Eibhlin à clairement la dalle, mais il n'est pas né celui qui lui fera à manger ici, rien que pour elle. Elle ne cuisine pas beaucoup. Elle ne dit pas qu'elle fait de la merde, parce que ce n'est pas vrai. Elle fait tout bien l'irlandaise. C'est juste qu'elle surtout l'habitude d'avoir un domestique avec elle, en fait. Donc soit ce domestique lui fait à bouffer, soit il continue ce qu'elle n'a pas envie de finir. Fainéante, ouai, elle l'est un peu, mais surtout têtue. Ouai, si on lui dit que c'est pas bien fait, elle se met en rogne et envoie tout balader. Il faut donc bien que Conchita finisse, parce que sinon elle se ferait engueuler. Il ne faut pas gaspiller la nourriture ! Dixit la mère qui achète à manger pour neuf alors qu'ils ne sont que trois à rester encore à la maison, et qui ne mange qu'une carotte pour le repas sinon elle prendrait du cul. Bref. Elle a faim, mais elle n'a pas envie de faire à manger en fait. Elle souffle. Elle a du riz devant elle. Un paquet de riz, en fait. Elle n'a pas envie de manger du riz comme ça. Elle fait la moue. « Raaah, Cupidon d'amour ! Pourquoi tu ne nous envoie pas un cuisinier là, maintenant ! J'ai la dalle ! » Qu'elle parle, toute seule en fait, en levant la tête vers le plafond. Elle parle clairement au plafond, les mains jointes. Bah ouai, Cupidon, c'est clairement Dieu ici. Et pile, vraiment pile quand elle ouvre les yeux, parce que oui, elle a même fermé les yeux pour y croire encore plus, et bien elle voit quelqu'un passer. Ouai, juste comme ça. Putain de chance ! « Eh ! Toi ! Psssst ! » Qu'elle l'appelle, avant de le siffler. C'est un mec. Qu'elle n'a jamais réellement vu en fait, nan, il devait être de l'autre côté. Enfin, elle l'appelle et puis, quand il se retourne, elle lui donne une tape sur l'épaule en guise de 'Salut ! Ca va ? Ouai, moi aussi ça va poto ! Bon j'ai un truc à te dire !'. Ouai, c'est à peu près ça. Donc elle lui donne une tape et elle lui demande : « Eh ! T'es japonais nan ? Tu peux pas me faire des sushis ? J'te donne n'importe quoi en échange ! » Elle a du riz déjà, c'est cool ? Non franchement, elle est prête à marchander, ouai. Tout ce qu'il veut. Elle peut faire n'importe qu'elle connerie, pourvu qu'il lui prépare de la bouffe pour elle. « Mais surtout, surtout, tu recevras ma reconnaissance éternelle ! » Et ça, c'est le plus beau cadeau qu'elle puisse lui offrir, évidemment. Elle le dit en posant une main sur son cœur et en fermant doucement les yeux. S'il croit à ça, il peut croire en n'importe quoi...

