Qu'on se le dise, étant donné que nous n'avions accès à la cuisine que jusqu'en début d'après-midi je n'avais pas intérêt à louper le repas du midi, chose qui en temps normal m'arrivait plus que régulièrement ; Dès que j'étais seul pour manger, à vrai dire. Mais là non, fallait pas non plus abuser, en plus j'avais trouvé de l'ananas en conserve et là, j'avais carrément l'impression d'être Arthur trouvant le saint Graal. Bon, c'était de l'ananas séché et au sirops, pas non plus de quoi se rouler par terre, mais c'était quand même toujours ça quoi. Du coup j'avais mis ça dans un bol et j'étais remonté à l'étage pour m'installer je ne savais pas trop où d'ailleurs ; J'attendais d'avoir de nouveau accès à l'extérieur en fait, et j'avais foutrement hâte que ce cirque soit terminé et que l'on puisse vadrouiller comme bon nous semblait. Bref, je sais pas trop pourquoi j'avais finalement atterri dans la salle de billard, parce que c'était pas non plus comme si j'avais prévu de me faire une partie, mais bon au moins ici j'échappais à l'avalanche de cœurs du hall, et à celle d'encens de la chambre. « Salut, ma poule. Ça va ? » Je l'avais pas entendu arriver, ni s'approcher, tant et si bien que j'avais sursauté et avaler de travers ce que j'avais dans la bouche. Toussant plusieurs fois d'affilée avant que cela ne passe, je l'avais entendu me demander sans véritablement s'émouvoir de ce qu'elle venait d'essayer d'attenter à ma vie (non, j'exagérais à peine quoi) « Tu fais quoi ? Si tu me dis que tu fais un truc chiant, je vais m'éclater la tête contre le mur, je te préviens. » Bah, c'était pas non plus comme si y'avait des tonnes de choses à faire dans ma pièce, surtout si on considérait que je ne comptais même pas m'essayer au billard. J'étais en train de manger mon dessert, ça se voyait pas ? Du moins avant qu'elle n'arrive et n'essaye de m'étouffer, huhu. « Laisse moi deux minutes pour inventer une activité extraordinaire et originale alors, je voudrais pas que les murs soient salis avec des bouts de ta cervelle. » J'étais plein de sollicitude pour la décoration du lieu, vous voyez. Les restes humains ça faisait toujours un peu tâche, c'était le cas de le dire. M'enfin bon je la comprenais un peu cela dit, elle avait l'air de s'ennuyer, et ce n'était jamais marrant. « Ça te dit qu'on fasse un truc ? Quelque chose de sympa, tu vois. » Ouais, elle était même tellement désespérée qu'elle en était arrivée à me demander de l'aider à sortir de son ennui mortel, la situation était donc des plus critiques, à priori. Posant là où je trouvais de la place mon bol à moitié fini et ma fourchette, j'avais désigné la table de billard du menton « Y'a pas trente-six choses à faire si on reste ici, non ? » Bon après, c'est certain que passer mes après-midi à traîner dans le bar du vieux pour qui je bossais, ça donnait des prédispositions pour le billard et les fléchettes. Surtout les fléchettes, en fait. Mais bon, ça n'engageait que moi forcément. Reste que j'avais fini par me rendre compte que je ne savais toujours pas vraiment à qui j'avais affaire, techniquement parlant « Toujours pas disposée à me dire ton prénom, au fait ? Parce que tu sais qu'au bout d'un moment sinon, je vais devoir en choisir un histoire de t'appeler par quelque chose quand même ... et je suis pas sûr que mon choix sera à ton goût. » J'avais bien quelques idées au pire des cas, hein, si elle voulait qu'on en arrive là, mais c'était à ses risques et périls disons.

Elle donnait l'impression de se sentit totalement chez elle, comme si elle était là depuis une éternité, et non pas quelques jours comme la plupart d'entre nous. J'en étais presque admiratif, à vrai dire, de réussir à s'adapter aussi vite quand personnellement j'en étais encore à me demander comment j'allais survivre à un climat si polaire - ouais, pour moi c'était polaire, d'accord - et à une décoration si ... kitsch. Parce que sérieusement, que celui qui n'avait pas été effrayé par l'avalanche de coeurs et de rose le soir de notre arrivée me jette la première pierre. C'était pas la même chose de la cervelle tapissant les murs, certes. « C'est tellement sympa de ta part, ça ... Cela dit, je pense que les murs préféreraient être salis par ma petite personne que par d'autres, mais bon, c'est un détail. » Elle ne manquait pas de répondant en tout cas, on ne pouvait pas le lui reprocher. Mais ce n'était pas forcément pour me déplaire en fin de compte, j'avais tendance à me lasser facilement des mollusques. Et même si j'avais répondu « Hm, j'ai jamais été trop branché art moderne, de toute façon. » je restais quand même persuadé que quitte à éclater la tête de quelqu'un contre un mur ici, y'avait d'autres gens qui passeraient avant elle, du moins en ce qui me concernait. Mais c'était pas vraiment le sujet du jour, de toute façon, « Avec un peu d'imagination, je suis sûre qu'on pourrait trouver. » Et de toute évidence c'était à moi de la faire travailler, mon imagination, pendant qu'elle se contentait de suggérer l'idée. Vous parlez d'un partage des tâches. « On pourrait oui, y'a toujours quelque chose à faire, à condition de pas être trop difficile. » Non parce que si y'avait que ça je pouvais jouer aux fléchettes en la mettant au milieu de la cible, pour pimenter le jeu, mais fallait pas avoir peur de finir avec un œil crevé. Je pouvais essayer de lui mettre une raclée au billard, mais si elle savait jouer aussi j'aurais l'air bien malin ... Bon et d'ailleurs, avant de penser à ça, ça serait sympa de savoir un peu mieux à qui j'avais affaire, aussi. Mais elle ne semblait pas pressée de répondre à ma question, à la place m'avait-elle même répondu « Vas-y, balance tes idées, que je rigole. » avec ce que je reconnaissais presque comme un air de défi dans sa voix. Bah, elle avait envie de rire après tout, alors pourquoi la priver d'une si belle occasion de le faire. Le plus drôle c'était pas tant les idées de prénoms que j'aurai pour elle, mais plutôt de savoir lequel l'agacerait le plus à la longue, quand je l'aurai utilisé à toutes les sauces pour la désigner « Bon, y'a toujours les habituels Blondie, Barbie ... mais tu as déjà du les entendre, c'est bien trop 2012, te faut quelque chose de nouveau. Oh je sais, Winifred. J'ai lu ça dans un prospectus dans l'avion, Winifred, c'est parfait. » Je lui demandais pas son avis de toute façon, c'était déjà mieux que de devoir l'appeler machin.