C'était genre, pas vraiment le moment, là. J'étais juste venu faire un tour en forêt pour courir un peu, avec l'absence de pluie d'hier et de ce matin la boue avait presque fini de sécher et il était de nouveau possible de courir sans se retrouver couvert de boue des pieds à la taille, ou presque. Du coup c'était ce que j'aurais bien aimé pouvoir faire, courir et profiter tranquillement de l'air frais, un air de musique dans les oreilles et un regain soudain de bonne humeur pour me motiver, après avoir passé la journée d'hier à broyer du noir ... Bon, y'avait des jours comme ça disons, l'important étant que ce soit passé. Mais donc, en venant jusqu'à la forêt j'avais prévu de courir et de m'aérer, et certainement pas de jouer à l'agence tous risques version animalier. Oui, c'était ainsi que j'avais décidé de qualifier ma présence à trois ou quatre mètres du sol, mes pieds reposant solidement contre une branche d'arbre tandis que mes mains s'accrochaient à une autre, un peu plus haut. Devant moi un nid où se cachait un oisillon, ou plutôt deux maintenant que j'y avais replacé celui sur lequel j'avais bien failli marcher ... Heureusement que je regardais où je marchais, hm. « Et toi, ne bouge plus d'ici, hu ? » avais-je ordonné à la bestiole d'un ton presque autoritaire ... Mais oui, j'avais parfaitement conscience de m'adresser à un oiseau. Un bébé en plus, deux fois moins de chance qu'il comprenne ce que je racontais. Bref, j'avais assez joué au gardien de la forêt enchantée pour aujourd'hui, aussi m'apprêtais-je à redescendre de mon perchoir lorsque sortant de nul part la mère des deux oiseaux m'avait littéralement volé dans les plumes - sans mauvais jeu de mot, huhu - me faisant finalement perdre l'équilibre. Atterrissant sans aucune grâce face contre terre, j'avais marmonné deux ou trois paroles que je préférais ne pas répéter, avant de m'asseoir et de me masser le coude en grognant, presque autant parce que je m'étais fait mal que parce que j'avais finalement envie de l'embrocher et de le faire griller au barbecue, cet oiseau. Et voilà que pour terminer le tableau un marron était venu rebondir sur le sommet de mon crâne « Saloperie de forêt. » avais-je lancé d'un ton agacé tandis que je me massais maintenant le sommet du crâne en grommelant. En plus, j'avais foutu de la boue partout sur mon tee-shirt et mon short, de mieux en mieux. Et voilà en plus quelqu'un qui surgissait du sentier et que je n'avais pas vu arriver, si ça s'appelait pas de la poisse, ça.

Fallait que je respire un bon coup, c'était pas le moment de me laisser de nouveau gagner par la mauvaise humeur. Et là on ne parlait pas de la mauvaise humeur en mode je déprime dans mon coin et je vais me coucher tôt en espérant que ça ira mieux demain, non on parlait de la mauvaise humeur qui donnait envie d'étriper quelqu'un, de frapper quelque chose, ou de crier sur tout et n'importe quoi. Respire Akela, respire. J'avais assez vu la forêt là en tout cas, et plus vraiment envie de courir, aussi avais-je prévu de rentrer directement au château, de me changer et de ne plus sortir jusqu'à demain ... Mais pas tout de suite, quand j'aurais trouvé le courage de me relever. Quand j'aurais arrêté de râler, donc. D'ailleurs, l'arrivée d'Amery m'avait totalement coupé le sifflet et j'avais instantanément cessé de me plaindre ; Grommeler ça faisait du bien, mais à condition de ne pas en faire profiter les autres. « Hé. Ça va ? Il s'est passé quoi, tu veux de l'aide peut-être ? » qu'il m'avait demandé une fois arrivé à ma hauteur, me scrutant d'un air interrogateur. Faut dire que j'avais une vague idée de ce à quoi je devais ressembler, couvert de boue et assis sous un arbre, à un endroit pourtant pas vraiment propice pour se détendre. « Ouais, ça va. » avais-je répondu d'un ton légèrement grincheux. « J'ai provoqué la nature en duel, et j'ai perdu, c'est tout. » Cela n'avait sans doute aucun sens à ses yeux, ce que je venais de dire, mais