“ I live on the frozen surface of a fireball ”

w/nolene

Jorah avait beau avoir arrêté ses études du jour au lendemain et pour se lancer dans quelque chose qui n'avait pas grand chose à voir avec ce dans quoi il comptait se lancer au départ, il n'avait jamais boudé la littérature pour autant. Les livres, c'était même à ses yeux de véritables vestiges du passé, des témoignages d'époques fascinantes où il aurait pu aimer évoluer. Il n'était peut être pas le lecteur le plus assidu qui puisse exister, mais il savait apprécier un bon livre quand il avait l'occasion, et surtout le temps d'en débuter la lecture. Parce que ces temps-ci, du temps, il en manquait pas mal. Pas au sein du nid, bien sûr, étant donné que ses journées se résumaient plus à profiter d'un cadre magnifique qu'autre chose, mais à l'extérieur, compte tenu de tout ce qu'il entreprenait au quotidien, dans tant de choses qu'il se demandait parfois ce qui avait bien pu lui passer par la tête le jour où il s'était lancé là-dedans, ce qui avait inévitablement une incidence directe sur ce qui constituait sa vie, à coté. Peut être que c'était pour ça, au final, qu'il était seul depuis un petit moment maintenant. Pas qu'il s'en plaigne, c'était sûrement mieux ainsi, mais il est vrai qu'il se prenait parfois à philosopher sur ce qu'était sa vie à ce jour, à savoir un vrai chantier mais avec lequel il devait composer, fatalement. Alors il s'était rendu dans la bibliothèque en ce milieu de journée, avait marché le long de quelques allées de livres et avait fini par tomber sur une jeune femme, visiblement Nolene, qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer. « J'aimerais pas me trouver là en cas de tremblement de terre » qu'il nota, avec le sourire, plus pour lancer la conversation qu'autre chose. « Est-ce que tu sais s'ils ont du Asimov, ici ? » Des fois qu'elle ait déjà fait le tour et n'ait rien vu de tel. Autant gagner du temps, n'est-ce pas.

Oh elle n’avait pas encore décidé quel livre elle allait lire. Il faut dire qu’ils en avaient trop à disposition, et pour l’éternelle indécise qu’elle était, c’était un supplice de lui faire choisir. Parmi tous les livres, elle ne savait pas si elle voulait en relire un qu’elle avait particulièrement aimé ou un autre qui lui faisait envie. Et même en ayant défini ceux qu’elle avait particulièrement envie de lire ou de relire elle ne parvenait pas à faire un choix. Elle n’aurait pu dire depuis combien de temps elle était là, à chercher un livre, à lire des quatrièmes de couverture. Un certain temps en tout cas, mais elle ne voyait pas le temps passer, rarement en fait. De nombreuses mèches se sont échappées de sa queue de cheval à force de se gratter la tête, mais elle n’y a même pas fait attention, tout ce qu’elle sait c’est qu’elle commence à se prendre la tête un peu trop. Après tout elle a encore toute sa vie devant elle non, pour les lire tous ces livres ? Alors qu’elle se décide une bonne fois pour toutes. Elle est sortie de sa rêverie lorsqu’elle entend une voix s’adresser à elle. Elle tourne rapidement la tête et observe un jeune homme devant elle. Il lui parle de tremblements de terre, qu’il n’aimerait pas être là si jamais il y en avait un, ce qui la fait sourire. « Je l’imagine assez bien oui. » En même temps personne n’avait envie de voir tous ces livres lui tomber dessus. « Tu sais quels sont les risques de tremblements de terre ici à Hawaii ? » Non parce que maintenant qu’il lui en avait parlé, elle se posait la question, c’était important qu’elle sache désormais, même si elle se doutait qu’il ne s’était sans doute pas renseigné avant de venir ici. Il lui demanda ensuite si elle avait vu un livre d’Asimov ici. « Je suis désolée j’affectionne peu la science-fiction, j’avoue n’y avoir pas fait attention. » Oui elle n’allait pas pouvoir l’aider sur ce coup là même si elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose. « Oh, et tu es ? Je suis désolée j’ai encore du mal avec les prénoms. » Et puis il faut dire qu’être arrivée après tout le monde ne lui facilitait pas la tâche en réalité.

