Eibhlin attend comme un animal en cage, de pouvoir sortir. C'est horrible de faire ça, quand même. De leur interdire l'accès dehors à certaines heures. C'est de l’emprisonnement ça, ils le savent ? « Ca fait chier quand même ! » Qu'elle lance à personne puisqu'elle est seule, de sa façon de parler bien à elle, donnant un coup de pied dans un truc. De loin, elle voit le lac ou l'étang, elle ne sait pas bien la différence, qui lui tend les bras. Elle veut aller tenter des trucs dessus. Elle va se baigner, elle est sûre qu'on peut le faire ! Enfin bref, elle ne tient plus. Heureusement qu'elle est seule, parce qu'elle ferait chier tout le monde. Et puis il y a quinze heures qui arrive. PUTAIN, ça y est, enfin. C'est bien la première fois qu'Eibhlin a vraiment envie de respecter les règles, mais ça c'est parce qu'elle veut bien se faire voir. Quand même quoi, autant ne pas se faire engueuler dès la première semaine, déjà qu'elle s'est mangée une nomination d'office alors si en plus, elle se fait disputer par le petit angelot. Non, ça serait vraiment nul, franchement. Du coup, comme sonne l'heur de sa possible sortie, elle devient toute folle. Elle traverse toute l'aile en patins, avant de les enlever, de nouer les lacets et de les porter sur son épaule. Une fois dehors, elle ouvre les bras en croix. « Oooooh putain de liberté » qu'elle gueule en fait, comme si on l'avait privé de liberté pendant dix ans. Sans avoir vraiment réfléchit à ce que ça voulait dire de devoir rester dehors de quinze heures à trois heures du matin, sans avoir prit à manger ou de quoi se couvrir s'il fait chaud. Du coup, le goût de la liberté prend une autre tournure et elle fait une grosse grimace. Et puis son goût de partir vers le lac, envolé... Il est maintenant près de vingt heures et elle a une putain de faim. Elle n'a pas mangé depuis ce midi et, dieu seul  sait ce qu'elle pourrait advenir d'elle, si elle reste le ventre creux ainsi. C'est qu'elle est mince Eibhlin, mais elle bouffe comme un gros porc. Ou comme quinze, à vous de voir. Et puis, alors qu'elle marche sans but, comme un zombie gobeur de cerveau, elle aperçoit quelqu'un au niveau du kiosque. C'est limite si ce mec n'est pas entouré d'une aura lumineuse tellement il arrive comme le messie. Elle ne croit pas en dieu - parce que ses représentants sont de gros homophobes selon elle - mais elle pourrait presque y croire maintenant. Du coup elle arrive vers lui à une vitesse incroyable. Elle souffle, avant de lui demander assez familièrement. « Ah, putain mec ! T'aurais pas à bouffer, j'ai la dalle, un truc monstre ! » Et ouai, tout ça, qu'elle dit en laissant tomber ses patins qu'elle garde quasiment tout le temps avec elle et se laissant tomber ensuite, elle-même, à terre.

Eibhlin se sent vraiment conne, parce qu'elle sait pertinemment qu'elle ne pas pouvoir tenir jusque trois heures du matin. Heure à laquelle ils pourront entrer de nouveau dans le nid, enfin ceux de son groupe. Du coup elle espère tomber sur la bonne âme du château. Une personne à laquelle elle n'irait pas forcément vers elle naturellement, à qui elle ne donnerait pas à manger elle, parce que c'est une petite conne. Mais une personne trop charitable qui pourra la maintenir en vie genre, une ou deux heures de plus. Bon, c'est un peu abusé de dire ça, parce qu'elle ne meurt pas de faim, mais entendre son ventre qui gueule comme un dingue, ça la saoule vraiment, à l'en faire devenir dingue, oui, exactement. Du coup, oui, quand elle voit quelqu'un au kiosque, elle déboule comme une folle vers lui. Mendiant à sa manière un peu à manger. Sauf qu'il lui répond un truc qui l'étonne assez pour tout dire. Pour la faire se raviser un peu, avec une grimace. Elle n'aime pas qu'on lui parle comme ça quoi, elle a même horreur de ça. Elle était donc prête à l'agresser, avant de se raviser. « D'accord, j'ai... » Elle fait une tête pas convaincue. Elle ouvre ses yeux en rond, mais finalement elle n'en tient pas rigueur. Finalement oui. Elle dodeline de la tête. Il a l'air trop gentil en fait, à dire pardon et tout. Des chips ? C'est à manger donc... « Ouai, j'veux bien ! » Qu'elle dit, en venant piocher dans son paquet. « Meercii ! » Qu'elle exagère un peu. Elle ne voudrait pas se faire taper sur les doigts une nouvelle