Je savais pas vraiment ce qui était le pire : le fait que je bouffe rien d'autre que des pâtes depuis plus d'une semaine, ou le fait que j'ai trop peu de courage à cuisiner autre chose pour que même ma lassitude de la bolognaise fasse changer les choses. Du coup c'est persuadé que j'allais manger des spaghettis bologno un soir de plus que j'avais pris la direction de la cuisine, à peine passé sous la douche après l'heure et demi que j'avais passée à courir dans le coin de forêt auquel nous avions accès. Mes cheveux humides dégoulinaient encore le long de ma nuque, j'étais pieds nus, le bas de mon jean était retroussé jusqu'à mes genoux et ma chemise était comme se voulaient les chemises à Hawaii, bariolée ; Bref, j'avais plus l'air de rentrer de la plage que sur le point d'aller préparer un casse-dalle, mais peu importe. J'avais de toute façon pas fait deux pas dans la cuisine que déjà j'entendais « Eh ! Toi ! Psssst ! » et tournant la tête je m'étais retrouvé nez-à-nez avec ... Bah, je savais pas son nom, en fait, sa tête me disait même quasiment rien alors elle devait dormir dans l'autre chambre sans doute. Bref, j'allais lui demander ce qui me valait l'honneur lorsqu'elle avait répondu à ma question silencieuse « Eh ! T'es japonais nan ? Tu peux pas me faire des sushis ? J'te donne n'importe quoi en échange ! » Bah voyons, ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas pris pour un jap' c'est vrai. Ils avaient vraiment la tête dure et le crâne vide ces haole, limite irrécupérables quoi ... enfin, je suppose que je pouvais lui pardonner à elle, elle avait encore l'air d'avoir douze ans et demi. D'ailleurs elle utilisait les mêmes techniques, à commencer par le regard de cocker dépressif « Eh ! Mais surtout, surtout, tu recevras ma reconnaissance éternelle ! » Ah bah oui, c'est sûr que ça changeait absolument tout, la reconnaissance éternelle d'une parfaite inconnue j'en avais quelque chose à foutre. Non bon, c'était pas la peine de monter sur mes grands chevaux, fallait que je sois gentil. Mais tout de même, j'avais cru bon de préciser « J'ai peut-être la tronche de l'emploi, mais je sais pas faire les sushis, en fait j'aime même pas les sushis ... et puis, à ton âge le poisson on le mange pas seulement pané ? » Non mais c'est pas ma faute, elle avait vraiment l'air d'avoir douze ans, hein. Et le poisson cru c'était juste, bweh, y'avait peut-être des spécialités culinaires réputées bizarres chez moi, mais franchement le poisson cru c'était juste bon à attraper tout un tas de saloperies ... genre la peste aquatique, ou la grippe maritime, au moins. « Mais contre ta reconnaissance éternelle, je peux quand même faire quelque chose de ton riz si tu y tiens, je voudrais pas que tu meurs de faim par ma faute tu vois ... tu aimes l'ananas ? » Ouais bon, j'essayais vraiment de varier un peu, mais vous comprendrez que j'avais du mal à ne pas foutre de l'ananas partout, chez moi l'ananas c'était limite comme les pâtes en Italie, c'était l'aliment de base. Et d'ailleurs en parlant de chez moi « Cela dit, dans mon pays la spécialité c'est plus les pizzas, les hamburgers frites ... mais je parle japonais sous la torture, si vraiment il le faut. » Non bon c'était pas tout à fait vrai, y'avait tellement de japonais qui allaient et venaient à Hawaii pour tout un tas de raison qu'on le baragouinait tous un peu, mais bon voilà. J'étais quand même un américain, un pur, un dur, hm. « Reste là, j'ai besoin d'un commis de cuisine. » avais-je finalement lancé tandis qu'elle me passait le paquet de riz, et pour finir j'avais réalisé que j'avais oublié un truc « T'as un prénom, ou bien je peux t'appeler Sushi ? »