Alors ouais, soyons clairs, de tous les endroits où Jorah n'aimerait pas se trouver si un tremblement de terre lui tombait dessus, celui-là se classait sacrément bien, étant donné que ce serait déjà assez difficile de se mettre à l'abri pour qu'il n'y ait pas en plus une montagne de livres qui lui tombe sur la tronche. Donc cette bibliothèque, autant il n'avait rien contre l'idée de la fréquenter en temps normal, autant il préférerait vraiment ne pas se trouver dans les parages si une secousse se ressentait, histoire d'avoir quand même un maximum de chances de s'en sortir. La question que formula sa camarade le laissa en tout cas perplexe, parce qu'il était légitime qu'elle se la pose, mais qu'elle s'adressait à quelqu'un qui ne connaissait pas grand chose à Hawaï, tout de même. « J'imagine que dès qu'il y a des volcans, il y a tout de suite certains risques, non ? » Y'avait pas des histoires d'activité volcanique, liée à des tremblements de terre ? En tout cas, il avait suffi qu'il en parle pour angoisser sur ça aussi, c'était malin. « Et d'ailleurs, ça parait évident, mais j'aimerais aussi autant éviter d'être au pied d'un volcan dans ces moments-là. Je crois qu'en fait, à choisir, je préférerais carrément que ça m'arrive pas du tout, ce genre de trucs. » Ah ça, c'est clair. Autant ne pas être confronté à un scénario aussi catastrophique. En tout cas, il chercha à savoir si la demoiselle avait pu apercevoir un ouvrage d'Asimov, un écrivain qu'il affectionnait particulièrement, parce que ses bouquins étaient parmi les premiers qui l'avaient vraiment intéressé, tout jeune déjà. Mais semble-t-il qu'elle n'en savait pas plus que lui sur le sujet, ce qui le fit sourire. « Oh c'est pas grave, ça m'apprendra à vouloir m'éviter ce genre d'efforts. » Chercher, ça n'allait de toute façon pas lui prendre la nuit. Ou alors ce serait inquiétant. « Jorah » qu'il reprit, comprenant qu'elle ait du mal à assimiler tous les prénoms. Lui aussi n'était pas encore tout à fait rodé, alors il ne la jugerait pas. « Et donc toi, c'est Nolene, je risque pas de me tromper ! J'espère que tu te plais, ici. Et que les gens ont été cools avec toi. » Mais certains avaient beau avoir leur caractère, il préférait penser qu'ils l'avaient tous accueillie avec bienveillance. « T'as pas été bizutée, au moins ? » Il n'y avait vraiment que lui pour tout de suite envisager ce genre de trucs.

Très franchement elle ne pensait pas une seule seconde aux tremblements de terre lorsqu’elle se rendait dans une bibliothèque. Mais soit sa remarque était pertinente, parce qu’il n’avait pas tort. Il valait mieux se trouver dans un salon par exemple plutôt qu’ici où des centaines de livres risquaient de vous assommer. Elle osait tout de même espérer que les tremblements de terre n’étaient pas si fréquents que cela à Hawaii. Cela dit elle n’en savait rien, et c’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte qu’elle aurait peut-être mieux fait de se renseigner avant de venir, après tout elle ne savait pas les dangers qu’elle encourait en étant dans cette émission. D’ailleurs le jeune homme n’en savait pas plus qu’elle et il lui parlait de volcans. « Oui mais les séismes dus aux volcans sont plus rares que ceux causés par des failles. » dit-elle en haussant les épaules. Elle ne connaissait pas grand-chose aux séismes, mais elle avait déjà lu certaines choses à ce propos, et c’était en gros tout ce qu’elle avait retenu. Ce qu’elle en concluait en tout cas c’était qu’ils étaient sans doute plus à sécurité ici qu’en Californie, sans pour autant en être certaine. En tout cas, il ajouta ensuite qu’il n’aimerait pas non plus se trouver au pied d’un volcan si jamais un tremblement de terre avait lieu, ce qui se comprenait aisément. Et à choisir il aimerait bien que ça ne lui arrive jamais, encore heureux. « Ce que je comprends bien. Mais si tu devais choisir entre être enfermé dans cette pièce pendant un tremblement de terre où te trouver au pied d’un volcan que choisirais-tu ? » Et la question était capitale, n’est-ce pas. Il faut parfois excuser sa curiosité et ses questions. C’est qu’elle en pose beaucoup, beaucoup trop parfois. Une qu’elle trouvait en revanche essentielle était de connaître l’identité de la personne qu’elle avait en face d’elle. Jorah, c’était donc son prénom. « Et d’où viens-tu ? » Elle osait présumer qu’il ne venait pas du Royaume-Uni avec un prénom comme le sien, mais elle pouvait aussi très bien se tromper, ça n’était pas exclu. Lui en revanche se souvenait de son prénom, il fallait dire que ça avait sans doute été un peu plus facile à retenir étant donné qu’elle était arrivé après tout le monde et qu’on avait affiché son nom en grand. Il espère que les gens ont été gentils avec elle et qu’elle se plaît ici également, ce qui la fait sourire, il est gentil, enfin elle le trouve gentil pour le moment. « Oh oui ça se passe bien, même si ce n’est pas évident d’arriver après tout le monde. Globalement je n’ai pas à me plaindre. » Elle aurait pu aller réclamer un autre partenaire, mais elle savait que ce n’étaient pas des choses qui se faisaient. Il en vient ensuite à lui demander si elle n’avait pas été bizutée. « Oh non, je ne sais pas si j’aurais décidé de rester dans un tel cas. Tu penses que certains seraient capable d’une telle chose ? » Et elle osait espérer que non, tout de même si certains n’étaient pas des plus sympathiques elle se disait que personne ne s’abaisserait à faire une telle chose.

