L'un des lieux que j'aimais le plus dans le nid, c'était l s jardins à la française. Le décor était magnifique, les jardins comme ceux de Versailles, précis, délicat, parfait, comme moi quoi. Ainsi, je me baladais au sein de ceux-ci, respirant à plein poumons les effluves fleuris. J'étais bien, je déambulais, seul, heureuse. Quand une odeur assez désagréable me piqua les narines, celle de la fumée de cigarette. Très vite, je découvrais la source de ce mal. Un jeune homme, à la peau blafard et aux cheveux d'un brun intense. Je m'approchais de lui, le fixais et il me remarqua, me demanda si je désirais aussi une clope. Un simple regard désapprobateur que je ponctuais d'un :

Non désolé, je ne fume pas….

M'installant sur le banc, à ses côtés. Je continuais :

Si j'étais toi, j'arrêterais de fumer. Tu ressembles déjà à un cadavre, ce serais donc dommage d'en devenir réellement un, non ?

Un simple rire moqueur, s'échappa de mes lèvres. Je croisais mes jambes et basculais en arrière. Allez Mai-Lan respire à toute petite bouffée, tu n'en absorberas pas énormément alors. Je me décalais un peu, histoire d'être encore plus à l'aise, parce que là sincèrement cette fumée commençait vraiment à s'insupporter.

Je n’appréciais pas énormément le fait qu’on m’observe avec autant d’insistance, surtout lorsque la personne qui me dévisageait se trouvait être une parfaite inconnue. J’aurais bien lancé une petite vanne nauséabonde mais il semblerait qu’aujourd’hui je me trouvais plutôt dans une bonne journée. J’avais donc offert la possibilité à la jeune asiatique de me prendre une cigarette dans mon paquet déjà bien entamé, ce à quoi elle avait répondu non sans avoir un regard désapprobateur. « Non désolé, je ne fume pas… » Je hochais les épaules, tirant une nouvelle latte sur ma clope tout en la regardant faire, elle s’installait sur le banc juste à côté de moi comme si nous étions de grands amis qui avions rendez-vous ici alors que… Aux dernières nouvelles nous ne nous connaissions pas du tout. « Si j'étais toi, j'arrêterais de fumer. Tu ressembles déjà à un cadavre, ce serais donc dommage d'en devenir réellement un, non ? » Je m’étais un temps demandé si c’était bien à moi qu’elle s’adressait et je n’avais donc pas manqué de regarder autour de moi pour m’assurer qu’il n’y avait personne d’autre mais oui, elle me parlait. « Qui te dis que ce n’est pas mon but à long-terme ? Devenir un cadavre ? » Peut-être bien que j’étais suicidaire après tout… Ouais… Non, j’avais bien trop la haine contre la vie pour emprunter cette solution que je jugeais de facilité. Soupirant en achevant de tirer sur ma cigarette je l’écrasais contre la semelle de ma chaussure enfonçant le mégot dans mon paquet histoire de ne pas polluer l’environnement. « Tu peux arrêter de reculer maintenant, sauf si l’air que je respire et que j’expire ensuite est trop néfaste pour toi. » Ironie quand tu nous tiens.

Je ne jugeais pas toujours sur l’apparence physique ou sur l’attitude mais avec Mai-Lan je n’avais pas pu me retenir, de sa manière d’être et de réagir je m’étais rapidement conforté dans une idée qui m’était apparue dès qu’elle était approchée, elle me paraissait un poil trop clean pour ne pas avoir le moindre cadavre dans son placard. M’enfin je disais ça pour causer hein, je m’en fichais au fond, nous étions tous comme nous avions envie de l’être. « Tu sais, chacun ses envies… Perso j'ai d'autres rêves que de devenir un cadavre, mais bon… Si c'est ton choix… » Je ne perdais pas mon sourire, elle avait bien raison, moi aussi j’avais des rêves mais cette putain de fierté et le sens du réalisme aiguisé qui allait avec ne me permettait pas de me les avouer clairement. « Chacun ses envies mais à la fin tu seras quand même forcée d’y passer alors autant te dire à ce moment-là que tu t’y attendais et que tu prévoyais le moment plutôt que de tourner le dos et faire la sourde oreille jusqu’au dernier moment. » Au fond, il valait mieux ne pas se voiler la face, nous allions tous mourir plus ou moins rapidement et le décès précipité de ma sœur jumelle était là pour me le rappeler quand j’oubliais. Je m’étais empressé de terminer ma cigarette, plus par envie que par nécessité cependant sans avoir oublié de faire remarquer à la jeune asiatique qu’elle s’éloignait énormément. « Non, non ne t'inquiète pas. Je suis juste intolérante à la fumée des clopes, mais pas à l'air respirer par les humains. Je serais déjà morte dans ce cas-là… » Logique, l’air respiré par les humains était le composant principal qui nous permettait justement de survivre sur Terre. Je n’avais donc rien rajouté à cela, m’étant contenté de plus ou moins réagir à ses derniers propos à l’aide de quelques hochement d’épaules. « Au fait, je suis Mai-Lan. Et toi ? » M’installant plus confortablement sur le banc je ne m’étais pas trop fait attendre avant de lui apporter la réponse qu’elle attendait probablement à sa question. « Tiago… Enchanté, je suppose ! » Ouais, je pouvais très bien être déçu par elle dans quelques minutes alors autant ne pas y aller trop fort dès le début. Hélas pour moi, la fameuse musique de Cupidon venait d’être diffusée signe que je devais embrasser Mai-Lan, amusé je m’étais approché, tel un lion bondissant sur son antilope. « Désolé mais tu devras te faire au petit arrière-goût de nicotine. » Je me refusais à perdre de l’argent de toute manière, c’est donc sans la moindre timidité que je m’étais jeté sur ses lèvres avec avidité.

