Robbie

Accoudé à la balustrade, Leone regardait les flocons de neige virevoltaient dans le ciel avant d’atterrir doucement sur la paume de sa main. Ses yeux bleus se perdaient sur les vagues qui s’écrasaient inlassablement contre la falaise. Il demeura ainsi, perdu dans ses songes, quelques instants avant de sortir son paquet de cigarettes et son briquet de la poche de sa veste, il en alluma une puis se recula de quelques pas pour s’adosser contre le mur.

Une fois sa cigarette du soir terminée, il décida de retourner au chaud. A son plus grand désespoir, la poignée de la fenêtre qui permettait d’accéder au balcon semblait s’être bloquée. Impossible de l’ouvrir de l’extérieur. Il réessaya plusieurs fois, en vain. S’avouant vaincu, il ne comptait pas utiliser la manière forte du moins pas en premier recours, il frappa d’un coup violent sur le cadrage de la vitre espérant que l’un de ses colocataires se trouve à proximité et soit en mesure de lui ouvrir de l’intérieur. Impatient, il retapa une seconde fois avant de reconnaître le visage de son sauveur de l’autre côté de la vitre. Hé merde ! Il s’agissait de Robbie.

Il arrivait de plus en plus souvent à Robbie d'errer dans le Nid sans but réel, en se disant que le hasard allait bien le mener quelque part. Et il n'avait pas tout à fait tort. La journée avait été plutôt calme, et rien n'avait pu lui changer les idées sur ce qu'il s'était passé les journées précédentes. Après tout, les évènements n'avaient pas toujours été joyeux. Et toutes ces idées noires lui revinrent en tête dès le moment où il aperçut Leone à travers la fenêtre. Un brin sonné, le jeune homme ne comprit pas vraiment ce qu'il se passait. Après quelques secondes où il ne devait pas avoir l'air bien malin, il ouvrit la fenêtre, sans vraiment réfléchir. Il n'eut donc pas le temps de regretter ou quoi que ce soit. Ils ne s'étaient pas revus depuis un moment, pourtant, Robbie décida de ne pas partir en courant. Il engagea donc la conversation, en restant calme. « Salut. T'attend pas depuis trop longtemps ? »

Désormais Leone y réfléchirait à deux fois avant d’aller fumer. Grâce à Robbie il put entrer à l’intérieur, il ne se fit pas prier même si à vrai dire il aurait préféré être secouru par un autre candidat. En effet, sa relation avec le Londonien s’avérait compliquée. Il lui adressa un sourire reconnaissant puis frotta ses mains l’une contre l’autre, frigorifié. Campant sur ses positions, l’agent marketing était toujours persuadé que son camarade ne représentait rien à ses yeux, ce qui simplifiait amplement l’attention qu’il devait lui porter.

« Non, merci à toi. » Répondit-il simplement.

Le jeune homme déboutonna sa veste, s’apprêtant à rejoindre sa chambre. Il n’avait pas l’intention de s’enraciner auprès de Robbie. Il lui avait déjà fait comprendre ses ressentis lors de leur récente querelle dans la cuisine.

Robbie se rendait compte petit à petit de ce qu'il se passait. Une fois remis du froid qui s'était engouffré en ouvrant la porte, le jeune homme réalisa que, dans cette histoire, Leone ne serait pas le premier à mettre sa fierté de coté. C'était un trait de personnalité que le mannequin avait su saisir très tôt. Heureusement, lui même n'était pas ainsi. Il comptait donc bien faire le premier pas. Après tout, les deux candidats souffraient de cette situation, il fallait bien que cela s'arrête. Prenant une grande respiration, le Londonien se jeta à l'eau et lui dit. « Attend ! Écoute, je vois bien que j'ai des torts. Je suis désolé. J'ai mal réagi, ça m'arrive parfois. Ce ne sera sans doute pas la dernière fois. Je n'avais pas vu que le départ de Deirdre t'avais autant affecté. Bref. J'ai mes torts, je le reconnais. » Au moins, c'était un premier pas. Après tout, ils n'allaient pas être en froid pendant toute l'aventure, si ?

Leone retira sa veste et se laissa glisser contre le mur du couloir. Il s’assit face à la fenêtre, faisant signe à Robbie de le rejoindre. Il ne l’avouerait jamais mais il était touché de l’affection qu’il lui portait. A son tour de jouer cartes sur table :

« Excuses acceptées… Je ne sais pas pourquoi tu as décidé de participer à Fake Lover et je n’ai aucune idée sur ton secret. Tu peux être un mec sincère ou le pire des calculateurs, c’est le jeu. Je ne peux pas t’accorder ma confiance aussi facilement et je ne veux pas avoir à compter sur toi. Dis-moi que tu me comprends ? »

De tous les habitants du Nid d’Amour Leone, d’un naturel méfiant, n’avait jamais accordé pleinement sa confiance. Le seul qui pouvait se démarquer à ce niveau était Matthew. En effet suite aux conséquences de sa mission secrète et à la confrontation dans la cabane en bois, l’agent marketing avait désormais peut-être plus de facilité à le croire.

Robbie fut soulagé de constater de Leone était prêt à l'écouter. Après tout, il aurait pu tout simplement partir, comme il semblait vouloir le faire au début. S'installant à ses cotés, le mannequin commençait à comprendre de mieux en mieux ce qui clochait. Il lui répondit donc, en tentant de rester calme. « Bien sur que je comprends, tu as même sans doute raison. J'ai tendance à oublier que les gens ne réagissent pas tous comme moi. Fais les choses à ton rythme, je saurai etre patient... enfin, autant que possible. » Le jeune homme lui adressa un sourire timide. Les choses semblaient à peu près s'arranger. Le Londonien pensait que l'aventure passait bien trop vite pour attendre, mais il respectait les valeurs de son camarade.

Robbie avait l’air d’être quelqu’un de simple et d’abordable, qui faisait facilement confiance aux autres. C’était d’ailleurs sa spontanéité et son naturel, dissimulés derrière sa fierté d’homme, qui lui avaient plu dès la première semaine. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, Leone le voyait aussi comme un garçon naïf, peut-être influençable, qui risquait tôt ou tard de se brûler les ailes. Il donnait l’impression d’avoir besoin d’affection et de soutien pour avancer, chose que le jeune New Yorkais ne pouvait lui promettre.

« Qu’est-ce que tu attends de moi exactement ? Tu recherches un allié ? Un confident ? Un ami ? » Demanda-t-il intrigué.

Les choses semblaient s'être apaisées entre les deux jeunes hommes. Pour une fois, ils pouvaient être seuls, loin des autres candidats. Après tout, suite à leur première dispute, Robbie avait appris à ses dépends que tout le monde pouvait les entendre, qu'il était très difficile d'avoir une véritable intimité ici. Sentant que les réponses qu'il apporterait maintenant seraient importantes, le mannequin prit quelques secondes pour réfléchir avant de répondre, sur un ton qui se voulait posé. « J'en sais rien. Écoute, je pense qu'il faut qu'on apprenne de ce qu'il vient de passer être content de ce qu'on a déjà et voir où ça nous mène avant de poser un nom sur notre relation. Ça viendra naturellement, j'imagine. En attendant, ça me convient très bien, peu importe le nom qu'on peut donner à tout cela. » Robbie avait bien réfléchi, et même s'il avait bien envie d'être proche des gens, il sentait que les forcer ne servirait à rien sauf à les faire fuir. Bref, autant être patient et voir où tout cela allait les mener.