Des tremblements de terre, Jorah n'avait pas le souvenir d'en avoir déjà connu. C'était plutôt une très bonne chose, d'ailleurs, parce que ça n'était pas le genre de situations que chacun aspirait à vivre. Quant à Hawaï, il en savait ce qu'il y avait globalement à en savoir, ainsi lui demander s'il connaissait les risques de tremblements de terre dans le coin, c'était peu être un peu le surestimer. Sa réponse fut donc assez convenue, plus déductive qu'autre chose. La jeune femme lui parla de failles et il prit un air complètement largué. « Ah bah, si tu le dis, je veux bien te croire. Parce que là, je t'avouerais qu'on sort très légèrement de mon champ de compétences. » Il préférait éviter de la jouer convaincu, l'air de s'y connaître vachement, parce qu'il savait que ce genre de trucs lui retombaient généralement dessus. Une chose était en tout cas certaine, les tremblements de terre, il ne voudrait ni les vivre en étant au milieu d'une bibliothèque, ni en étant au pied d'un volcan. C'est que, dans un cas comme dans l'autre, il serait assez mal barré. Mais voilà que la jolie blonde lui posa une question redoutable, et ô combien existentielle surtout. « Ça revient à choisir entre la peste et le choléra ! » qu'il énonça, ne s'étant d'ailleurs jamais tellement préparé à devoir choisir ce qui pour lui serait la situation la moins problématique. Parce qu'elles le seraient toutes les deux, hein, chacune dans leur genre. « Mais compte tenu du fait qu'un millier de livres n'égalera probablement jamais le potentiel destructeur d'une coulée de lave, je pense que la bibliothèque reste l'option la plus susceptible d'amener à une éventuelle survie. » Disons que oui, à bien y réfléchir, il aurait plus de chance de s'en tirer en s'extirpant de dessous des livres qu'après qu'une coulée de lave lui soit passée dessus. Jorah se présenta en tout cas à sa camarade, qui chercha à savoir d'où il venait. « D'Azerbaïdjan, dans le Caucase » qu'il fit, dans un sourire, s'attendant à ce qu'elle n'en ait jamais entendu parler, étant donné qu'elle serait loin d'être la seule. « Tu es anglo-saxonne non ? » Pour se rendre assez souvent en terres britanniques dans un cadre professionnel, il avait cru reconnaître certaines nuances de son anglais. Cette demoiselle se prénommait en tout cas Nolene, ça c'était certain, et Jorah espérait qu'elle se sente bien au sein du nid, et qu'elle ait été accueillie comme il se doit lorsqu'elle était arrivée, quelques jours après les autres. « Je suis sûr que tu es déjà bien intégrée. Au fond, ce n'est pas une petite semaine qui change quoi que ce soit, à l'échelle de l'aventure. » A ses yeux, en tout cas, qu'elle soit arrivée un peu après ou non, ça ne changeait rien. Quant à cette histoire de bizutage, il avait été un peu idiot de l'évoquer, étant donné que c'était plutôt absurde. « Non, au fond, ça m'étonnerait. Ce serait grave, quand même. » Oui, plutôt, et ce ne serait surtout pas une preuve d'intelligence, on peut le dire. Finalement, il se mit à faire quelques pas le long des étagères, les mains dans les poches. « Tout à l'heure, tu as dit que la science-fiction n'était pas trop ton truc. Alors dis-moi, qu'est-ce que t'aimes lire généralement ? » On pouvait apprendre à connaître quelqu'un en s'intéressant à ses lectures. Il était bien placé pour le savoir.

