Je suis une romantique dans l'âme. J'ai toujours eu envie de faire un tour dans un barque avec mon amoureux. Je n'ai pas mon amoureux avec moi mais je peux toujours faire un tour de barque non ? Et puis lui raconter tout ça quand je le retrouverais. Oui c'est une bonne idée. Sauf que le temps ne me semble pas très clément. Peut importe. J'enfile une grosse laine et des chaussures fermés. Une écharpe plus tard je suis prête pour aller faire un petit tour dehors. Le vent est levé. Je rabat les pans de mon gilet en laine contre mon corps histoire de me réchauffer. Quand j'ai une idée en tête je le fais jusqu'au bout et puis de toute manière à force de ramer je vais bien avoir un peu plus chaud. C'est pas non plus la Sibérie, je devrais m'en sortir. Mais bon ça change tout de même de la semaine dernière. A pas feutré je me dirige vers l'étang artificiel mais pas dénué de beauté. Mon regard capture chaque détails de cette nature luxuriante. Ou en tout cas essaye de ne rien louper. Comme un objectif je capture quelques images par-ci par-là histoire de rien oublier. Je suis une collectionneuse, une ramasseuse de souvenirs, d'instants, de moment. Qu'un jour je partagerais autour d'un thé, d'un café, élancé sur le canapé, avec Oliver. Je ne perds pas cette idée, c'est elle qui me fait avancer. J'arrive près des embarcations. Et finalement ça me semble plus une très bonne idée. S'il était là il se serait occupé de le mettre à l'eau, ce serait mit à l'intérieur et aurait tendu sa main histoire de m'aider à monter. Mais je suis seule. Alors j'hésite et finalement je m'y met. Je pousse la barque jusque dans l'eau et maladroitement prend place à l'intérieur. Je me suis déjà fait une petite frayeur en montant, craignant de déjà basculer. J'enfile donc le gilet de sauvetage obligatoire. Maintenant les rames. Pour ça aussi je n'aurais rien eu à faire, seulement croiser les jambes, raconter des bêtises et rire à ses blagues pendant que lui serait entrain de ramer. J'ai jamais ramé. Comment ça marche. Je mets les trucs dans l'eau et fait des mouvements reproduisant à la mimétique ce que j'ai pu voir dans N'oublie jamais ou bien tout autre film de ce genre.
A force de persévérance j'arrive au milieu de ma partie de l'étang. Je suis immobile depuis quelques minutes recroquevillé dans la barque et profitant de l'instant. Je pense avoir assez profité alors je reprends mes rames, je sais pas ce que je fais... Je m’emmêle les mains et finis par lâcher ces putains de connasses de rames qui rejoignent les tréfonds. « MERDE! » Ok. Pas de panique je vais rejoindre la rive. A la main s'il le faut. Merde. Prise au piège et en plus je sens qu'il va commencer à pleuvoir.

On m'avait sérieusement trompé sur la marchandise, je regrette mais c'était la vérité. J'avais jamais signé pour m'embarquer au Pôle Nord moi, je serais pas venu si on m'avait dit dès le départ qu'on allait m'expédier dans une zone à la limite du climat polaire ... Non, je n'exagérais pas du tout, j'étais carrément obligé de mettre une veste pour sortir la journée, UNE VESTE quoi. Genre, c'était le truc qui m'arrivait simplement quand j'allais passer Noël au pays des esquimaux - à Philadelphie, donc - ou de façon aussi rare qu'éphémère chez moi. Mais là non, visiblement devoir sortir avec plus qu'un short et un tee-shirt semblait être normal pour tout le monde ... mon dieu. Pourtant ce n'était pas ce qui m'avait empêché de sortir, et j'avais tant bien que mal du m'adapter à la température abominable qui régnait dehors pour une raison très simple : Il m'était simplement impossible de rester vingt-quatre heures consécutives sans mettre le nez dehors. J'avais besoin de prendre l'air un minimum, de voir le ciel même nuageux, si je ne voulais pas étouffer pour de bon. J'avais donc enfilé des vêtements appropriés, et j'étais sortis me balader dans le parc, sans vraiment chercher un endroit précis, juste pour le plaisir de prendre l'air et d'explorer éventuellement des zones du jardin où je n'aurais pas mis les pieds la semaine précédente. Arrivé jusqu'à l'étang j'avais au moins admis que si la couleur de l'eau prêtait à s'en méfier, le paysage lui était plus qu'agréable, même si la couleur du ciel n'était pas idéale. Non, d'ailleurs ça sentait genre l'orage à trois kilomètres, et j'avais pas vraiment envie d'être trempé par dessus le marché, du coup je m'apprêtais sagement à rebrousser chemin lorsqu'un semblant de voix venu de je ne savais pas trop où avait retenu mon attention. J'avais bien remarqué la barque au milieu de l'étang, mais pas vraiment le fait que y'ait quelqu'un dedans ; Quelqu'un qui de toute évidence ne savait plus trop ce qu'il - ou plutôt elle - foutait là. Mettant deux doigts dans ma bouche j'avais sifflé pour attirer son attention, avant de crier assez fort pour me faire entendre, malgré la distance et le vent qui commençait à se lever « BESOIN D'AIDE ? » Regardez ça si j'étais pas plein de sollicitude, plutôt que de le laisser se démerder pendant que je rentrais me mettre à l'abri avant qu'il ne se mette définitivement à pleuvoir. Je savais pas trop ce qu'elle attendait au milieu de l'étang en fait, y aller en premier lieu témoignait déjà de l'ennui mortel dont elle devait être victime, à mon avis, la couleur de l'eau ne donnait ni envie de pêcher ni envie de se retrouver au fond. Comment elle était arrivée là d'ailleurs, elle avait même plus de rames attachées ...

