DONIA & PAVEL
reaching out for human faith is like a journey i just don't have a map for

Je n’ai pas cherché à l’offenser, j’ai seulement voulu questionner. Il me semble que c’est tout à fait légitime de ma part de vouloir connaître les raisons pour lesquelles son regard s’est attardé sur ma silhouette depuis son arrivée à mes côtés. Je ne suis pas née de la dernière pluie et je vois bien son petit jeu, mais s’il veut me reluquer sans prendre la peine de m’adresser la parole, je vais lui tendre ma photo et lui laisser le plaisir de s’amuser sans moi. Il semble offusqué et son timbre de voix grimpe en quelque seconde, me laissant seulement le loisir d’arquer les sourcils face à cette réaction démesurée sur une interrogation qui se veut d’une légèreté… « Je n’ai jamais rien mentionné de la sorte. » fis-je en tentant de le tempérer. Rien ne sert de s’énerver pour si peu. Et gâcher cette belle soirée? Ce serait malin. Il semble avoir du mal à se contenir. Il faut dire que j’ai eu vent de son caractère bouillant – sans même connaître son prénom, je reconnais sa réputation. Je le vois dans son regard, cette flamme qui brûle à l’intérieur, rougeoyante, et je le sens sur le point d’imploser. Tout ceci est dangereux, mais je ne suis pas effrayée. J’ai l’habitude des tempéraments de feu. Je les attire. Au bout d’un moment, il déclare finalement les vraies raisons de son inspection visuelle. « Je savais bien qu’il y avait une raison… » lui accordais-je finalement. On n’observe pas une dite personne pour le simple plaisir de l’observer. Certains jugent, certains admirent, et d’autres matent. Il me semble que mon visiteur se trouve dans la troisième catégorie. Je referme doucement mon livre alors qu’il me demande justement l’intitulé de celui-ci… avant de se rétracter aussitôt, admettant finalement ne pas être intéressé de la chose. « De toute façon, il s’agit d’un vieux bouquin en français sans intérêt… » Je dépose le livre sur la table à mes côtés, lui concédant ainsi que sa présence ici même à plus de valeurs à mes yeux que ce vieux volume poussiéreux. Ça devrait le flatter. Mes doigts délicats s’affairent dans mes cheveux, que je remonte en un chignon décoiffé, dévoilant au passage quelques-uns de mes tatouages.  « Nous n’avons pas été présentées, il me semble. Je suis Donia. » Je tends l’une de mes mains vers lui, afin de sceller cette présentation sommaire de ma personne. Qu’il la serre ou la baise, je n’en ai cure. 

Il m’observe en silence et tout compte fait, c’est bien l’absence de mots qui vient à bout de ma patience. J’ai horreur que deux personnes s’observent à tout loisir sans qu’un seul échange de paroles ne soit prononcé. Je préfère encore le dialogue à un échange de regard, bien que certaines circonstances puissent contribuer à me faire apprécier la seconde option. Et pour le moment, la situation ne s’y prête pas. Pas encore. Son faux départ me laisse sur mes gardes, bien qu’en dehors des racontars qu’on lui prête, je doive avouer ne pas connaître grand-chose de mon camarade du moment. Pas même son prénom. Ça viendra. Il m’avoue la véritable raison de cette fixation à mon égard. Les gens semblent fascinés par mon apparence, un curieux attrait à mon égard qui, dois-je l’avouer, ne me laisse pas indifférente. Ces yeux qui se rivent sur mon corps, qui le reluquent et le détaillent en un coup d’œil se comparent à ces projecteurs qui me font briller de mile feu lorsque je me présente sur scène, les soirs de spectacle : ils me mettent en valeur. Et qui n’apprécierait pas d’être ainsi le centre de l’attention, ne serait-ce que pour un court instant. « J’espère que tu aurais au moins eu la décence de me prévenir… » Ce serait tout de même désastreux si une telle affreuseté en venait à abimer le parfait épiderme de mon visage. Mon propre film d’épouvante personnel. Je prends tellement à cœur mon hygiène que de laisser passer une énormité de la sorte relève tout de même du domaine de l’incroyable, mais les boutons, comme les moustiques, sont mesquins. Ils savent frapper au pire instant. Mon charmant voisin semble soudain avoir un certain intérêt pour l’œuvre littéraire entre mes mains, intérêt qui disparait en fumée l’instant d’après. Soit, je ne m’en offusque pas. Je prends même la peine de m’en débarrasser, question de laisser toute la place au candidat, et je me doute bien qu’il n’hésitera pas à se l’approprier. Les présentations sont faites en bonne et due forme, et je tends la main qu’il embrasse sans se faire prier, son regard dirigé en ma direction, que je lui rends sans sourciller. « Et pourquoi devrais-je faire une telle chose? Es-tu réellement aussi dangereux qu’on le prétend? » Mon interrogation n’est pas là pour l’irriter, encore moins le blesser. Un réel intérêt de ma personne envers l’être qu’il est me fait le questionner. Certes, j’ai eu vent de ces antécédents, mais il ne m’effraie pas pour autant. Il en faut bien plus pour me faire peur. Certains m’accuseront d’être inconsciente. Qu’ils pensent bien ce qu’ils veulent, puisque pour ma part, ça ne m’arrête pas. Ma main restera là où elle est, tant et aussi longtemps que je le voudrai. Je ne ressens pas la besoin de la lui retirer. Il tente de me faire la conversation, abordant un sujet on ne peut plus d’actualité. « Elle se passe avec lenteur, je dois l’avouer. » J’ai l’habitude d’un rythme de vie plus chargée, lors de mes tournées, notamment. « C’est, en quelque sorte, une accumulation de mauvaises surprises dont je me serais bien passée. » Jusqu’à un certain point, bien évidemment. Je ne crois pas qu’il soit vraiment utile que je les énumère.  « Mais somme toute, je commence doucement à l’apprécier. » À croire que malgré tout, on fini toujours pas s’adapter. Je ne prétends pas m’être totalement intégrée à la communauté qui habite le nid depuis quelques semaines, mais je pense tout de même y avoir ma place. Après tout, si Cupidon m’a ouvert les portes de sa demeure, ce ne doit pas être pour simplement y faire joli. Enfin, peut-être bien que oui, mais je doute que ce soit la seule et unique raison de ma présence ici. « Est-ce totalement cliché si je te retourne la question? » fis-je en la lui posant, de toute façon.