Est-ce qu’elle s’y connaissait beaucoup en séismes et autres secousses ? Pas vraiment, seulement deux-trois informations qu’elle avait lu par-ci par-là. Il faudrait qu’elle approfondisse un peu plus ses recherches par la suite, bien qu’au final ça ne lui servirait probablement pas à grand-chose. Enfin semblait-il que le peu qu’elle connaissait était toujours plus que ce que son interlocuteur lui savait. « Je t’avoue que ce n’est pas mon domaine de prédilection non plus. » Elle n’était pas experte dans tout ce qui était ‘sciences dures’, elle essayait simplement de s’y intéresser un peu parce qu’elle était de nature curieuse, mais cela n’allait pas plus loin. Et comme elle était particulièrement curieuse dans son genre, et qu’elle se posait tout un tas de questions qui germaient seulement dans son esprit, elle lui demanda s’il préférait se trouver au pied d’un volcan ou dans une bibliothèque fermée à clé si jamais un tremblement de terre se produisait. Selon elle c’était une question tout à fait légitime, et elle attendait de connaître sa réponse. Visiblement la bibliothèque était son choix. « Oui ce n’est pas un choix évident, mais j’aurais fait le même que toi. A moins bien sûr que l’on ait une chance de partir en courant avant que la lave ne nous atteigne. » Oh oui il fallait prendre en compte toutes les variables, même s’il devait s’en moquer éperdument et qu’il devait avoir envie qu’elle ferme la parenthèse une bonne fois pour toutes. Elle enchaîna donc en lui demandant d’où il venait, parce qu’elle trouvait son prénom peu commun, en tout cas peu commun pour un Britannique. Il venait donc d’Azerbaïdjan. « Oh c’est un très joli pays. » Enfin de ce qu’elle en avait vu, des paysages magnifiques. Elle ne parlerait pas du climat politique du pays, elle n’y était restée qu’une semaine et elle avait vu ça avec ses petits yeux d’Anglaise et elle ne se permettrait pas d’émettre un jugement trop hâtif là-dessus. Peu importe, il lui demanda si elle était anglo-saxonne. « Oui je suis Britannique. Enfin à moitié. » Oui il n’était pas correct de dire qu’elle n’était que Britannique quand elle possédait deux nationalités. Même si très honnêtement elle se considérait plus comme pleinement Britannique que Suédoise en réalité. Ils parlèrent ensuite de son intégration puisqu’elle était arrivée une semaine après les autres. Globalement elle n’avait pas eu à se plaindre, il était vrai que les autres la considéraient encore comme la nouvelle mais elle espérait que cela finirait par passer avant son élimination au moins. « Sans doute, mais ça change tout de même la donne. Enfin je suis plutôt contente de mon sort. » Au final oui, le problème était qu’elle était arrivée seule au contraire des autres. Mais elle n’avait jamais réellement pensé que c’était une mauvaise chose. Et puis non, bien heureusement personne n’avait osé la bizuter. Elle l’aurait très mal pris, mais elle voyait mal quelqu’un ici capable d’une telle chose, ce que Jorah lui confirma. Le jeune homme changea ensuite de sujet pour lui parler de littérature, quels genres de romans elle appréciait lire. « Je lis beaucoup de livres de sociologie, de psychologie. A côté j’aime les grands classiques, et les livres policiers. » Oui les livres policiers la fascinaient assez tout comme la littérature classique, qu’elle avait beaucoup lu et qui n’avait presque plus aucun secret pour elle aujourd’hui. « Et toi à part la science-fiction, que lis-tu ? » A moins qu’il ne se cantonne qu’à ce domaine, ce qui n’était pas à exclure.