fois, la te-hon. Elle mange, en faisant un peu de bruit. Bah non, elle n'a pas vraiment de bonne manière, malgré ses parents friqués. Bon, on va pas dire non plus qu'ils soient friqués est égal à une super éducation, parce que dans son cas ce n'est pas vrai du tout. « Désolé, je mange un peu comme un porc ! » Elle sourit légèrement, finissant par une grimace. Au moins elle s'excuse, elle encore polie là ? Super Cupidon devrait lui donner des bons points là. Et puis il finit par se présenter. Elle lâche un petit « Cool ! » entre ses dents, se concentrant vraiment et seulement sur son paquet de chips. Qu'elle intercepte encore une fois, pour se resservir. Ouai, elle n'aime pas vraiment les présentations trop classique du style, je m'appelle comme ça et toi, tu viens d'où et c'est quoi ton tour de poitrine ? Alors du coup, quand elle relève la tête, elle a l'impression qu'il est dans une certaine attente. « Ah ! Moi j'suis pas adepte des présentations classique, mais bon soit ! Allons y ! Je m'appelle Eibhlin ! » (ça se prononce Eve-linn). Elle articule bien pour qu'on puisse bien la comprendre. C'est vrai que des fois, c'est un peu abusé sa façon de parler. Et puis elle réfléchit. Qu'est ce qu'elle peut dire d'autre là ? Non, parce qu'elle est assise à côté de lui et qu'il faut faire la conversation maintenant. Malheureusement. « T'as une nana ? T'as quel âge ? Tu fais quoi comme boulot ? T'es propriétaire ? T'es puceau ? » Bah on sait jamais. C'est bien comme question, non ?

Spoiler:

Il l'a remarqué, qu'elle mange comme un porc. Elle sourit. Évidemment, celui qui ne l'a pas remarqué, il est bête, mais elle ne va pas changer sa façon de manger. On dit qu'il n'est jamais trop tard pour changer, mais pour elle, si. C'est trop tard, plus jamais elle ne mangera proprement en fait. Enfin, surtout des chips quoi. Qui mange proprement des chips ? Elle continue d'en manger, alors qu'elle lui pose des questions. « Ouai, j'suis curieuse. Ah bah, on apprend à se connaître ou on apprend pas à se connaître hein ! Je ne fais jamais les choses à moitié ! » Qu'elle annonce, fièrement, avec un léger sourire de satisfaction. Mais elle ne peut pas faire sans revenir sur ce qu'il a dit. Ok, il est employé de bureau, ennuyeux. Ok, il est encore locataire, pour tout dire, elle s'en branlait un peu, c'était ce qu'il lui ai passé par la tête en premier. Mais il a quand même dit qu'il avait un fils, avec qui il vit et qu'il a vingt-six ans. C'est pas un peu tôt pour avoir un gosse. « Genre, t'as un fils à vingt-six ans ! Mais t'es ouf ! » Bah ouai, elle n'arrive pas à se mettre en tête qu'aussi jeune – parce que c'est jeune quand même – on peut avoir un gosse. C'est comme si son frère Declan avait un fils, horrible ! Il ne vit plus ce mec. Employé de bureau avec un gosse. Et qu'est-ce qu'il faut là ? Il ne devrait pas être avec son gosse, non ? « T'as un gosse ? Mais il a quel âge ? T'es trop jeune non ? Et pourquoi t'es pas avec lui là? Pourquoi tu préfère passer à la télé au lieu de l'élever ? Et la mère ? » Elle pause pas mal de question, peut-être indiscrète. Si elle voit que ça le touche, peut-être qu'elle s'excusera, mais en attendant, ça la choque un peu. Ouai, elle quoi, choquée. Mais elle remet sur ce pauvre gosse sa situation à elle. Des parents absents. Une nounou qui a finalement servit de mère, finalement. Bref. Il n'a pas répondu s'il avait une meuf alors peut-être qu'il le saura là. Il retourne sa question. Ses questions. Elle trouve ça toujours ennuyeux ces manières de se connaître, mais bon, pourquoi pas ? Elle hausse les épaules. « Oh, t'es certain ? Ca m'dérange pas que tu saches que j'suis plus vierge... ! » Qu'elle dit en haussant les épaules, avec un sourire en coin. « J'ai dix-neuf ans. Je fais des études de langues. J'apprends le portugais, l'espagnol, le russe et le chinois. Et je sais déjà parler le français. Evidemment que non, j'suis pas propriétaire. Je vis encore chez mes vieux, enfin... Je squatte chez ma mère et je squatte chez mon père et sa pute. Et puis j'avais une nana... » Elle ne développe pas ce dernier point. Elle hausse à nouveau les épaules. Elle a pas envie de parler de ça, parce que ça craint. Ouai, elle sait poser des questions aux autres, mais pas se soumettre à ce même exercice.  