Avec lui, j'étais comme déstabilisée. Un peu perdue, intriguée, par ce jeune homme à l'aplomb hors norme. Surtout quand il me lança son monologue sur la mort, une véritable pensée philosophique assez réaliste, je l'avoue. Même si au fond, je pouvais paraître réticente ou éloignée de sa manière de pensée, je trouvais celle-ci des plus juste et d'un simple regard agrémenté d'un mince sourire, je le lui faisait comprendre.. L'inconnu se présenta alors, il se nommait Tiago et me fit rire avec sa petite remarque. Profitant de l'instant, je rebondissais dessus :

Je dirais même plus. Ravie !

J'étais complètement sincère, mais ne désirais pas pou autant continuer plus que cela la conversation. Trop gênée, trop mal à l'aise quand ce mit alors à retentir une musique, LA MUSIQUE. Je 'n'eus qu'à peine le temps de réfléchir à la véritable signification de celle-ci que j'entendis Tiago me dire que je devrais m'habituer à l'arrière goût de nicotine, je le vis s'approcher et m'embrasser. L baisé était loin d'être désagréable. Ainsi quand il se retira, je replongeais à mon tour sur ses lèvres. La règle était la même pour tous, nous devions tous les deux embrasser l'autre pour ne pas risquer de perdre de l'argent. Quelques secondes passèrent, je me retirais un sourire aux lèvres, ponctuant cela d'un :

Ce fut plutôt très agréable... merci.

Mon envie de partir, venait tout d'un coup de disparaître. À bas les craintes et les barrières que je me fixais, je me sentais bien, un peu gênée, un peu timide, pas tellement à ma place mais tellement bien. C'en était surprenant.

Je ne figurais pas parmi la jeunesse dorée du casting, moi j’avais plutôt été élevé par une dizaine de parents différents dans des dizaines de familles d’accueil toutes plus pitoyables les unes que les autres. Seule la dernière valait le coup et au fond même si je l’admettais rarement je remerciais quiconque veillait sur moi de m’avoir permis de faire la connaissance d’un couple aussi uni et joyeux que celui qui nous avait accueillis ma sœur et moi. Malgré tout j’avais côtoyé la drogue, la débauche, la pauvreté et la saleté pendant toute mon enfance et je ne parle même pas de tout ce qui s’était déroulé sous mes yeux durant mon adolescence parce qu’il y avait de quoi envoyer plusieurs personnes en prison. Aujourd’hui encore je vivais dans des conditions déplorables et je ne croyais donc plus vraiment à la justice, je ne voyais que la mort en guise de paix et ça en devenait de plus en plus triste parce qu’au fond, je méritais mieux. « Je dirais même plus. Ravie ! » Sans faire preuve d’une euphorie qui n’était pas du tout représentative de ma personnalité j’avais acquiescé avec un fin sourire interrompu par la musique qu’utilisait Cupidon à longueur de journée pour forcer le destin en poussant certains candidats à s’embrasser pour ne pas perdre de l’argent. Ainsi je m’étais jeté sur les lèvres de Mai-Lan et cette dernière ne s’était pas faite désirée pour en faire de même en reprenant possession des miennes lorsque j’avais mis fin à notre baiser. « Ce fut plutôt très agréable... merci. » Je souriais, amusé, ponctuant le tout d’une petite réflexion qui avait uniquement pour objectif de la taquiner. « Tu as finalement oublié mon haleine influencée par la nicotine ? Toi qui es si… Insupportée par l’odeur ? »