Nul doute que l'étude des phénomènes sismiques devait en passionner plus d'un, mais Jorah, lui, avait toujours plutôt bien vécu le fait de ne pas être calé en la matière. La vérité, c'est que n'ayant jamais été susceptible d'être exposé à ce genre de catastrophes, il n'avait jamais ressenti le besoin de s'y intéresser. Alors non, il ne prétendait pas s'y connaître en la matière, n'ayant à la base répondue à sa camarade que par déduction. Mais les volcans, c'était un peu la même histoire que pour les séismes, ainsi donc il la croyait sur parole dans ce qu'elle avançait. Pour ce qui était alors de choisir entre vivre un séisme depuis une bibliothèque ou depuis le pied d'un volcan, il est vrai que ça lui paraissait être un choix cornélien, étant donné que l'un comme l'autre semblaient amorcer une fin relativement tragique. Cela dit, il ne devait pas y avoir réellement pire que de finir brûlé vif par une coulée de lave, alors peut être que, dans ces conditions, il préférerait se prendre des livres sur la tronche. « Quelque chose me dit que la lave, puisqu'elle brûlera tout sur son passage, ne sera freinée par aucun obstacle, alors j'ai tendance à penser qu'on serait quand même assez mal barrés si on devait la semer. Mais il parait que la peur stimule vachement, alors pourquoi pas. » C'est vrai qu'on entendait dire que dans des moments de peur intense, certains individus se découvraient des capacités insoupçonnées.  Finalement, Nolene lui demanda d'où il venait, et c'est avec un étonnement manifeste qu'il accueillit la réplique de la demoiselle, qui avait apparemment déjà visité l'Azerbaïdjan. « Oh parce que, tu t'y es déjà rendue ? Comprends mon étonnement, je m'estime déjà généralement heureux quand quelqu'un arrive à en prononcer le nom correctement ou à le situer approximativement sur une carte, alors là ... » Oui, il était agréablement surpris qu'elle y ait déjà mis les pieds, parce qu'il s'était fait une raison, à ses yeux il venait d'un coup que peu de monde pouvait connaître, mais cette révélation changeait tout. « Tu n'y es pas née, c'est ça ? » C'est ce qui pourrait notamment expliquer qu'elle ne soit pas que britannique. Ou alors elle avait été naturalisée dans un autre pays pour une toute autre raison, mais il avait préféré avancer la plus probable. En tout cas, Nolene semblait déjà parfaitement intégrée, bien qu'elle soit arrivée quelques jours après les autres. De l'avis de Jorah, ça ne changeait rien. L'aventure s'étendait sur de nombreuses semaines, et le fait qu'elle l'ait commencé un peu après les autres n'aurait aucune importance à une pareille échelle. « Je suis sûre que toi aussi tu finiras par ne plus y penser » qu'il souffla, dans un sourire, avant de finalement changer de sujet pour s'intéresser de nouveau à la littérature. Légitime, dans un tel endroit. Elle avait dit ne pas affectionner la Science Fiction, mais alors qu'aimait-elle lire généralement ? Beaucoup de choses, apparemment. « Tu t'intéresses aux comportements humains ? On doit lire des choses passionnantes à ce sujet » qu'il reprit, lui-même s'interrogeant souvent sur la nature humaine et ses différentes façons d'être au sein de son écosystème. « Je mentirais si je disais que ce n'est pas ce qui me passionne le plus en matière de littérature » ajouta-t-il, honnête, étant donné que la Science Fiction restait son genre littéraire de prédilection. « Mais je pense que je pourrais m'adapter à presque tout, dans une moindre mesure en tout cas. » Il n'était pas difficile, mais aurait toujours sa préférence, ça ne faisait aucun doute. « A tes yeux, s'il ne devait rester qu'un livre, ce serait lequel ? » Celui qu'elle garderait au détriment de tous les autres. Son préféré, ou en tout cas celui qui lui parlait le plus.