Bon, je savais toujours pas vraiment ce qu'elle avait décidé d'entreprendre en s'en allant ainsi toute seule sur sa barque, sans rame et sans destination non plus visiblement - enfin, à moins que le milieu de l'étang soit une destination, qu'est-ce que j'en savais moi - mais son « OOOOOOUI. » avait au moins eu le mérite de me confirmer que j'avais vu juste. Bien, donc elle avait besoin d'aide, mais comme je savais pas vraiment quel était son souci, je savais du coup pas non plus ce que j'étais censé faire pour l'aider. Après plusieurs secondes à observer ce constat en regardant autour de moi, je m'apprêtais donc à m'égosiller de nouveau pour demander des précisions lorsqu'elle me devança, comme si elle avait lu dans mes pensées. « J'AI FAIS TOMBER MES RAMES DANS L'EAU ! » D'accord, ça expliquait déjà l'absence de rames dans mon champ de vision, donc. Et aussi le fait qu'elle soit au milieu de l'eau en donnant l'impression qu'elle attendait le déluge. Les femmes et les bateaux, ça faisait jamais bon ménage, n'importe quel marin vous l'aurait dit ... Pour ma part je m'étais contenté de lever les bras d'un air excessivement résigné face à la situation. Pas que j'ai un instant songé à faire demi-tour, j'allais l'aider, oui, je réfléchissais juste à ... « ME LAISSE PAS SINON JE VAIS MOURIR LA ! » Oui bon, ça va, deux minutes y'avait pas le feu au lac. Ou plutôt à l'étang en l'occurrence. Et puis comment elle y allait, j'avais parfois tendance à en faire des caisses mais là elle me surpassait dans le mélo. « S'IL TE PLAIT. » Au moins elle était bien élevée, on ne pourrait pas lui enlever ça. J'avais bien pensé l'espace d'un instant faire mine de m'en aller, juste pour l'embêter un peu histoire de rigoler, mais le vent et la couleur du ciel m'en avaient dissuadé ; J'avais pas envie de me prendre la pluie sur le coin du nez, hm. « BOUGE PAS DE LA, J'ARRIVE. » avais-je fini par lui répondre. Bah oui, comme si elle allait aller quelque part de toute façon ahah. Parcourant les quelques mètres qui me séparaient du ponton, j'y avais trouvé amarrée la deuxième barque et avait sauté dedans sans y réfléchir à deux fois, me saisissant des rames dans la foulée. J'étais presque aussi à l'aise sur un bateau que sur la terre ferme, c'était toujours ça de pris. « JE PLONGERAI PAS POUR ALLER TE CHERCHER ! » avais-je finalement crié à l'intention de la jeune femme tandis que ramant dans sa direction, je l'avais regardée s'agiter et perdre un instant l'équilibre. Et franchement je plaisantais pas, fallait voir un peu la couleur de l'eau, y'était absolument hors de question que je mette ne serait-ce qu'un orteil là-dedans, c'était limite bon à attraper une variation de la Malaria. Bref, l'étang n'étant pas non plus immense, quelques coups de rames plus tard et j'étais arrivé à la hauteur du moussaillon du dimanche, la gratifiant d'un sourire vaguement amusé tandis que me mettant debout j'avais attaché l'amarre de ma barque à la proue de celui de la jeune femme. « Les femmes et les bateaux, on m'a toujours dit que ça faisait pas bon ménage. » et même que ça portait malheur, hm. Après à savoir si c'était vrai ou non, hein. Tendant une main vers elle pour l'aider à changer de barque j'attendais plus ou moins patiemment qu'elle se décide, oubliant peut-être qu'elle n'avait pas forcément le pied marin. Mais bon, en même temps si c'était pas le cas c'était à se demander ce qu'elle était venue foutre dans une barque en premier lieu. Et voilà qu'il commençait à pleuvoir pour de bon, de mieux en mieux. « Voilà, maintenant tu pourras pas dire que j'ai jamais mouillé ma chemise pour t'aider. » Parce que là elle serait mouillée, au sens propre.