je me comprenais, c'était l'essentiel. Non ? Soupirant 'un air exaspéré, j'avais enfin entrepris de me relever, couvrant en plus du reste mes mains de la boue qui recouvrait le sol, et une fois sur les deux jambes je m'étais appuyé contre le tronc de l'arbre d'où je venais de chuter. J'avais des fourmis dans les jambes maintenant, de mieux en mieux. « Je vais ... attendre encore un peu, là. » que j'avais alors dit à l'intention d'Amery, au cas où il se demandait si je comptais prendre racine ici pour tenir compagnie à l'arbre sur lequel je m'appuyais, ou bien si y'avait une autre raison pour que je décide de ne pas bouger. « Mais hm, tant que t'es là vas-y, raconte-moi ce que tu as fait de ta semaine. » Oui je passais un peu du coq à l'âne moi parfois, mais bon. Et puis il était pas très causant le Amery, à ce que j'avais pu remarquer, du coup j'avais envie de le pousser à l'être un peu plus, même si c'était pour dire des banalités ... Il me plaisait bien, ce type. Et par là je veux dire que je le trouvais sympathique, hein, c'est tout ... Enfin, il était pas dégueu physiquement (pas du tout en fait), c'était pas le souci, mais voilà.

« Oh ... d'accord. » Je me doutais bien qu'il avait pas compris, et surtout que j'avais pas répondu à sa question, mais bon ... Franchement, je tenais pas trop à avouer que j'avais eu l'idée lumineuse de grimper à l'arbre et que j'avais été mis KO par un moineau, ou un rouge-gorge j'avais pas fait gaffe, mais bref en tous les cas c'était la honte. Surtout que j'étais censé être doué pour ce qui était nature, randonnée et tutti quanti, alors c'était doublement la honte, et je préférais la garder pour moi seul, hm. Du coup, j'avais préféré changer de sujet en lui demandant ce qu'il avait fait cette semaine ; C'était genre, la question la plus bateau du monde, je le savais bien, mais fallait m'excuser j'avais encore le crâne qui résonnait là. « Ma semaine ? Oh tu sais je n'ai pas grand chose à te raconter de bien passionnant. Hum ... J'ai regardé un film, j'ai essayé de faire une omelette, et entre autre ... c'est à peu près tout. » Folle semaine que voilà, en effet. J'aurais presque pu avoir pitié de son ennui flagrant si j'avais pas passé ces derniers jours à en faire autant ; Ouais, on avait au moins ça en commun, on se faisait incroyablement chier. Ce qui était un peu paradoxal dans un endroit aussi grand, mais bon ça faisait un mois qu'on était donc on commençait à en avoir fait un peu le tour ... « Et toi ? Je suis certain que tu as certainement dû avoir une semaine plus intéressante que la mienne. » Plus intéressante, ahahah, si il savait. D'ailleurs sa question m'avait arraché un léger éclat de rire, avant que le bourdonnement dans mes oreilles ne me dissuade de continuer à me marrer comme un crétin « Au moins aussi palpitante que la tienne, j'ai passé une journée entière à ressasser mon mal du pays, j'ai regardé Pearl Harbor dans les écuries pour hm, la cinquantième fois, au moins ... ah et hier soir j'ai fait brûler une casserole de pâtes, ça aussi c'était de la catastrophe culinaire de compétition. Je dis 'aussi' parce que si tu as essayé de faire une omelette j'en conclus que ça na pas du bien se terminer entre elle et toi. » Mais bon du coup j'allais pas lui en tenir rigueur de son omelette ratée, j'avais bien réussi à louper des pâtes alors qu'en théorie j'étais pas non plus une brêle dans une cuisine ... Parfois c'est juste que la poisse s'en mêlait, alors pour lui aussi si ça se trouvait. Bon, il était temps de repasser du coq à l'âne, j'avais décidé que ce serait ma spécialité du jour « T'as des enfants ? C'est l'histoire de la peluche la dernière fois, ça m'a fait me demander ... mais j'ai pas pensé à te poser la question sur le coup. » Faut dire que l'intervention de Cupidon et de sa musique mielleuse à souhait avait un peu jeté un froid de son côté. Pas du mien cela dit, moi je considérais que c'était déjà oublié, si ça pouvait le rassurer.