Au final cette question la taraudait assez. Qu’est-ce qui était le pire se retrouver ici pendant un séisme ou au pied d’un volcan ? Logiquement on choisit la bibliothèque mais elle aimerait avoir toutes les variables en sa possession. Par exemple, en combien de temps mettait la lave pour venir jusqu’au pied du volcan ? Selon ce temps ils avaient peut-être le temps d’aller se réfugier. Ca elle n’en savait rien, et c’est ce qui l’empêchait de donner une réponse définitive. Selon le jeune homme la lave ne serait pas freinée, mais de l’autre côté la peur nous stimulait. Oui cela donnait matière à réfléchir. « C’est vrai, il y a trop de facteurs inconnus dans l’équation. Je me renseignerai. » Et elle le ferait, sinon ces mots ne seraient jamais sortis de sa bouche. Elle ferait des recherches pendant son temps libre. Après tout faire des recherches c’était le propre de son métier, même si ce n’était pas son domaine les volcans et tout cela. Ils en vinrent ensuite à parler de leur pays respectif, Nolene ayant été intriguée par le prénom du jeune homme : Jorah ce n’était pas courant en Angleterre. Il lui avait répondu venir d’Azerbaïdjan qui était un pays qu’elle avait déjà visité. Elle avait eu l’occasion de beaucoup voyager depuis qu’elle était toute petite, et elle avait vite fait le tour des pays à destination touristique, et au final ils l’intéressaient moins. Elle préférait aller visiter des pays méconnus. Et Jorah semblait étonné de voir qu’elle avait déjà eu l’occasion de visiter son pays d’origine. « Oui tu sais, on a vite fait le tour des plages de Bali. » dit-elle en souriant. Elle ne parlait pas que de Bali, mais des plages du monde en général, des lieux touristiques, elle en avait fait le tour, et avait envie de nouveauté de voir des endroits plus reculés et souvent bien plus fascinants. « Comment tu te sens dans ce pays ? » Elle ne connaissait pas bien le climat politique du pays et elle se demandait comment il le ressentait, s’il s’y sentait bien. Quant à elle et bien elle était effectivement Britannique, même si cela n’était qu’à moitié vrai en réalité. « Effectivement je suis née en Suède, qui est aussi la nationalité de Maman. » Elle parlait toujours comme cela de ses parents, et cela surprenait parfois. Elle avait été éduquée de cette manière. Elle était en tout cas ravie d’être le mélange de deux cultures, et de posséder deux nationalités, cela la rendait plus riche selon elle. Et quant à son statut de nouvelle, elle ne s’en souciait que trop peu, elle espérait simplement arriver à s’en détacher un jour. « Oh tu sais je l’oublie souvent, jusqu’à ce que l’on me le rappelle. » Et elle ne disait pas cela pour lui, simplement on lui en parlait souvent, et c’était cela qui renforçait ce statut-là, pas elle. Ils en revinrent ensuite aux livres, puisqu’ils étaient le sujet principal de la bibliothèque. La blonde appréciait un peu tous les gens, sauf peut-être la science-fiction, même si elle ne crachait pas dessus. Il est vrai que la plupart de ses lectures concernaient son travail, les sciences humaines et sociales donc. « C’est le propre de mon métier en réalité. C’est vrai qu’on lit des choses fascinantes, mais toutes ne le sont pas. » Oui parfois elles se demandaient comment de tels travaux avaient pu être publiés, même si après tout cela restait son avis personnel. Jorah, lui contrairement à elle affectionnait particulièrement la science-fiction, mais se passionnait de tout. « Je trouve que c’est une bonne chose de s’intéresser à tout, chaque genre est différent et nous apporte des choses supplémentaires. » Oui la science-fiction n’apporterait jamais la même chose que pouvaient le faire les romans policiers, chaque genre a ses spécificités et pour elle il faut posséder une certaine ouverture d’esprit pour parvenir à lire de tout. Sa question suivant fut particulièrement difficile pour elle. « Bonne question. » Elle se gratta quelques secondes la tête, et partit vers la rangée des C pour en sortir un livre, son préféré sans doute avant de revenir avec. « L’étranger, sans doute. » Pourquoi était-elle aller chercher le livre ? Bonne question. « Et le tien ? »

