~ sully, mercredi, quinze heures vingt
Le repas est passé, depuis un petit moment déjà d’ailleurs et si j’ai déjà mangé mon dessert, j’ai cette envie de sucre qui ne me lâche pas. Je vagabonde, ici et là, essayant de lutter tout en pensant à mes cuisses et mes hanches avant de finalement capituler, assez honteusement je dois dire. Depuis mon arrivée ici, je n’ai aucune idée des ravages de mon alimentation mais ils doivent être assez limités car je rentre toujours dans mon pantalon test, celui de référence. On a toutes ça, non ? Genre LE pantalon qu’on préfère, qui nous donne cette assurance et dont on est sûres qu’il nous fait de belles fesses. Quand je rentre dedans, tout va bien. Quand il est trop grand, il faut que je me remplume et quand il est trop petit, les warnings ne mettent pas bien longtemps à se mettre en route. Pour le moment, tout va bien alors oui, cette envie de sucré, j’ai décidé d’y céder et je me rends dans la cuisine. Après avoir fouillé dans le frigo, je porte finalement mon choix sur un milk shake personnalisé. Bananes, glace menthe chocolat, je suis persuadée que ça doit être délicieux. Après tout, la banane, ça va avec le chocolat et le chocolat avec la menthe. Je me lance donc, doutant sur les proportions et enfin, je me sers un grand verre de milk-shake qui me met l’eau à la bouche. Une paille, un petit parasol décoratif – tout est toujours meilleur avec un petit parasol en papier – et le tour est joué. Je m’assois face à l’ilot central et je déguste mon chef d’œuvre quand Sully entre dans la pièce. Ca fait un moment que je n’ai pas parlé avec lui, c’est dommage, ça me manque un peu… Je lui souris donc et engage la conversation. « Ca va ? » Sous entendu, avec Ismène, depuis le départ de Lena, par rapport à ce qu’il m’avait confié, la dernière fois… Et j’attends. Quelques secondes. « Si tu en veux, il en reste, je crois que j’en ai fait pour quatre verres au moins… » Les proportions et moi…

Il était assez étrange, en soi, que Sully soit souvent amené à se rendre dans la cuisine, mais qu'il mange rarement. Lorsqu'il y entrait, c'était en fait plus souvent plus y ranger certaines choses - ou en casser, à l'image du moment qu'il y avait passé avec Monroe - que pour se nourrir de quoi que ce soit. Il faut dire qu'il avait toujours eu un appétit d'oiseau, et qu'il pouvait ainsi sauter des repas sans franchement le ressentir. Il ne maigrissait pas pour autant, cela dit, son métabolisme le dispensait disons d'une moindre variante de pesanteur, dans un sens aussi bien que dans l'autre. Pour autant, s'il prit aujourd'hui la direction du réfectoire, c'est bel et bien dans l'optique d'y avaler quelque chose, car lorsqu'il lui arrivait malgré tout de ressentir la faim, celle-ci se faisait rarement discrète. Ainsi, c'est pour contenter un estomac capricieux qu'il pénétra dans la pièce et ne tarda pas à y trouver Odessa, assise à déguster ce qui lui semblait être un milk-shake, chose qu'il ne connaissait honnêtement que bien peu et qui s'avérait être une candidate qu'il appréciait mais qu'il voyait moins ces derniers temps. Il était donc plaisant de tomber sur elle, d'autant qu'elle ne mit pas longtemps à s'adresser à lui, quoi qu'en lui posant une question à laquelle il aurait du mal à ne répondre que par 'oui' ou par 'non', étant donné que son état actuel ne saurait se résumer à un seul petit mot. « Ça n'est pas exactement ce que je dirais dans l'immédiat » souffla-t-il, parlant d'un point de vue général,  étant tout de même censé lui répondre, le plus correctement possible. « Le prime de dimanche m'a fait endosser un rôle que je ne suis pas certain d'avoir correctement tenu, et qui m'a valu de contrarier la personne qui compte le plus pour moi, sachant que je n'ai pas eu l'occasion de prendre des nouvelles de mon frère auprès de Lena, et qu'un type génial a quitté l'aventure, quand ma partenaire, elle, l'abandonnait le lendemain. » Disons qu'il préférait lui détailler ce qui faisait qu'il n'avait pas pu répondre plus brièvement à sa question. « Pour autant, je sais que des personnes comme Sun-Hi passent un début de semaine plus pénible que le mien, alors je culpabilise de m'en plaindre. » En soi, il culpabilisait d'énormément de choses, comme à son habitude. « Et toi, comment vas-tu ? » Il était légitime de le lui demander, étant donné qu'ils ne s'étaient pas vraiment parlés dernièrement et qu'il aimerait prendre de ses nouvelles. Il s'approcha en tout cas quelques peu et se vit bientôt proposer un peu de milk-shake. « Hm, ça dépend, tu es sûre de ta recette au moins ? » souffla-t-il, en un rire. Parce que lui, il n'avait déjà pas l'habitude des milk-shakes alors il valait mieux qu'Odessa n'ait pas cherché à expérimenter quelque chose de farfelu.