Elle voit quelqu'un arriver. Elle ne lui demande pas s'il sait cuisiner, non, elle veut juste manger. Quelque chose, même de merdique, tant qu'elle peut contenter son ventre qui gargouille. Du coup, elle y va cash. Il a l'air d'un bridé, c'est pas de sa faute si elle le prend pour un japonais, et encore, elle aurait pu très bien lui demander s'il était chinois, vietnamien ou coréen, mais c'est juste que sur le coup, elle avait surtout envie de sushi. Et c'est japonnais les sushis ; c'est sortit tout seul. Mais sa vanne, apparemment pour la toucher au niveau de son âge, était tellement pourrie – quoique c'est bon le poisson pané – qu'elle ne fit pas osciller Eibhlin. Quoiqu'elle lève une demi-seconde les yeux au ciel pour montrer sa consternation. « Ahah très drôle, j'me pisse dessus tellement c'est marrant ! » Qu'elle commente, avec son accent d'irlandais, ouai, d'irlandais. « Mais t'aimes pas les sushis quoi ! C'est une honte ! Parce que c'est délicieux quoi ! » Qu'elle dit en secouant doucement son visage de trois à gauche. C'est super raffiné les sushis et puis avec une pointe de wasabi, c'est une merveille. Même elle, oui même elle, arrive à saisir la subtilité de ce plat alors qu'une bonne pizza bien grasse lui suffit à la base. Alors elle lui offre sa reconnaissance éternel contre à manger. Genre, elle lui offre que dalle quoi, parce qu'elle n'aurait aucune reconnaissance à donner sauf s'il la sauve d'un quelconque danger. Là oui, elle lui offrirait sa reconnaissance éternel, mais pas quand elle a juste faim. C'est de la merde ça. Pourtant il le prend, genre, elle le croit. Bref, contre ça, il veut bien lui faire à manger. « Bah non, ça serait con d'être coupable de non assistance à personne en danger devant des tas de caméras ! » Ouai, genre elle est en danger, elle n'a pas mangé depuis des lustres et tout... « J'aime les nanas, oh yeaaaah... » Qu'elle dit en formant de belles formes avec ses mains. « Sinon ouai, j'aime l'ananas ! » Qu'elle ajoute. C'est pas mal bon, même si ça pique un peu quand l'on en mange trop. C'est qu'avec sa couguar de mère anorexique, elle en a dû en faire des cures de fruits, légumes et j'en passe et des meilleurs. Et comme malheureusement, Eibhlin est la dernière de la famille, c'est elle qui a dû subir plus que les autres. Elle a même dû tester le régime des couleurs, genre un jour manger que des trucs verts, le lendemain que des trucs rouges. C'est naze quoi. Par contre, les spécialités de chez lui, c'est classe. Pizzas, hamburgers, frites. Le must ! « T'es un Yankee alors ! » Qu'elle devine, selon ces plats à haute teneur en graisse. « J'peux te torturer c'est clair, mais pas moyen ! J'fais pas la cuisine moi ! Je regarde ! » Qu'elle dit, en croisant les bras pour montrer sa détermination à rien foutre pendant que lui se tue à la charge. Elle regarde et elle bouffe elle. Et puis elle veut bien se présenter au cas, mais sa façon d'amener ça la fait sourire en coin. « Si j'ai un prénom ? Non, bah non, j'en ai pas ! Mes parents ont oublié de m'en donner un du coup ils m'appellent machin depuis ma naissance ! » Qu'elle dit en faisant une grimace. Il est con ou bien ? Quoique ça pourrait être limite ça en fait. Machin numéro 4, vient ici ! « Evidemment que j'ai un prénom, mais ouai tu peux m’appeler Sushi, c'est cool ! Et toi ? Ils ont oublié aussi tes parents ?»

J'avais pourtant une famille immense, le genre de famille dont personne n'était capable de citer tous les membres sans oublier personne, tellement j'avais de cousins, cousines, oncles, tantes et autres membres de la famille à divers degrés éparpillés sur Oahu et Maui ... et pourtant je m'y retrouvais sans aucun mal. Mais alors par contre, lâchez-moi dans un endroit inconnu avec une trentaine de personnes que je connaissais ni d'Eve ni d'Adam, et même au bout de quinze jours j'étais infoutu de retenir le moindre prénom, voir même certains visages. Bon, cette semaine j'avais encore l'excuse du château coupé en deux la semaine précédente, mais ça allait pas durer éternellement cette histoire, y'allait falloir que je trouve autre chose ... Mais bon, pas besoin de connaître quelqu'un pour faire à bouffer après tout, alors quand cette fille m'avait demandé des sushis j'avais ... Bon, pas accepté de lui faire des sushis, mais pas prévu de la laisser manger son riz cru non plus, surtout si ça me permettait à moi aussi de manger autre chose que des pâtes, pour une fois. « Ahah très drôle, j'me pisse dessus tellement c'est marrant ! » qu'elle m'avait balancé en guise de réponse à ce qui était une boutade, et de mon côté j'y avais répondu par un énorme sourire, aussi