Toute cette réflexion autour de la question, ça allait se terminer par une thèse, à ce train-là. C'était peut être se montrer sacrément optimiste que d'envisager qu'on puisse avoir le temps de fuir une coulée de lave, mais il ne l'excluait pas, c'est clair. Supposons alors que des questions demeureraient au sujet de tout ça. Nolene disait alors qu'elle se renseignerait, ce qui le fit sourire. « Tiens-moi au courant, je ne veux pas mourir sans être fixé maintenant ! » qu'il fit, en plaisantant, donnant peut être un peu trop d'importance à la question. Il lui confia alors venir d'Azerbaïdjan, un pays assez méconnu, que beaucoup savaient à peine nommer ou situer sur une carte, oui. Il n'y avait qu'à voir comment certains de leurs camarades avaient accueilli cette information : beaucoup avaient appris l'existence de ce pays ou n'en avaient toujours entendu parler que parce qu'il avait pu être associé à certains événements. Jorah se permit alors de se renseigner sur la question, car forcément elle avait titillé sa curiosité à parler de l'Azerbaïdjan comme si elle y avait suffisamment mis les pieds pour se rendre compte qu'en effet, c'était un coin très joli. Sa réponse laissa alors entendre qu'elle avait pour habitude de voyager, ce qui le fit sourire, puisque lui aussi bougeait de plus en plus, et était avide de découvertes. La question qu'elle lui posa ensuite le surprit toutefois légèrement, parce que non seulement il venait d'apprendre qu'elle connaissait son pays, mais en plus elle semblait s'intéresser au climat sociopolitique qui y régnait. « Je m'y sens bien. Bakou est une ville agréable, et l'Azerbaïdjan en lui-même est un pays où je me suis toujours plu. Bien sûr, je ne suis pas en total accord avec la façon dont il est dirigé, et je déplore qu'il y ait parfois des freins à la liberté d'expression, mais je pense pas qu'on soit plus à plaindre que d'autres. » Il n'avait pas particulièrement envie d'être de ces gens qui saisissent la moindre occasion pour critiquer vivement la politique de leur pays. La sienne était imparfaite, on l'avait encore prouvé récemment, mais il ne voulait pas rentrer dans ce genre de débats, ou pas trop sérieusement en tout cas. Le principal étant que la situation économique là-bas soit plutôt stable. Tant qu'il n'y avait pas de misère, c'était toujours ça. « Tu y as passé beaucoup de temps ? » qu'il se questionna quant au fait qu'elle dise être née en Suède, le pays d'origine de sa mère. Peut être n'en avait-elle pas beaucoup de souvenirs, mais peut être y avait-elle vécu toute une époque de sa vie. Il souhaita en tout cas la rassurer quant au fait qu'elle soit arrivée après les autres, restant persuadé que ça ne changeait rien au fond, se faisant intimement la promesse de ne plus évoquer ça avec elle, pour ne plus qu'elle y pense. Nolene disait alors que son mérite consistait à s'intéresser aux comportements humains, ce qui était fascinant. « Quel genre d'absurdités as-tu déjà pu lire ? » qu'il la questionna, curieux vu qu'elle laissait entendre que des bêtises avaient été publiées. C'était histoire de se tenir au courant. Hochant la tête aux propos de la jolie blonde, sur lesquels il ne pouvait qu'être d'accord, Jorah chercha à savoir quel livre demeurait son préféré, ou celui qu'elle voudrait garder à titre exclusif en tout cas. Il la vit alors s'éloigner et en ramener un livre d'Albert Camus. C'est français, non ? Le bouquin parle de quoi ? » Il fallait excuser son manque de culture en matière de Littérature Francophone, il se contentait d'être déductif. « Quant à moi, probablement Le Meilleur des mondes. » Il tâcha de faire comme elle, avançant jusqu'à la rangée des U, avant de s'orienter vers celle des H, après avoir eu un sérieux doute. Là, il trouva le livre, et revint vers Nolene. « Comme quoi, la science-fiction ne se résume pas au space opera » qu'il ajouta, en un rire, pour s'éloigner de ce genre de clichés. Certes, c'était ce qu'il aimait peut être le plus, mais la preuve en était qu'il ne se fermait pas au reste.

