de toi maintenant. » N'est-ce pas oui. Enfin de toute manière s'il le dit je veux bien le croire, je n'en sais rien personnellement. « Non je ne sais pas vraiment dessiner, des voitures oui, mais pas de visages. » je lui réponds. Je n'ai pas de talent particulier pour le dessin, je ne suis pas très douée, et pour les visages c'est encore pire. Quant à sa contrepèterie, je l'avais deviné avant qu'il ne me la dise. Il a l'air gêné, je ris. « Non mais ne t'en fais pas, ça ne me gêne pas. » Il a dit escapade sur une salope, il ne m'a pas non plus traité de salope, je m'en moque. Je ne vais pas en faire une affaire d'Etat. « Tu peux dire toutes les vulgarités que tu veux devant moi, crois-moi j'ai entendu pire que tout ce à quoi tu peux penser. » C'est ça de travailler dans un milieu essentiellement composé d'hommes.

La candidate ayant des problèmes à distinguer les visages déclare que je vais devoir ramer pour qu'elle me pardonne. J’sais bien qu’elle rigole mais j’ai quand même décidé de la prendre au mot. Après m’être emparé d’une louche en bois, je me mets donc à ramer virtuellement. Ça fait rire la brune. Un peu. « J’espère bien. » Je me suis donné à fond. Vraiment. J’ai ramé comme pas possible. Elle est dans l’obligation de me pardonner. J’suis trop adorable pour qu’on me fasse la gueule bien longtemps de toute façon. Bref, on en vient à parler du syndrome d’Avalon. Je lui demande des précisions et elle m’explique qu’elle ne sait pas ce qui différencie mes traits de visages de ceux d’autres candidats. J’essaye alors de me décrire mais au final, je me caricature plus qu’autre chose. « Faut demander à quelqu’un d’autre sinon. Cette personne sera surement plus objective que moi. » Quelqu’un d’assez physionomiste en soit. Peut-être Sully. Ou Sun-Hi. J’en sais trop rien. Ou alors une personne sachant dessiner. Elle a un bon crayon, elle ? Ça serait fort intéressant en vue de son trouble. Elle me répond que non, juste des voitures. Cela a le don de me faire sourire. « C’est pas pareil, c’est sûr. » Du coup, c’est moins pertinent puisque les voitures, elle peut les voir et pas les visages. Enfin qu’importe. Avalon me demande si j’ai mangé autre chose que des petits suisses, je lui réponds donc que oui, j’ai mangé une escalope sur une salade. Puis me vient un souvenir de contrepèterie. J’en fais part à la candidate puis je le regrette amèrement par la suite. C’est vrai que c’est vulgaire. J’ai peur maintenant que la brune se fasse une fausse idée sur moi. Je pense pas être quelqu’un de vulgaire. Cependant la demoiselle s’empresse de me rassurer et de me dire qu’il n’y a pas de souci. « J’imagine bien si tu travailles dans un milieu masculin. » Si mes souvenirs sont bons, Avalon est garagiste.