La fin de l’émission approche et les jours semblent tous un peu plus courts, plus difficiles aussi ca à quoi la production fait bien attention d’ailleurs. J’étais absente du prime, dimanche dernier. Un peu comme la dernière fois, je ne me sentais pas très bien et j’ai décidé de faire l’impasse, assez peu subtilement. J’en aurais assumé les conséquences, c’est sûr et en quelque sorte, je l’ai fait, n’ayant pas gagné d’argent, ni même pu donner mon avis concernant les dilemmes par équipes mais je ne m’en plains pas. Pas vraiment. J’ai entendu parler de ce qui s’était passé néanmoins, via plusieurs personnes, reconstituant dans ma tête les évènements grâce aux quelques bribes obtenues et j’en ai retiré les infos principales, je crois, entre autres que Sun-Hi est seule maître des nominations cette semaine et que certains ont des immunités. Sully, par contre, lui, semble être un peu chagriné par certaines choses et j’en suis désolée pour lui. Cependant, je préfère ne pas trop en parler, pour lui d’une mais aussi pour moi. Il me parle de l’élimination de Sega, de l’abandon de Zola assez… surprenant et qui n’aura laissé personne indifférent je crois et je hausse les épaules tout en le regardant. Je crois que depuis le départ de Charles, je suis devenue fataliste. D’ailleurs, lui, tout le monde s’en foutait quand il est parti, ce n’était pas franchement plus agréable non plus. « On arrive à un stade du jeu où tout deviendra plus difficile et où les éliminations feront obligatoirement beaucoup de peine à quelqu’un mais en soit, ce n’est pas une fin, enfin je ne pense pas. Pas pour moi. » Car oui, je pense à revoir certains candidats, Charles en tête. Il me retourne la question alors que je bois un peu de mon milk-shake et lorsque mes lèvres délaissent la paille, je prends un air songeur. « Ca va. Charles me manque, je sens que la fin approche mais ça va. C’est comme ça, c’est le jeu ! » Je lui propose ensuite de ma mixture et il semble hésitant. Je souris, amusée. « To-ta-le-ment, tu devrais goûter, oui oui, histoire de ne pas mourir idiot. » C’est vraiment immanquable, pour sûr. « Et alors, avec Ismène… » Comme si on ne les avait pas vu venir ces deux-là en plus…

S'il y avait bien une chose que Sully dépréciait, c'était de se plaindre. On l'avait élevé en lui faisant prendre conscience qu'il n'était pas plus malheureux qu'un autre, et c'était une chose qui lui était restée bien en tête, même dans les épreuves qui avaient jalonné sa vie mais qui ne l'avaient pour autant jamais amené à penser qu'il était plus à plaindre que qui que ce soit d'autre. Ainsi, ça ne lui ressemblait pas de faire part de son état d'esprit en livrant toutes les choses qui avait pu lui causer de la peine, car même si tout ça lui faisait bel et bien vivre une semaine un peu fructueuse, il n'estimait pas légitime de s'en plaindre plus que de raison, estimant ne pas ête la personne la plus susceptible de souffrir au sein du nid. Il culpabilisa donc légèrement de faire part à Odessa de tout ce qu'il avait présentement sur le cœur. Mais clairement, il lui avait semblé nécessaire de lui parler de tout ça, car c'était après tout ce qui faisait qu'il n'avait pas pu répondre à sa question par l'affirmative. La répartie d'Odessa se voulut alors optimiste, et il va de soi qu'elle avait raison, qu'en soi il était normal que plus le jeu avance, plus les éliminations soient difficiles. Aussi, il est certain que ça ne devait pas nécessairement être vécu comme une fin. « Oui, c'est bien vrai. Comme toi, j'essaie de me dire que tout ça aura une certaine continuité, au dehors, et qu'un départ n'est jamais la fin d'une relation, mais ici, tout a un symbolisme différent, tout est intensifié, et je pense que c'est ce qui fait que toute élimination reste difficile à vivre. » On ne se rendait plus nécessairement compte de ce qui était réellement grave, et de ce qui l'était moins. Ici, la réalité était alternée en soi. Sully retourna en tout cas la question à Odessa. « Je ne peux que me mettre à ta place. » Tous deux avaient perdu leur partenaire de base, alors oui, c'était un manque qu'il comprenait, bien que ça se soit fait différemment. Quant à la fin, il est vrai qu'elle approchait, que c'était manifeste ces temps-ci. Odessa proposa alors à Sully de goûter de son milk-shake, mais il se montra suspicieux. « Ah oui, carrément ? » Ne pas mourir idiot, il est certain que c'était ce à quoi il aspirait. « Bon, très bien, je vais me laisser tenter » fit-il, s'en servant alors, tandis qu'Odessa, elle, lui parla d'Ismène. « Tout se passe bien entre elle et moi … même si depuis dimanche, je t'avoue que j'ai un peu l'impression de mettre les pieds dans le plat chaque fois que je dis ou fais quelque chose ... » C'avait notamment été le cas hier, dans la laverie. « C'est sans doute idiot, mais je crois que notre divergence d'opinion m'a un peu déstabilisé. Naïvement, je pensais qu'on s'entendrait toujours sur tout … Et j'ai vraiment envie de bien faire avec elle. » D'être l'homme qu'elle méritait d'avoir, disons.