Elle allait réellement s’intéresser à la question, qu’on se le dise. Quand elle avait une idée en tête, elle n’en sortait pas. Pour Jorah cela n’avait sûrement aucune importance, mais pour Nolene si maintenant. Alors sa réponse elle l’aurait dans deux semaines, un mois ou un an mais elle finirait par l’obtenir et elle en était certaine au moment où elle parlait. Le jeune homme lui demanda de la tenir au courant, mais elle sentait bien qu’il plaisantait plus qu’autre chose. Au fond cela n’avait pas de réelle importance qu’il s’y intéresse ou pas, parce qu’elle comprenait qu’il s’en moque éperdument. « Pas de problème. » qu’elle répondit sur le même ton. Et même s’il plaisantait, elle serait tout à fait capable dans deux mois de chercher son numéro pour le tenir informé. Oh elle n’était pas folle, simplement très à cheval sur ce qu’elle disait. Même si bon elle n’irait sûrement pas le chercher jusqu’en Azerbaïdjan puisque c’est de ce pays qu’il venait. Pays qu’elle connaissait oui pour l’avoir visité. Son voyage n’avait pas été très long, elle était partie avec son copain de l’époque, fasciné par les pays de l’ex-URSS. Elle avait trouvé les paysages formidables, et elle trouvait cela dommage qu’il soit aussi méconnu. Après elle ne se permettrait pas d’émettre un jugement sur le climat politique et social qui régnait dans le pays, elle n’y avait pas été assez longtemps pour se proclamer spécialiste et se mettre à la place des personnes qui y vivaient. Simplement elle faisait des recherches lorsqu’elle visitait un pays, à chaque fois, et elle ne se contentait pas de lire ce qu’il y avait écrit sur Wikipédia. Elle trouvait donc cela intéressant d’entendre l’avis de Jorah, de voir comment il se sentait dans son propre pays. « C’est ce que j’avais cru comprendre, sans pour autant savoir comment vous, vous le vivez de l’intérieur. Ça me rassure de t’entendre dire cela, tu viens d’un très beau pays. » Oui concernant la liberté d’expression, le régime politique, elle avait pensé que les conditions étaient un peu plus rudes, mais apparemment ça ne l’était pas, et franchement ça lui faisait plaisir de l’entendre dire cela. Et puis il ne fallait pas exclure que c’était encore un pays récent, qui avait longtemps existé sous l’égide de l’empire soviétique. Enfin elle n’était vraiment pas une experte en union soviétique, bien qu’elle ait connu la guerre froide quand elle était petite, cela restait de très lointains souvenirs. Et les tensions commençaient déjà à s’apaiser lorsqu’elle était née. Et puis que ce soit au Royaume-Uni ou en Suède elle n’avait jamais eu à se plaindre de son sort. En parlant de son pays natal, le jeune homme lui demanda combien de temps elle y avait vécu. « Quatre ans, je m’en souviens peu, mais je m’y rends assez souvent. » Toute la famille de sa mère vivait là-bas, et il suffisait que sa mère ouvre la bouche pour comprendre qu’elle n’était absolument pas Britannique, même si elle en avait obtenu la nationalité elle aussi. La conversation dévia ensuite sur leurs lectures respectives, Nolene, elle, lisait beaucoup les travaux de ses confrères, et toutes n’étaient pas bonnes, enfin en son humble avis. « Oh tu sais, la religion par exemple est un thème récurrent dans les travaux menés. Le problème est quand ils sont menés par des personnes qui ne sont pas capables de laisser leur foi de côté. Un jour un étudiant nous a très sérieusement présenté sa thèse qui démontrait que Jésus avait le contrôle de toutes nos décisions. » Oui cela n’avait pas été publié, bien heureusement, mais elle se souviendrait sans doute toujours de cet étudiant. Il n’était pas idiot, simplement un peu dérangé, et cela l’avait beaucoup gêné d’avoir à lire un tel écrit sans émettre de jugement sur la personne. Des thèses elle en lisait beaucoup de toute manière, et elle lui avait simplement donné l’exemple de la plus surréaliste. Il fut ensuite question de son livre favori, ce qui était une question particulièrement ardue. Réfléchissant un instant, elle partit chercher un livre et revint avec l’Etranger d’Albert Camus. C’était sans doute ce livre-là qu’elle retiendrait. « Oui effectivement c’est un livre français. Ce livre raconte l’histoire d’un personnage nommé Meursault, on ne connaît pas son prénom, ça n’a pas d’importance. Il débute par l’enterrement de sa mère, auquel il ne pleure pas. Les événements s’enchaînent dans sa vie, sans réellement de liens entre eux. Lors d’un voyage il commet un meurtre, à cause du soleil. A cause du soleil oui, aveuglé par celui-ci il appuie sur la gâchette, comme s’il avait un certain pouvoir sur lui. Bref, on suit son procès, il est condamné à mort. Plus pour ne pas avoir pleuré à l’enterrement de sa mère, que pour le meurtre qu’il a commis. » En très très gros elle venait de résumer le livre, elle se gardait bien de lui expliquer toute la dimension philosophique, et pour elle psychologique du livre, sinon elle pourrait y passer des heures. Elle ne rentrait pas non plus dans les détails, s’il en voulait, elle en avait à raconter. Jorah choisit donc à son tour un livre, Le meilleur des mondes. « Je dois t’avouer qu’à part quelques grands classiques je n’ai pas lu beaucoup de science-fiction, j’ai donc bien peur de devoir te retourner la question. De quoi parle-t-il ? » dit-elle dans un sourire. Oui elle avait lu Je suis une légende ou Fahrenheit 451, mais sa culture à ce niveau-là était très limitée.