Sérieusement elle est sur le cul. Ils ont tous des gosses ou quoi ? Danaé, lui... Enfin ça ne fait que deux, mais ça ne l'étonnerait qu'il y en ait d'autres. Elle ne comprend pas cette manie de vouloir des gosses. Ca braille, ça crie, ça pleure, ça pisse tout le temps, ça pue, pour juste deux pauvres sourires dans la journée. Tu peux pas faire de conversation avec eux. Du coup ouai, ça l'étonne qu'il en ait un lui, à vingt-six ans. Pire, il précise qu'il l'a voulu. Ses yeux doivent s'arrondirent encore plus. Il a voulu un gosse ! Encore, si ce n'était pas fait exprès, bon encore, mais là c'est un choix délibéré. À moins que sa nana ait dix ans de plus que lui, mais quand même quoi. Ca ne choque que elle ? Comme elle lui a posé plein de question, il y répond. Naturellement. Il a six ans ce gamin, du coup il l'a eu à vingt ans quoi, normal. Ils ont besoin de vacances, alors lui il va dans un jeu télévisé et il laisse son gosse à sa mère. Heureusement qu'il a encore maman ! Il prend un peu la mouche en disant qu'il l'élève très bien et que ça mère n'est plus là. C'est con, elle ne fait pas attention à l'intonation de sa voix et ce qu'il dit là. Ca la choque trop. « Il a six ans et tu l'as voulu ! Mais comment on peut vouloir un gosse à vingt ans ! À vingt ans, t'es encore un gosse toi-même ! » Bah quand même. Elle a dix-neuf ans elle. Elle ne se voit pas avec un gosse dans un an, de toute manière, ça sera difficile. Enfin, des gens sont plus mûre à vingt ans, mais quand même. À cet âge là on sort en boîte, on aime la fête ou sortir dans des bars aussi. Et si on est casanier, on préfère se mater des bons films au lieu de pouponner, non ? Finalement, elle se rend compte de la portée de ces mots. Les siens à elle et les siens à lui. Sa mère n'est plus là, ça veut dire quoi ? Qu'elle est morte ? Qu'elle est partie ? Une mère, ça lâche pas son gosse ? Enfin elle dit ça... « J'suis pas une psy, j'veux pas tout savoir... Mais désolé... » Elle croit qu'il faut qu'elle s'excuse, non ? Elle s'est trop excuser avec lui, là. Elle a exploser son quota pour la saison. Évidemment, l’interrogatoire se retourne sur elle. Pas très original, mais bon. Surtout qu'elle préfère que les choses soient fixées sur lui, même si elle fait des gaffes. Elle énumère les langues qu'elle parle et qu'elle est en train d'apprendre. Ca fait classe, mais quand on sait pour quoi faire en vrai. Enfin non, ce n'est pas exclusivement pour ça, mais bon. D'ailleurs, il lui demande ce qu'elle veut faire. Ce qu'elle veut faire ? « La grande ambition ! Professeur de français en Irlande ou prof d'anglais en France. Ca tue, hein ? Surtout quand on a des parents blindés...» C'est clair que là, le truc de ouf total. Elle pourrait se la couler douce, mais non, ils sont radins. Il lui demande si elle aime les femmes. À partir du moment où oui, elle a eu une copine, c'est qu'elle aime les femmes. « J'aime les femmes... » Elle a envie de répondre une en particulier, mais ça lui ferait trop plaisir derrière son écran, alors elle s'abstient. « 98% les femmes, 2% les hommes. Désolé, je crois qu'il n'y aura jamais rien entre toi et moi ! » Elle ne peut pas s'empêcher de lui sortir une connerie. Ca devient trop intime ses questions, ça ne lui plaît pas. Et ouai, fait ce que je dis, pas ce que je fais, c'est tout Eibhlin. « Tu sais quoi? J'ai un chat, il s'appelle Brad Pitt ! »