exagéré qu'amusé, la laissant continuer « Mais t'aimes pas les sushis quoi ! C'est une honte ! Parce que c'est délicieux quoi ! » avant de tirer la langue avec dégoût, parce que non vraiment elle ne réussirait pas à me persuader que les sushis ça pouvait être bon. Ça me donnait l'impression d'avaler un poisson directement après l'avoir pêché, bweh. « Je te crois sur la parole, disons. » Pas besoin de goûter, quoi. Non mais si les gens en mangeait c'est que ça devait être comestible, des trucs bizarres des tas de gens en mangeaient. D'ailleurs visiblement tout ce qu'elle voulait c'était manger, ça nous faisait au moins un truc en commun pour l'instant. Surtout que j'allais pas la laisser regarder son sachet de riz en chien de faïence, ça me faisait presque de la peine pour elle « Bah non, ça serait con d'être coupable de non assistance à personne en danger devant des tas de caméras ! » J'avais fait mine de considérer sa réponse un instant, mais je notais aussi qu'elle était visiblement infoutue de se faire à manger seule. Preuve supplémentaire qu'elle avait l'âge que je la soupçonnais d'avoir. Quoi qu'il en soit j'avais plutôt l'intention d'orienter le repas sur autre chose, quelque chose de familier, une valeur sûre quoi. Enfin, sûre pour moi en tout cas, mais Miss Sushi là, si elle aimait le poisson cru elle était capable de ne pas aimer l'ananas, alors j'avais quand même préféré demander. « J'aime les nanas, oh yeaaaah ... » J'avais arqué un sourcil, et secoué la tête d'un air néanmoins vaguement amusé. J'aurais bien répondu que moi aussi mais, hm, non. Et pour ce qui était de l'ananas, donc ... « Sinon ouais, j'aime l'ananas ! » L'affaire était donc entendue, aussi avais-je ouvert les placards à la recherche de ce dont j'avais besoin. « La situation n'est donc pas totalement désespérée. » avais-je en tout cas répondu. Le truc c'est que j'aimais bien cuisiner, quand j'avais pas la flemme, et jusqu'à présent c'était plus ou moins la seule chose qui m'avait retenu de le faire. Ce qui était assez paradoxal, j'avais la flemme alors que je tournais comme un lion dans sa cage à longueur de journées. « T'es un Yankee alors ! » qu'elle me demande finalement tandis que j'avais sortit ce qu'il restait d'ananas du frigo ; J'en avais mangé une bonne partie ce matin au petit déjeuner, en fait. « Presque. » que je fini par répondre avant de revenir vers elle et de lui prendre son sachet de riz avant de lui demander de rester là. Fallait pas non plus pousser, je lui préparais déjà à manger, fallait pas croire qu'elle allait se tourner les pouces pendant ce temps là. « J'peux te torturer c'est clair, mais pas moyen ! J'fais pas la cuisine moi ! Je regarde ! » Levant légèrement les yeux au ciel j'avais mis une casserole sous l'évier pour la remplir, avant de la mettre sur le feu, et me retournant vers elle j'avais répondu du même ton « Alors dans ce cas regarde au moins la casserole pour surveiller l'eau, sinon tu risques aussi de me regarder pendant que je mange ton riz. » Enfin bon elle faisait ce qu'elle voulait après, j'allais pas la forcer à faire quoi que ce soit, mais j'étais pas le secours populaire moi, je faisais pas à manger aux gosses capricieux. C'était quoi son nom d'ailleurs à elle, y'allait encore falloir que je trouve un surnom à celle-là aussi ou ? « Si j'ai un prénom ? Non, bah non, j'en ai pas ! Mes parents ont oublié de m'en donner un du coup ils m'appellent machin depuis ma naissance ! » Bon, de toute évidence Sushi ne saisissait pas l'ironie, y'avait des gens comme ça, j'étais presque triste pour eux. Presque, j'ai dit. « Évidemment que j'ai un prénom, mais ouais tu peux m’appeler Sushi, c'est cool ! Et toi ? Ils ont oublié aussi tes parents ? » Couteau de cuisine dans une main, j'avais entrepris de couper mon morceau d'ananas en dés, faisant attention à ne pas me découper un doigt par la même occasion ; J'avais pas vraiment envie de rajouter l'hémoglobine aux ingrédients de ma recette. « Non non, ils voulaient un truc typique, alors ils ont tiré à pile ou face et c'est tombé sur Ananas. C'était ça ou Noix de Coco, alors je suppose que j'ai eu de la chance. »