A bien y réfléchir on pouvait pas vraiment dire que je me sois intégré plus que ça pour l'instant. Enfin, je ne m'étais fâché avec personne non plus, ce qui vu les rapports de certains semblait déjà être un miracle dans un certain sens, mais je m'étais rapproché de personne non plus ... Hormis de Camille. J'avais bien de la chance d'être tombé sur lui comme partenaire, à vrai dire. Mais j'étais pas vraiment le genre à m'imposer, j'étais sociable mais j'étais pas non plus de ceux qui s'incrustaient dans toutes les conversations et aimaient raconter leur vie en long, en large et en travers. J'accueillais la présence des autres avec plaisir mais je ne la quémandais pas à tous prix. Ce qui ne m'empêchait pas pour autant d'avoir des candidats que je trouvais plus sympathiques que d'autres, et Amery se rangeait dans cette catégorie. « Tu viens d'où ? » m'avait-il demandé finalement, sans doute en rapport avec mon évocation du mal du pays. Je savais pas trop comment les autres faisaient pour s'adapter si bien, du moins c'était l'impression qu'ils donnaient ... J'aurais bien aimé pouvoir le ranger dans un coin de ma tête et le cacher aussi bien, si c'était le cas. « Hawaii. Toi ? » C'était pas écrit sur son visage non plus faut dire, et contrairement à moi il n'avait pas le physique pour qu'on fasse des suppositions ; Bien que dans mon cas elles étaient bien souvent fausses, puisque j'étais américain et non asiatique. Dans le cas d'Amery hm ... Je mettais une option sur australien, ou britannique, à cause de l'accent. Bref, après cela je n'avais pas pu m'empêcher de faire une réflexion sur sa cuisine, qui comme la mienne semblait avoir laissé à désirer au moins au cours de cette semaine ... « Oui en effet, j'ai tout jeté à la poubelle. On dirait qu'on lui en fait voir de toutes les couleurs à cette cuisine. » De toute évidence. Même si bon j'allais pas arrêter de me nourrir pour autant cela dit, hein ; Si c'était trop mauvais j'éviterais simplement d'en faire profiter autrui, je voulais pas être accuser de tentative d'empoisonnement sur un de mes petits camarades. « Il reste toujours les chips, les fruits secs, et tous ces trucs qui ne nécessitent pas de préparation et qui ont sans doute été inventés pour nous, assassins culinaires. » avais-je répondu d'un ton amusé. Ceci dit, c'était aussi et surtout toutes ces petites choses pas forcément bonnes pour la santé ... et j'étais pas non plus du genre à bouffer n'importe quoi. Je ne savais pas en tout cas d'où m'était venue cette question à propos de ses potentiels enfants, sans doute que j'aimais simplement pas garder une question en suspend dans ma tête sans en vouloir la réponse ; J'avais vu juste en tout cas « Oui c'était la peluche de mon fils. » et j'avais souri à cette réponse. Vous pouvez rire mais moi j'étais comme ça, les enfants ça me donnait envie de sourire, que je les connaisse ou pas « Il s'appelle comment, il est grand ? » Ouais bon, je plaidais coupable, j'adorais les enfants. C'était pas pour rien que j'avais pour projet d'ouvrir cette école de surf avec l'une de mes sœurs ... Mais du coup, j'avais du lui donner l'impression que j'en avais moi aussi puisqu'il m'avait demandé « Tu as des enfants toi ? » Me détachant finalement avec précaution de l'arbre contre lequel j'étais appuyé, j'avais secoué légèrement la tête « J'aimerai bien, mais non. » Ceci dit j'avais je me rattrapais avec mon neveu et ma nièce, au final. Ils allaient certainement avoir grandi d'ici à ce que je les vois, j'étais ici que depuis un mois, mais à cet âge là ça grandissait tellement vite ... « Bon, j'ai assez vu la forêt pour aujourd'hui, je crois que je vais rentrer. » avais-je ajouté d'un ton las. Je savais pas trop s'il allait dans la même direction que moi, ça le dérangeait pas de faire le trajet avec lui mais il avait sans doute mieux à faire.